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Cour d'appel Liège, 15/10/2002, R.D.C.-T.B.H., 2004/2, p. 138-140

Cour d'appel de Liège 15 octobre 2002

BANQUE - CRÉDIT - COMPTE - CONCORDAT
Effet de la demande de concordat - Suspension des crédits - Convention de compte courant - Clause d'unicité de compte
La continuation des contrats en cours constitue la règle, malgré une demande de concordat, sauf si la loi en dispose autrement.
Il n'y a dissolution de plein droit des contrats intuitu personae qu'en cas d'impossibilité matérielle ou juridique d'exécution.
La suspension des crédits n'entraîne pas la fin de la convention de compte courant dès lors que celui-ci a continué de fonctionner normalement.
La clôture du compte courant intervient lorsque l'impossibilité juridique de poursuivre l'exécution du contrat est consacrée par le jugement de faillite. C'est à cette date qu'il faut se placer pour établir les comptes entre parties.
La clause d'unicité de compte est opposable en cas de faillite dès lors qu'elle constate une réelle connexité, ce que les tribunaux se réservent de vérifier.
BANK - KREDIET - REKENING - GERECHTELIJK AKKOORD
Gevolg van de aanvraag tot een gerechtelijk akkoord - Opschorting van de kredieten - Rekening-courantovereenkomst - Clausule inzake eenheid van rekening
De voortzetting van de lopende contracten is de regel ondanks een aanvraag tot een gerechtelijk akkoord, behalve indien de wet anders beschikt.
Er is van rechtswege slechts opschorting van de contracten intuitu personae in geval van materiële of juridische onmogelijkheid tot uitvoering.
De opschorting van de kredieten leidt niet tot het einde van de rekening-courantovereenkomst daar deze normaal is blijven functioneren.
De rekening-courant wordt afgesloten wanneer de juridische onmogelijkheid om de uitvoering van het contract voort te zetten, wordt bekrachtigd door het faillissementsvonnis. Deze datum geldt voor de opstelling van de rekeningen tussen partijen.
De clausule inzake eenheid van rekening kan in geval van faillissement worden ingeroepen daar deze een werkelijke verknochtheid vaststelt; de rechtbanken behouden zich voor dit te controleren.

Cavenaille P. et Pauquay A. / faillite SA Sodemeca/SA BBL

Mr. de Francquen (président), Mme Jacquemin et Mr. Ligot (conseillers)
Mes Cavenaille, Pauquay, Simont et Foriers

Vu l'appel du jugement rendu le 31 janvier 1995 par le Tribunal de commerce de Liège interjeté le 6 mars 1995 par Me Pierre Cavenaille et Me André Pauquay en leur qualité de curateurs à la faillite de la sa Société de Développement des Industries Mécaniques en abrégé Sodemeca;

Attendu que les appelants postulent la condamnation de l'intimée au remboursement des montants qui ont été portés au crédit des comptes dont la société faillie était titulaire dans ses livres, abstraction faite des sommes débitées de ceux-ci, entre le 23 septembre 1980, date du dépôt par Sodemeca d'une requête en concordat judiciaire et le 29 octobre 1980, date du jugement déclaratif de faillite;

qu'en degré d'appel, les appelants renoncent à réclamer le remboursement par la banque de la somme de 81.389,72 euros pour laquelle l'intimée peut justifier d'un gage sur créances; que la réclamation des curateurs est ainsi réduite à 414.081,52 euros majorés des intérêts au taux légal depuis le 1er octobre 1980;

Attendu que les éléments essentiels du litige sont les suivants:

  1. le 16 juin 1978, la BBL consent à Sodemeca une ouverture de crédit unique de 150.000.000 FB qui sera portée par la suite à 160.000.000 FB;
  2. il était prévu que cette ouverture de crédit était utilisable dans quatre comptes courants différents pour des raisons techniques résultant à la fois des modes d'utilisation et de la destination de certaines tranches de l'ouverture de crédit; il n'y a donc pas en l'espèce deux contrats distincts d'ouverture de crédit et de compte courant mais une convention unique d'ouverture de crédit en compte courant;
  3. tant les lettres d'ouverture de crédit qui se sont succédées et qui portent sur le même crédit que le règlement général des ouvertures de crédit et celui des opérations de la banque qui régissent les relations entre parties comportent une clause d'unicité et une clause de fusion;
  4. l'article 8, c du règlement général des ouvertures de crédit prévoit que 'La Banque se réserve le droit de suspendre les effets des ouvertures de crédit ou d'y mettre fin sans préavis' 'en cas de faillite ou de déconfiture du crédité, de demande de sursis de paiement ou de concordat judiciaire';
  5. le 23 septembre 1980, Sodemeca dépose une requête en concordat judiciaire par abandon d'actif avec poursuite provisoire d'activité 'dans le but de mener à bien le transfert prévu de certaines (de ses activités)';
  6. le 24 septembre 1980, la BBL suspend l'utilisation des crédits mais non celle des comptes courants qui continueront jusqu'au jour de la faillite à être mouvementés par des remises réciproques;

Attendu que les curateurs soutiennent que le dépôt de la requête en concordat a mis fin aux comptes courants en sorte que la compensation opérée par la BBL aurait été injustifiée;

Attendu que 'La règle est, comme en matière de faillite la continuation des contrats en cours; malgré une demande de concordat, sauf si la loi prévoit expressément leur extinction en ce cas' (T.P.D.C., tome II, n° 667);

que pour ce qui est des conventions conclues intuitu personae, il n'y a dissolution de plein droit qu'en cas d'impossibilité matérielle ou juridique d'exécution; qu''Hormis ce cas, la situation est celle du droit commun en fonction de l'attitude prise tant par le juge délégué ou le liquidateur que par le cocontractant bénéficiaire de l'intuitu personae. La clôture du compte courant n'est qu'une faculté pour la banque, généralement réglementée par les conditions générales; il en est de même pour l'ouverture de crédit' (T.P.D.C., tome II, n° 667; L. Simont et A. Bruyneel, 'Chronique de droit bancaire privé (1978-1979)', Rev. banque 1979, pp. 684 et 685; Ph. Colle, Het juridisch kader van de faillissementsvoorkoming, n° 118, p. 142);

Attendu que 'C'est en vain à cet égard que l'on objecterait que le dépôt de la requête en concordat crée un concours. Le concours en tant que tel n'est pas une cause de dissolution des contrats en cours' (P.A. Foriers, La caducité des obligations contractuelles par disparition d'un élément essentiel à leur formation, n° 113, p. 118);

Attendu que la licéité de la clause figurant sous l'article 8, c du règlement général des ouvertures de crédit de l'intimée qui accorde à la Banque la faculté de suspendre les effets du crédit ou d'y mettre fin sans préavis en cas de demande de concordat judiciaire n'est pas discutée; qu'elle est d'ailleurs certaine (Comm. Bruxelles 21 février 1985, R.D.C. 1986, 635 et les nombreuses références);

que de l'accord des parties, les comptes courants et plus particulièrement deux d'entre eux, les comptes 340-0085347- 25 et 320-0200680-57 ont continué à fonctionner normalement jusqu'au jour de la faillite; qu'il y a eu de nombreuses remises en compte courant et que des virements ont été exécutés ce qui se conçoit aisément puisque les activités ont été poursuivies avec, du moins est-il permis de le penser, les parties ne s'étant pas expliquées sur ce point, l'autorisation du juge-délégué;

qu'ainsi, il y a eu des crédits pour 15.552.905 FB et 1.151.102 FB soit 16.704.007 FB et des débits pour 8.223.280 FB et 1.312.287 FB soit 9.535.567 FB;

Attendu que la suspension des crédits n'a donc pas entraîné la fin de la convention de compte courant qui unissait les parties;

Attendu que la clôture des comptes courants et de l'ouverture de crédit intervient le 29 octobre 1990 lorsque l'impossibilité juridique de poursuivre l'exécution du contrat a été consacrée par le jugement déclaratif de faillite;

que c'est à cette date qu'il faut se placer pour établir les comptes entre parties;

Attendu que la clause d'unicité de compte est opposable à la masse dès lors qu'elle a été conclue sans fraude, in tempore non supecto (Cass. 28 février 1985, Pas. 1985, I, 795, n° 390) ce qui est le cas en l'espèce;

Attendu que 'les conventions d'unicité de comptes qui se bornent à constater que plusieurs comptes d'un client ne sont en réalité que les sous-comptes d'un compte unique dont les soldes se compenseront lors de la clôture sont opposables en cas de faillite à condition qu'elles constatent une réelle connexité, ce que les tribunaux se réservent de vérifier' (T.P.D.C., tome 2, n° 379);

qu'en l'espèce, la preuve de l'existence de cette connexité résulte de l'existence du contrat cadre dans lequel les différents comptes courants ont été ouverts soit l'ouverture de crédit unique du 16 juin 1978;

Attendu que la tenue de diverses rubriques qui sont relatives à l'octroi d'un seul crédit ne fait pas obstacle à l'unicité des comptes; qu'il en va de même en ce qui concerne l'octroi de garanties spécifiques liées à l'utilisation bien précise de telle ou telle partie du crédit;

que l'ouverture des quatre comptes courants distincts ne constitue rien d'autre qu'une modalité du contrat d'ouverture de crédit et que la connexité entre ces différents comptes est certaine;

Attendu qu'en raison de l'existence d'un compte unique constaté par la clause d'unicité de compte, l'intimée a pu à bon droit imputer le solde créditeur des comptes positifs de Sodemeca dans ses livres sur les soldes débiteurs des comptes débiteurs de cette société au jour de la faillite;

Par ces motifs,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935,

La cour statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne les appelants aux dépens d'appel liquidés pour l'intimée à 396,63 euros.