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Nouvelles modifications mineures pour faciliter davantage l'arbitrage en Belgique, R.D.C.-T.B.H., 2016/10, p. 912-917

Nouvelles modifications mineures pour faciliter davantage l'arbitrage en Belgique

Dirk Van Gerven [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

Suppression du renvoi au Code de droit international privé en matière de compétence internationale des juges belges

Suppression de l'obligation de mentionner le lieu où la sentence arbitrale a été rendue

Suppression de l'obligation de dépôt de la sentence arbitrale

En cas de tierce opposition, obligation d'introduire le recours en annulation dans la même procédure

La compétence exclusive du tribunal de première instance

La compétence territoriale en fonction du lieu de l'arbitrage

Exequatur des mesures provisoires et conservatoires

Autres modifications visant à éviter des difficultés d'interprétation

Conclusion

RESUME
Dans cet article, l'auteur commente les modifications que le projet de loi Pot Pourri IV propose d'apporter aux dispositions du Code judiciaire en matière d'arbitrage. Il s'agit de modifications d'importance limitée qui complètent la réforme en profondeur réalisée par la loi du 24 juin 2013 à l'occasion de laquelle le législateur belge avait adapté les règles belges de l'arbitrage à la loi-type de la C.N.U.D.C.I. Ce projet de loi a été déposé au parlement le 15 juillet 2016 et deviendra probablement une loi en 2017.
SAMENVATTING
In deze bijdrage bespreekt de auteur de wijzigingen die in het wetsvoorstel Potpourri IV worden voorgesteld aan de bepalingen van het Gerechtelijk Wetboek inzake arbitrage. Het gaat om minder belangrijke wijzigingen in aanvulling op de grondige hervorming van 24 juni 2013 waarin de Belgische wetgever de Belgische arbitrageregels aan de typewet van de C.N.U.D.C.I. heeft aangepast. Dit wetsontwerp is in het Parlement ingediend op 15 juli 2016 en zal vermoedelijk in 2017 wet worden.
Introduction

1.Le projet de loi modifiant le statut juridique des détenus et la surveillance des prisons et portant des dispositions diverses en matière de justice, également connue sous le nom Pot-Pourri IV propose notamment de modifier certaines dispositions du Code judiciaire en matière d'arbitrage. Il s'agit, selon les mots du ministre de la Justice, d'« un nombre limité de modifications » qui vient compléter la récente réforme de la loi du 24 juin 2013 afin de rendre la Belgique idéalement disposée pour non seulement l'arbitrage national mais également l'arbitrage international.

En effet, les dispositions du Code judiciaire applicables à l'arbitrage règlent aussi bien l'arbitrage national que l'arbitrage international et ont singulièrement modernisé la procédure en adaptant la loi à la loi-type de la Commission des Nations-Unies pour le Droit Commercial International (C.N.U.D.C.I.). La pratique de l'arbitrage international traite favorablement les pays qui reprennent la loi-type de la C.N.U.D.C.I. car leurs procédures sont facilement reconnaissables par tous.

Le ministre précise toutefois que, « Nonobstant ce grand progrès, le nombre d'arbitrages demeure plutôt modeste dans notre pays. Afin de renforcer davantage la résolution de conflits par voie d'arbitrage, quelques adaptations mineures sont proposées dans le projet de loi, qui visent à améliorer encore la simplicité et l'efficience de la procédure et à tenter d'éviter des problèmes d'interprétation, en sorte que la loi de 2013 puisse obtenir ses pleins effets. » En réalité, les modifications s'inscrivent dans le souhait de renforcer les solutions acquises lors de la réforme de 2013 tout en évitant des difficultés d'interprétation [2].

Le projet de loi a été déposé le 15 juillet 2016 à la Chambre (Doc. parl., Chambre, S.[2015/2016], n° 1986/1), et deviendra sans doute loi avant la fin de l'année.

2.Nous parcourons ci-après les différentes modifications proposées par ce projet de loi. Ces modifications seront applicables directement aux procédures en cours entamées après les modifications en 2013 (art. 3 C. jud.).

Quelques modifications concernent des corrections linguistiques et ne seront pas abordées dans le présent article.

Suppression du renvoi au Code de droit international privé en matière de compétence internationale des juges belges

3.L'actuel article 1676, § 6, du Code judiciaire prévoit que les articles 5 à 14 du Code DIP, qui règlent la compétence des juges belges, s'appliquent en matière d'arbitrage et que les juges belges sont également compétents lorsque les parties ont convenu de situer le lieu de l'arbitrage en Belgique (lors de l'introduction de la demande d'arbitrage). Par ailleurs, tant que le lieu de l'arbitrage n'est pas fixé, les juges belges sont compétents pour trancher des exceptions d'invalidité de la convention d'arbitrage ou que la convention d'arbitrage a pris fin, et de prendre des mesures provisoires.

Le Conseil d'Etat avait lors de l'examen de la loi du 24 juin 2013 déjà souligné [3] qu'il n'est pas nécessaire de se référer aux dispositions en matière de compétence internationale du Code DIP car il n'y est fait référence nulle part ailleurs dans le Code judiciaire. Il suffit, comme le projet de loi le propose en modifiant le § 7 de l'article 1676, de prévoir que les dispositions belges en matière d'arbitrage (reprises dans la sixième partie du Code judiciaire) s'appliquent et que les juges soient compétents lorsque le lieu d'arbitrage est situé en Belgique ou lorsque les parties l'ont convenu [4]. Selon l'article 1701, § 1er (auquel l'article 1676, § 7, se réfère), le lieu de l'arbitrage est décidé par les parties [5]; faute d'une telle décision, ce lieu est fixé par le tribunal arbitral, compte tenu des circonstances de l'affaire, en ce compris les convenances des parties. Si le lieu de l'arbitrage n'a pas été déterminé par les parties ou par les arbitres, le lieu où la sentence est rendue vaut comme lieu de l'arbitrage. En pratique, si les parties n'ont pas convenu le lieu de l'arbitrage, les arbitres le mentionneront dans l'acte de mission afin d'éviter tout malentendu sur ce point. Dans le cas d'une procédure régie par le Règlement Cepani, le lieu de l'arbitrage sera, à défaut d'accord entre les parties, déterminé par le comité de désignation des arbitres ou par le président du Cepani à défaut d'accord entre les parties (art. 21), et doit être mentionné dans l'acte de mission (art. 22). Dans le cas d'une procédure régie par le Règlement ICC, le lieu de l'arbitrage est fixé par la Cour (art. 18), et doit également être mentionné dans l'acte de mission (art. 23). En cas d'une procédure ad hoc, les arbitres s'informeront auprès des parties afin de savoir s'il existe un accord sur le lieu de l'arbitrage. A défaut, ils trancheront après avoir entendu les parties.

A l'article 1676, § 7, les mots « sauf convention contraire des parties » sont supprimés car ils pouvaient faire sous-entendre que les parties pouvaient y déroger et exclure l'application des dispositions du Code judiciaire (à l'exception des dispositions énumérées au § 8) lorsque le lieu de l'arbitrage se situe en Belgique. Cette interprétation serait en effet contraire à l'intention initiale du législateur de 2013 [6]. Le Code judiciaire belge s'applique obligatoirement lorsque le lieu de l'arbitrage se trouve en Belgique ou, ajoute le projet de loi, lorsque les parties, même si ce lieu se trouve ailleurs, ont convenu que le Code judiciaire belge est applicable à leur arbitrage. Cette modification n'interdit évidemment pas les parties de déroger aux règles de droit supplétif [7]. A cet effet, les Règlements Cepani et ICC imposent aux parties de l'indiquer dans la demande d'arbitrage et dans la réponse des indications relatives au lieu de l'arbitrage (art. 3(1)(f) et art. 4(1)(f) Cepani; art. 4(3)(h) et art. 5(1)(f) ICC).

Suppression de l'obligation de mentionner le lieu où la sentence arbitrale a été rendue

4.Le projet de loi propose de supprimer l'obligation de mentionner dans la sentence arbitrale le lieu où la sentence a été rendue (art. 1713, § 5, e), C. jud.). Cette mention peut avoir des implications juridiques importantes car, selon la doctrine, le lieu de la sentence, c'est-à-dire l'endroit où la sentence a été rendue (qui donc se différencie du lieu de l'arbitrage) [8], détermine la nationalité de la sentence, et en principe, les conditions requises pour son exequatur [9]. Pour éviter l'application de règles de procédure différentes [10], il convient de se référer à un seul critère de rattachement, celui du lieu de l'arbitrage qui est généralement accepté aujourd'hui dans l'arbitrage international. Donc, il semble qu'il faille mieux tenir uniquement compte du lieu de l'arbitrage pour déterminer la loi applicable à la procédure de l'arbitrage. Ceci est d'autant plus vrai que le lieu où la sentence est rendue ne revête généralement pas une importance majeure étant donné qu'en général, les arbitres ne signent pas la sentence arbitrale au même endroit, mais bien là où ils se trouvent lors de la signature de la sentence qui leur est envoyée par courrier. Dans ce cas, et à défaut d'endroit précis, il peut être soutenu que la sentence a été rendue au lieu de l'arbitrage dans la mesure où (au moins une partie de) la procédure s'est déroulée à cet endroit [11]. Pour toutes ces raisons, les règlements ICC et Cepani prévoient par ailleurs que la sentence est réputée rendue au lieu de l'arbitrage (art. 31(3) et art. 29(3)); cette disposition espère éviter que les arbitres mentionnent un autre lieu [12].

Plus important est la mention du lieu de l'arbitrage, car cette mention détermine le droit applicable à la procédure d'arbitrage (voy. n° 3, supra). L'obligation de le mentionner dans la sentence arbitrale sera donc maintenue. En pratique, si le lieu de l'arbitrage n'est pas mentionné dans la convention d'arbitrage, les arbitres feront attention de le mentionner dans l'acte de mission pour éviter toute discussion par après. Les règlements du Cepani (art. 22(1)(g)) et d'ICC (art. 23(1)(f)) imposent la mention dans l'acte de mission préparé par le tribunal arbitral et soumis pour signature aux parties (voy. n° 3, supra).

Suppression de l'obligation de dépôt de la sentence arbitrale

5.Le projet de loi propose de supprimer le dépôt obligatoire de la sentence arbitrale au greffe du tribunal de première instance. L'article 1713, § 8, impose cette obligation à l'arbitre unique ou au président du tribunal arbitral qui doit, après communication de la sentence aux parties, déposer un original au greffe; il informe les parties de ce dépôt. Les parties peuvent décharger le tribunal arbitral de ce dépôt [13]. Ce dépôt n'est en effet pas requis pour que la sentence arbitrale ait entre parties les mêmes effets que la décision d'un tribunal (art. 1713, § 9, C. jud.), ni pour rendre la sentence arbitrale exécutoire. Dans le cas d'une procédure Cepani, le dépôt se fait par le secrétariat du Cepani, qui s'occupe aussi de l'envoi de l'original de la sentence aux parties. Les règles Cepani prévoient actuellement déjà que le dépôt se fait uniquement si l'une des parties le demande (art. 31(3)).

Ce dépôt est considéré comme une formalité lourde qui engendre souvent du retard et des frais complémentaires s'il convient de traduire la sentence rendue dans une autre langue que la langue du greffe. Cela concerne surtout les sentences étrangères [14], mais également des sentences nationales rendues en une langue étrangère, comme l'anglais. Le dépôt n'a pas de valeur ajoutée, et d'autres pays ont déjà supprimé cette obligation [15].

En outre, l'exposé des motifs nous apprend que l'arbitre ne doit pas garder un original de la sentence arbitrale. Si une partie a perdu l'original, elle peut s'adresser à l'arbitre pour demander une copie certifiée [16]. Ceci est effectivement une obligation pour le tribunal arbitral, lorsque l'une des parties en fait la demande. Les arbitres doivent donc au moins garder une copie signée de la sentence arbitrale. Ils doivent la garder au moins 10 ans en cas de sentence arbitrale soumise au droit belge, car la condamnation prononcée par une sentence arbitrale se prescrit par 10 années révolues, à compter de la date où la sentence arbitrale a été communiquée aux parties (art. 1722 C. jud.). Elle ne peut plus être invoquée par après [17].

La suppression du dépôt obligatoire implique que la mission du tribunal arbitral prenne fin avec la clôture de la procédure arbitrale et la communication de la sentence arbitrale aux parties (sous réserve de la rectification ou de l'interprétation de la sentence (conformément à l'art. 1715 C. jud.), l'appel lorsqu'il est prévu (art. 1716 C. jud.), et la suspension dans le cadre d'une demande d'annulation de la procédure d'arbitrage pour permettre au tribunal arbitral d'éliminer les motifs d'annulation (conformément à l'art. 1717 C. jud.). Le dépôt ne sera donc plus exigé pour mettre fin à la procédure arbitrale; le projet de loi propose donc d'adapter l'article 1714 du Code judiciaire dans ce sens.

En cas de tierce opposition, obligation d'introduire le recours en annulation dans la même procédure

6.Tout tiers, qui n'a pas été dûment appelé ou n'est pas intervenu à la cause en la même qualité, peut former tierce opposition contre une ordonnance d'exequatur d'une sentence arbitrale lorsque cette ordonnance porte préjudice à ses droits (art. 1122 C. jud.). La tierce opposition est portée par citation, donnée à toutes les parties, devant le juge qui a rendu l'ordonnance (art. 1125 C. jud.). La demande d'ordonner exequatur doit être portée devant le tribunal de première instance du siège de la cour d'appel dans le ressort duquel la personne contre laquelle la déclaration exécutoire est demandée a son domicile et, à défaut de domicile, sa résidence habituelle ou, le cas échant, son siège social, ou à défaut, son établissement ou sa succursale. Si cette personne n'a ni domicile, ni résidence habituelle, ni siège social ni établissement ou succursale en Belgique, la demande est portée devant le tribunal de première instance du siège de la cour d'appel de l'arrondissement dans lequel la sentence doit être exécutée (art. 1720, § 2, C. jud.). Ce juge est donc également compétent pour traiter de la tierce opposition.

Par contre, une demande d'annulation est portée devant le tribunal de première instance dont le siège est celui de la cour d'appel dans le ressort duquel est fixé le lieu de l'arbitrage (art. 1680, § 6, C. jud.; voy. le n° 3 pour le cas où ce lieu n'est pas fixé ou ne se situe pas en Belgique). Donc en cas de tierce opposition, si une des parties à la sentence arbitrale, qui est nécessairement à la cause de la tierce opposition car toutes les parties doivent être citées, souhaite demander l'annulation de la sentence arbitrale, cette dernière peut introduire le recours en annulation devant un autre tribunal de première instance. Pour éviter deux procédures, il est proposé d'imposer à cette partie d'introduire son recours devant le tribunal qui connaît de la tierce opposition (art. 1717, § 7, proposé). Ceci permettra d'éviter une multiplication de procédures.

La compétence exclusive du tribunal de première instance

7.Le tribunal de première instance est le tribunal compétent pour statuer sur les actions en justice en matière d'arbitrage. Il est fait exception à cette règle lorsque le président du tribunal de première instance est compétent, comme dans les cas définis à l'article 1680 du Code judiciaire lui permettant de statuer comme en référé (art. 1980, § 5, C. jud.). Dans les autres cas, le président doit se déclarer incompétent en faveur du tribunal de première instance. Toutefois, cette disposition légale ne tient pas compte du pouvoir du président du tribunal de première instance siégeant en référé de prendre des mesures provisoires prévu aux articles 1683 et 1698 du Code judiciaire. Il fallait donc ajouter cette exception au § 5 de l'article 1980 du Code judiciaire. Le projet de loi propose de le faire.

En outre, il est à cette occasion expressément prévu que dans tous les autres cas en matière d'arbitrage, le tribunal de première instance est seul compétent [18]. La référence à la citation est supprimée car la règle générale de l'article 700 du Code judiciaire s'applique qui prévoit qu'une action principale peut être introduite par citation, au moyen de comparution volontaire ou par requête unilatérale.

Enfin, le tribunal de première instance décide en premier et dernier ressort. Il n'y a pas appel possible auprès de la cour d'appel; l'on peut uniquement se pourvoir en cassation, qui n'est pas un ressort [19]. Ce principe résulte de l'article 1680, § 5, du Code judiciaire. Pour éviter toute confusion, le projet de loi propose de le confirmer à l'article 1717, § 2, qui traite de la demande en annulation de la sentence arbitrale [20].

La compétence territoriale en fonction du lieu de l'arbitrage

8.Le projet de loi souhaite clarifier les dispositions déterminant la compétence territoriale du tribunal de première instance lorsqu'il est saisi et que le lieu de l'arbitrage se situe à l'étranger.

Il est confirmé comme règle générale que les actions en matière d'arbitrage (visées par la sixième partie du Code judiciaire) sont de la compétence territoriale du juge dont le siège est celui de la cour d'appel dans le ressort de laquelle est fixé le lieu de l'arbitrage (art. 1680, § 6, al. 1er, proposé, C. jud.). Lorsque le lieu de l'arbitrage n'a pas été fixé ou n'est pas situé en Belgique, le juge territorialement compétent est celui dont le siège est celui de la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve la juridiction qui eut pu connaître du litige s'il n'avait pas été soumis à l'arbitrage (art. 1680, § 6, al. 2, proposé).

Ces règles s'appliquent sous réserve de ce qui est prévu pour la demande concernant la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger (art. 1720 C. jud.), et la demande de déclaration exécutoire des mesures provisoires et conservatoires ordonnées à l'étranger qui est régie par les dispositions de l'article 1696, § 1/1, du Code judiciaire (voy. n° 9, infra). Le tribunal belge territorialement compétent pour ces deux demandes sera le tribunal de première instance du siège de la cour d'appel dans le ressort de laquelle la personne contre laquelle la déclaration exécutoire est demandée a son domicile et, à défaut de domicile, sa résidence habituelle ou, le cas échéant, son siège social ou, à défaut, son établissement ou sa succursale. Si cette personne n'a ni domicile, ni résidence habituelle, ni siège social, ni établissement ou succursale en Belgique, la demande est portée devant le tribunal de première instance du siège de la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve l'arrondissement dans lequel la mesure doit être exécutée (art. 1696, § 1/2, proposé et art. 1720, § 2, proposé).

Exequatur des mesures provisoires et conservatoires

9.Des mesures provisoires et conservatoires peuvent, pendant l'arbitrage, être demandées en justice en référé (art. 1683 C. jud.) ou au tribunal arbitral. Le Règlement du Cepani (art. 26 et 27) et celui de l'ICC (art. 28 et art. 29) le prévoient expressément, même en dehors d'une procédure d'arbitrage en cours et règlent la procédure. Lorsque ces mesures ont été ordonnées par le tribunal arbitral, elles ont force obligatoire. Pour les rendre exécutoires en Belgique, il faut demander au tribunal de première instance de les déclarer exécutoires (art. 1696, § 1er, C. jud.; pour les causes de refus, voy. art. 1697 C. jud.).

Le projet de loi propose de régler expressément la procédure pour rendre les mesures provisoires et conservatoires exécutoires. La demande est introduite et instruite sur requête unilatérale devant le tribunal de première instance qui, selon la règle générale (art. 1680, § 5 in fine, C. jud.), statue en premier et dernier ressort (art. 1696, § 1/1, proposé). Ceci n'empêche pas la possibilité de se pourvoir en cassation [21]. Au cas où la mesure a été rendue en Belgique, le juge territorialement compétent est celui désigné conformément à l'article 1680, § 6 (voy. n° 8, supra), et au cas où la mesure a été rendue à l'étranger, le tribunal territorialement compétent est désigné conformément aux règles discutées au n° 8, supra.

Autres modifications visant à éviter des difficultés d'interprétation

10.A l'article 1678 du Code judiciaire, le § 3, prévoyant que toute communication entre les parties, entre les parties et les arbitres et entres les parties et l'institution de l'arbitrage, « est présumée être effectuée au destinataire au jour de l'accusé de réception » est supprimé afin d'éviter « tout problème d'interprétation » au vu du § 2 de cet article [22]. En effet, le § 2 détermine la date à laquelle le délai commence à courir en cas de communication avec accusé de réception en fonction du moyen de communication. La règle au § 3 pourrait prêter à confusion.

A l'article 1702 du Code judiciaire, la référence erronée au § 1er, a), de l'article 1678, qui n'existe pas, sera corrigée en la remplaçant par une référence à l'article 1678, § 1er. En outre il est proposé de clarifier le début de la procédure arbitrale en se référant à la date à laquelle « la communication de la demande d'arbitrage a été faite conformément à l'article 1678, § 1er » au lieu de à la date à laquelle la demande d'arbitrage est reçue par le défendeur. L'article 1678 utilise comme référence l'envoi de la communication au destinataire et non la réception par le destinataire. Une correction similaire est apportée à l'article 1715 du Code judiciaire et à l'article 1717, § 4.

Une clarification similaire est faite à l'article 1716 pour calculer le délai pour interjeter appel à la sentence arbitrale si les parties ont prévu une procédure d'appel. La référence au § 1er de l'article 1678 n'est pas suffisant, car le calcul du délai suite à la communication résulte de l'ensemble des § 1er à 3 de l'article 1678. Il convient donc de se référer à l'article 1678 en entier.

11.L'article 1680, § 4, du Code judiciaire qui prévoit que les mesures nécessaires en vue de l'obtention de la preuve prises par le président du tribunal de première instance statuant comme en référé ne sont pas susceptibles de recours, se référait erronément à l'article 1709 qui règle l'intervention du tribunal arbitral dans la procédure. La référence devrait être à l'article 1708 du Code judiciaire qui prévoit qu'une partie peut, avec l'accord du tribunal arbitral, demander au président du tribunal de première instance statuant comme en référé d'ordonner toutes les mesures nécessaires en vue de l'obtention de preuves conformément à l'article 1680, § 4. Cette erreur sera corrigée.

Conclusion

12.Les modifications mineures proposées sont destinées à simplifier l'arbitrage, et cadrent dans la modification fondamentale de 2013 pour rendre l'arbitrage en Belgique plus attractif. La Belgique, et plus particulièrement Bruxelles, est idéalement située pour attirer l'arbitrage international.

En effet, comme l'écrit le ministre de la Justice dans l'exposé des motifs, l'arbitrage international ne passe actuellement pas par Bruxelles, alors que (i) Bruxelles est au centre de l'Europe, (ii) que la Belgique est considérée comme un pays neutre et stable, et (iii) qu'on y trouve des candidats-arbitres de toutes nationalités parlant toutes les langues utilisées en arbitrage international. En réalité, l'arbitrage à Bruxelles fonctionne à l'ombre de Paris, Londres et Genève, qui sont mondialement plus connues.

Si le ministre veut réellement changer la situation actuelle et attirer l'arbitrage international à Bruxelles, il doit convaincre le gouvernement de créer un hearing centre [23] digne de ce nom au centre de Bruxelles, par exemple au Campus de la justice à la Place Poelaert [24]. Cela a déjà été mis en oeuvre dans d'autres villes comme Paris et Singapour où la pratique de l'arbitrage a connu une évolution significative. Ce centre doit offrir des salles pour des audiences, des services de sténographie et de secrétariat, de traduction simultanée et du catering. Ce centre pourrait être envisagé dans le cadre d'un centre de médiation et d'arbitrage, qui offrirait également des services de médiation permettant à la Belgique d'entreprendre avec conviction le virage vers un modèle de justice moins conflictuel, basé sur la résolution amiable des conflits. Un centre d'arbitrage encouragera également l'arbitrage national soulageant ainsi la justice étatique qui est actuellement débordée.

[1] L'auteur est vice-président du Cepani, mais a écrit la présente contribution en son nom personnel.
[2] Projet de loi, Doc. parl., Chambre, S.[2015/2016], n° 1986/1, 20.
[3] Doc. parl., Chambre, S.[2012/2013], n° 2743/1, 76.
[4] Doc. parl., Chambre, S.[2012/2013], n° 2743/1, 10. Ceci est conforme à la doctrine (G. van Hecke et K. Lenaerts, Internationaal Privaatrecht, A.P.R., 1989, 387).
[5] Ceci est une règle reprise de l'article 20 de la loi-type C.N.U.D.C.I. (Doc. parl., Chambre, S.[2012/2013], n° 2743/1, 28).
[6] Doc. parl., Chambre, S.[2012/2013], n° 2743/1, 10 in fine. Cette disposition était déjà interprétée dans ce sens par la doctrine (O. Caprasse, « L'arbitrage et la médiation », in de Leval (éd.), Droit judiciaire. Manuel de procédure civile, Bruxelles, Larcier, t. 2, 2015, 1381).
[7] Doc. parl., Chambre, S.[2015/2016], n° 1986/1, 63.
[8] Cela résulte de l'article 1713 du Code judiciaire qui distingue actuellement le lieu de l'arbitrage du lieu où la sentence est rendue. Selon une certaine doctrine, le lieu de l'arbitrage coïncide avec le lieu où la sentence est rendue (voy. pour une discussion des différentes opinions, F. De Ly, « The place of arbitration in the conflict of laws of international commercial arbitration: an exercise in arbitration planning », in Storme et De Ly (éds.), The Place of Arbitration, Gent, Mys & Breesch, 1992, 7-9.
[9] A. Bernard, L'arbitrage volontaire en droit privé, Bruxelles, Paris, Bruylant-LGDJ, 1937, 329; G. Keutgen et G.A. Dal, L'arbitrage en droit belge et international, Bruxelles, Bruylant, I, 2006, 398; J. Linsmeau, L'arbitrage volontaire en droit privé belge, R.P.D.B., Bruxelles, Bruylant, 1991, 140; L. Dermine, L'arbitrage commercial en Belgique, Bruxelles, Larcier, 1975, 80.
[10] Voy. déjà, F. De Ly, o.c., 12-13.
[11] A. Redfern et M. Hunter, Law and practice of international commercial arbitration, London, Sweet & Maxwell, 2004, 88-89.
[12] D. De Meulemeester et H. Verbist, Arbitrage in de praktijk, Gent, Bruylant, 2013, 224.
[13] Doc. parl., Chambre, S.[2012/2013], n° 2743/1, 37-38.
[14] Doc. parl., Chambre, S.[2015/2016], n° 1986/1, 65.
[15] Ibid.
[16] Ibid.
[17] Doc. parl., Chambre, S.[2012/2013], n° 2743/1, 44.
[18] Anvers, 27 avril 2005, R.W., 2007-2008, 581.
[19] E. Krings, « La cassation n'est pas un troisième degré de juridiction », in Liber Amicorum Lucien Simont, Bruxelles, Bruylant, 2002, 141.
[20] Doc. parl., Chambre, S.[2015/2016], n° 1986/1, 66.
[21] M. Dal, « La nouvelle loi sur l'arbitrage », J.T., 2013, 793; O. Caprasse, « L'arbitrage et la médiation », in de Leval (éd.), Droit judiciaire. Manuel de procédure civile, Bruxelles, Larcier, t. 2, 2015, 1385-1386.
[22] Doc. parl., Chambre, S.[2015/2016], n° 1986/1, 63.
[23] Voy. le plaidoyer de Cepani voor Brussels, The European Arbitration Hub (à consulter sur internet).
[24] Voy. la Vision pour le Campus Poelaert élaborée par la Fondation Poelaert et qui peut être consultée sur le site web de la fondation (qui sera bientôt opérationnel); et Fondation Poelaert, Justice pour le Palais. Un campus pour le justiciable, filipson éditions, 2014, 7 et s.