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Droit international privé

Affaire Inkreal (C‑566/22) : la CJUE confirme que l’article 25 du Règlement Bruxelles Ibis régissant les conventions attributives de juridiction peut s’appliquer dans une situation (d’apparence) purement interne

Dans Inkreal (affaire C‑566/22 du 8 février 2024), la Cour de justice de l’Union européenne (la « CJUE ») a jugé qu’une convention attributive de juridiction par laquelle les parties à un contrat établies dans un même État membre conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre pour connaître de litiges nés de ce contrat relève de l’article 25 du Règlement Bruxelles Ibis, même si ledit contrat ne comporte aucun autre lien avec cet autre État membre. Ce faisant, la CJUE clarifie la notion d’ « élément d’extranéité » qui conditionne l’applicabilité de l’article 25 du Règlement Bruxelles Ibis.

En l’espèce, deux sociétés établies en Slovaquie avaient conclu des contrats de prêt d’argent qui contenaient chacun une clause d’élection de for en faveur des juridictions tchèques. Un litige est porté devant la Cour suprême de la République tchèque à la suite du non-remboursement des prêts. Cette juridiction s’interroge sur l’existence dans la situation d’espèce d’un « élément d’extranéité » qui justifierait l’application de l’article 25 de Règlement Bruxelles Ibis. Elle décide alors de poser à la CJUE la question en substance suivante : la seule circonstance que deux parties établies dans un même État membre conviennent de la compétence des juridictions d’un autre État membre suffit-elle à établir l’élément d’extranéité requis pour appliquer l’article 25 du Règlement Bruxelles Ibis ?

S’écartant des conclusions de l’Avocat général M. Jean Richard de la Tour, la CJUE répond à cette question par l’affirmative. Elle considère que l’élément d’extranéité requis est présent en l’espèce car (i) les parties au litige sont établies dans un État membre (la Slovaquie) autre que l’État membre de la juridiction qui a été saisie sur la base de la convention attributive de juridiction (la République tchèque) ; et (ii) le litige soulève une question relative à la détermination de la compétence internationale (à savoir, qui des juridictions tchèques ou slovaques sont compétentes internationalement pour connaître de l’affaire).

La Cour estime que cette réponse affirmative se justifie en outre au regard des objectifs de respect de l’autonomie des parties et de renforcement de l’efficacité des accords exclusifs d’élection de for, ainsi que du haut degré de prévisibilité des règles de compétence et de sécurité juridique.

La Cour rejette également l’argument selon lequel il conviendrait de tenir compte de l’incidence de la Convention de la Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for. L’article 1.2 de cette Convention dispose que l’élément d’extranéité requis pour son application n’est pas rencontré « si les parties résident dans le même Etat contractant et si les relations entre les parties et tous les autres éléments pertinents du litige, quel que soit le lieu du tribunal élu, sont liés uniquement à cet Etat ». La Cour souligne que le législateur européen a fait le choix de ne pas intégrer de disposition similaire dans le Règlement Bruxelles Ibis, ce qui justifie la différence d’interprétation de celui-ci par rapport à la Convention.

En conclusion, dans Inkreal, la Cour clarifie que l’article 25 du Règlement Bruxelles Ibis peut trouver à s’appliquer dans des situations (d’apparence) purement internes. À cet égard, il est intéressant de souligner que le Règlement Bruxelles Ibis ne contient pas de mécanisme similaire aux clauses d’exception que l’on retrouve traditionnellement en matière de conflit de lois (voy. par exemple l’article 3.3. du Règlement Rome I et l’article 19 du Code de droit international privé).

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