Article

Cour de cassation, 05/02/2016, R.D.C.-T.B.H., 2016/10, p. 952-953

Cour de cassation 5 février 2016

ASSURANCES
Contrat d'assurance - Assurance terrestre - Article 11 de la loi du 25 juin 1992 - Caractère impératif - Clause de déchéance - Clause du contrat d'assurance présentée sous une autre qualification - Requalification par le juge
En vertu du caractère impératif de l'article 11 de la loi du 25 juin 1992, consacré par l'article 3 de cette loi, il appartient au juge de vérifier si une clause du contrat d'assurance présentée sous une autre qualification ne constitue pas une clause de déchéance.
La clause qui permet à l'assureur de refuser sa garantie en raison de l'inexécution par l'assuré de ses obligations conventionnelles constitue une clause de déchéance au sens de l'article 11 précité.
VERZEKERINGEN
Verzekeringsovereenkomst - Landverzekering - Artikel 11 wet van 25 juni 1992 - Dwingend karakter - Vervalbeding - Beding in verzekeringsovereenkomst op andere wijze omschreven - Herkwalificatie door de rechter
Krachtens het dwingend karakter van artikel 11 van de wet van 25 juni 1992, bepaald in artikel 3 van deze wet, is de rechter gehouden te onderzoeken of een beding in een verzekeringsovereenkomst die onder een andere omschrijving is voorgesteld, geen vervalbeding is.
Het beding dat de verzekeraar toestaat om zijn dekking te weigeren wanneer de verzekerde zijn contractuele verplichtingen niet nakomt, is een vervalbeding in de zin van voornoemd artikel 11.

T.V. / AXA Belgium

Siég: Ch. Storck (président de section), D. Batselé, M. Delange, M. Lemal et M.-C. Ernotte (conseillers)
M.P.: Th. Werquin (avocat général)
Pl.: Mes H. Geinger et I. Heenen
Affaire: C.15.0179.F
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2014 par la cour d'appel de Mons, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 25 avril 2013.

Le conseiller M. Lemal a fait rapport.

L'avocat général Th. Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour
Sur le moyen

(…)

Sur le fondement du moyen

Après avoir énoncé qu'« il appartient [au demandeur], conformément à l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil, de démontrer que le risque tel qu'il s'est réalisé est couvert et n'est pas exclu de la garantie de [la défenderesse] », l'arrêt constate que « les conditions générales de la police d'assurance 'confort auto' liant les parties excluent la couverture du vol 'survenu lorsque le véhicule se trouve inoccupé et que les précautions indispensables ont été négligées, notamment ... clés ou dispositif de désarmement de l'antivol restés dans ou sur le véhicule, sauf si le véhicule se trouvait dans un garage individuel fermé à clé et qu'il y a eu effraction du garage' » et considère que « cette clause est claire et ne nécessite aucune interprétation ».

Il considère également que:

- « les constatations des verbalisateurs et les photographies annexées au dossier répressif établissent que la clé de contact se trouvait sur le contacteur du véhicule lorsqu'il a été retiré de la Meuse »;

- « il résulte par ailleurs du constat de l'huissier mandaté par [la défenderesse] dressé en présence [du demandeur] le 12 février 2009 que le véhicule ne présentait aucune trace d'effraction au niveau des poignées des portes et des arêtes de portes, que deux vitres étaient cassées au niveau des deux portes côté conducteur, que la direction était bloquée et qu'une clé a été retrouvée dans celui-ci »;

- « [le demandeur] prétend que 'rien ne prouve que la clé retrouvée dans le véhicule soit le double lui appartenant et que ces clés sont restées sur ou dans le véhicule au moment du vol' » et que « cette affirmation ne lui permet pas de rapporter la preuve qui lui incombe de la couverture du sinistre »;

- « les éléments objectifs du dossier rappelés ci-dessus établissent en effet qu'une clé était restée sur le contacteur dans le véhicule, [le demandeur] ayant par ailleurs reconnu ne disposer que de deux clés dont l'une était restée en possession de sa compagne depuis leur séparation en mars 2008, circonstance qui n'est pas établie et que cette dernière a formellement contestée »;

- « sa demande n'est donc pas fondée sans qu'il soit nécessaire d'épiloguer sur les circonstances précises du sinistre ».

Il suit de ces énonciations que l'arrêt considère, sans être entaché de l'ambiguïté dénoncée au moyen, que la clause précitée constitue une clause d'exclusion de la garantie et qu'en vertu de ladite clause, cette garantie n'est pas acquise au demandeur dès lors qu'il est avéré qu'une clé se trouvait dans le véhicule.

Pour le surplus, aux termes de l'article 11, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, applicable aux faits, le contrat d'assurance ne peut prévoir la déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance qu'en raison de l'inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat et à la condition que le manquement soit en relation causale avec la survenance du sinistre.

En vertu du caractère impératif de cette disposition, consacré par l'article 3 de la loi du 25 juin 1992, il appartient au juge de vérifier si une clause du contrat d'assurance présentée sous une autre qualification ne constitue pas une clause de déchéance.

La clause qui permet à l'assureur de refuser sa garantie en raison de l'inexécution par l'assuré de ses obligations conventionnelles constitue une clause de déchéance au sens de l'article 11 précité.

En statuant comme il le fait sans examiner si la circonstance qu'une clé se trouvait dans le véhicule est en relation causale avec la survenance du vol, l'arrêt viole l'article 11 de la loi du 25 juin 1992.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.

(…)


Note / Noot

Artikel 11 WLVO is ongewijzigd overgenomen in artikel 65 van de wet van 4 april 2014 betreffende de verzekeringen.

L'article 11 LCAT est repris tel quel dans l'article 65 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances.

Zie ook/Voir: l'arrêt de la Cour de cassation du 11 février 2016, C.15.080.N - Het arrest van het Hof van Cassatie van 11 februari 2016, C.15.080.N; Cass. 20 september 2012, NJW 2013, 268, noot G. Jocqué, RGAR 2014, nr. 15.077, JLMB 2014, 837, Pas. 2012, I, p. 1704, concl. J.M. Genicot, RW 2014-15, 739.