Article

Résolution alternative des conflits. Les diverses expressions de la Justice au sein du monde économique et social, R.D.C.-T.B.H., 2016/10, p. 891-911

Les diverses expressions de la Justice au sein du monde économique et social

Guy Horsmans [1]

TABLE DES MATIERES

A. L'unité de la Justice dans la diversité de ses expressions que consacrent les ADR/MARC

B. Les spécificités des procédures consensuelles et de l'arbitrage

C. Le choix et ses raisons

RESUME
La Justice nous concerne tous et nous devons tous collaborer à sa qualité et à son bon fonctionnement sous l'égide et le contrôle des Cours et des Tribunaux créés à cette fin.
De plus en plus de législateurs et d'autorités publiques nous convient d'y veiller en privilégiant le règlement des conflits par des voies amiables auxquelles ils ont réservé toute leur attention et à la réussite desquelles ils ont conféré la valeur et la qualité d'un jugement.
L'espoir est de réduire, par ces procédures amiables, l'encombrement des Cours et des Tribunaux. Mais au-delà de cet objectif de nature prioritairement budgétaire, la réussite de ces voies juridictionnelles alternatives peut apporter une contribution de choix à l'esprit de compréhension, de dialogue et de pleine intégration sociale qui anime le monde judiciaire.
Il s'impose donc que notre société en général et le monde juridique en particulier apportent à cet esprit et à la promotion de cette Justice nouvelle une collaboration juridictionnelle de qualité aussi créative que constructive.
Les quelques réflexions de cet article entendent contribuer à cette recherche en soulignant l'unité de la justice dans la diversité de ses expressions et notamment de celles que comportent la conciliation, la médiation et l'arbitrage et en avançant quelques idées qui pourraient aider à choisir, parmi toutes les voies juridictionnelles, la voie la plus appropriée au règlement de chaque litige.
L'appel au dialogue le plus large, qui est la finalité première de cette contribution, s'adresse, au premier chef, aux praticiens car comme l'a souligné J. Guillery dans son commentaire, publié en 1874, de la législation sociétaire moderne belge de 1873, les justiciables, en général, s'occupent peu des principes en eux-mêmes. Ils demandent moins à la science qu'à la pratique … la science sans application n'est qu'une abstraction, qu'un trait brillant lancé dans l'espace, une lumière qui brille sans éclairer …
SAMENVATTING
Justitie belangt ons allen aan en we dienen allemaal aan haar kwaliteit en goede werking bij te dragen, onder leiding en controle van de Hoven en de Rechtbanken die ten dien einde werden opgericht.
Meer en meer wetgevers en overheidsinstanties nodigen ons uit hiervoor te zorgen door de voorkeur te geven aan vormen van minnelijke geschillenbeslechting, waaraan ze al hun aandacht hebben toegewijd en aan het succes waarvan zij de waarde en draagwijdte van een vonnis hebben toegekend. Door deze minnelijke procedures, hoopt men de overbelasting van de Hoven en Rechtbanken te verminderen. Maar verder dan dit doel, dat uiteraard hoofdzakelijk budgettair is, kan het succes van zulke vormen van alternatieve geschillenbeslechting een uitmuntende bijdrage leveren tot de geest van begrip, dialoog en volwaardige maatschappelijke integratie die de juridische wereld bezielt.
Onze maatschappij in het algemeen en de juridische wereld in het bijzonder moeten tot deze geest en tot de bevordering van deze nieuwe Justitie een kwaliteitsvolle rechtsprekende samenwerking leveren, die zowel creatief als constructief moet zijn.
Met de beschouwingen van deze bijdrage probeert de auteur tot deze beweging bij te dragen door de eenheid van de justitie te benadrukken ondanks - of dankzij - de verscheidenheid van de kanalen waardoor zij tot uitdrukking komt zoals minnelijke schikking, bemiddeling en arbitrage, en door enkele ideeën op te werpen die zouden kunnen helpen om, tussen alle mogelijke rechtsprekende wegen, de meest geschikte te kiezen voor de beslechting van elk geschil.
De oproep tot dialoog in de breedste zin des woords, die het voornaamste doel is van deze bijdrage, richt zich in de eerste plaats tot de rechtspractici nu, zoals J. Guillery het benadrukte in zijn commentaar van de moderne vennootschapsrechtelijke Belgische wetgeving van 1873, gepubliceerd in 1874, de rechtszoekenden in het algemeen, houden zich maar weinig bezig met de principes zelf. Ze doen minder beroep op de wetenschap dan op de praktijk … de wetenschap zonder toepassing is slechts een abstractie, een lichtschittering in de ruimte, een licht dat schijnt zonder verlichten …

1.Le Code judiciaire est à la veille de fêter son cinquantenaire. Charles Van Reepinghen, qui a été mon professeur et mon maître de stage, avait été chargé de la rédaction de son projet aux fins de remédier aux complexités, aux lenteurs et aux coûts de la Justice. Ces mêmes doléances se répètent aujourd'hui à loisir et paraissent encore plus graves et plus profondes en raison de l'insuffisance des moyens alloués à la Justice.

Le ministre de la Justice en est conscient et de nombreuses réformes procédurales viennent d'être votées à son initiative [2]. L'avenir plus ou moins proche dira si le cinquantenaire du Code judiciaire pourra ainsi, malgré tout, être fêté sous les meilleurs auspices et porter, à tout le moins, l'espoir d'une amélioration sensible de la situation actuelle.

2.Que pense le monde économique et social de la pertinence et de l'adéquation de ces réformes et de l'état des pratiques juridictionnelles? Quelles sont les sources éventuelles de sa satisfaction ou de ses doléances? Quelle est sa politique dans le recours à la procédure arbitrale dont ses propres milieux spécialisés ont obtenu récemment, par un vote unanime du législateur, les réformes souhaitées? Qu'en est-il de la pratique des procédures consensuelles que le législateur a confirmées, organisées et précisées et dont, sans en être le premier demandeur, le monde économique et social ne cesse cependant de souligner l'intérêt et la valeur?

Le monde économique et social devrait s'interroger sur les raisons pour lesquelles il a ou il n'a pas fréquemment recours aux diverses voies juridictionnelles qui, à côté de la voie judiciaire traditionnelle et en parfaite harmonie avec elle, sont à son entière disposition [3].

La première impression est que le recours à ces modes alternatifs est assez limité et est, en tout cas, sans proportion avec la multitude et l'importance des appréciations formulées en leur faveur et des études, des publications et des colloques qui y sont consacrés. Est-ce exact? Et si oui, pourquoi?

Peut-on et doit-on même partager l'enthousiasme dont témoigne le Journal des Tribunaux en intitulant un de ses derniers numéros: La médiation a le vent en poupe! et lorsque, en prolongement de ce titre, notre estimé confrère, Patrick Van Leynseele fait part de sa profonde conviction selon laquelle « Les MARCS, qu'on le veuille ou non, vont faire de plus en plus partie de notre paysage » [4].

3.Quelles sont les réalités concrètes? Des agents économiques accomplissent-ils et réussissent-ils leurs activités sans le secours de procédures judiciaires? Si oui, quelle est néanmoins, pour eux et pour les autres, l'importance de leur confiance dans le bon fonctionnement de la Justice aux niveaux de la prise de leurs initiatives et de la gestion de leurs activités? Quelle est, lorsque des acteurs économiques et sociaux doivent introduire ou subir des procédures judiciaires, la proportion de leur contentieux par rapport à leur chiffre d'affaires et quel est le coût qu'il représente dans leur budget et dans leurs dépenses? Ce contentieux s'exprime-t-il uniquement selon la procédure judiciaire contentieuse au sein des Cours et Tribunaux? Dans quelle proportion les agents économiques engagent-ils ou sont-ils invités à ces fins dans la voie arbitrale ou dans l'une ou l'autre voie alternative qui est à leur disposition et dont ils ont la maîtrise?

Le moment paraît venu d'essayer de faire le point de ces réalités concrètes au-delà des espoirs des uns et de l'indifférence ou du scepticisme des autres.

Il y va de la connaissance du suivi qu'en Belgique comme dans d'autres pays, les agents économiques réservent et réserveront aux appels et souhaits que leurs législateurs ont émis en écho à ceux des milieux convaincus des démarches consensuelles dans le règlement des litiges. Mon collègue et ami, le professeur Guido Alpa évoque en ce sens la loi italienne du 10 novembre 2014 dans la contribution, reprise ci-après, et qu'il a rédigée en la qualité, qui était alors la sienne, de président des avocats d'Italie [5]. Les autorités belges formulent et répètent le même espoir de voir les justiciables recourir davantage aux modes alternatifs de règlement des litiges et de réduire d'autant le nombre de procédures judiciaires traditionnelles et de désengorger ainsi l'encombrement actuel des Cours et des Tribunaux.

Où en est-on et quelles sont les perspectives d'une multiplication éventuelle du recours effectif aux modes alternatifs de règlement juridictionnel?

Il va de soi qu'en l'état, les agents économiques et sociaux font et feront leur choix en toute liberté et en pleine appréciation souveraine. Ils ne doivent pas, quels que soient les espoirs du législateur et des autorités publiques, y veiller en qualité de « bon citoyen » à la seule fin de contribuer à la réduction des dépenses publiques mais parce que bien informés et donc en pleine connaissance de cause de leur choix et des diverses possibilités qui en résultent, ils estiment que selon toute vraisemblance, ils recueilleront d'importants avantages et de sérieuses plus-values de la voie juridictionnelle qu'ils choisiront.

La Revue de droit commercial belge sollicite le concours informatif et explicatif de tous ceux qui peuvent l'éclairer à ce sujet et qui pourraient lui communiquer, même, bien entendu, sans faire expressément mention du nom des parties eu égard à la confidentialité qui est souvent souhaitée et poursuivie, un bref résumé des données du conflit et des raisons et des causes pour lesquelles, selon eux, tel mode alternatif a été choisi et a réussi à aboutir à un accord ou a échoué dans sa tentative.

Le souhait de la Revue est de dépasser la proclamation de l'existence et des possibilités de ces modes alternatifs et la description de leurs caractéristiques, de leurs avantages et de leurs limites pour analyser leurs pratiques concrètes et leurs apports réels à l'accomplissement de l'oeuvre de justice.

Ce premier appel porte sur les trois modes de règlement alternatif des litiges auxquels le législateur a consacré des dispositions plus ou moins récentes, étant la loi du 24 juin 2013 modifiant la sixième partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage; la loi du 21 février 2005 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la médiation et les dispositions révisées des article 731 à 734 (la conciliation) et de l'article 977 (l'expert tente de concilier les parties) [6].

A. L'unité de la Justice dans la diversité de ses expressions que consacrent les ADR/MARC [7]

4.Le droit d'obtenir justice et les accords amiables. L'apparition et le développement des divers modes alternatifs de règlement des conflits n'ont pas modifié les principes de recherche de justice qui en sont à la base mais ils élargissent ou paraissent élargir leur champ d'application et les modalités de leur exercice.

Les droits de l'homme comportent sans conteste celui de demander et d'obtenir « justice » et toute démocratie doit assurer le respect et la bonne fin de ce droit aux conditions qu'elle fixe et arrête dans le respect des normes constitutionnelles et légales et dans la dignité de ceux qui le revendiquent.

Les droits démocratiques doivent aussi reconnaître et consacrer la liberté de ceux qui y sont soumis de prendre, dans le respect de l'ordre public et des normes impératives, les dispositions de leur choix pour régler à l'amiable ou tenter de régler à l'amiable les différends, les conflits et les litiges qui surgissent dans le cadre de leurs structures ou de leurs activités de toute nature.

5.Les dispositions légales consacrant et facilitant les procédures amiables (les ADR/MARC). Les dispositions légales relatives aux négociations et aux tentatives de règlement amiable paraissent aussi bien superflues dans la mesure où le succès de telles entreprises et de telles démarches dépend totalement de la liberté souveraine des parties.

Les idées des ADR/MARC sont effectivement apparues et ont créé un mouvement en leur faveur sans la moindre intervention ou consécration légale et leur évolution aurait pu se poursuivre dans les mêmes conditions. Mais le succès de leur pratique est demeuré très limité.

Ceux qui étaient convaincus de la pertinence et du bien-fondé des ADR/MARC ont alors estimé que le succès des procédures consensuelles s'élargirait si le législateur proclamait leur reconnaissance et leur consécration et arrêtait certaines dispositions pour résoudre des difficultés ou des problèmes qui pouvaient se poser dans le cadre de ces tentatives de règlement amiable.

Si l'intervention du législateur était, dans son principe, superfétatoire, son utilité était réelle au niveau des précisions techniques qu'elle comportait au-delà du caractère discutable de certains de ses choix. Il n'est pas non plus niable qu'une loi éclaire et rassure un certain nombre de personnes même dans l'exercice de leurs libertés et qu'elle augmente ainsi la sécurité juridique que chacun recherche en général et, en particulier, le monde économique et social.

Mais l'importance des dispositions légales, dont nous ferons état, résulte surtout et avant tout de la reconnaissance et de la consécration légales des diverses expressions de l'oeuvre de justice et de son unité sous le couvert et l'égide des Cours et Tribunaux.

L'intervention du législateur est importante parce qu'elle confère aux réussites consensuelles la valeur d'un jugement et rapproche ainsi ce qui se fait au sein des Cours et Tribunaux et ce qui se fait, dans le respect des dispositions légales, totalement ou partiellement en dehors de toute intervention d'un membre de l'Ordre judicaire. L'espoir est celui d'une valorisation de la Justice à la faveur d'une multiplication des procédures consensuelles en harmonie totale et complète avec les missions traditionnelles des Cours et des Tribunaux dont les membres sont appelés, par les milieux convaincus des « vertus » des voies juridictionnelles consensuelles, à en être les promoteurs, voire les initiateurs et les accompagnateurs et, s'il échet, leurs guides et leurs contrôleurs [8].

6.L'unité de la Justice en toutes ses expressions. Les voies et les expressions de la Justice sont diverses mais elles se rejoignent et convergent dans les finalités qu'elles poursuivent. Elles doivent toutes assurer et garantir, sous l'égide et l'autorité des Cours et Tribunaux, l'état de droit et permettre à chacun de s'épanouir librement dans son respect. Il est, dans cette perspective, très significatif que les dispositions légales nouvelles confèrent aux accords amiables de règlement des conflits, qu'ils résultent d'une conciliation ou d'une médiation, la valeur et les effets d'un jugement. Il est tout aussi remarquable que l'évolution du droit et de la pratique de l'arbitrage n'a cessé de consacrer un rapprochement, au point que l'on peut même parler d'identification, de l'arbitre au juge et de la soumission du juge privé qu'est l'arbitre aux mêmes exigences et aux mêmes conditions auxquelles le juge public est nécessairement et structurellement soumis dans la mission de juger qui est la sienne.

L'unité de la Justice dans la diversité de ses expressions implique qu'en recherchant la même finalité, étant la certitude et la proclamation du droit qui mettent fin au conflit, il s'impose de suivre et de respecter les exigences et les conditions de la voie choisie.

7.La promotion de la pratique des accords amiables. La possibilité du choix des procédures consensuelles pour le règlement des litiges est connue ou devrait l'être. La politique législative et celle du gouvernement entendent en tout cas valoriser et promouvoir, au premier chef, cette liberté de choix du mode de règlement des conflits et partant, celle des conditions et des modalités sous lesquelles les parties concernées peuvent y participer plus directement et y exercer elles-mêmes un rôle plus ou moins déterminant. Tous ceux qui sont convaincus des valeurs et des mérites des procédures consensuelles et les centres et les institutions qui s'y consacrent ne cessent évidemment de faire de même.

Toutes ces incitations tendent à convaincre les justiciables à réfléchir à la diversité du choix qui est le leur et à décider en conséquence de suivre la procédure qui leur paraît la plus appropriée puisque toutes les procédures consensuelles peuvent, en cas de conclusion d'un accord, aboutir à un « jugement ». Les parties obtiennent ce jugement par une autorité qui le prononce lorsqu'elles portent leur litige devant les Cours et Tribunaux ou lorsqu'elles choisissent la voie arbitrale. Elles doivent le façonner et l'élaborer elles-mêmes de commun accord lorsqu'elles cherchent à régler leur différend par le biais de la conciliation ou de la médiation.

8.La déception des réalités. Les réalités judiciaires ne font malheureusement pas état d'une évolution qui résulterait d'une conscience élargie et affirmée de la possibilité de ce choix et d'une réelle augmentation des procédures alternatives par rapport à la procédure traditionnelle devant les Cours et Tribunaux qui demeure la voie judiciaire tout à fait dominante.

Le peu de comparutions volontaires (art. 706 du Code judiciaire) pour introduire la procédure devant les Cours et Tribunaux est révélateur des difficultés de procéder, face à un conflit et à un litige, aux démarches communes qu'impliquent les procédures consensuelles et est une des explications de l'absence d'évolution significative dans le choix de ces procédures.

Une autre explication se retrouve sans doute dans le sentiment, sinon l'opinion, fondée ou non sur des expériences concrètes et/ou le constat de l'échec d'invitations légales ou contractuelles en ce sens, que les tentatives de conciliation et d'accord aboutissent rarement au résultat recherché et qu'il paraît naïf de croire à la pertinence et aux chances de réussite d'une procédure consensuelle lorsque les parties y ont vainement procédé de leur propre chef et que leurs conseils, qui en ont été éventuellement chargés, n'y ont pas davantage réussi.

Il faut aussi tenir compte de la satisfaction que l'on peut éprouver en « traînant » la ou les parties avec lesquelles on est en litige « en justice » et de solliciter et d'obtenir publiquement à leur charge, de la part de l'autorité judiciaire publique, la condamnation requise.

Mais, au-delà de toutes ces considérations et d'autres, l'explication la plus simple et la plus vraisemblable du statu quo de la texture judiciaire et de la normalité, sinon de l'exclusivité du choix des procédures contentieuses devant les Cours et Tribunaux, paraît bien résider dans la force des traditions et des habitudes. Les mondes juridique et judiciaire y sont très attachés dans l'accomplissement de leurs missions qui comportent d'assurer, dans leurs fonctions judiciaires et juridiques, la sécurité juridique au profit de tous et de chacun.

Les juristes sont formés dans cette optique et leur pratique, de service et de compétence, y fait écho.

Il faut aussi constater et relever, à regret, que parallèlement à la recherche consensuelle de règlement des conflits, les relations entre les parties et leurs conseils témoignent souvent, depuis ces dernières décennies, d'un esprit, d'une politique et d'une stratégie d'attaque et d'agressivité où l'on préfère manifestement donner, autant que possible, des coups à l'adversaire plutôt que l'inviter paisiblement et éthiquement à des rencontres et à la recherche d'une écoute réciproque et d'un dialogue constructif.

9.L'espoir d'une évolution. Faut-il se satisfaire des réalités actuelles ou tenter d'en faire évoluer le cours?

Il s'impose à l'évidence de poser la question et de veiller à une meilleure connaissance et à une meilleure compréhension de toutes les possibilités procédurales qui sont à la disposition de tous les litigants. Au-delà, le choix effectif et concret de telle ou de telle procédure pour le règlement d'un litige dépend totalement, en l'état, de la liberté et de la décision souveraine des parties en litige.

Les évidences historiques et actuelles comportent que le service public de la justice est à la disposition de tous ceux qui en sollicitent l'intervention et la décision dans le respect, bien entendu, de la Constitution et des lois en général et du Code judiciaire en particulier. Le demandeur le requiert de son chef et il n'a pas besoin, à cette fin, de l'accord de la partie pour l'appeler « en justice ».

En revanche, la procédure arbitrale et les autres modes de règlement amiable des conflits imposent, quant à eux, la démarche et la volonté commune des parties de s'y engager. Cette appréciation souveraine qui appartient à chaque partie en litige participe de l'essence et de la nature même des procédures consensuelles.

10.Le rôle du législateur et des autorités publiques. Il est évident qu'une multiplication substantielle des procédures consensuelles entraînerait une diminution du coût de la Justice publique et répondrait, à son niveau, aux finalités et aux attentes de la politique de réduction des déficits publics et d'une meilleure maîtrise des coûts et des dépenses qu'implique le bon fonctionnement des Cours et des Tribunaux.

Le législateur a espéré promouvoir et développer ce mouvement consensuel en arrêtant et en promulguant des lois spéciales à cette fin. Doit-il déjà les revoir et les corriger et les compléter pour les rendre plus efficaces? Des projets sont évoqués en ce sens [9].

Quelle que soit la pertinence des précisions et des corrections qui sont ainsi envisagées et proposées, l'essentiel est de persuader et de convaincre les parties concernées et leurs conseils des plus-values dont ils peuvent bénéficier sous l'égide des procédures consensuelles. Une telle persuasion et une telle conviction ne se commandent pas et ne s'imposent pas. Les obligations et les sanctions ne doivent pas y avoir cours dans la mesure où elles ne contribuent généralement pas à la promotion du consensualisme. Leur source n'est pas, en effet, dans l'obéissance à la loi mais dans l'adhésion personnelle à la pertinence et à la valeur des dispositions et des possibilités que la loi propose et au partage de ces idées et de leur appréciation positive par le plus grand nombre de ceux qui sont confrontés aux mêmes situations et aux mêmes problèmes.

La pratique des procédures consensuelles est le seul vecteur de leur réussite et de l'importance que l'on espère qu'elles prennent dans l'accomplissement de l'oeuvre de justice.

11.Les juges. La mission de concilier est naturellement et intrinsèquement inhérente à la mission de juger [10]. Il s'impose de le rappeler sans cesse à tous les juges dans l'accomplissement de leur mission. Il faut aussi que tous les acteurs du monde judiciaire y soient particulièrement attentifs et fassent davantage application de l'article 731 du Code judiciaire, étant la soumission, à la requête d'une des parties ou de leur commun accord, de la demande introductive d'instance « à fin de conciliation au juge compétent pour en connaître au premier degré » [11].

Quant aux autres procédures consensuelles, elles peuvent s'introduire et se dérouler sans l'intervention des juges publics qui n'est requise que pour aider à leur bon fonctionnement et à leur suivi et pour leur conférer, après leur contrôle légalement requis, la pleine valeur que la loi leur attribue et leur reconnaît.

Telle est la collaboration que les juges publics prêtent aux procédures arbitrales. Ils n'ont jamais estimé, sauf peut-être de manière rarissime, qu'il leur appartenait de promouvoir l'arbitrage et de suggérer aux parties, qui les saisissaient, de soumettre plutôt leur litige à l'arbitrage de juges privés.

En revanche, lentement mais sûrement, des magistrats et des juridictions manifestent, en nombre croissant, leur adhésion, de compréhension et de sympathie, à la procédure de médiation et leur souhait de bénéficier du même esprit dans le déroulement des procédures qui leur sont soumises. Des initiatives se multiplient ainsi, au sein de multiples juridictions, pour informer au mieux les justiciables des possibilités que comportent les procédures consensuelles en général et la procédure de médiation en particulier et pour les inciter à y avoir recours [12].

Il faut se réjouir de cette politique promotionnelle qui se veut porteuse d'un nouvel esprit dans l'accomplissement de l'oeuvre de justice et poursuivre, dans cette perspective, les réflexions qu'il suscite et comporte.

12.Le nouvel esprit et les réflexions qu'il requiert.

12.1. Après discussion, le législateur n'a pas voulu que les magistrats soient des médiateurs mais, en l'état, des juges publics apparaissant comme étant parmi les meilleurs connaisseurs, promoteurs, initiateurs et accompagnateurs de la médiation!

La médiation a incontestablement le grand mérite de mettre en évidence que le règlement amiable du litige qui est sa finalité et la recherche de la conciliation qu'il implique ne se résument pas à des questions de droit mais comportent aussi et sans doute au premier chef, une attention prioritaire et privilégiée à la personnalité même des litigants et partant à leurs idées, à leurs sentiments, à leurs comportements, à leurs réactions, à leurs attentes, à leurs actes et à leurs démarches.

Les conciliateurs et les magistrats qui pratiquaient et qui pratiquent la conciliation le savent de longue date, peut-être de manière inconsciente. Il est heureux qu'ils y soient davantage attentifs à la lumière et en application des principes et des pratiques de la médiation.

Je crois personnellement, sans méconnaître leur problématique légale spécifique, que la conciliation et la médiation se rejoignent, l'essentiel étant, dans l'une et l'autre procédure, d'aboutir, autant que faire se peut, au règlement amiable du litige.

12.2. Jusqu'où les juges publics peuvent-ils informer les justiciables à propos de la procédure de médiation et les « inciter » à y avoir recours?

Ils ne peuvent les « contraindre » à faire ce choix dans la mesure où, en l'état, celui-ci dépend entièrement de la libre et souveraine décision des parties. L'incitation des juges ne peut donc aller au-delà d'une invitation aux parties mais celle-ci ne comporte-t-elle pas, presque naturellement, « une contrainte »? Quelle est la partie qui se risquerait, en effet, à « déplaire » au juge en ne suivant pas son avis et sa recommandation ou qui, en ce faisant, ne songera pas à attaquer le jugement qui serait rendu à son encontre par un juge déçu de ne pas avoir été suivi dans son invitation « consensuelle »?

Il est temps, me paraît-il, de réfléchir au rôle qui pourrait et qui devrait être celui des juges publics dans le choix des diverses voies procédurales. Les législations récentes qui les ont reconnues et organisées comportent « l'assistance » des Cours et des Tribunaux dans le bon fonctionnement de ces procédures et dans leur éventuelle consécration finale mais elles n'ont pas, dans la logique consensuelle qu'elles consacraient, abordé la question de l'intervention éventuelle des juges publics dans la décision que comporte le choix même de ces procédures.

On se prive ainsi, dans la promotion des procédures consensuelles, du concours des experts les plus qualifiés en matière de procédure, non seulement de la procédure traditionnelle mais aussi de la procédure consensuelle comme le démontrent, si besoin en est, les initiatives d'information et d'incitation que les juges publics prennent dans ce cadre.

On comprend dès lors les idées et les propositions qui souhaitent attribuer aux juges publics le pouvoir d'« ordonner » une tentative de procédure consensuelle pendant une durée déterminée et de leur présenter, en cas d'échec et sans porter atteinte à la confidentialité des pourparlers, un résumé objectif des suggestions qui ont été formulées par les diverses parties concernées dans la perspective d'un accord amiable du litige.

12.3. Il faut cependant, pour ce faire, être patient et attendre de connaître, au terme, par exemple, d'une durée de 2 à 3 ans, le résultat, positif ou négatif, des procédures consensuelles qui ont été entamées par les parties pendant cette période.

Celle-ci devrait permettre de recueillir de précieuses informations à propos des pratiques consensuelles qui y ont été effectivement initiées et suivies et d'en tirer les leçons. On espère qu'à la faveur de la collecte de ces « résultats consensuels », l'on connaîtra mieux les litiges qui, par la personnalité des acteurs concernés, par l'objet et la nature mêmes du litige et par l'environnement du conflit, ont semblé mieux se prêter que d'autres à leur règlement consensuel et que tous les acteurs du monde judiciaire en général et les juges en particulier pourront s'inspirer de ces données objectives et concrètes à l'appui des décisions qui « ordonneraient » une tentative de procédure consensuelle.

Un mouvement consensuel ne peut, en effet, s'affirmer et se développer qu'à la faveur de sa pratique concrète et de l'adhésion qu'il suscite et développe dans le chef du plus grand nombre.

13.L'avocat, premier juge. Par ailleurs, n'y a-t-il pas, entre la liberté souveraine des parties et l'éventuelle obligation comminatoire qui leur serait imposée dans le choix des procédures destinées à régler leurs litiges, une solution intermédiaire que le Barreau devrait privilégier dans l'accomplissement des missions de ses membres au service de l'oeuvre de justice?

Cette voie ne serait-elle pas celle, dont j'ai le souvenir que les membres du Barreau, qui m'ont accueilli à la fin des années 1950, privilégiaient naturellement lorsqu'ils étaient consultés: téléphoner à leur confrère qui avait été choisi par l'autre partie en litige pour convenir d'une rencontre dans la salle des Pas perdus du Palais de Justice pour rechercher de concert les termes d'un accord amiable qu'ils s'efforçaient de faire accepter, autant que possible, par leurs clients respectifs.

La conception du moment était que l'avocat était le « premier juge » du litige et qu'il lui appartenait de rechercher, en cette qualité et à la faveur de la totale confidentialité de ses propos, la solution amiable du conflit dans lequel le client lui avait confié la défense de ses intérêts.

Au fil du temps, j'ai ressenti que cette démarche des avocats perdait de son naturel et de son importance pendant qu'apparaissaient paradoxalement les modes amiables de règlement des litiges.

Ne faudrait-il pas, comme Guido Alpa nous y invite dans sa contribution jointe, revoir et réfléchir en profondeur au rôle et à la mission de l'avocat? Le monopole de l'avocat n'est-il pas justifié au premier chef par la nature et la finalité de la collaboration qu'il apporte à l'oeuvre de justice? Ce monopole n'entraîne-t-il pas que l'avocat doit tout faire pour éviter de soumettre aux Cours et Tribunaux des actions qu'avec son confrère, consulté par l'autre partie, il pourrait contribuer à régler à l'amiable.

Peut-on souhaiter que dans cette perspective et dans le respect de la confidentialité qui est propre à l'action de leurs membres, les Ordres d'avocats les invitent, en leur imposant le minimum de formalités, de leur faire connaître, tous les ans ou tous les deux ans, le nombre de tentatives de règlement amiable qu'ils ont mené à bien et de celles qui ont échoué avec, si possible, un commentaire de l'objet de la nature du litige et peut-être des circonstances de l'espèce.

La Revue de droit commercial belge est prête, si elle en reçoit connaissance, à commenter ces relevés tant au profit des entreprises elles-mêmes qu'à celui d'un meilleur fonctionnement de la Justice et de l'accomplissement de son oeuvre.

14.La liberté et le pouvoir de transiger, source et limite des procédures consensuelles. Il n'y a donc pas de procédure consensuelle sans un accord commun des parties de s'y engager. Et les parties ne peuvent y procéder que sous le couvert et dans les limites de leur pouvoir de transiger, étant, comme le précise l'article 2045 du Code civil, que « pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction ».

La loi du 21 février 2005 sur la médiation dispose ainsi en l'article 1724 du Code judiciaire: « Tout différend susceptible d'être réglé par transaction peut faire l'objet d'une médiation. »

L'article 731 du Code judiciaire, qui traite de la transaction, fait état des mêmes exigences en précisant que sans préjudice de la médiation, « toute demande principale introductive d'instance entre parties capables de transiger et sur des objets susceptibles d'être réglés par transaction, peut être préalablement soumise, à la requête d'une des parties ou de leur commun accord, à fin de conciliation au juge compétent pour en connaître au premier degré ».

La loi du 24 juin 2013 sur l'arbitrage s'inscrit dans la même perspective. Elle entend toutefois, en s'inspirant du droit allemand, proclamer au premier chef que toute cause de nature patrimoniale peut faire l'objet d'un arbitrage et consacre cette affirmation au début de l'article 1676 du Code judiciaire qui est libellé comme suit:

« § 1er. Toute cause de nature patrimoniale peut faire l'objet d'un arbitrage. Les causes de nature non-patrimoniale sur lesquelles il est permis de transiger peuvent aussi faire l'objet d'un arbitrage.

§ 2. Quiconque a la capacité ou le pouvoir de transiger, peut conclure une convention d'arbitrage. »

Mais que signifie et qu'emporte exactement « la nature patrimoniale d'une cause » au-delà de l'acception traditionnelle de celle de patrimoine en tant que bien d'héritage? S'agirait-il de toute cause qui concernerait les avoirs matériels et les biens que l'on détient ou dont on revendique la propriété ou la possession et partant toutes les causes qui augmentent ou diminuent le patrimoine? Cette affirmation initiale ne risque-t-elle pas d'accréditer ou de renforcer malheureusement l'impression, sinon la conviction dominante selon laquelle l'arbitrage est la justice des riches? Permettrait-elle d'autre part de soutenir que toutes les revendications patrimoniales peuvent être soumises à des arbitres même si celles-ci résultent, directement ou indirectement, d'actes criminels ou délictueux de toute nature depuis la traite des êtres humains, la corruption sous toutes ses formes, le blanchiment d'argent, la méconnaissance des engagements internationaux de protection des êtres et de la nature jusqu'aux infractions et manquements que peut comporter le respect journalier des obligations fiscales, sociales, environnementales ou autres?

Il est de plus vraisemblable, sinon certain, que les arbitres s'opposeront à de telles dérives et que toute procédure arbitrale de ce genre sera rapidement, voire au plus tard lors de la demande d'exécution de la sentence, arrêtée ou annulée pour violation de l'ordre public.

Quoi qu'il en soit, il aurait été heureux, et non superfétatoire, qu'en affirmant que toute cause de nature patrimoniale peut faire l'objet d'un arbitrage, le législateur ait précisé que cette possibilité « générale » de la procédure arbitrale devait évidemment se faire dans le respect de l'ordre public.

15.Telle est, indirectement en tout cas, la pertinence de la référence traditionnelle à la transaction et au pouvoir de transiger. La référence n'est pas parfaite et laisse subsister des doutes dans certaines procédures arbitrales ou consensuelles. Certaines de ces hésitations n'ont plus cours, comme celles qui d'antan emportaient la prétendue limitation arbitrale ou consensuelle dès qu'il y avait une allusion et une application des dispositions d'ordre public. Depuis lors, cette conception indûment restrictive a été abandonnée au profit de celle qui retient que la transaction est possible même si l'ordre public est concerné. Il s'impose uniquement que la sentence arbitrale respecte l'ordre public concerné.

L'ancienne législation belge de l'arbitrage consacrait ce principe de manière claire et précise au début de l'ancien article 1703 du Code judiciaire en disposant: « A moins que la sentence ne soit contraire à l'ordre public ou que le litige ne soit susceptible d'être réglé par la voie de l'arbitrage, la sentence arbitrale a l'autorité de la chose jugée lorsqu'elle a été notifiée conformément à l'article 1702, alinéa 1er et qu'elle ne peut plus être attaquée devant les arbitres. »

Désormais, la faveur promotionnelle que le législateur belge a réservée à l'arbitrage international dans sa loi du 23 juin 2013 l'a conduit à accepter apparemment qu'une parodie de justice arbitrale, à l'exemple de celle, en France, de l'arbitrage Tapie / Crédit Lyonnais [13], puisse devenir une justice de pleine valeur et de parfaite qualité si aucun recours, notamment pour contrariété à l'ordre public ou pour fraude, n'était pas introduit dans un délai de 3 mois à compter de la date à laquelle la partie formulant cette demande avait reçu communication de la sentence [14].

A la différence de la législation française, la législation belge ne comporte pas de procédure de révision en matière d'arbitrage et les procédures de la requête civile et de la prise à partie ne s'appliquent qu'aux seuls jugements et arrêts et aux seuls juges publics [15].

L'action et la procédure de révision, qui ont donné lieu à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 février 2015 en cause Tapie / Crédit Lyonnais, n'auraient donc pas pu être introduites et menées en Belgique où, en attendant la promulgation d'une procédure de révision en matière arbitrale qui s'impose, on ne pourrait envisager, dans les faits et les données semblables à celles qui ont été soumises à la Cour d'appel de Paris, que des actions et des procédures en responsabilité, tant pénale que civile, à l'encontre des arbitres fautifs en espérant aussi que si elles sont saisies, en l'état, d'une situation comparable à celle relatée et jugée par l'arrêt susdit, les juridictions belges s'inspireront de la jurisprudence française « Fougerolles » qui se fonde sur le principe général « fraus omnia corrumpit » [16].

16.Questions liées aux compétences exclusives. Aux quelques incertitudes qui demeurent sous le couvert de la référence à la transaction et à la capacité de disposer des objets compris dans la transaction, s'ajoutent aussi certaines questions liées aux compétences exclusives que le législateur a édictées dans un souci d'ordre et de protection mais qui semblent évoluer présentement dans la portée de leurs principes et dans l'étendue de leurs applications.

Ainsi, si hier, l'exclusivité de la compétence des juridictions publiques était certaine dans le droit des personnes et dans le droit familial et était encore davantage évidente dans le droit pénal, la médiation est, à l'heure actuelle, légalement suggérée dans le règlement des conflits familiaux et la transaction est entrée dans la panoplie des sanctions pénales …

17.La question de la capacité des personnes morales de droit public de compromettre. Il est encore plus significatif de confronter les données anciennes et les données actuelles de la capacité des personnes morales de droit public de pouvoir accepter de soumettre les litiges auxquels elles sont parties à des procédures arbitrales ou de tenter de les résoudre par la voie de la médiation.

Hier, les oppositions claires entre le monde public et le monde privé emportaient que les personnes morales ne pouvaient être demanderesses ou défenderesses en justice que dans le cadre et sous l'égide des Cours et Tribunaux. Les voies et les procédures de la justice privée étaient et devaient leur demeurer étrangères.

L'évolution s'est faite et se poursuit lentement mais sûrement. Désormais l'arbitrage et les procédures consensuelles ne sont certainement plus interdits au monde public mais il demeure que celui-ci ne peut s'engager dans cette voie qu'au rythme des permissions légales qui l'y autorisent [17].

Il est temps de mettre fin à ces démarches ponctuelles et à la nécessité de devoir rechercher, dans chaque cas, si la personne morale de droit public concernée a ou n'a pas la capacité de compromettre. Cette solution s'impose pour mettre fin à ce paradoxe que les autorités publiques ne cessent de promouvoir le recours à l'arbitrage, notamment pour diminuer l'encombrement des Cours et Tribunaux et qu'elles-mêmes sont et demeurent pusillanimes pour admettre, sans autre intervention, que toutes les personnes morales de droit public peuvent y avoir recours.

Cette possibilité généralisée n'implique nullement une automaticité quelconque du recours à l'arbitrage par toutes les personnes morales de droit public. Il s'agira que, pour chaque règlement des litiges, les personnes morales de droit public apprécient, à l'instar des acteurs du monde privé, l'intérêt et les plus-values d'y avoir recours. Certaines situations litigieuses et certains procès continueront, pour des motifs divers, à requérir le recours aux juridictions publiques, comme en témoigne notamment l'étonnement de tous ceux qui ont été surpris et qui n'ont pas compris que dans le litige Tapie / Crédit Lyonnais, les parties concernées aient brusquement mis fin à la saisine des juridictions publiques pour soumettre tout leur contentieux à la voie arbitrale [18].

18.Les mesures protectionnistes pour les parties présumées les plus faibles. La même logique promotionnelle devrait également conduire à la révision des mesures légales protectionnistes qui limitent la validité des clauses compromissoires, voire de l'arbitrage lui-même en vue de protéger des parties présumées les plus faibles, comme peuvent l'être les travailleurs et les consommateurs.

De telles protections ont paru nécessaires à une époque où, par volonté hégémonique des Cours et Tribunaux, méconnaissance du processus arbitral ou malheureuses dérives arbitrales, l'impression, sinon la conviction générale prédominait selon laquelle le processus arbitral n'offrait pas toutes les garanties inhérentes aux juridictions publiques.

Mais comment peut-on les maintenir au fil de la compréhension et de la collaboration, de plus en plus étroite et complète, entre les juridictions publiques et privées et de la reconnaissance et de l'affirmation, de plus en plus consacrée et répétée, de la parfaite similitude de la mission arbitrale et de la mission judiciaire qui sont, toutes deux, soumises aux mêmes exigences d'indépendance et d'impartialité?

Les autorités publiques peuvent-elles, comme elles le soutiennent, promouvoir, vraiment et efficacement, le processus arbitral pour tous les très nombreux conflits d'importance moyenne ou réduite si, par ailleurs, elles maintiennent, à son encontre, des limites et des restrictions qui ne peuvent se comprendre que par la prise en compte préventive des dangers, des risques et des doutes que pouvaient et que pourraient peut-être encore susciter les démarches arbitrales?

Comment peut-on réellement espérer, dans un tel climat de suspicion et de doute, que l'arbitrage se développe au niveau des litiges de moyenne importance ou d'importance réduite alors que ceux-ci constituent cependant la très grande majorité des conflits?

Comment le législateur de la loi du 24 juin 2013 modifiant le droit belge de l'arbitrage n'en a-t-il pas été conscient lorsqu'il a été principalement, sinon exclusivement, préoccupé d'attirer les arbitrages internationaux sur le territoire belge?

Faut-il s'en accommoder ou s'efforcer de relever, si possible, le défi et tout mettre en oeuvre pour étendre largement le champ d'application de l'arbitrage et encourager, en soulignant toutes les plus-values qui peuvent en résulter, le bénéfice d'y avoir recours pour assurer le règlement, sur notre territoire, des litiges économiques et sociaux, quelle qu'en soit, au demeurant, l'importance monétaire ou autre?

19.La possibilité de questions préjudicielles? Je ne crois pas que les procédures consensuelles en général et la procédure d'arbitrage en particulier posent, au-delà des allusions susdites, de très nombreux problèmes au niveau de la capacité des parties à transiger ni à celui de leur pouvoir et de leur droit de se soumettre à l'arbitrage ni à celui de la compétence des arbitres.

On sait que pour éviter les démarches dilatoires et dans la logique de la compétence des juges publics à statuer sur leur compétence, les arbitres se sont vus reconnaître le pouvoir de statuer sur leur propre compétence. Il demeure qu'au terme de la procédure arbitrale, leur appréciation et leur décision peuvent être contestées et modifiées par le juge public de contrôle.

Pourquoi, si les arbitres désignés ont un doute sur leur compétence et sur la validité de la procédure arbitrale et, de même, si les conciliateurs et médiateurs ne sont pas certains de la légitimité de la procédure consensuelle à laquelle ils sont invités à prêter leur concours, ne pas leur permettre de poser une question préjudicielle à un juge public pour que celui-ci y réserve une réponse définitive?

Il n'y a aucun risque de démarche dilatoire puisque ce ne serait pas les parties qui pourraient y procéder mais uniquement les arbitres désignés et les conciliateurs ou médiateurs choisis.

De telles demandes s'inscriraient dans la politique d'entente et de collaboration que mènent heureusement les justices privées et la justice publique et dans la mission générale de surveillance et de contrôle que les Cours et Tribunaux doivent, s'il échet, exercer sur toute recherche de justice dans la diversité de ses expressions [19].

La certitude juridique serait ainsi acquise dès le début de la procédure consensuelle ou d'arbitrage à la faveur d'une intervention des Cours et Tribunaux, dont les formes de la mission de contrôle, essentielle à la valeur et à la qualité de la Justice, devront s'adapter en écho et en parallèle aux expressions diverses des justices dites « privées » et à leur développement que souhaitent les autorités publiques et tous les mouvements qui sont convaincus de leurs avantages.

B. Les spécificités des procédures consensuelles et de l'arbitrage

20.Aujourd'hui comme hier, tous les règlements amiables sont possibles s'ils respectent l'ordre public et les lois impératives et si les parties veillent à leur exécution amiable. Les sociétés et les entreprises y procèdent plus ou moins souvent de cette manière et règlent amiablement un ensemble de conflits sans intervention, ni directe ni indirecte, du pouvoir judiciaire.

On espère que de tels règlements amiables ne cesseront de se multiplier sous l'égide et à l'instigation des procédures de conciliation et de médiation.

21.La conciliation. Une partie en litige ou toutes les parties en litige peuvent demander de concert que la demande principale introductive d'instance entre parties capables de transiger et sur des objets susceptibles d'être réglés par transaction soit préalablement soumise à fin de conciliation au juge compétent pour en connaître au premier degré de juridiction (art. 731 du Code judicaire) [20].

Les parties sont convoquées à la demande, même verbale, de l'une d'elles, par simple lettre du greffier, à comparaître dans le délai ordinaire des citations, aux jours et heure fixés par le juge (art. 732 du Code judiciaire).

Il est dressé procès-verbal de la comparution. Si un accord intervient, le procès-verbal en constate les termes et l'expédition est revêtue de la formule exécutoire (art. 733 du Code judiciaire). Les parties ont toute liberté pour mener, sous l'autorité du juge et à la faveur de son concours qui peut être déterminant, les négociations et les échanges de vues et de propositions susceptibles d'aboutir à la conciliation recherchée. Sa réussite est actée dans un procès-verbal qui est revêtu de la formule exécutoire et qui vaut donc jugement.

En cas d'échec, il est de règle que pour éviter tout conflit et garantir la pleine indépendance et la totale impartialité du juge de jugement, celui-ci ne soit pas et ne puisse être le juge qui a suivi, sinon même conseillé, la tentative de conciliation.

Quant aux conciliations qui ont lieu sous l'égide de l'expert, qui doit tenter d'y aboutir selon le prescrit de l'article 977 susdit du Code judiciaire, l'accord éventuellement conclu est constaté par écrit et les parties peuvent agir conformément à l'article 1043 du Code judiciaire [21].

22.Deux pratiques de « conciliation/médiation ».

22.1. La conciliation/médiation au niveau des appels portés devant la Cour d'appel de Mons à l'encontre des jugements des tribunaux de commerce de Charleroi, de Mons et de Tournai.

A la fin du siècle dernier, le Premier Président de la Cour d'appel de Mons, Christian Jassogne et son adjointe, madame le Conseiller Martine Castin ont, avec l'auteur de ces lignes, entendu favoriser le règlement amiable de causes commerciales dont la Cour était saisie.

Tous les jugements des tribunaux de commerce qui étaient frappés d'appel faisaient l'objet d'une lecture attentive par un membre de la Cour qui retenait les décisions dont les données, tant subjectives qu'objectives, paraissaient susceptibles de donner lieu à un règlement amiable. Dans ces causes ainsi sélectionnées, la Cour adressait une invitation aux parties de se réunir, en toute confidence, avec un membre de la Cour pour rechercher un tel accord. De très nombreuses invitations sont demeurées sans réponse. En revanche, un accord a été trouvé dans la très grande majorité des causes où les parties et leurs conseils ont, en réponse à l'invitation de la Cour, sollicité la fixation d'une telle réunion et y ont prêté une collaboration aussi active que créative. Si les parties le souhaitaient, leur accord était consacré par un arrêt rendu sur le champ. En cas d'échec, la procédure d'appel reprenait son cours sans que personne ne puisse faire le moindre état de tout ce qui avait été dit et envisagé au cours de ces réunions confidentielles. Le membre de la Cour qui y avait participé se retirait définitivement de la cause et ne pouvait participer en rien à la reprise et au suivi de la procédure d'appel.

La Cour d'appel de Mons a, sous l'impulsion de Madame le Conseiller Bénédicte Inghels, redonné très heureusement vie et vigueur à la politique d'aide et d'assistance que la Cour avait menée en son temps en faveur du règlement consensuel des appels qui lui étaient soumis en matière commerciale.

Elle a, dans une communication aussi précise que détaillée, indiqué qu'à dater du 1er novembre 2015, un de ses membres était à la disposition des parties et de leurs conseils tous les 4e mardi de chaque mois pour les aider à rechercher le règlement amiable de leur appel par la voie de la conciliation ou par celle de la médiation.

Il suffit aux parties et à leurs conseils de demander la fixation d'une telle réunion au greffe civil de la Cour par lettre ou par courriel [22].

22.2. La conciliation souhaitée par l'arrêt Ghislenghien.

En écho à la mission conciliatrice de l'expert (art. 977 du Code judiciaire), la Cour d'appel de Mons a, dans l'arrêt qu'elle a rendu le 28 juin 2011 à propos de la catastrophe survenue à Ghislenghien le 30 juillet 2004, nommé un comité d'experts dont elle a invité le président et le vice-président à tout mettre en oeuvre pour aboutir, le plus rapidement possible, à des accords amiables d'indemnisation et à leur exécution dans les délais les plus brefs. Cette mission conciliatrice a pu être menée à bien grâce à la pertinence et à l'efficience du concours des avocats des parties concernées et au suivi attentif de la Cour qui fixait immédiatement des réunions et des audiences dès que le président et le vice-président du Comité des experts en ressentaient le besoin dans l'accomplissement de leurs missions.

La réussite de cette procédure de conciliation, classique dans ses bases et inédite dans son organisation et son suivi, a été reconnue et appréciée par toutes les parties concernées.

23.La médiation.

23.1. Le législateur belge l'a consacrée d'abord en matière familiale (loi du 19 février 2001) et l'a ensuite étendue à toutes les matières (loi du 21 février 2005) en la reprenant dans la septième partie du Code judiciaire (art. 1724 à 1737) [23].

A l'instar de la conciliation, la médiation est à la disposition de tous ceux qui ont la capacité de transiger et de disposer des objets compris dans la médiation [24].

23.2. Les principes qui dominent cette législation nouvelle peuvent être, de manière très synthétique, résumés en trois points:

    • la médiation est une procédure consensuelle. Elle requiert, à tous les stades de son introduction, de son suivi et de la conclusion espérée du règlement amiable du litige, le plein accord des parties. Chacune des parties peut, à tout moment, y mettre fin sans que cela puisse lui porter préjudice (art. 1729 du Code judiciaire);
    • la loi envisage et suggère la médiation « tous azimuts ». La procédure de la médiation peut, en effet, être initiée et acceptée au gré des parties en dehors de toute procédure ou pratiquement à n'importe quel moment du déroulement de la procédure jusqu'à ce que la cause ait été prise en délibéré. Dans la perspective promotionnelle qui est au coeur de ses dispositions, la loi encourage d'insérer, dans les contrats, des clauses de médiation qui imposent au juge ou à l'arbitre, si une partie le demande, de suspendre l'examen de la cause (art. 1725). La loi distingue, en outre, aux mêmes fins, la médiation volontaire (art. 1730 et s. du Code judiciaire) [25] et la médiation judiciaire (art. 1734 et suivants du Code judiciaire) [26];
    • la procédure de la médiation bénéficie du concours, que l'on espère des plus avisés et des plus réussis, des médiateurs dont le législateur attend et exige des qualités et des compétences que le candidat-médiateur devra démontrer auprès d'autorités constituées à ces fins et qu'il devra veiller à maintenir, sinon à améliorer à la faveur d'une formation continue [27].

    Qui pourrait se plaindre que les concours, que l'on sollicite, soient assumés par des personnes de compétence et d'expérience reconnues? Mais fallait-il, pour ce faire, créer « une commission fédérale de médiation, composée d'une commission générale et de commissions spéciales » (art. 1727 du Code judiciaire[28] et ne pas faire davantage confiance aux parties elles-mêmes et au monde des services [29]? La loi n'a-t-elle pas cédé, au-delà de la consécration d'évidences, à un dogmatisme formaliste en développant très longuement les exigences minimales auxquelles le candidat médiateur doit répondre pour être agréé en cette qualité [30]?

    23.3. La loi ne définit pas la médiation dont le terme est utilisé dans les perspectives et les fins les plus diverses.

    De même, le rôle et la mission du médiateur ne sont pas légalement précisés.

    Les travaux préparatoires de la loi du 21 février 2005 présentent essentiellement, sinon exclusivement le médiateur comme « un tiers indépendant qui facilite la communication et tente de conduire les parties à sélectionner elles-mêmes une solution », le médiateur y paraissant ainsi avoir moins de pouvoirs que le conciliateur.

    Le médiateur est et doit certainement être un agent de communication mais jusqu'où et comment peut-il agir pour « réussir » la mission qui est la sienne?

    Si le médiateur n'a, pour remplir sa mission, aucun pouvoir de contrainte ou de décision qui pourrait s'imposer aux parties et qu'il ne peut agir qu'avec leur accord, il peut prendre des initiatives pour conduire à cet accord et en faciliter la conclusion. Ces initiatives sont beaucoup plus larges et étendues que celles qui sont expressément prévues à l'article 1728, § 2, qui précise que « dans le cadre de sa mission et pour les besoins de celle-ci, le médiateur peut, avec l'accord des parties, entendre les tiers qui y consentent ou lorsque la complexité de l'affaire l'exige, recourir aux services d'un expert, spécialiste du domaine traité ».

    La pratique de la médiation éclairera ce débat et ces distinctions qui peuvent être plus théoriques que pertinentes. Dans les deux cas, la mission du conciliateur comme celle du médiateur emportent d'amener les parties, par les voies les plus appropriées, à changer leurs idées et leurs comportements et à collaborer ensemble, avec eux, à la recherche et à la conclusion de l'accord souhaité et recherché.

    23.4. Les dispositions légales relatives à la médiation précisent aussi, pour lever toute équivoque à ce sujet, que la proposition de médiation est assimilée à une mise en demeure et qu'elle suspend le cours de la prescription de l'action attachée à ce droit pendant un mois (art. 1730, § 2 et § 3, du Code judiciaire).

    Si elle réussit, la médiation, parée de tous les avantages de son esprit, de ses méthodes, de sa rapidité et de son faible coût, bénéficie, par le biais de l'homologation de sa réussite par le juge, de tous les effets d'un jugement (art. 1733 et 1736 du Code judiciaire).

    Comme la médiation peut échouer et que la procédure judiciaire qui peut s'en suivre ne peut être altérée en rien par la tentative de médiation, la confidentialité et le secret s'imposent à tout ce qui se fait, s'écrit et s'échange durant la procédure de médiation. Toute violation de ces principes peut donner lieu à des dommages et intérêts et tous les documents confidentiels sont écartés des débats devant le juge public. L'article 1728, qui consacre ces principes, dispose aussi que le médiateur ne peut être appelé comme témoin par les parties dans une procédure civile ou administrative relative aux faits dont il a eu connaissance au cours de la médiation.

    24.L'arbitrage. La ratio legis de la loi du 24 juin 2013 est clairement et expressément d'attirer les arbitrages internationaux en Belgique et de faire de notre pays une place privilégiée des arbitrages internationaux.

    La référence de base et la toile de fond est la loi type de la C.N.U.D.C.I., la Belgique ayant ainsi rejoint le camp des pays qui ont suivi la même voie [31].

    Les arbitrages nationaux, quant à eux, semblent avoir été oubliés par le législateur mais tel n'est pas formellement le cas puisque les dispositions nouvelles s'appliquent à tous les arbitrages. Il demeure que les travaux préparatoires et le législateur n'y ont pas été spécialement attentifs et qu'il est grand temps d'y veiller.

    25.Le paysage arbitral d'hier et d'aujourd'hui. L'arbitrage est de tous les temps. Il est naturel et normal que des personnes en litige demandent à une personne en qui elles ont confiance de les aider à régler le conflit qui les oppose et si nécessaire, à rendre une décision qui y met fin.

    L'histoire de cette démarche se retrouve dans des conflits familiaux, des conflits de proximité, des conflits au sein d'organisations et d'associations diverses dont des personnes, qui y faisaient autorité, étaient prêtes à remplir la mission d'arbitre.

    25.1. Au Moyen-Age, cette démarche arbitrale avait même paradoxalement été rendue obligatoire pour les conflits entre associés de sociétés aux fins aussi d'éviter que ces litiges n'encombrent les justices royales. Cette obligation a été supprimée par les grandes lois du XIXe siècle qui, sous l'égide de l'Angleterre, ont façonné le droit moderne des sociétés.

    La Révolution française a marqué l'heure de gloire de l'arbitrage dans la mesure où, dans le ressentiment populaire à l'encontre des justices royales, le titre Ier de la loi des 16-24 août 1790 consacre l'arbitrage volontaire « comme le moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens », l'avocat et député Thouret, rapporteur du texte, répondant à ceux qui s'en étonnaient que « la justice des tribunaux n'est instituée que comme un remède extrême pour ceux qui n'ont pas l'esprit de s'en passer » [32].

    Cette faveur suprême, qui a conduit à imposer obligatoirement l'arbitrage essentiellement en matière familiale et à donner même l'impression que l'arbitrage allait se substituer à la justice traditionnelle de la Nation, n'eût qu'un temps très bref et a rapidement pris fin. Les juridictions publiques n'ont pas tardé à reprendre le dessus, à faire preuve de toute leur autorité et à réduire l'arbitrage, dont elles soulignaient les limites et les défauts, à la portion congrue.

    Cette époque est sans doute responsable de l'éloignement, sinon de l'animosité, qui a longtemps perduré, entre la justice publique et la justice privée qu'est l'arbitrage.

    25.2. L'arbitrage a, moins en opposition à la justice publique que dans la volonté politique d'être autonome, réapparu et repris vigueur dans la seconde partie du XIXe siècle au sein et sous l'égide des chambres de commerce anglaises qui invitaient leurs membres à résoudre leurs conflits éventuels par la voie de l'arbitrage.

    Cet arbitrage commercial, professionnel et corporatif a pris une dimension internationale à la suite de la Première Guerre mondiale, notamment dans le cadre de la Chambre de commerce international créée à cette époque à Paris et qui a, d'entrée de jeu, réservé toute son attention aux conflits économiques et sociaux internationaux et à l'arbitrage comme la voie la plus appropriée pour le règlement des litiges dans l'économie internationale.

    Cette appréciation est celle que porte l'acte final, signé le 1er août 1975 par 35 chefs d'Etat, de la Conférence, tenue à Helsinki, sur la sécurité et la coopération en Europe (La CSCE devenue l'OSCE en 1995).

    Il est incontestable qu'après la Deuxième Guerre mondiale, l'arbitrage a bénéficié de toutes les faveurs des conventions internationales, comme la convention de New York de 1958, des travaux de la C.N.U.D.C.I. et de la jurisprudence de la Cour de Cassation de France.

    L'importance de cette dimension internationale fut telle que dans de nombreux pays, la chapelle internationale de l'arbitrage a paru, par l'importance de sa dimension, des intérêts en jeu et des rémunérations qui y étaient attachées, résumer tout le processus arbitral et délaisser, plus ou moins totalement, les arbitrages nationaux et la politique promotionnelle qui aurait dû ou pu leur être réservée.

    La loi du 24 juin 2013 s'est inscrite dans cette perspective.

    25.3. A l'heure actuelle, l'arbitrage paraît, au premier chef, être lié à la dimension internationale. Quelle que soit sa plus-value à ce niveau, il s'impose de réfléchir à l'apport qui pourrait être davantage le sien au niveau national.

    L'arbitrage est aussi en butte, aujourd'hui, à la problématique des conflits d'intérêts auxquels notre époque réserve, à juste titre, une attention toute particulière. Hier, la proximité de tous les acteurs, parties et arbitres, paraissait un gage de la réussite de la démarche arbitrale et de sa procédure. Aujourd'hui, l'on insiste sur l'éloignement des arbitres par rapport aux parties en vue de garantir pleinement qu'à l'instar des juges, les arbitres respectent les exigences d'indépendance et d'impartialité qui sont au coeur de la mission juridictionnelle.

    On avait cru que ce respect serait naturellement assuré lorsque le monde juridique a pris tout le processus arbitral en charge au niveau tant des arbitres choisis parmi des professeurs d'universités et des juristes réputés qu'à celui des avocats des parties mais l'appartenance des uns et des autres aux mêmes associations d'avocats et de juristes ou à des associations très voisines a posé de sérieux problèmes et a suscité le risque d'importants conflits d'intérêts.

    La proximité professionnelle des arbitres et des parties et la proximité juridique des acteurs du processus arbitral ont donné lieu, pour tenter d'éviter tout conflit d'intérêt, à des obligations de déclaration et de transparence de l'absence de tout lien ou de liens éventuels entre les candidats-arbitres et les parties. Ces obligations n'ont pas empêché et ont même apparemment favorisé une multiplication de recours contre des sentences pour le motif que les arbitres ou l'un d'entre eux auraient manqué à leurs obligations de déclaration et de transparence ou auraient manqué, dans le déroulement de la procédure, à leurs obligations d'indépendance et d'impartialité.

    Il s'impose aussi, me semble-t-il, de réfléchir à la pratique, qui se développe de plus en plus, des arbitres professionnels qui se consacrent presqu'exclusivement à des missions arbitrales et sont donc inévitablement soucieux d'être fréquemment choisis en cette qualité. On a tendance à qualifier ces arbitres de « leading arbitrators » dans la mesure où on les retrouve dans de nombreux arbitrages dans lesquels ils bénéficient généralement, par leurs qualités et leur expérience, d'une autorité reconnue.

    Mais cette autorité ne repose sur aucune organisation structurée ni aucune hiérarchie de contrôle, l'arbitre n'étant que le juge de la seule cause dans laquelle il a été choisi et désigné à cette fin. Il n'y a donc aucune connaissance ni, sauf manquement grave aux obligations de la mission d'arbitre, aucune intervention de contrôle sur ce que les mêmes arbitres, qui se rencontrent dans de multiples procédures, se disent entre eux et conviennent entre eux de manière généralement confidentielle à l'occasion de leurs fréquentes rencontres arbitrales.

    Comment maintenir la qualité des arbitres expérimentés en évitant que même inconsciemment, ils ne soient guidés ou influencés par les conceptions qu'ils partagent et qu'ils consacrent ou développent, à un niveau confidentiel, au fil de leurs rencontres et de l'accomplissement de leurs activités arbitrales communes?

    25.4. Au cours de ces dernières décennies, la procédure arbitrale s'est de plus en plus rapprochée de la procédure devant les Cours et Tribunaux au point de s'identifier avec elle.

    Il demeure que l'arbitrage continue théoriquement à s'en distinguer à la faveur de la liberté des parties de choisir « leurs juges » (art. 1685 du Code judiciaire) et d'organiser « leur » procédure arbitrale (art. 1700 du Code judiciaire) sous réserve des deux principes qu'impose, par nature, toute procédure juridictionnelle, étant l'égalité des parties et la contradiction des débats (art. 1699 du Code judiciaire). La loi du 24 juin 2013 s'est sentie obligée, dans les attentes du moment et sans doute pour contrecarrer la dérive de certains plaideurs, d'ajouter l'obligation de la loyauté des débats à ces deux fondements de base de toute procédure juridictionnelle (même art. 1694 in fine du Code judiciaire).

    Mais la pratique apprend que les centres d'arbitrage spécialisés interviennent de plus en plus dans le contrôle du choix des arbitres, voire dans la désignation directe des arbitres uniques ou du Président du Tribunal arbitral et que les parties font rarement usage de leur liberté d'organiser, seules ou avec les arbitres choisis, « leur » procédure arbitrale.

    Ces spécificités sont reprises et répétées à tous les niveaux mais l'attention des milieux arbitraux et de la loi du 24 juin 2013 qui y fait écho se situe fondamentalement dans la recherche de promouvoir l'efficience dans le processus arbitral et de réduire ainsi les coûts arbitraux et les délais de la procédure arbitrale [33].

    Cette efficacité devrait aussi être légalement assurée, au-delà de celle qui doit résulter des précisions que comporte la loi du 24 juin 2013, à la faveur de la disponibilité que la loi impose à sa justice publique au profit des procédures arbitrales. Cette disponibilité est prescrite et assurée tant au niveau, s'il échet, de la mise en place du tribunal arbitral que de tous les problèmes que celui-ci peut rencontrer dans le bon fonctionnement de la procédure arbitrale, sans préjudice, bien entendu de la mission, bien connue, de contrôle qui incombe à la justice publique dans l'octroi ou le refus, pour des causes limitées, de l'exequatur des sentences.

    Le législateur a également entendu « faciliter » cette disponibilité par l'attribution de la compétence d'intervention judiciaire aux seuls 5 tribunaux de première instance du siège des 5 cours d'appel du pays [34].

    Par ailleurs, tous ceux qui croient davantage dans la force des pouvoirs comminatoires plutôt que dans celle du dialogue et de l'effort de persuasion seront satisfaits par la confirmation et l'extension légales des pouvoirs attribués aux arbitres.

    La loi du 24 juin 2013 confirme ainsi que le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence (art. 1690 du Code judiciaire) et qu'à défaut de convention des parties, il peut fixer les règles de procédure applicables à l'arbitrage comme il le juge approprié (art. 1700, § 2, du Code judiciaire). Ce même pouvoir se retrouve, dans les mêmes conditions supplétives, au niveau du lieu de l'arbitrage (art. 1701 du Code judiciaire) et de la langue de la procédure (art. 1703 du Code judiciaire).

    Si les différences existentielles entre les pouvoirs des juges publics et ceux des arbitres subsistent, les uns étant généraux et disposant de toutes les contraintes nécessaires à leurs fins et les autres étant limités et sans accès à la force exécutoire, leur rapprochement se poursuit à la faveur de leur collaboration et des pouvoirs nouveaux attribués aux arbitres. Telles sont notamment les données de la loi du 24 juin 2013 lorsque cette loi accorde, au tribunal arbitral, le pouvoir, si une partie détient un élément de preuve, de lui enjoindre de le produire selon les modalités que le tribunal arbitral détermine et au besoin à peine d'astreinte (art. 1700, § 4 in fine, du Code judiciaire). Le tribunal arbitral peut aussi enjoindre à une partie de fournir à l'expert, qu'il désigne, tous renseignements appropriés ou de lui soumettre ou de lui rendre accessible, aux fins d'examen, toutes pièces, toutes marchandises ou autres biens pertinents (art. 1707, § 1er, b), du Code judiciaire).

    Dans une perspective semblable, le même article 1700 susdit du Code judiciaire confère au tribunal arbitral le pouvoir de trancher les demandes de vérification d'écritures et de statuer sur la prétendue fausseté de documents [35].

    L'efficacité de la procédure arbitrale résulte aussi, aux termes de la loi du 24 juin 2013, du rappel de ce qu'il ne peut être interjeté appel contre une sentence arbitrale que si les parties ont prévu cette possibilité (art. 1716 du Code judiciaire), de la limitation des causes d'annulation de la sentence, certaines d'entre elles requérant qu'elles aient une incidence sur la sentence et que des dissociations s'imposent si la sentence porte sur des questions soumises à l'arbitrage et d'autres qui sortent de ce cadre (art. 1717 du Code judiciaire). Des dispositions semblables s'appliquent au refus éventuel de la reconnaissance et de la déclaration exécutoire de la sentence (art.1721 du Code judiciaire).

    Dans le même esprit, une procédure de sauvetage permet de rectifier des erreurs matérielles que la sentence pourrait comporter, de compléter la sentence sur des points qui y ont été omis ou d'interpréter la sentence (art. 1715 du Code judiciaire).

    26.Des suggestions de simplicité, de pertinence et de moindre coût. L'arbitrage international s'efforce de poursuivre et de développer son succès en maîtrisant mieux les importants coûts qu'il engendre et les longs délais qu'il accuse.

    D'autres réformes pourraient être envisagées. Il s'impose de les rechercher et de les promouvoir en étant aussi, et surtout, attentif, au premier chef, aux litiges nationaux dont il n'est pas fréquent que malgré tous les efforts entrepris à ce jour, la voie arbitrale soit une voie importante de leur règlement.

    Pourquoi?

    La liberté de choisir ses juges et la liberté d'organiser la procédure n'auraient-elles qu'une valeur déclamatoire et ne comporteraient-elles qu'une invitation à un plaisir de « relais et château judiciaire » dans lequel les parties en litige pourraient s'isoler dans l'installation de leur choix? Ces libertés ne sont-elles pas ou ne pourraient-elles pas être aussi et, en tout cas, davantage la source d'une vraie et réelle plus-value quant à la qualité de la décision, au coût qu'elle requiert et au délai dans lequel elle intervient?

    26.1. Le choix des juges. Tout le monde souhaite le meilleur dialogue possible entre le juge et le justiciable [36]. Pouvoir choisir son juge ou ses juges n'est-il pas la garantie d'entamer ce dialogue dans les meilleures conditions? Hier, la confiance dans l'arbitre était à la mesure de la connaissance que la partie ou les parties en litige avaient de la ou des personnes choisies et des relations qu'elles avaient nouées avec elles. Aujourd'hui, la confiance des parties dans leurs juges ne peut plus être appréciée de cette manière car la justice arbitrale requiert, à juste titre, que comme les juges, les arbitres soient « éloignés des parties » aux fins de répondre au mieux aux exigences d'indépendance et d'impartialité qui leur incombent dans l'accomplissement de leur mission juridictionnelle.

    Le choix des arbitres doit changer d'âme et être désormais non plus dicté par la proximité relationnelle qui serait celle de la ou des parties avec les personnes pressenties en qualité d'arbitre mais par l'aptitude de ces dernières à résoudre au mieux, eu égard à leurs qualités, à leurs compétences et à leur expérience, le litige qui oppose les parties. The right man on the right place.

    Il est paradoxal qu'en ne cessant de se rapprocher de la procédure judiciaire publique au point de pratiquement s'identifier avec elle, le monde arbitral réserve néanmoins une attention privilégiée, sinon exclusive à la procédure arbitrale et aux règlements des institutions arbitrales qui la définissent et qui la précisent. Le monde arbitral donne ainsi l'impression, sinon témoigne même de la conviction que la procédure arbitrale serait tellement originale et spécifique que la qualité première des arbitres se mesurerait à leur parfaite connaissance et à leur totale maîtrise de la liturgie arbitrale! Il en résulte inévitablement que les seuls « bons » arbitres seraient les juristes spécialisés dans la procédure arbitrale et qu'il faudrait nécessairement choisir les arbitres en leur sein!

    Une telle politique, quelle que soit l'importance des procédures dans le règlement des litiges, renverse l'ordre des choses. La procédure n'est, en effet qu'au service du règlement des litiges qui implique et requiert, au premier chef, la connaissance des faits de la cause et du droit qui s'y applique. Or, les juristes, qui connaissent le droit, savent que dans de nombreux litiges, les faits ont une importance cruciale et le nombre des expertises sollicitées et ordonnées à ces fins en témoigne.

    Je crois que le processus arbitral pourrait résoudre de tels litiges de manière plus simple, plus rapide et moins coûteuse. La liberté de choix des arbitres et celle d'organiser la procédure arbitrale pourraient y veiller pour, en tout cas, y contribuer de manière significative.

    26.2. L'organisation de la procédure arbitrale. Nous revenons à notre souhait déjà exprimé dans cette revue: Straight to the point [37]. La liberté des parties de convenir de la procédure à suivre par le tribunal arbitral (art.1700 du Code judiciaire) emporte celles, au-delà de la détermination de l'objet du litige, de toute l'organisation matérielle de la procédure (lieu, langue, durée, formes et importance des communications) et de toutes les conditions et modalités d'instruction du litige (dossiers et pièces; notes et mémoires; moyens de preuve; enquêtes et expertises) [38].

    Les parties y veillent ou, à leur défaut, les arbitres qui s'efforcent généralement d'y procéder de concert avec les parties. Ces dispositions sont, la plupart du temps, très semblables à celles qui régissent les procédures publiques et présentent rarement les spécificités que la liberté des parties pourrait leur conférer.

    Les parties en litige pourraient cependant, si elles souhaitent trouver dans la procédure arbitrale une voie plus personnalisée, plus adéquate, plus simple, plus rapide et moins coûteuse pour le règlement de leurs litiges, convenir de mieux préciser l'objet de leur litige et d'en limiter la portée aux quelques questions qu'elles soumettraient aux arbitres en déduisant elles-mêmes les conséquences qu'impliqueraient les réponses de ces derniers.

    Elles pourraient aussi, plutôt que de prétendre tout plaider et tout démontrer dans de longs mémoires et de longues réponses, s'imposer de constituer un seul dossier à remettre aux arbitres, de réduire autant que possible leur argumentation réciproque, de convenir des seules preuves et modes de preuve auxquelles les arbitres pourraient avoir recours et d'organiser ainsi librement, dans l'esprit de concision, de précision et d'efficience qui est généralement celui des agents économiques, une procédure de règlement qui y ferait parfaitement écho.

    La procédure en référé devant les Cours et Tribunaux est habituellement très appréciée par les acteurs du monde économique et social. Le référé arbitral ne connaît pas le même succès mais peut-être pourrait-il le connaître en l'adaptant sous la forme d'une procédure arbitrale « au provisoire » à laquelle les parties en litige décideraient de se soumettre sous l'égide de la liberté processuelle que le droit de l'arbitrage leur reconnaît par nature et par finalité.

    Cette procédure emporterait que dans tous les litiges qui ne sont pas spécialement complexes - et il y en a beaucoup - les parties en litige exposeraient brièvement leurs demandes et leurs défenses et leurs argumentations uniquement dans des notes écrites, voire, si elles le souhaitent, à l'occasion d'une brève audience orale et que sans préjudice et sous toutes réserves d'un débat au fond, le tribunal arbitral ferait part aux parties de sa réaction et de sa décision ou de sa proposition de décision « au provisoire ».

    Si les parties l'acceptent, une sentence d'accord serait rendue sur cette base. Dans la négative, les débats au fond reprendraient et se poursuivraient dans les conditions et les modalités habituelles.

    Il s'agirait donc, plutôt que de procédure de référé dont on garderait l'esprit, de procédure « au provisoire » qui pourrait mettre fin au litige à la faveur de l' « avis » d'un tiers qui l'émettrait toutefois dans la fonction juridictionnelle qui est la sienne. On pourrait aussi rapprocher cette proposition, émise en faveur du développement de la pratique de l'arbitrage dans une application possible des spécificités qui sont les siennes, de la procédure de conciliation régie par l'article 731 du Code judiciaire.

    C. Le choix et ses raisons

    27.Qui est responsable des maux dont souffre notre Justice? Les responsabilités me semblent très partagées. Ces responsabilités incombent autant au législateur qu'à tous les acteurs du monde juridique, sans préjudice de l'impact résultant de l'insuffisance des budgets alloués au pouvoir judiciaire.

    Le législateur et les autorités publiques sont responsables lorsque, quelles que soient les bonnes intentions qui sont ou qui peuvent être les leurs, le donné législatif actuel est compliqué à loisir dans sa formulation ou dans les exigences de son application.

    Les acteurs des mondes économique, social et culturel et leurs avocats et conseils sont responsables lorsque les premiers ne veillent pas suffisamment au cadre juridique de leurs structures et de leurs activités et les seconds, lorsque leurs consultations et avis sont trop généraux et ne répondent pas, de manière adéquate et précise, aux données concrètes de l'espèce qui leur est soumise.

    Parmi toutes ces interpellations, la prévention des litiges s'impose inéluctablement en préalable au choix des voies judiciaires. Le meilleur choix est, en effet, de tout mettre en oeuvre pour éviter, si possible, tout litige.

    A défaut d'y réussir, le choix s'impose de la voie judiciaire la plus juste, la plus pertinente, la plus appropriée et la plus efficiente à la solution du litige. Quelle est cette voie?

    28.La prévention des litiges. Certains avocats, réviseurs d'entreprises, experts-comptables ou conseillers d'entreprises réussissent dans la prévention des litiges. Les missions et les tâches qu'ils accomplissent dans cette heureuse perspective sont appréciées par leurs clients qui se réjouissent d'éviter, plus ou moins souvent, les aléas et les affres des litiges et des procédures qu'ils impliquent.

    On aimerait connaître en détail les axes de leurs idées et de leurs conceptions et le concret des comportements et des démarches qu'ils préconisent pour atteindre les résultats recherchés. Il faudrait, en effet, que leur succès fasse tache d'huile.

    Peut-on, dans cet esprit, faire trois suggestions: le check up, un guide de comportement en cas de survenance d'une difficulté et la constitution d'une petite cellule interprofessionnelle d'avis et de conseils?

    Le check up juridique: le monde juridique doit tout mettre en oeuvre pour démontrer concrètement la plus-value de son intervention et en convaincre les parties concernées. Cette plus-value d'intervention et d'accompagnement pourrait être apportée et démontrée à la faveur d'un check up juridique de conseils et de suggestions qui pourrait être effectué lors de la création d'une entreprise nouvelle et ensuite, annuellement, à l'occasion de l'établissement de son bilan. Il va de soi que ce service juridique devrait être accompli au coût le plus raisonnable et le plus modéré.

    Le guide de comportement: l'expérience apprend qu'il se passe plus ou moins souvent assez bien de temps entre la survenance d'une difficulté et d'un problème avant que les parties concernées n'en discutent ou s'échangent, dans un esprit de contradiction poussé à l'extrême, des accusations et des reproches réciproques.

    Il semble aussi que des juristes oublient que si leur mission est d'aider et de contribuer au respect du droit, ils sont et doivent être aussi des agents de paix. Ils doivent dès lors suggérer et proposer à leurs clients les démarches et les mesures susceptibles de régler amiablement les difficultés et les problèmes et veiller, en tout cas, à « ne pas mettre de l'huile sur le feu » et à ne pas envenimer les débats.

    Peut-on suggérer qu'à l'exemple des codes de bonne conduite qui entendent améliorer la gouvernance des entreprises, un code de bonne conduite du règlement amiable des conflits soit envisagé, formulé et proposé par le monde juridique en général et par les avocats en particulier?

    Une cellule interprofessionnelle d'avis et de conseils: chaque profession veille généralement, avec soin et compétence, aux missions qui sont les siennes. Ces services pourraient, me semble-t-il, valoriser et augmenter la plus-value de leurs apports en collaborant davantage tant au niveau de la prévention des litiges qu'à celui du bon fonctionnement de l'oeuvre de justice.

    Peut-on dès lors suggérer qu'une petite cellule interprofessionnelle soit constituée auprès des 5 Cours d'appel du pays pour réfléchir à ce qu'une collaboration de tous les milieux pourrait améliorer tant au niveau de la prévention des litiges qu'à celui du bon fonctionnement des diverses voies judiciaires?

    Ces trois suggestions entendent, parmi d'autres, alimenter et approfondir les réflexions que requiert la meilleure solution des problèmes et les difficultés auxquels, en l'état de notre société et de notre économie, sont inévitablement confrontés de nombreux acteurs des mondes économique, social et culturel.

    29.Le choix de la voie juridictionnelle.

    29.1. Si la prévention du litige a échoué et que le conflit n'a pas été immédiatement résolu à l'amiable, que faut-il faire?

    Porter le litige devant les Cours et Tribunaux ou chercher son règlement par la voie arbitrale ou encore s'efforcer de tenter de le résoudre tout de même à l'amiable par la voie de la conciliation ou par celle de la médiation? Quelle voie juridictionnelle faut-il choisir?

    29.2. Le monde juridique doit, avant tout, être conscient de la possibilité de ce choix et en informer, comme il se doit, les destinataires.

    Cette prise de conscience et la généralisation de l'information qu'elle comporte sont essentielles. Il y va de la participation de tous et de chacun à l'oeuvre judiciaire qui est une des plus importantes de toute vraie démocratie.

    Tous les efforts doivent donc être entrepris ou poursuivis pour qu'en cas de conflit, chacun se pose la question du choix de la voie juridictionnelle qui lui paraît la plus adéquate et la plus appropriée au règlement du litige auquel il est confronté et qu'au fil de ces choix, une dynamique collective de raisons et de critères s'impose pour alimenter les réflexions et les raisons de tous et de chacun des litigants.

    A première vue et sous réserve des idées, des avis et des expériences concrètes dont la Revue espère être dûment informée à la faveur de toutes les communications qu'elle attend et espère recevoir à ce sujet, ces raisons et ces critères « de choix » dépendent de la nature et de la structure de chacune des voies juridictionnelles (critères structurels), des motivations des litigants (critères subjectifs) et des données concrètes de l'objet même du litige (critères objectifs) [39].

    30.Le choix et les critères « structurels ». Au niveau structurel, les avantages et les contraintes des quatre voies juridictionnelles envisagées peuvent être très brièvement résumées comme suit:

    30.1. Démarche unilatérale ou obligation d'un accord des parties.

    Aucune collaboration quelconque n'est requise de la part des parties lorsque l'action judiciaire est introduite devant les Cours et Tribunaux sauf si elle l'est par comparution volontaire (art. 706 du Code judiciaire). Un tel accord est requis pour les procédures de conciliation et de médiation et il l'est jusqu'au moment où ces procédures prennent fin par la conclusion d'un accord qui peut valoir jugement. Chaque partie peut, tout au long de la procédure, renoncer à l'accord qu'elle a émis antérieurement. Un accord des parties est également nécessaire pour introduire une procédure arbitrale, cet accord pouvant toutefois être émis avant tout litige par le biais de clauses d'arbitrage qui s'imposent aux parties à moins qu'elles n'y renoncent de commun accord.

    30.2. Règles de procédure.

    Les règles légales s'imposent aux actions judiciaires introduites et poursuivies devant les Cours et Tribunaux alors que la voie arbitrale est dominée par la liberté des parties d'organiser « leur » procédure comme elles l'entendent, sous réserve des principes de l'égalité des parties et de la contradiction. En fait, les parties ne semblent pas faire un grand usage de la liberté qui leur est ainsi reconnue et les procédures arbitrales se rapprochent des procédures devant les Cours et Tribunaux au point de s'identifier les unes aux autres.

    La conciliation et la médiation ont l'immense avantage de se dérouler comme les parties l'entendent avec l'aide et le concours, s'il échet, du conciliateur et/ou du médiateur. Si ces derniers rappellent à juste titre les principes légaux, notamment de la confidentialité, aux parties qui bénéficient de leur concours, le développement attendu et espéré de ces procédures devrait révéler et déterminer les comportements et les démarches qui paraîtraient contribuer au mieux à la réussite du résultat recherché.

    30.3. Finalité de toutes les voies juridictionnelles.

    La finalité de toute voie juridictionnelle est d'aboutir à une décision pertinente, juste et efficiente.

    La meilleure décision devrait normalement être celle que rendent des magistrats qui, en leur qualité de membres de la justice publique, s'y consacrent pleinement dans le cadre et sous l'égide de toute l'organisation hiérarchique de la Justice. Tel est et devrait être normalement le cas mais certains jugements et arrêts étonnent et subissent des critiques plus ou moins justifiées.

    Le monde arbitral est aussi préoccupé de la qualité des sentences et semble favoriser à cette fin la nomination répétée des mêmes arbitres qualifiés de « leading arbitrators ». Cette politique peut interpeller au-delà des services que rendent ces arbitres professionnels. Si les sentences arbitrales sont généralement comprises et appréciées, certaines surprennent et sont en butte, comme le sont certains jugements et arrêts, à des critiques plus ou moins véhémentes.

    Aucune mauvaise surprise n'est possible en revanche dans la conclusion réussie des conciliations et des médiations puisque les parties, qui participent pleinement à leur élaboration, n'y marquent leur accord final que si elles en sont parfaitement satisfaites!

    Mais lorsque ces procédures échouent, elles laissent le conflit en son état et le temps et l'argent qui y a été consacré est d'autant plus définitivement perdu que tout ce qui a été vainement tenté est et doit demeurer confidentiel. Il ne reste, en l'état, que l'éventuelle satisfaction d'avoir tenté le règlement du litige par l'une de ces deux voies sans bénéficier en rien cependant du comportement positif qu'une partie y aurait témoigné à la différence de l'autre. Il y a des litigants qui ne veulent pas courir ce risque.

    30.4. Force exécutoire.

    Les jugements et arrêts des Cours et Tribunaux ont l'apanage de la force exécutoire.

    Toutes les autres voies juridictionnelles doivent la solliciter auprès de la justice publique.

    30.5. Les idéaux de toute procédure: la simplicité, la rapidité et le moindre coût.

    Les parties peuvent parfaitement répondre à ces trois exigences idéales lorsqu'elles y veillent elles-mêmes avec le conciliateur ou le médiateur à la faveur de la réussite de la procédure de conciliation ou de médiation qu'elles ont choisie et suivie pour le règlement de leur litige. Il demeure qu'habituées à ne pas devoir rémunérer les juges publics, certaines parties ne cachent pas leur étonnement de devoir assurer la légitime couverture des honoraires et des frais des conciliateurs et des médiateurs et qu'elles ont parfois tendance à discuter des montants qui leur sont réclamés de ce chef.

    Au niveau de la justice publique, les doléances se poursuivent et s'amplifient même quant à la lenteur et aux complexités des procédures ainsi qu'au coût important qui peut en résulter. Peut-on espérer porter remède à la lenteur de la justice qui a tendance à devenir proverbiale? Comment sinon avec le concours positif de tous les acteurs en ce compris celui des autorités publique responsables de la nomination des magistrats et des crédits alloués au bon fonctionnement de la justice.

    Il demeure que même en cas d'amélioration appréciable de la réduction des délais judiciaires, la justice publique connaîtra toujours la réalité du rôle des affaires et partant, le temps d'attente qu'il implique à la différence des voies consensuelles qui assurent à chaque litige qui y est soumis l'établissement, par les parties elles-mêmes et les conciliateurs et les médiateurs qui les accompagnent, du calendrier de leurs rencontres et du développement de la voie qu'elles ont choisie.

    La voie arbitrale offre ce même avantage, étant l'établissement et la maîtrise du calendrier par les parties elles-mêmes sous réserve, bien entendu, des convenances et partant, de l'accord des arbitres qu'elles ont choisis.

    La complexité des procédures publiques et arbitrales et celle des jugements, arrêts et sentences est, plus ou moins souvent, le reflet de la complexité des législations et des normes qui régissent le litige ainsi que celui du « jargon » juridique, comptable, économique et social pratiqué par tous ceux qui concourent, avec le juge ou l'arbitre, à l'oeuvre de justice.

    Quant au coût de la justice publique et arbitrale, le premier n'est pas jugé excessif mais il faut demeurer attentif, dans notre politique sociale et solidaire, à continuer à permettre aux classes moyennes et aux personnes et aux sociétés qui disposent de revenus faibles, de soumettre à la justice publique les difficultés et les problèmes auxquels elles sont confrontées. Quant au coût de la justice arbitrale, celle-ci est encore trop souvent qualifiée de « justice des riches » et le monde arbitral doit tout mettre en oeuvre pour démontrer que tel n'est pas le cas et qu'elle est une voie juridictionnelle pertinente et adéquate pour tous les litiges économiques, sociaux et culturels des plus modestes et banals aux conflits très importants et exceptionnels.

    31.Le choix et les critères « subjectifs ». La sérénité doit être au coeur de l'accomplissement de l'oeuvre de justice.

    Les juges et les arbitres doivent y veiller dans les causes qui leur sont soumises. Il appartient aux parties elles-mêmes d'y pourvoir, avec l'aide des conciliateurs et des médiateurs, dans les procédures de conciliation et de médiation.

    Celles-ci révèlent davantage que les procédures devant les Cours et Tribunaux et devant les arbitres que dans le règlement d'un litige, la psychologie des litigants est aussi importante que la réalité des faits.

    Les litiges sont une école de vie qui révèle les comportements et les attitudes les plus divers et les plus variés.

    On peut ainsi, très schématiquement, constater que dans certaines causes, l'un ou l'autre litigant ne veut pas s'y impliquer et s'en remet totalement à son avocat et à ses conseillers. Dans d'autres litiges, l'une ou l'autre partie en conflit ne veut pas avoir le moindre entretien ni le moindre contact avec l'un ou l'autre de ses adversaires et entend dès lors que tout dialogue et toute discussion ait lieu sous l'égide et l'autorité d'un juge ou d'un arbitre. D'autres litigants sont prêts, parfois directement, parfois sur les conseils de leurs avocats ou de leur entourage, à négocier ou à tenter de négocier un règlement amiable avec son ou ses adversaires. Certaines de ces tentatives échouent parce que si les parties sont prêtes à des concessions et à des arrangements, elles ne veulent céder en rien sur des points que chacune d'entre elles ont estimé « indiscutables ».

    31.1. Il est difficile, sinon impossible, d'entamer une procédure de conciliation ou de médiation lorsqu'une partie refuse de s'impliquer elle-même et s'en remet, conformément à l'attitude que l'on rencontre plus ou moins fréquemment dans les procédures contentieuses traditionnelles, à son avocat et à ses conseillers. Les procédures de conciliation et de médiation impliquent, en effet, la présence des parties elles-mêmes, accompagnées de leurs avocats à la différence des habitudes qui se sont créées et qui sont suivies dans la grande majorité des procédures devant les Cours et Tribunaux où les parties sont généralement absentes et représentées par leur avocat.

    Comment et jusqu'où, au demeurant, le bon accomplissement de l'oeuvre de justice impliquerait-il que même dans les procédures contentieuses traditionnelles, les parties viennent ou soient, en tout cas, incitées à venir davantage en personne devant le juge qui doit résoudre le litige qu'elles lui soumettent?

    31.2. L'agressivité des parties ou de l'une d'entre elles écarte, voire empêche les procédures de conciliation et de médiation.

    Il est très difficile, sinon impossible de rechercher un règlement amiable avec une ou plusieurs parties lorsque toutes ou certaines d'entre elles veulent en découdre et se font à cette fin des reproches virulents.

    Mais tous ces comportements ne sont pas irrémédiables et des avocats, des notaires, des reviseurs d'entreprise, des experts-comptables et d'autres conseillers arrivent parfois, à force de patience et de bons arguments en faveur d'un règlement amiable, à modifier les esprits et les comportements de certains de ceux qui paraissaient irréductibles dans leurs convictions. La voie est alors ouverte au moins à une tentative de conciliation et/ou de médiation.

    Il peut parfois être judicieux pour arriver à un tel résultat ou au début même de la procédure de conciliation ou de médiation, de permettre à toutes les parties concernées d'exprimer tout leur ressentiment et tous leurs reproches en convenant du temps limité que prendra ce « déballage » général. Celui-ci peut soulager ceux qui peuvent ainsi s'exprimer, devant tous les conseillers des parties ou déjà devant le conciliateur ou le médiateur, en toute et entière liberté et sous le bénéfice de la confidence qui s'attache à ces procédures. Il peut arriver qu'une telle séance de vérité « crue » facilite paradoxalement la conclusion d'un accord de règlement amiable du litige!

    31.3. De tout temps, les acteurs des mondes économique, social et culturel négocient et arrêtent le règlement amiable des difficultés et des conflits auxquels ils sont confrontés. Ces négociations reprennent et appliquent l'esprit, les conditions et les méthodes qui ont présidé aux négociations initiales qui ont abouti à l'accord qui lie les parties concernées. Arrêter avec l'autre partie la décision qui s'impose et reprendre au plus tôt, de concert, le cours normal des opérations et des activités ont toujours paru, du moins pour un très grand nombre des acteurs susdits, le témoignage concret et vivant de leur bonne gouvernance.

    Les dispositions légales sur la conciliation et la médiation s'inscrivent dans cette perspective et entendent apporter, si nécessaire, une aide à une telle conduite et à de telles décisions.

    La promotion d'un tel esprit, qui permet aux parties de régler elles-mêmes leurs litiges de la manière la plus simple, la plus rapide et la moins coûteuse, doit s'accompagner de la meilleure information possible de toutes les réussites de ces démarches et des conditions et des modalités qui en font le succès.

    S'il est vrai que chaque cause et chaque litige a ses spécificités propres, de nombreuses et heureuses leçons peuvent être tirées de situations qui s'y apparentent par leurs similitudes ou leur proximité.

    32.Le choix et les critères « objectifs ». Les critères structurels et objectifs se rejoignent dans la réponse à certaines attentes. Les choix concrets entre les diverses voies juridictionnelles dans des matières et des domaines déterminés et la répétition de leur réussite ou de leur échec seront, dans un avenir que l'on espère proche, très indicatifs et très significatifs pour l'heureuse évolution de l'accomplissement de l'oeuvre judiciaire.

    32.1. La poursuite du choix de la voie judiciaire traditionnelle devant les Cours et Tribunaux s'impose à l'évidence à tous ceux qui, confrontés à un litige, cherchent, pour des raisons qui leur sont propres ou pour préciser la portée des normes qui ne sont ni claires, ni évidentes, ni certaines, une décision qui « fasse jurisprudence ».

    Il en est de même lorsque la préoccupation première des demandeurs est d'obtenir au plus tôt le bénéfice de la force exécutoire, sans préjudice des procédures spécifiques qui s'efforcent de répondre à cette préoccupation, comme la procédure d'injonction.

    La procédure traditionnelle peut aussi constituer le bon choix lorsque les parties souhaitent avoir « le temps » d'instruire le conflit qui les oppose et trouvent dans la procédure traditionnelle des règles qui leur semblent adéquates et opportunes pour y veiller. Le délai de 6 à 9 mois qui est la moyenne des délais entre l'introduction de l'action et le jugement du Tribunal de commerce semble ne pas poser de problème particulier, ceux-ci étant surtout le fait de la procédure d'appel devant les 5 Cours et plus spécialement devant certaines d'entre elles.

    On peut s'étonner qu'eu égard aux longs délais d'attente devant certaines juridictions, les parties ne fassent pas un très large usage de l'attribution de compétence à des juridictions moins encombrées. Il est aussi étonnant que les acteurs des mondes économique, social et culturel n'aient pas fait reconnaître le droit qu'avaient les commerçants au début du XIXe siècle, étant de pouvoir, dès l'introduction d'une action en justice, renoncer à tout appel, ce qu'elles peuvent évidemment faire après le prononcé du jugement.

    32.2. Pourquoi dans cette même perspective, les acteurs susdits ne privilégient-ils pas la voie arbitrale dans laquelle le recours en appel n'est recevable que si les parties l'ont expressément et spécialement voulu, ce qui, en fait, est tout à fait exceptionnel.

    Tous ceux qui, pour les raisons les plus diverses et notamment celles de la célérité et de moindre coût, souhaitent ainsi se limiter à un seul degré de juridiction devraient d'autant plus adopter, à cette fin, la voie arbitrale que celle-ci s'est rapprochée, sinon même identifiée à la procédure devant les juridictions publiques et que les parties et leurs conseils ne devraient dès lors pas éprouver de difficultés sérieuses de passer de la voie judiciaire traditionnelle à la voie arbitrale.

    Les faits ne démontrent cependant pas que ce choix serait celui d'un grand nombre de litigants, en tout cas, au niveau des litiges nationaux.

    Il est temps d'ouvrir ou d'ouvrir à nouveau les chantiers qu'implique le développement de l'arbitrage national et notamment, en premier ordre, celui du bon usage de la liberté dont disposent les parties aux fins d'organiser, au mieux et comme elles l'entendent, les conditions et les modalités de la portée, de l'étendue, de la durée et du coût de l'arbitrage auquel elles ont recours pour régler leur conflit.

    Cette liberté bien conçue et bien appliquée devrait, au fil des suggestions et des propositions formulées à l'adresse des acteurs du monde économique, social et culturel et de l'analyse des pratiques arbitrales concrètes, mettre davantage en valeur la plus-value que comporte la voie arbitrale à la faveur de la maîtrise, qui est et qui doit demeurer celle des parties elles-mêmes, sur sa portée, sa durée et son coût.

    Il va de soi qu'il faut, dans cette perspective, aborder, traiter et tenter de résoudre au mieux le problème, qui paraît dirimant et dissuasif, pour certains acteurs et dans certaines causes, de la rémunération des arbitres qui augmente le coût de la voie arbitrale par rapport à la voie judiciaire publique dans laquelle les parties ne doivent pas supporter la rémunération des juges.

    32.3. Le règlement de la plupart des litiges, des plus simples aux plus complexes, qui sont soumis aux Cours et aux Tribunaux peut donc également être recherché par la voie arbitrale.

    Normalement, la sentence sera semblable, sinon identique au jugement qui aurait été rendu par les juridictions publiques et les parties bénéficieront généralement en outre, si elles ont bien organisé, sous l'égide de la liberté qui est la leur, la portée, l'étendue et la durée de la procédure arbitrale, d'une plus-value de réduction importante des délais et du coût de cette voie judiciaire par rapport à la voie traditionnelle.

    Quels sont les litiges dont les données objectives seraient, du moins à première vue, les plus susceptibles d'aboutir à un prompt et bon règlement amiable par les voies de la conciliation ou de la médiation?

    Certains relèvent que les affaires très complexes pourraient être mieux traitées et mieux réglées par ces voies que par la procédure traditionnelle devant les Cours et Tribunaux. D'autres ont tendance à croire que pour assurer si possible, et sans trop de retard, la promotion des voies juridictionnelles consensuelles, il vaut mieux y aller au départ des litiges les plus simples et les moins complexes dans leur objet et dans leurs conséquences.

    On songe par exemple, dans cet esprit et dans cette perspective, aux demandes d'augmentation du principal de la dette tant au niveau du calcul des intérêts qu'à celui de l'application de clauses conventionnelles d'augmentation ou de pénalité.

    La bonne volonté et le bon sens devraient aussi faciliter le règlement, par ces voies, des conflits relatifs à la juste diminution de prix ou au paiement d'une indemnité compensatoire qui devrait naturellement et logiquement s'imposer dans tous les cas où la livraison des fournitures ou l'exécution des services n'a pas été entièrement conforme à ce qui avait été convenu.

    Une conciliation ou une médiation devrait aussi aboutir assez aisément, avec l'aide d'un conciliateur ou d'un médiateur qui disposerait des connaissances requises à cette fin, à un accord, conforme aux données convenues, quant à la juste évaluation du prix des ventes d'objets de toute nature ou des cessions d'actions ou de parts qui s'opèrent fréquemment dans les mondes économique, social et culturel.

    La conciliation et la médiation devraient ainsi s'affirmer et promouvoir, dans un premier temps, leur réussite dans le règlement des conflits de la vie quotidienne des entreprises et valoriser ainsi, par ces voies juridictionnelles, les comportements qui sont déjà heureusement ceux d'un grand nombre d'acteurs des milieux économiques, sociaux et culturels.

    33.Ces quelques propos n'ont d'autre ambition que de susciter des réflexions et d'aider à la promotion de bonnes pratiques et d'heureuses habitudes, par le plus grand nombre en général et par le monde des juristes en particulier, dans l'accomplissement de l'oeuvre de justice et de la merveilleuse mission de pacification qu'elle comporte.

    L'appel au dialogue est, aussi bien, leur seul objet et leur seule finalité.

    [1] Professeur émérite UCL, avocat au barreau de Bruxelles, président du Centre belge du droit des sociétés.
    [2] Voir les lois Pot Pourri et les projets en cours ainsi que, tout récemment, l'arrêté ministériel du 26 octobre 2016 portant création d'une commission d'avis sur le droit judiciaire (Mon.b. 27 octobre 2016, p. 72.026).
    [3] Voir notamment: Manuel interdisciplinaire des modes amiables de résolution des conflits - Interdisciplinary Handbook of dispute resolution, sous la direction de P. Cecchi-Dimeglio et B. Brenneur - Préface de G. Canivet et Postface de Ch. Jamin, Larcier, 2015. Le Journal des Tribunaux a consacré, à la fin du siècle dernier, à l'adresse de la doctrine et de la pratique belges, un numéro spécial de présentation et d'analyse des réalités et des idées relatives aux modes alternatifs de règlement des litiges, J.T., 1999, 118e année, n° 5921.
    [4] J.T., 26 mars 2016, n° 6641: Prologue suivi de: P. Van Leynseele, « Réflexions sur le rôle du juge dans l'envoi en médiation et de jugements par lesquels les juges suggèrent le recours à la médiation ».
    [5] Les récentes lois françaises vont dans le même sens et notamment la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIe siècle.
    [6] Voir notamment P. Van Leynseele et F. Van de Putte, « La médiation dans le Code judiciaire », J.T., 2005, n° 6179, pp. 297 à 308; O. Caprasse, « Le nouveau droit belge de l'arbitrage », Rev. arb., 2013, p. 953; M. Dal, « La nouvelle loi sur l'arbitrage », J.T., 2013, p. 785; H. Verbist, « New Belgian Arbitration Law of 24 June 2013 and New Cepani Arbitration Rules of 1 January 2013 », Journal of International Arbitration, 2013, p. 597; G. Horsmans, « La loi belge du 24 juin 2013 modifiant la sixième partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage », RAbr, vol. 42, pp. 15-è ano 11, jul-set 2014 et in Diritto del commercio internazionale, anno XXVIII - Fasc. 4 - 2014, pp. 889-946.
    [7] Nous n'entendons pas entrer dans la discussion des deux écoles qui s'opposent sur la question de savoir si l'arbitrage relève ou ne relève pas des MARC (modes alternatifs de règlement des conflits) / ADR (alternative dispute resolution) eu égard à sa nature juridictionnelle semblable, sinon identique à celle de l'oeuvre et des missions des Cours et Tribunaux. Voir notamment le Manuel cité dans la note 2, p. 45.
    [8] Le n° 6641 du J.T., cité ci-dessus, porte témoignage du nombre croissant de magistrats qui sont convaincus des possibilités et des avantages des MARC et de l'invitation qu'ils adressent, plus ou moins fréquemment, aux parties d'y avoir recours. Il semble donc que le pouvoir judiciaire est prêt à collaborer, même en première ligne, à la promotion des MARC à la différence des sentiments, de doute et d'opposition, qu'ils témoignaient, dans des temps qui semblent révolus, à l'arbitrage. Mais jusqu'où et comment les juges peuvent-ils et doivent-ils être les promoteurs de voies judiciaires qui, comme la médiation et l'arbitrage, les dessaisissent des causes qui leur sont ou qui pourraient leur être soumises, la conciliation ayant toujours été, quant à elle, au coeur même de la mission de juger?
    [9] En matière de médiation: P. van Leynseele, article déjà cité, J.T. n° 6641, p. 205: Les projets du cabinet du ministre Geens. En matière d'arbitrage: D. Van Gerven, Nouvelles modifications pour rendre l'arbitrage en Belgique plus attractif, infra.
    [10] La conciliation peut, bien entendu, être également conclue en dehors de toute intervention judiciaire.
    [11] Si la conciliation échoue, le juge, qui s'y est impliqué et qui y a apporté un concours très actif et qui a peut-être recueilli des informations confidentielles dans le cadre des démarches conciliatrices, devra, pour éviter toute équivoque et toute suspicion quelconque, s'abstenir, si les parties le souhaitent ou même d'office, de toute autre intervention dans cette cause. Celle-ci sera dès lors jugée par un autre juge. Certaines juridictions ont, pour éviter toute dérive, créé des « chambres de conciliation » dans lesquelles les juges se limitent à cette mission de conciliation sans intervenir en rien, en cas d'échec, dans la mission de jugement.
    [12] Voir le J.T. n° 6641 déjà cité et spécialement les jugements qui y sont repris et la chronique judiciaire de ce numéro consacré au colloque: Les tribunaux de commerce et la médiation: situation actuelle et perspectives d'avenir.
    [13] Voir l'analyse de l'arbitrage Tapie / Crédit Lyonnais et des arrêts de la Cour d'appel de Paris des 17 février 2015 et 3 décembre 2015 in G. Horsmans, « Le processus arbitral et l'oeuvre de justice », Revista de arbitragem e mediaçao, RArb, Ano 13-49 - Abril-Junho 2016, pp. 319-358. Le pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 17 février 2015 a été rejeté par la Cour de Cassation de France en son arrêt du 30 juin 2016.
    [14] Art. 1717 du Code judiciaire, § 4: « Hormis dans le cas visé à l'article 1690 § 4, alinéa 1er, une demande d'annulation ne peut être présentée après l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la partie introduisant cette demande a reçu communication de la sentence conformément à l'article 1678, § 1er, a) » (procédure de communication), ou, si une demande a été introduite en vertu de l'article 1715 (demande de rectification, d'interprétation ou de complétude de la sentence), à compter de la date à laquelle la partie introduisant la demande d'annulation a reçu communication de la décision du tribunal arbitral sur la demande introduite en vertu de l'article 1715, conformément à l'article 1678, § 1er, a). Art. 1690, § 4: « La décision par laquelle le tribunal arbitral s'est déclaré compétent ne peut faire l'objet d'un recours en annulation qu'en même temps que la sentence au fond et par la même voie. Le tribunal de première instance peut également, à la demande d'une des parties, se prononcer sur le bien-fondé de la décision d'incompétence du tribunal arbitral. »
    [15] Sous le titre De la requête civile, art. 1132 du Code judiciaire: « Les décisions passées en force de chose jugée, rendues par les juridictions civiles, et par les juridictions répressives en tant que celles-ci ont statué sur les intérêts civils, peuvent être rétractées sur la requête civile formée par ceux qui y auront été parties ou dûment appelés, sans préjudice des droits appartenant an ministère public. ». Sous le titre De la prise à partie, art. 1140: « Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants (…) ».
    [16] Cass. civ. fr. I, 25 mai 1992, Fougerolles, R.C.D.I.P., 1992, 699, note B. Oppetit; J.D.I., 1992, 974, note E. Loquin. Voir aussi M. de Boisséson, « L'arbitrage et la fraude (à propos de l'arrêt Fougerolles, rendu par la Cour de Cassation le 25 mai 1992) », Rev. Arb., 1993, 3 qui fait notamment état d'un arrêt du 3 juillet 1817 par lequel la Cour de Cassation proclamait déjà que « la fraude fait exception à toutes les règles faites pour les cas ordinaires ». Voir X. Dieux, « Développements de la maxime 'fraus omnia corrumpit' dans la jurisprudence de la Cour de Cassation de Belgique », in Actualités du droit des obligations, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 125.
    [17] Art. 1676, § 3, du Code judiciaire: « Sans préjudice des lois particulières, les personnes morales de droit public ne peuvent conclure une convention d'arbitrage que lorsque celle-ci a pour objet le règlement de différends relatifs à une convention. La convention d'arbitrage est soumise aux mêmes conditions quant à sa conclusion que la convention qui fait l'objet de l'arbitrage. En outre, les personnes morales de droit public peuvent conclure une convention d'arbitrage en toutes matières déterminées par la loi ou par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Cet arrêté peut également fixer les conditions et les règles à respecter relatives à la conclusion de la convention. ». Art. 1724, dernier alinéa: « Les personnes morales de droit public peuvent être parties à une médiation dans les cas prévus par la loi ou par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres. »
    [18] Voir supra, note 13.
    [19] On songe à la satisfaction qu'éprouvent les milieux arbitraux depuis que le juge d'appui les aide - et a reçu mission légale de les aider - dans le bon fonctionnement des arbitrages. On songe aussi à l'ancienne procédure anglaise du « special case » qui impliquait et/ou qui permettait aux arbitres de saisir les juges publics s'ils estimaient qu'ils étaient confrontés à un problème de droit que leurs connaissances personnelles ne permettaient pas de résoudre. En fait, cette procédure était peu utilisée car les arbitres ne voulaient pas déranger les juges publics. Cette procédure a été abandonnée pour ne pas effrayer ni inquiéter les étrangers dont les milieux anglais souhaitaient qu'ils viennent en grand nombre localiser leurs arbitrages en Angleterre.
    [20] Devant le tribunal du travail, tout débat relatif à une des demandes prévues à l'article 578, doit être précédé, à peine de nullité, d'une tentative de conciliation, actée à la feuille d'audience (art. 734 du Code judiciaire).
    [21] Art. 1043: « Les parties peuvent demander au juge d'acter l'accord qu'elles ont conclu sur la solution du litige dont il est régulièrement saisi. Ce jugement n'est susceptible d'aucun recours de la part des parties litigantes à moins que l'accord n'ait point été légalement formé et sauf les voies d'interprétation et de rectification prévues aux articles 793 à 801/1 s'il y a lieu. ».
    [22] B. Inghels, « La médiation en matière commerciale se déploie un peu partout », in Foro, 03/2016, n° 52.
    [23] P. Van Leynseele et F. Van de Putte, « La médiation dans le Code judiciaire », J.T., 2005, n° 6179, pp. 297 à 308.
    [24] Art. 1724 du Code judiciaire: « Tout différend susceptible d'être réglé par transaction peut faire l'objet d'une médiation de même », ajoute ledit article, « que des différends de nature familiale qui y sont précisés ou résultant d'une cohabitation de fait ».
    [25] Art. 1730, § 1er: « Toute partie peut proposer aux autres parties, indépendamment de toute procédure judiciaire ou arbitrale, avant, pendant ou après le déroulement d'une procédure judiciaire, de recourir au processus de médiation. Les parties désignent le médiateur de commun accord ou chargent un tiers de cette désignation. »
    [26] Art. 1734, § 1er: « Sauf devant la Cour de cassation et le tribunal d'arrondissement, en tout état de la procédure et ainsi qu'en référé, le juge déjà saisi d'un litige peut, à la demande conjointe des parties ou de sa propre initiative mais avec l'accord de celles-ci, ordonner une médiation, tant que la cause n'a pas été prise en délibéré. Les parties s'accordent sur le nom du médiateur qui doit être agréé par la commission visée à l'article 1727. »
    [27] Le deuxième alinéa de l'article 1734 dispose toutefois: « Par dérogation à l'alinéa précédent, les parties peuvent, conjointement et de manière motivée, demander au juge qu'il désigne un médiateur non agréé. Sauf si le médiateur proposé par les parties ne répond manifestement pas aux conditions visés à l'article 1726, le juge fait droit à cette demande si les parties démontrent qu'aucun médiateur agréé présentant les compétences requises pour les besoins de la médiation n'est disponible. »
    [28] Au-delà de toutes les dispositions consacrées à la composition de ces commissions, le § 6 dudit article 1727 arrête les missions de la commission générale comme suit: « agréer les organes de formation des médiateurs et les formations qu'ils organisent; déterminer les critères d'agrément des médiateurs par type de médiation; agréer les médiateurs; retirer, temporairement ou définitivement, l'agrément accordé aux médiateurs qui ne satisfont plus aux conditions prévues à l'article 1726; fixer la procédure d'agrément et de retrait, temporaire ou définitif du titre de médiateur; dresser et diffuser la liste des médiateurs auprès des cours et tribunaux; établir un code de bonne conduite et déterminer les sanctions qui en découlent. ».
    [29] Il y a, aujourd'hui, de nombreuses personnes qui ont suivi la formation requise et qui ont obtenu l'agréation et le titre de médiateur mais qui se désolent de ce que l'on ne fasse pas appel à leurs services!
    [30] Posséder, par l'exercice présent ou passé d'une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend; justifier, selon le cas, d'une formation ou d'une expérience adaptée à la pratique de la médiation; présenter les garanties d'indépendance et d'impartialité nécessaires à l'exercice de la médiation; ne pas avoir fait l'objet de condamnation ou de sanction incompatibles avec l'exercice de la fonction de médiateur agréé, ni avoir fait l'objet de retrait d'agrément (art. 1726 du Code judiciaire).
    [31] M. Piers en D. De Meulemester, « Nieuwe Arbitragewet. België is voortaan een 'Uncitral modelwet-law' », N.J.W., 2013, p. 726.
    [32] Voir notamment C. Jallamion, L'arbitrage en matière civile du XVIIIe au XIXe siècle. L'exemple de Montpellier, Thèse de droit, Montpellier, 2004, 535 p.; C. Jallamion et Th. Clay, « Justice publique et arbitrage. Hier et aujourd'hui », in Itinéraires d'histoire de la procédure civile, Regards français, Chapitre 6, pp. 177 et s., Bibliothèque de l'Institut de recherche juridique de la Sorbonne, André Tunc, 2014.
    [33] Th. Clay, « Liberté. Egalité. Efficacité: la devise du nouveau droit français de l'arbitrage. Commentaire article par article », in Journal de droit international, Clunet, 2012, pp. 443-532 et pp. 815-858.
    [34] Je regrette, quant à moi, que cette compétence n'ait pas été attribuée aux 5 tribunaux de commerce du siège des 5 cours d'appel du pays dans la mesure où la plupart des arbitrages se déroulent dans le monde économique et social qui relève naturellement, sinon exclusivement de cette juridiction commerciale appelée à devenir la juridiction de l'entreprise.
    [35] Le tribunal arbitral demeure toujours incompétent pour statuer sur de telles demandes lorsqu'elles sont relatives à des actes authentiques (art. 1700, § 5, du Code judiciaire).
    [36] « Burger wantrouwt justitie », De Standaard, 15 septembre 2016.
    [37] G. Horsmans, Straight to the point, avant-propos du numéro 2016/3 de cette Revue.
    [38] Quelles sont les limites de cette liberté? Les parties pourraient-elles, par exemple, dispenser les arbitres de motiver leurs sentences ou de souhaiter que leur délibéré ait lieu en leur présence? De tels souhaits et de telles dispositions posent-ils un problème si les parties et les arbitres y consentent? Mais les arbitres peuvent-ils y consentir? Et que diraient les juges publics éventuellement saisis de ces questions? Je crois personnellement que si ces dispositions sont dûment convenues, elles ne méconnaissent pas la nature juridictionnelle de l'arbitrage et qu'elles n'en modalisent que les conditions sous le couvert de la pleine liberté que le droit de l'arbitrage reconnaît aux parties et qui est et qui devrait constituer encore davantage le coeur et le fondement de base de cette voie juridictionnelle.
    [39] Voir aussi P. Van Leynseele, déjà cité, « Quand suggérer une médiation - Indices de 'médiabilité' qui fait état des réflexions menées entre le tribunal de commerce de Bruxelles et la commission MARC's de l'Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles », J.T., n° 6641, p. 204.