Article

Cour d'appel Bruxelles, 10/03/2016, R.D.C.-T.B.H., 2016/8, p. 759-760

Cour d'appel de Bruxelles 10 mars 2016

POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATION
Services postaux - Principe de non-discrimination - Rabais quantitatifs - Calcul « par expéditeur »
Le système de rabais quantitatifs mis sur pied par bpost pour ses tarifs conventionnels 2010 concernant le publipostage et le courrier administratif, qui prévoit un calcul par expéditeur identifié, n'est pas discriminatoire envers les intermédiaires et n'est donc pas contraire à l'article 12 de la directive n° 97/67/CE.
POST EN TELECOMMUNICATIE
Postdiensten - Beginsel van non-discriminatie - Volumekortingen - “Per afzender” berekening
Het systeem van volumekortingen opgezet door bpost voor haar contractuele tarieven van 2010 met betrekking tot geadresseerde reclamezendingen en administratieve zendingen, dat voorziet in een berekening per individuele afzender, is niet discriminerend ten opzichte van tussenpersonen en is dus niet in strijd met artikel 12 van richtlijn nr. 97/67/EG.

bpost S.A. / IBPT

Siég.: M. Salmon (conseiller f.f. président), H. Reghif (conseiller), C. Verbruggen (magistrat délégué)
Pl.: Mes J. Bocken loco P. Hoströssler et S. Depré, P. Vernet
Affaire: 2011/AR/2481

(…)

I. Antécédents de la procédure et demandes soumises à la cour

1. […]

Pour la compréhension du présent arrêt, la cour rappelle qu'elle est saisie d'un recours en annulation introduit par bpost, par une requête du 23 septembre 2011, contre la décision du Conseil de l'IBPT du 20 juillet 2011 (ci-après la « décision »), par laquelle celui-ci a:

- constaté que bpost a commis « une infraction à l'article 144ter, § 1er, 5°, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques (ci-après « la loi »), pour non-respect de son obligation de non-discrimination en ce qui concerne les tarifs conventionnels de l'année 2010 »;

[…]

Les tarifs visés par la décision de l'IBPT sont les tarifs conventionnels fixés par bpost pour l'année 2010 concernant les « Direct Mail », à savoir le publipostage (publicités adressées aux destinataires) et les « Admin Mail », à savoir les envois administratifs standardisés mais individualisés adressés à des clients (p. ex. envoi d'extraits bancaires, de factures de fournitures d'énergie, télécommunications, etc.).

2. Par l'arrêt interlocutoire du 12 juin 2013, […] la cour a sursis à statuer […], notamment sur « l'application du principe de non-discrimination dans la relation entre bpost et les intermédiaires à la lumière de l'article 12, cinquième tiret, de la directive postale et de l'article 144ter § 1er, 4° et 5°, » de la loi (cf. Titre VI, (2), (c), de l'arrêt).

La cour relève à ce propos, d'une part, que la critique fondamentale de l'IBPT à l'égard des tarifs conventionnels réside dans l'octroi, par bpost aux intermédiaires, de remises quantitatives calculées par expéditeurs et non sur les volumes cumulés des envois déposés par eux sur son réseau, ce qui prive ces intermédiaires de réductions plus élevées […].

Concernant les remises quantitatives, elle relève la divergence d'opinion entre les parties sur la portée de l'article 12, cinquième tiret, de la directive postale, notamment eu égard à l'interprétation donnée par la C.J.U.E. dans son arrêt Deutsche Post AG, Vedat Deniz e.a. du 6 mars 2008, la question étant, selon la cour, de déterminer si cette disposition est limitée aux tarifs spéciaux accordés pour une raison opérationnelle. La cour se demande si les rabais purement quantitatifs sont visés par l'article 12, quatrième tiret, ou par l'article 12, cinquième tiret, de la directive postale, et si au regard de chacune de ces dispositions, la règle de non-discrimination est violée par des rabais octroyés aux intermédiaires dans le modèle « par expéditeur ».

[…]

Tenant compte de ce qui précède, la cour a estimé qu'il y avait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (C.J.U.E.) en application de l'article 267 du TFUE, et de lui soumettre les questions préjudicielles suivantes:

[…]

3. Par l'arrêt du 11 février 2015, C-340/13, la C.J.U.E. a dit pour droit que:

 Le principe de non-discrimination des tarifs prévu à l'article 12 de la directive n° 97/67/CE […] doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à un système de rabais quantitatif par expéditeur, tel que celui en cause au principal. » (dispositif de l'arrêt).

La C.J.U.E. parvient à cette conclusion après avoir notamment relevé au préalable que:

- la question de savoir si le rabais quantitatif par expéditeur litigieux relève du champ d'application de l'article 12, quatrième tiret ou cinquième tiret, […] n'est pas déterminante en vue du contrôle de la légalité de la décision à prendre, dès lors que les tarifs de chacun des services faisant partie du service universel doivent respecter le principe de non-discrimination, à savoir tant les « tarifs » visés au quatrième tiret que les « tarifs spéciaux » visés au cinquième tiret (§ 24 à 26 de l'arrêt);

- pour apprécier si les rabais litigieux pratiqués par bpost sont discriminatoires, “ il convient uniquement de vérifier si la pratique en cause respecte la jurisprudence constante de la cour selon laquelle le principe général d'égalité de traitement (…) exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié » (§ 27 de l'arrêt);

- « Dans ces conditions, il importe de comprendre les questions préjudicielles, prises ensemble, comme visant à savoir, en substance, si le principe de non-discrimination des tarifs postaux prévu à l'article 12 de la directive n° 97/67 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un système de rabais quantitatif par expéditeur, tel que celui en cause au principal. » (§ 28 de l'arrêt).

[…]

II. Discussion

[…]

10. […]

Cette réponse rencontre les interrogations formulées par la cour dans l'arrêt interlocutoire du 12 juin 2013 […].

Il importe peu à cet égard que la C.J.U.E. n'ait pas estimé opportun de répondre expressément à la première question posée par l'arrêt interlocutoire afin de savoir si les rabais quantitatifs sont visés au quatrième tiret ou cinquième tiret de l'article 12 de la directive postale […].

[…] la C.J.U.E. a implicitement interprété l'article 12 de la directive postale en ce sens que les rabais quantitatifs sont soumis à la règle générale de non-discrimination prévue au quatrième tiret de cet article, et non à la règle particulière visant les tarifs spéciaux prévue au cinquième tiret.

[…]

14. Il ressort de l'arrêt du 11 février 2015 de la C.J.U.E. qu'un système de rabais quantitatifs par expéditeurs n'est pas contraire à l'obligation de non-discrimination dès lors que les expéditeurs et les intermédiaires ne se trouvent pas dans des situations comparables.

Les expéditeurs et les intermédiaires ne sont pas dans une situation comparable en ce qui concerne l'origine de la demande de services postaux et dès lors ils ne répondent pas de la même manière à l'objectif de stimulation de la demande poursuivi par un système de rabais quantitatifs. En effet, seuls les expéditeurs sont à l'origine de leurs propres envois.

Par ailleurs, si bpost devait, comme le préconise l'IBPT, accorder des ristournes quantitatives en permettant aux intermédiaires d'agréger leurs envois de différents expéditeurs, il en résulterait un incitant pour les expéditeurs - dont les envois n'atteignent pas le seuil prévu pour les rabais quantitatifs - à se tourner vers les intermédiaires, en escomptant qu'ils leur ristournent une partie des rabais obtenus par l'agrégation. Cette situation pourrait avoir pour conséquence que tous les envois seraient agrégés auprès d'intermédiaires, que le système des ristournes quantitatives se verrait privé de son effet incitatif et qu'il mettrait en péril le financement du service universel.

[…]

Il suit ce qui précède que le système de rabais quantitatifs mis sur pied par bpost pour ses tarifs conventionnels 2010 concernant le publipostage et le courrier administratif (« Direct Mail » et « Adm Mail »), qui prévoit un calcul par expéditeur identifié, n'est pas discriminatoire envers les intermédiaires, contrairement à ce qu'a décidé l'IBPT dans sa décision.

[…]

Par ces motifs,

La cour,

Statuant contradictoirement,

Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

Dit le recours fondé,

Annule la décision de l'IBPT du 20 juillet 2011;

Condamnée l'IBPT aux dépens, liquidés dans le chef de bpost à la somme de 1.506 EUR.