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Détermination de la compétence internationale en matière civile et commerciale : la distinction entre matières contractuelle et extracontractuelle au sens du Règlement Bruxelles Ibis, R.D.C.-T.B.H., 2017/1, p. 34-51

Détermination de la compétence internationale en matière civile et commerciale: la distinction entre matières contractuelle et extracontractuelle au sens du Règlement Bruxelles Ibis

Charlotte Sartori [1]

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. Détermination de la matière contractuelle: un nouveau critère d'application? I.1. Le critère traditionnel de l'engagement librement assumé

I.2. L'émergence du critère de la nature de l'obligation sur laquelle la demande est fondée

I.3. Applications récentes dans le domaine du droit des sociétés

II. Articulation des matières contractuelle et extracontractuelle II.1. Le caractère résiduel de la matière extracontractuelle

II.2. La problématique des litiges « mixtes » a) Les manquements mixtes

b) Les actions mixtes 1. Catégories d'actions mixtes

2. Insuffisance des règles en matière de litispendance et de connexité

3. Nuances et palliatifs

Conclusion

RESUME
Le Règlement Bruxelles Ibis (et avant lui le règlement Bruxelles I) distingue la compétence internationale des juridictions en matière contractuelle d'une part et extracontractuelle de l'autre, sans pour autant définir ces deux notions. La Cour de justice de l'Union européenne a pris soin de délimiter au fur et à mesure de sa jurisprudence les contours de ces deux concepts clés. Une série d'arrêts récents permet de mieux circonscrire la notion de matière contractuelle, vis-à-vis de laquelle la matière extracontractuelle se construit en négatif. Ces derniers laissent néanmoins persister différentes interrogations sur le traitement procédural à réserver aux litiges qui présenteraient des aspects mixtes.
SAMENVATTING
De Brussel-Ibis verordening (en voordien de Brussel-I verordening) maakt een onderscheid tussen de internationale bevoegdheid van de rechterlijke instanties voor contractuele verbintenissen aan de ene kant en niet-contractuele verbintenissen aan de andere kant, zonder deze begrippen te definiëren. Het Hof van Justitie van de Europese Unie zorgde ervoor om deze twee kernbegrippen te verduidelijken bij de ontwikkeling van zijn rechtspraak. Enkele recente arresten laten toe om het begrip van contractuele verbintenis beter te bepalen, waartegen het begrip van niet-contractuele verbintenis zich tegenover stelt. Ondanks deze arresten, blijven er verschillende vragen open met betrekking tot de behandeling van geschillen die gemengde aspecten zouden vertonen.
Introduction

1.M. Fräßdorf, associé unique ainsi que gérant d'une société française de fabrication de montres conclut un contrat par lequel il s'engage à développer des mouvements d'horlogerie pour le compte de M. Brogsitter. En parallèle, M. Fräßdorf développe d'autres mouvements d'horlogeries qu'il décide de commercialiser pour son compte ainsi que pour celui de sa société. M. Brogsitter introduit différentes demandes à leur encontre visant à obtenir la cessation de ces activités ainsi que des dommages et intérêts tant sur base d'une violation du contrat que sur base des règles allemandes en matière de concurrence déloyale qui sont de nature délictuelle.

M. Spies von Büllesheim, ressortissant allemand, est directeur et gérant d'une société établie aux Pays-Bas. En raison de fautes graves qu'il aurait commises dans l'exercice de ses fonctions, la société néerlandaise rompt le contrat et introduit une action afin de réclamer des dommages et intérêts. Cette dernière invoque à titre principal l'exercice fautif de son mandat de gérant ainsi qu'une mauvaise exécution de son contrat de travail. A titre subsidiaire, elle se base également sur le comportement illicite du défendeur en vertu du droit néerlandais.

2.Ces deux situations, toutes deux à la base d'arrêts récemment rendus par la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après « la Cour de justice »), mettent en lumière deux particularités fréquemment rencontrées dans les litiges commerciaux: le caractère entremêlé des responsabilités contractuelle et extracontractuelle ainsi que l'existence de nombreux éléments d'extranéité. Nous nous intéresserons dans cet article à la détermination de la compétence internationale des juridictions face à de telles situations.

A cet égard, le règlement n° 1215/2012, dit « Bruxelles Ibis » et récente refonte du règlement n° 44/2001 (« Bruxelles I »), distingue la compétence internationale des juridictions en matière contractuelle d'une part et délictuelle ou quasi délictuelle de l'autre [2].

Ces chefs de compétence sont repris aux deux premiers paragraphes de l'article 7 du règlement, en vertu duquel une personne domiciliée dans un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre « 1) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande; […] 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ».

3.Les chefs de compétence spéciaux établis par l'article 7 du règlement n° 1215/2012 supposent de classer le litige soit en matière contractuelle, soit en matière extracontractuelle. La délimitation des sphères d'application des paragraphes 1 et 2 de cette disposition - et donc la distinction entre matière contractuelle et extracontractuelle - constitue l'un des sujets d'interrogation régulièrement soumis à la Cour de justice. L'interrogation est suscitée par le silence du règlement sur la définition de ces notions, par la variété des conceptions en droit national ainsi que par les variations terminologiques des différentes versions linguistiques du règlement.

Si l'on conçoit généralement de manière intuitive ce qui distingue un contrat d'un délit ou d'un quasi-délit, soit typiquement le caractère fortuit de la rencontre entre les parties [3], l'infinité des situations concrètes susceptibles d'être rencontrées a rendu cette délimitation complexe et nécessité des clarifications jurisprudentielles de la Cour de justice.

C'est pourquoi nous étudierons la frontière établie par la Cour de justice entre matière contractuelle et extracontractuelle ainsi que l'impact de cette division sur les litiges complexes ou mixtes. Au final, le règlement et son interprétation par la jurisprudence semblent partiellement inadaptés dans ces derniers cas de figure.

4.Dans une première partie, nous tracerons les contours de la matière contractuelle au regard de laquelle la matière extracontractuelle se construit en négatif. Nous nous attarderons principalement sur l'émergence d'un nouveau critère d'application de l'article 7, 1. Une seconde partie approfondira l'articulation entre les articles 7, 1. et 7, 2. Il s'agira d'examiner plus particulièrement le caractère résiduel de la matière extracontractuelle ainsi que les difficultés que peut engendrer dans la pratique la détermination de la compétence dans les litiges potentiellement « mixtes ».

I. Détermination de la matière contractuelle: un nouveau critère d'application?

5.En l'absence de renvoi exprès au droit des Etats membres, les termes des dispositions du droit de l'Union doivent recevoir une interprétation autonome [4]. Il en va ainsi des matières contractuelle [5] et extracontractuelle [6]. Cette interprétation autonome nécessite, selon la jurisprudence constante de la Cour, de se référer « au système et aux objectifs [du Règlement] afin d'en assurer la pleine efficacité » [7].

L'article 7 du règlement énonce les compétences spéciales qui permettent d'agir, dans certaines matières, devant d'autres juridictions que celle du domicile du défendeur conformément à la règle de compétence générale de l'article 4. Ces compétences spéciales poursuivent un double objectif. D'une part, elles visent à assurer une bonne administration de la justice en fondant la compétence du juge le plus « proche » du litige et donc le plus qualifié pour en connaître. D'autre part, elles cherchent à protéger la sécurité juridique en permettant au défendeur de pouvoir raisonnablement anticiper le juge devant lequel il est susceptible d'être attrait [8]. Ceci explique que les compétences spéciales soient limitativement énumérées par le règlement et, qu'en tant que dérogations au critère de compétence générale, elles fassent l'objet d'une interprétation stricte par la Cour de justice [9].

6.Guidée par ces principes d'interprétation, la Cour a décidé que l'application de l'article 7, 1., du règlement était subordonnée à l'existence d'un engagement librement assumé entre les parties (I.1.). Ce critère, ancré depuis plus de deux décennies dans la jurisprudence de la Cour, semble récemment se doubler d'une deuxième condition qui préconise d'examiner la source de l'obligation dont la violation est alléguée par le demandeur (I.2.). L'articulation entre ces deux critères a trouvé un terrain d'application particulièrement fertile dans le domaine du droit des sociétés (I.3.).

I.1. Le critère traditionnel de l'engagement librement assumé

7.Dans son arrêt de principe Handte, la Cour a décidé que « la notion de matière contractuelle ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n'existe aucun engagement librement assumé d'une partie envers une autre » [10]. Cette définition « en négatif » [11] s'explique par les faits de l'affaire.

Une société française avait acheté certaines composantes de machines à une autre société, française elle aussi, mais fabriquées par l'entité allemande du même groupe. Ayant constaté la défectuosité des pièces, l'acquéreur avait décidé d'introduire une action sur une base contractuelle à l'encontre du fabricant allemand avec lequel il n'avait pourtant pas directement contracté. La Cour a considéré que cette action, bien que puisant sa source dans un contrat, ne relevait pas de la matière contractuelle au sens de l'article 5, 1., du Règlement Bruxelles I à défaut d'engagement librement assumé entre le sous-acquéreur et le fabricant [12].

Il en découle que, conformément au principe de sécurité juridique et à la raison d'être des compétences spéciales, seules les actions qui se rattachent indubitablement à la sphère contractuelle seront soumises au régime de l'article 7, 1. [13].

Cette jurisprudence et la notion d'engagement librement assumé ont été affinées au fil des arrêts rendus ultérieurement par la Cour.

8.La condition de l'existence d'un engagement a suscité un certain nombre de controverses, tranchées tantôt en faveur et tantôt en défaveur de l'inclusion dans la matière contractuelle. De cette façon, la Cour a récemment décidé que l'article 7, 1., n'exigeait pas l'existence d'un contrat écrit [14]: une relation contractuelle peut être établie à la seule condition que des obligations aient été convenues entre les parties, fût-ce tacitement [15]. En revanche, ce critère fait obstacle à ce qu'une action de nature contractuelle soit intentée sur base de la rupture de négociations précontractuelles. A ce stade, il n'existe pas encore d'engagement entre les parties, de sorte que le préjudice réclamé pour absence de conclusion d'un contrat ne peut être qualifié de contractuel [16]. Par contre, la simple contestation de l'existence de l'engagement par le défendeur ne soustrait pas automatiquement le litige au for contractuel: c'est le « juge du contrat » qui devra trancher la question de l'existence et/ou de la validité du contrat [17] ainsi que des conséquences d'une potentielle invalidité [18]. L'engagement en question peut par ailleurs prendre la forme d'un contrat bilatéral, comme d'un engagement unilatéral pour autant que ce dernier ait été accepté par son destinataire [19].

9.L'engagement doit en outre être « librement assumé » par une partie envers l'autre, ce qui implique l'existence d'un lien contractuel direct entre celles-ci. Comme déjà souligné, une action entre les « maillons extrêmes » d'une chaîne de contrats, comme un sous-acquéreur et un fabricant ne tombe pas dans le champ d'application de l'article 7, 1. [20]. Dans le même ordre d'idée, en matière de contrats de transport, l'action introduite par le destinataire d'un colis à l'encontre du transporteur réel de celui-ci n'est pas contractuelle lorsque le destinataire a uniquement conclu avec l'expéditeur et non avec le transporteur [21]. Une action en cessation introduite par une association représentative de consommateurs à l'encontre d'un commerçant dont les conditions générales seraient prétendument abusives est également exclue de l'article 7, 1. En effet, l'association n'a pas elle-même conclu de contrat avec le commerçant [22].

10.Une interprétation plus souple a parfois permis d'appliquer l'article 7, 1., à des situations caractérisées par l'absence d'un contrat au sens classique du terme. Par exemple, il a été décidé dans l'arrêt Martin Peters que l'obligation des membres d'une association de payer leur cotisation était de nature contractuelle au motif que « l'adhésion à une association crée entre les associés des liens étroits du même type que ceux qui s'établissent entre les parties à un contrat » [23]. La Cour avait par ailleurs déjà mentionné, confrontée à la question de savoir si les statuts d'une société pouvaient contenir une clause de juridiction au sens de l'article 17 de la Convention de Bruxelles [24], que les statuts devaient être considérés comme un contrat, lequel régit « à la fois les rapports entre les actionnaires et les rapports entre ceux-ci et la société qu'ils créent ». Cela laisse donc sous-entendre que de potentiels conflits entre actionnaires d'une part ou entre les actionnaires et la société d'autre part relèveraient de la matière contractuelle [25]. De cette façon, un forum societatis pourrait se dégager en l'absence de dispositions spécifiques en la matière dans le règlement [26].

11.Si l'engagement doit normalement avoir été librement assumé par le défendeur envers le demandeur, il n'est pas requis que les parties à la procédure soient les parties ayant initialement conclu le contrat [27]. La cession ou la subrogation ne fait en principe pas obstacle à la qualification contractuelle de l'action à condition que l'obligation ait bien été librement assumée entre les parties originaires [28]. Effectivement, en cas de cession ou de subrogation, et à la différence de la situation des chaînes de contrats, le lieu d'exécution du contrat - et donc la juridiction compétente - reste inchangé de sorte que la finalité des compétences spéciales se trouve respectée [29].

Le subrogé reprenant les droits du subrogeant, il hérite de la qualification contractuelle ou extracontractuelle de la relation existant entre le subrogeant et l'autre partie au litige. Par exemple, dans le domaine des transports, à défaut de contrat conclu entre le transporteur et le destinataire du colis, l'assureur du destinataire, subrogé dans les droits de ce dernier, ne peut agir contractuellement à l'encontre du transporteur [30].

Un arrêt Frahuil rendu en 2004 illustre plus précisément les difficultés que peut engendrer la subrogation et les liens que ce mécanisme entretient avec les chaînes de contrats [31]. Une entreprise active dans l'importation de marchandises (E1) avait chargé une autre entreprise (E2) d'acquitter pour son compte les droits de douane du pays d'importation. Un contrat de cautionnement avait ensuite été conclu par la deuxième entreprise (E2) avec une troisième (E3), par lequel cette dernière se portait caution de la deuxième vis-à-vis des autorités douanières. Après avoir acquitté les droits de douane, la caution (E3) tente de se retourner sur une base contractuelle directement contre l'entreprise importatrice (E1) en invoquant la subrogation dans les droits de son propre cocontractant (E2). L'argumentation ne convainc pas: selon la Cour cette action ne peut être qualifiée de contractuelle qu'à condition que la première entreprise ait autorisé la deuxième à conclure un contrat de cautionnement, ce qui semble ne pas avoir été le cas en l'espèce [32].

12.Il est intéressant de noter que dans ces arrêts rendus sur question préjudicielle, la Cour tranche au cas par cas la question de savoir s'il existe ou non un lien contractuel direct entre les parties en cause [33]. Sur base des éléments de fait qui lui sont soumis, et alors que la Cour répond a priori en droit et non en fait, elle finalise le raisonnement et fournit au juge national une réponse prête à être utilisée dans le litige ayant donné lieu à la question préjudicielle.

I.2. L'émergence du critère de la nature de l'obligation sur laquelle la demande est fondée

13.Le critère de l'engagement librement assumé, ancré depuis 1992 dans la jurisprudence de la Cour, a peu à peu montré ses limites. En conséquence, un nouveau critère d'application de l'article 7, 1., est récemment apparu dans les arrêts de la Cour: celui de la nature de l'obligation dont la violation est alléguée. En d'autres termes, il ne suffit pas que le litige prenne place entre deux cocontractants, il faut qu'il porte sur la violation d'une obligation contractuelle.

Ce critère a fait l'objet d'une consécration explicite en 2014 dans l'arrêt Brogsitter concernant l'épineuse question de l'action quasi délictuelle entre cocontractants [34]. En réalité, ce critère était déjà présent en filigrane dans la jurisprudence antérieure de la Cour [35].

14.Déjà en 1988, la Cour justifiait la nature contractuelle d'une demande en versement d'une indemnité compensatoire de préavis réclamée par un agent commercial par le fait qu'elle trouvait « sa base dans le non-respect d'une obligation contractuelle » [36].

Dans les conclusions de l'avocat général relatives à l'arrêt Handte, ce dernier mentionnait expressément au sujet de l'action du sous-acquéreur contre le fabricant que: « l'argument le plus fort en faveur de la qualification contractuelle est que le droit d'action du sous-acquéreur ne naît pas indépendamment du contrat (…). Ce type de dommage est essentiellement de nature contractuelle et ne peut être mesuré qu'en référence à l'inexécution des obligations imposées par ce contrat » [37]. En l'occurrence, la controverse ne portait pas sur la nature contractuelle des obligations inexécutées mais plutôt sur le fait que le demandeur (sous-acquéreur) n'avait pas été partie au contrat en question. Ceci explique que la Cour ne se soit pas étendue sur la source formelle de l'obligation en cause.

Dans l'arrêt Réunion européenne SA précité, l'avocat général avait également pris la peine de préciser de manière explicite dans ses conclusions que: « un recours en indemnisation ne se rattache à une matière contractuelle que s'il y a un engagement librement consenti non pas entre le demandeur et un tiers ou entre le défendeur et un tiers, mais entre le demandeur et le défendeur et à condition que le demandeur fasse valoir dans sa requête que le défendeur a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cet engagement » [38].

Cette précision n'avait toutefois pas été reprise telle quelle par la Cour, qui, dans le prolongement de l'arrêt Handte, s'était limitée à constater l'absence d'engagement librement consenti entre le demandeur (le destinataire du colis et ses assurances) et le défendeur (le transporteur du colis).

15.Il faudra attendre 2005 pour trouver une référence explicite à ce critère dans l'arrêt Engler. La Cour y précise au sujet de l'engagement unilatéral que « la règle de compétence spéciale prévue en matière contractuelle (…) présuppose la détermination d'une obligation juridique librement consentie par une personne à l'égard d'une autre et sur laquelle se fonde l'action du demandeur » [39].

L'avocat général avait d'ailleurs précisé concernant la nature de l'engagement unilatéral, qu'« un tel engagement a un caractère volontaire et l'obligation qui peut en découler n'est pas, en tant que telle imposée par la loi (…). Ainsi, l'obligation est considérée comme trouvant son origine dans la volonté de la personne obligée; la disposition légale ne la créant pas, mais se contentant d'en autoriser l'exécution forcée » [40]. L'avocat général souligne ainsi qu'un engagement unilatéral est de nature contractuelle au motif qu'il prend sa source dans la volonté d'une partie.

Ce raisonnement peut être utilement comparé avec celui suivi dans l'arrêt Henkel concernant les actions en cessation. La Cour considère dans cet arrêt que l'inscription de certaines clauses abusives dans des contrats de consommation constitue un comportement illégal sur la base duquel les associations protectrices des consommateurs peuvent engager un recours contre le commerçant [41]. Le fondement de l'action est ici la loi et non les contrats abusifs eux-mêmes: « l'association (…) agit sur la base d'un droit qui lui a été conféré par la loi aux fins de faire interdire l'utilisation de clauses que le législateur juge illicites » [42].

Le libellé de l'arrêt Engler, qui contraste avec celui de l'affaire Henkel, met donc en lumière les deux conditions d'application de l'article 7, 1., du règlement soit (i) un engagement librement assumé entre le demandeur et le défendeur [43] et (ii) une action qui a pour fondement un manquement à cet engagement. Cette formulation plus complète que les précédentes a, du reste, été reprise par la Cour dans divers arrêts récents [44].

16.Le contentieux du recours extracontractuel entre cocontractants permet de mieux concevoir l'utilité et la portée du critère de l'objet du litige. Pour la première fois dans l'arrêt Brogsitter, la Cour a été confrontée à la question de savoir si une action entre deux cocontractants, entre lesquels il existait sans conteste un engagement librement assumé, pouvait néanmoins relever de la matière extracontractuelle [45]. C'est ce qui l'a amenée à expliciter un critère présent de manière latente dans sa jurisprudence antérieure.

Selon la Cour, l'existence d'un contrat entre les parties ne suffit pas à faire tomber l'action sous l'égide de l'article 7, 1., du règlement. Ce dernier sera applicable uniquement si « le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles, telles qu'elles peuvent être déterminées compte tenu de l'objet du contrat » [46]. La Cour précise que « tel sera a priori le cas si l'interprétation du contrat qui lie le défendeur au demandeur apparaît indispensable pour établir le caractère licite ou, au contraire, illicite du comportement reproché au premier par le second » [47]. A contrario, une personne pourra poursuivre son cocontractant sur une base extracontractuelle si le comportement reproché ne consiste pas en la violation d'une obligation contractuelle.

La condition de la source de l'obligation qui fonde l'action est dès lors la conséquence logique du critère de l'engagement librement assumé, mais n'avait jusqu'à l'arrêt Brogsitter pas réellement eu l'occasion d'être exploitée en tant que telle. En effet, lorsque la Cour décide soit qu'il n'y a pas eu d'engagement, soit que l'engagement n'est pas « direct » entre les parties à la cause, la question de savoir si le manquement reproché trouve sa source dans cet engagement devient sans objet. Dans l'arrêt Brogsitter par contre, il ne s'agissait pas de prouver l'existence d'un engagement direct entre les parties, mais d'établir que l'action trouvait bien sa source dans cet engagement. Cette configuration factuelle a permis d'identifier clairement le critère de l'objet de la demande et de mieux discerner sa pertinence dans la pratique.

17.Il est intéressant de noter que dans Brogsitter, contrairement à la majorité des arrêts précédemment analysés, la Cour ne fournit pas une réponse finale à juridiction nationale mais lui laisse le soin de déterminer, in fine, le caractère contractuel ou non du litige [48]. Ce deuxième critère semble donc laisser une plus grande marge d'appréciation à la juridiction de renvoi, le rendant ainsi davantage tributaire des sensibilités nationales [49].

Afin précisément de guider le juge national, la Cour précise que le manquement sera a priori contractuel si « l'interprétation du contrat qui lie le défendeur au demandeur apparaît indispensable pour établir le caractère licite ou, au contraire, illicite du comportement reproché au premier par le second » [50]. La nécessité d'interpréter le contrat constitue par conséquent une indication de la nature contractuelle du litige. La Cour ne semble toutefois pas exclure catégoriquement une qualification extracontractuelle même lorsque l'interprétation du contrat s'avère nécessaire [51].

18.L'examen de l'arrêt Brogsitter permet donc de conclure que la formulation adoptée par l'arrêt Engler, en ce qu'elle reprend les deux critères d'application de l'article 7, 1., et non uniquement celui de l'engagement librement assuré, est plus heureuse que les précédentes et ce pour deux raisons.

Premièrement, selon l'article 7, 1., est compétente en matière contractuelle la juridiction du « lieu de l'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ». La détermination de la juridiction compétente nécessite donc d'identifier l'obligation qui sert de base à la demande. Pour ce faire, et suivant la jurisprudence Bloos: « l'obligation à prendre en considération est celle correspondant au droit contractuel sur lequel se fonde l'action du demandeur » [52]. En conséquence, si l'article 7, 1., était susceptible de s'appliquer alors même que le droit sur lequel se fonde le demandeur ne trouve pas sa source dans le contrat, cela rendrait tout simplement impossible la désignation d'une juridiction compétente. Cela démontre à nouveau l'existence sous-jacente du critère de la source de l'obligation depuis une trentaine d'années dans la jurisprudence de la Cour.

Deuxièmement, ces critères s'imposent de manière cumulative comme éléments constitutifs de la matière contractuelle de sorte que le non-respect de l'un ou de l'autre est susceptible de justifier le refus d'appliquer l'article 7, 1. Dans l'arrêt Brogsitter par exemple, le critère de l'engagement librement assumé n'a même pas été mentionné.

D'autres relations entre ces deux critères pourraient être envisagées. Par exemple, V. Heuzé, dubitatif face à l'arrêt Handte, s'est demandé s'il ne serait pas plus judicieux de rattacher une action à la matière contractuelle dès lors que « 'l'obligation qui sert de base à la demande' trouve son origine dans un contrat que le défendeur a conclu, même avec une personne autre que le demandeur » [53]. En d'autres termes, ne faudrait-il pas écarter le critère de l'engagement librement assumé au profit du critère de la source de l'obligation qui sert de base à la demande? Il propose en somme de ne garder qu'un seul critère. Une autre possibilité serait de concevoir ces deux critères comme alternatifs de façon à ce que l'un ou l'autre puisse mener à l'application de l'article 7, 1. Cela aurait permis de considérer, dans les faits ayant mené à l'arrêt Handte [54], que le sous-acquéreur, même s'il n'a pas conclu directement avec le fabriquant, puisse assigner ce dernier sur une base contractuelle au motif que l'action puise sa source dans un contrat. Ces thèses ne semblent cependant pas trouver d'écho dans la jurisprudence actuelle de la Cour [55].

I.3. Applications récentes dans le domaine du droit des sociétés

19.Le domaine de la responsabilité des administrateurs et des actionnaires de sociétés a suscité différentes questions de compétence internationale récemment soumises à la Cour de justice. Trois arrêts récents rendus dans cette matière permettent de mettre en lumière l'articulation entre les deux éléments constitutifs de l'action contractuelle au sens de l'article 7, 1.

20.La question s'est posée de savoir si le créancier contractuel d'une société qui assigne les administrateurs et/ou actionnaires de celle-ci afin de les entendre déclarer solidairement responsables de la dette sociale pouvait bénéficier du for contractuel de l'article 7, 1.

Ces faits sont à l'origine de l'arrêt Öfab, rendu par la Cour le 18 juillet 2013. La Cour y a considéré que ce type d'action relevait de la matière extracontractuelle au sens de l'article 7, 2., quand bien même la dette originaire était de nature contractuelle. Elle justifie sa décision par le fait que la responsabilité solidaire des actionnaires et administrateurs envers la société découle de la violation dans leur chef d'obligations légales et non pas d'un engagement librement assumé de ceux-ci envers le créancier [56].

Le raisonnement ne relève pas de l'évidence [57]. Effectivement, il a été expliqué plus haut que la Cour avait déjà considéré que le lien entre les actionnaires et la société était de nature contractuelle [58]. On aurait dès lors pu en déduire que les responsabilités auxquelles les actionnaires s'exposent du fait de leur entrée dans le capital soient de nature exclusivement contractuelle [59]. S'agissant d'une action intentée par un créancier, la qualification contractuelle se heurterait cependant au critère de l'engagement librement assumé étant donné que le créancier est tiers au rapport entre l'actionnaire et la société. La circonstance que la responsabilité de l'actionnaire trouve son origine dans ce rapport n'est donc pas suffisante pour déclencher l'application de l'article 7, 1. L'aspect cumulatif des critères d'application de cette disposition est de cette façon confirmé.

21.Le même raisonnement a été adopté dans un arrêt similaire concernant la responsabilité solidaire entre sociétés lors d'une prise de contrôle. Les faits sont légèrement plus complexes: une banque, OTP, a octroyé des lignes de crédit à une société dont plus de 75% du capital a ensuite été acheté par une société tierce, Hochtief. Cette dernière omet néanmoins de déclarer la prise de contrôle, ce qui, en droit hongrois, a pour effet de rendre Hochtief tenue de répondre des dettes contractées par la société contrôlée.

Les deux étapes du raisonnement de la Cour apparaissent clairement. Elle va tout d'abord préciser que « Hochtief n'a pas été partie aux contrats sur le fondement desquels les lignes de crédit ont été octroyées par OTP Bank, contrats qui sont à l'origine des dettes de ces dernières » [60]. Par-là, la Cour constate l'absence de lien contractuel direct entre OTP et Hochtief. Elle ajoute ensuite, de manière surabondante, que « Hoctief n'est tenue au paiement de ces dettes qu'en raison de la violation d'une règle de droit qui lui impose des obligations déclaratives à la suite de l'acquisition de la majeure partie du capital de cette société » [61]. On le voit, les deux critères servent de manière combinée à rejeter l'application de l'article 7, 1.

22.La Cour s'est prononcée sur des questions semblables dans le récent arrêt Holterman. Le gérant de sociétés néerlandaises, M. Spies von Büllesheim, est également engagé en qualité de directeur en vertu d'un contrat de travail. Différentes sociétés du groupe l'assignent en justice en lui reprochant une mauvaise exécution de son mandat de gérant ainsi qu'une exécution fautive de son contrat de travail. L'arrêt est intéressant en ce qu'il existe ici sans aucun doute possible un contrat entre les demandeurs et le défendeur. Les questions préjudicielles soumises à la Cour par Le Hoge Raad der Nederland concernent plus particulièrement l'articulation entre les articles 7, 1. et 7, 2., du règlement.

La première consistait à savoir si l'application de la section du règlement relative aux contrats de travail faisait obstacle à l'application des articles 7, 1. et 7, 2., du règlement. La Cour répond que tel est le cas lorsqu'une société assigne en justice une personne cumulant les qualités de directeur et de gérant pour faire constater des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions et d'en obtenir réparation [62].

Ainsi, la Cour confirme le caractère autonome de la Section 5 du règlement relative aux contrats individuels de travail par rapport aux autres dispositions du règlement, dans la lignée de la jurisprudence Glaxosmithkline [63]. Par conséquent, lorsque les conditions d'existence d'un contrat de travail, telles que déterminées par la Cour, sont réunies, l'employeur ne peut pas assigner son employé sur base du for général en matière contractuelle (art. 7, 1.) ni sur une base extracontractuelle (art. 7, 2.) lorsque les manquements ont été commis dans l'exercice de ses fonctions [64].

Ceci étant dit, il convenait d'établir si, pour le cas où les conditions d'existence d'un contrat de travail n'étaient pas remplies, l'action d'une société contre son gérant relevait de l'article 7, 1. La Cour considère qu'il existe un engagement librement assumé entre le gérant d'une société et cette dernière [65]. En conséquence, tout comme les relations entre la société et ses actionnaires [66], les relations entre les administrateurs ou gérants d'une société et cette dernière sont également de nature contractuelle aux yeux de la Cour de justice.

La Cour ne se penche pas directement sur la question de la nature de l'obligation en cause. Faut-il en déduire que toute action entre une société et son gérant sera nécessairement de nature contractuelle? Tel ne semble pas être le cas. La Cour précise en effet qu'un manquement d'un gérant à « l'obligation d'exercer correctement les fonctions lui incombant en droit des sociétés » [67] est considéré comme un manquement contractuel. La notion de fonction implique d'identifier l'obligation violée et d'examiner dans quelle mesure celle-ci se rattache à la relation contractuelle entre le gérant et la société. On pourrait donc imaginer un manquement étranger à la fonction de gérant qui justifierait l'introduction d'une action sur une base extracontractuelle.

En revanche, l'action d'un tiers - comme par exemple d'un créancier - à l'égard d'un administrateur conservera selon nous son caractère extracontractuel, vu l'absence d'engagement librement assumé entre les parties [68].

II. Articulation des matières contractuelle et extracontractuelle

23.Une fois définie la notion de matière contractuelle, il convient de se tourner vers la matière extracontractuelle. La doctrine fait fréquemment référence à la figure du miroir pour caractériser la relation entre les articles 7, 1. et 7, 2., du règlement afin de soutenir l'idée que si une action n'est pas contractuelle, elle sera en principe extracontractuelle (II.1.). Les évolutions jurisprudentielles récentes ont néanmoins fait apparaître une problématique liée à l'application potentiellement combinée de ces deux dispositions (II.2.).

II.1. Le caractère résiduel de la matière extracontractuelle

24.Pour comprendre l'articulation entre ces deux dispositions, il faut remonter à l'arrêt Kalfelis dans lequel la Cour a précisé que la matière extracontractuelle comprenait, « toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité du défendeur et ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5, paragraphe 1 ». Deux enseignements sont tirés de cet arrêt.

25.En premier lieu, les articles 7, 1. et 7, 2., ne sont a priori pas susceptibles d'englober toutes les situations existantes (« all-embracing »): une demande ne sera pas toujours nécessairement soit contractuelle soit extracontractuelle [69]. Les actions qui ne visent pas à mettre en cause une quelconque responsabilité dans le chef du défendeur échapperont aux articles 7, 1. et 7, 2.

Reste à identifier la catégorie des actions ne visant pas à mettre en cause la responsabilité du défendeur, catégorie qui semble être réduite à portion congrue. En effet, les actions basées sur les quasi-contrats, à l'origine citées comme exemple [70], font aujourd'hui l'objet d'un débat en raison de leur insertion dans le champ d'application du Règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles [71]. Il existe effectivement une relation privilégiée entre les Règlements dits Rome I et II d'une part et le Règlement Bruxelles I(bis) d'autre part [72]. En effet, la distinction entre les articles 7, 1. et 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis est reproduite entre le règlement n° 563/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) et le règlement n° 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) [73]. Les Règlements Rome I et Rome II étant postérieurs, il est enseigné que les notions d'obligations contractuelles et non contractuelles doivent s'interpréter à la lumière du Règlement Bruxelles I(bis[74]. Certaines jurisprudences au sujet de ce dernier ont d'ailleurs été insérées directement dans les Règlements Rome I et II [75]. Ce principe de cohérence dans l'interprétation des règlements est expressément rappelé par le considérant 7 des Règlements Rome I et Rome II [76].

En outre, il a été jugé qu'une action en responsabilité ne devait pas forcément viser à obtenir une réparation financière, de sorte qu'une action en cessation [77], ou une action en constatation négative de responsabilité [78], pouvait relever de la matière extracontractuelle [79]. De même, l'article 7, 2. pourrait également couvrir les cas de responsabilités « sans faute » [80].

La notion de « responsabilité » visée par la Cour dans l'arrêt Kalfelis semble particulièrement large. Il suffirait soit que le défendeur ait commis une faute, quel que soit l'objectif poursuivi par l'action du demandeur - réparation financière ou autre -, soit que le demandeur réclame réparation d'un dommage, que le défendeur ait personnellement commis une faute ou soit simplement tenu d'en répondre [81]. Force est de constater que ces développements jurisprudentiels ont réduit ostensiblement la catégorie des actions susceptibles de tomber en dehors du champ d'application des articles 7, 1. et 7, 2. On pourrait penser aux actions pauliennes [82] ou à certaines actions réelles mobilières comme une action en revendication à l'encontre d'un tiers possesseur [83].

26.En deuxième lieu, si l'on s'en tient au dispositif de l'arrêt Kalfelis, lorsqu'une action vise à mettre en cause la responsabilité d'un défendeur mais ne se rattache pas à la matière contractuelle, la juridiction compétente sera déterminée conformément au prescrit de l'article 7, 2. En d'autres termes, la matière extracontractuelle joue le rôle de catégorie résiduelle [84].

On a pu dans un premier temps douter de cette articulation automatique. Le dispositif de l'arrêt Handte avait initialement suscité le débat quant à la question de savoir si la non-application de l'article 7, 1. débouchait systématiquement sur l'application des critères de compétence de l'article 7, 2. ou impliquait dans certains cas un retour à la compétence générale de l'article 4 du domicile du défendeur. La Cour avait en effet indiqué que l'action du sous-acquéreur n'était pas de nature contractuelle sans préciser si l'action était par conséquent ipso facto extracontractuelle, contrairement au raisonnement adopté par son avocat général [85]. H. Gaudemet-Tallon y a vu un potentiel désaveu de la jurisprudence Kalfelis lorsque la responsabilité en cause était précisément « de nature incertaine » [86].

Cette incertitude a été dissipée suite à l'arrêt Réunion européenne SA précité [87] dans lequel la Cour commence par conclure à la non-application de l'article 7, 1. Elle examine ensuite l'article 7, 2. pour décider qu'il s'agit bien d'une action visant à mettre en cause la responsabilité du défendeur qui doit donc être qualifiée d'extracontractuelle [88]. Certes, la juridiction de renvoi avait demandé, en cas de réponse négative à la question de savoir si le litige en question relevait de l'article 7, 1., d'analyser si celle-ci pouvait tomber sous le coup de l'article 7, 2. [89]. Dans l'arrêt OTP précité, la Cour va néanmoins plus loin. Après avoir conclu à la non-application de l'article 7, 1., elle invoque spontanément l'article 7, 2. en laissant clairement sous-entendre que les circonstances de la cause entraient dans son champ d'application [90]. C'est également le cas dans l'arrêt Brogsitter où la Cour a cru bon d'ajouter qu'à défaut de se rattacher à la matière contractuelle, les actions devaient être considérées comme relevant de la matière extracontractuelle [91].

Il semble donc confirmé que la matière extracontractuelle constitue une catégorie résiduelle qui se construit « en négatif » par rapport à la matière contractuelle [92], ce qui explique qu'elle ne fasse pas ou peu l'objet de demandes d'interprétation directes auprès de la Cour.

Ce jeu de ping-pong entre les deux articles a cependant fait l'objet de critiques, eu égard aux objectifs qui sous-tendent les compétences spéciales. En effet, pour rappel, les articles 7, 1. et 7, 2. constituent des dérogations à la compétence générale de l'article 4. Dès lors et selon la jurisprudence constante de la Cour, « les règles de compétence dérogatoires à ce principe général ne sauraient donner lieu à une interprétation allant au-delà des hypothèses envisagées par [le Règlement] » [93]. Pour cette raison, V. Heuzé n'a pas manqué de critiquer le « pont » instauré entre les articles 7, 1. et 7, 2. Si la sécurité juridique indique de rejeter l'application de l'article 7, 1. au motif que l'on sort des hypothèses strictement comprises dans son champ d'application, pourquoi tomber automatiquement dans une autre compétence spéciale qui, par hypothèse, est censée être interprétée tout aussi restrictivement? Il aurait peut-être été raisonnable de penser que, dans certains cas, aucune compétence spéciale ne trouve application et le retour à la compétence générale de l'article 4 doit s'imposer [94]. Ces considérations ne trouvent toutefois aucun écho dans la jurisprudence récente de la Cour.

II.2. La problématique des litiges « mixtes »

27.Après avoir délimité la matière contractuelle et identifié en négatif la matière extracontractuelle, il convient de se pencher sur le traitement réservé aux litiges mixtes, soit les litiges dans lesquels ces deux matières s'entremêlent. Deux types de litiges mixtes ont été soumis à la Cour. Nous les appréhenderons sous les vocables de manquements mixtes (a) et d'actions mixtes (b).

a) Les manquements mixtes

28.Nous entendons par manquement mixte, un manquement potentiellement qualifiable de contractuel et d'extracontractuel. La situation n'est pas purement théorique; elle a déjà été rencontrée dans certaines situations soumises à l'appréciation de la Cour.

Dans l'arrêt Martin Peters précité, il avait été soulevé que l'obligation des affiliés de payer leur cotisation trouvait son fondement non seulement dans l'adhésion des membres à l'association - qui est de nature contractuelle -, mais également dans une décision d'un organe de l'association - qui ne l'est pas. Pour la Cour, cette circonstance ne fait pas obstacle à la qualification contractuelle de l'obligation en question [95], là où on aurait pu envisager dans ce cas un retour à la compétence générale du domicile du défendeur afin d'éviter d'avoir à trancher entre les deux ordres de responsabilité [96].

Il est intéressant de noter que la Cour n'a pas suivi le raisonnement plus audacieux de son avocat général. Ce dernier avait considéré que l'adhésion à l'association impliquait nécessairement la soumission des adhérents aux décisions des organes sociaux. Par conséquent, « l'effet obligatoire de cette décision repose lui aussi - comme celui de l'acte d'adhésion - sur la volonté contractuelle des parties » [97].

29.Pour rappel, selon l'arrêt Brogsitter, pour relever de la matière contractuelle, le comportement reproché doit « pouvoir » être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles, telles qu'elles peuvent être déterminées compte tenu de l'objet du contrat [98]. L'emploi du verbe « pouvoir » laisse sous-entendre qu'il est indifférent que l'acte reproché constitue également la violation d'une obligation extracontractuelle. En d'autres termes, en cas de manquement dit « mixte », c'est-à-dire lorsque le manquement est à la fois contractuel et extracontractuel, le for contractuel prévaudra. Or, en l'état actuel de la jurisprudence, ces deux fors sont exclusifs [99], ce qui signifie que ce type de manquement pourra uniquement être qualifié de contractuel [100].

30.Cette question est également abordée dans l'arrêt Holterman précité. Les demandeurs invoquaient l'exécution fautive par le défendeur de son mandat de gérant et de son contrat de travail, ainsi qu'un comportement illicite dans son chef en se basant sur diverses dispositions du Code civil néerlandais. La Cour constate à titre liminaire que « la seule circonstance qu'un demandeur indique dans sa requête plusieurs titres de responsabilité ne suffit pas pour considérer qu'une telle action est susceptible de relever de chacune des dispositions invoquées. En effet, il n'en va ainsi que si le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations découlant de ces dispositions » [101].

Il s'agit d'un raisonnement analogue à celui adopté de l'arrêt Brogsitter: l'action sera extracontractuelle si le manquement allégué constitue la violation d'une obligation extracontractuelle. De cette façon, la Cour sème le trouble sur la méthodologie de qualification à adopter: elle semble ouvrir la porte à une définition positive du for extracontractuel contrairement à l'enseignement de l'arrêt Kalfelis qui le confinait à un rôle résiduaire.

Cependant, en répondant à la troisième question qui lui était soumise dans l'affaire Holterman, la Cour adopte une autre approche. Dans les circonstances de l'espèce, le droit néerlandais permettait d'agir simultanément sur la base d'une relation contractuelle et sur la base d'actes délictuels ou quasi délictuels. Le Hoge Raad s'est donc interrogé sur l'impact de cette double qualification en droit national sur l'application de l'article 7, 1. Selon la Cour, « dans la mesure où le droit national permet de fonder une demande […] sur un prétendu comportement illicite, une telle demande est susceptible de relever de la 'matière délictuelle ou quasi délictuelle' au sens de la règle de compétence visée à l'article [7, 2.] seulement si elle ne se rattache pas à la relation juridique de nature contractuelle » [102]. Cela confirme donc la prévalence du for contractuel amorcée dans l'arrêt Martin Peters ainsi que le caractère mutuellement exclusif [103] des paragraphes 1. et 2. de l'article 7. La formulation employée semble légèrement plus souple que celle qui avait été retenue dans l'arrêt Brogsitter: on pourrait imaginer des comportements qui se rattachent à la relation contractuelle, sans pour autant constituer des manquements contractuels. On se rapproche là de l'idée avancée par B. Haftel de faire relever de l'article 7, 1. toutes les questions qui surgissent entre cocontractants, à l'exception de celles qui n'entretiennent aucun lien avec le contrat [104].

A partir du moment où l'action relève de la matière contractuelle au regard des critères posés par la Cour, seul le juge contractuel sera compétent et ce, quelles que soient les qualifications nationales invoquées.

31.On peut saluer ce détachement des qualifications nationales dans la mesure où l'on sait que les plaideurs soulèvent volontiers le maximum de bases juridiques possibles afin de fonder la responsabilité du défendeur [105]. Il serait ardu de « disséquer le litige » entre ces différents fondements, d'ailleurs souvent invoqués de manière alternative. Dans ce cas de figure, ce n'est pas tant la violation de plusieurs obligations qui est reprochée qu'un simple « habillage juridique » différent utilisé afin de maximiser les chances de succès du demandeur.

32.Cette scission entre qualifications nationales et qualifications européennes est susceptible d'engendrer deux types de tensions. En premier lieu, il se pourrait que le juge se déclare compétent sur une base contractuelle pour ensuite trancher le fond selon les règles internes applicables à la matière extracontractuelle. Effectivement, si l'application des dispositions nationales est neutralisée au niveau de la détermination de la compétence, celles-ci conservent toute leur pertinence au niveau du fond du litige. Certains avocats généraux ont souligné le fait que de tels paradoxes étaient fréquents en droit international privé et inhérents au principe de la qualification autonome [106].

En deuxième lieu, la frontière entre la phase de détermination de la compétence et celle de l'analyse du fond du litige aura tendance à s'estomper. Dans un récent arrêt Kolassa, la Cour s'est penchée sur cette problématique pour préciser que « au stade de la vérification de la compétence internationale, la juridiction saisie n'apprécie ni la recevabilité ni le bien-fondé de la demande selon les règles du droit national, mais identifie uniquement les points de rattachement avec l'Etat du for justifiant sa compétence en vertu de cette disposition. Aussi cette juridiction peut-elle considérer comme établies, aux seules fins de vérifier sa compétence en vertu de cette disposition, les allégations pertinentes du demandeur quant aux conditions de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle » [107]. Cette position rigoriste est surprenante dès lors que l'application du critère de la source de l'obligation, consacré un an auparavant dans l'arrêt Brogsitter, nécessite une analyse par le juge national de l'objet du contrat en cause. Or, on voit mal comment déterminer si un comportement constitue une violation du contrat sans se pencher de facto sur le contenu de celui-ci et donc inévitablement sur le fond du litige [108]. En application de la jurisprudence Brogsitter, il se pourrait donc que ce soit seulement après avoir examiné le bien-fondé de la demande et considéré que les manquements invoqués ne sont pas contractuels que le juge se déclare incompétent, en dépit de la distinction préconisée dans Kolassa.

b) Les actions mixtes

33.Les « actions mixtes », diffèrent des « manquements mixtes », même si cette distinction n'est pas clairement intégrée dans la jurisprudence de la Cour. Identifier les différents cas que recouvrent les actions mixtes (1.) est un préalable à l'examen de leur régime juridique (2.). Cela nous permettra d'appréhender de manière critique les possibilités procédurales ouvertes par le règlement pour faire face à ce type de situation (3.).

1. Catégories d'actions mixtes

34.Trois catégories d'actions mixtes peuvent être théoriquement identifiées. La première consiste à introduire différentes demandes à l'encontre du même défendeur, dont certaines ne viseraient pas à mettre en cause sa responsabilité. Nous savons que l'hypothèse est marginale - vu que la Cour ne limite pas cette notion à la seule demande de réparation financière - mais pas inexistante. Un deuxième cas de figure est celui d'une (ou plusieurs) demande(s) qui concernerai(en)t des manquements différents commis par le défendeur, certains contractuels et d'autres extracontractuels. Des comportements distincts du défendeur doivent être visés et non seulement de simples qualifications différentes pour un même comportement (auquel cas il s'agirait d'un simple manquement mixte). Une dernière catégorie, et peut-être la plus fréquente, est celle d'une (ou de plusieurs demandes) dirigée(s) à l'encontre de plusieurs défendeurs, étant entendu que le demandeur n'est lié contractuellement qu'à certains d'entre eux.

Prenons l'exemple d'une action paulienne par laquelle un créancier demande à ce que lui soit déclaré inopposable un acte de disposition passé par son débiteur en fraude de ses droits. Imaginons que le créancier introduise l'action tant à l'encontre de son débiteur que du tiers qui aurait bénéficié du transfert frauduleux d'actif. La Cour a jugé dans un arrêt Reichert qu'en ce qu'elle était également dirigée contre un tiers, potentiellement non fautif, l'action paulienne ne visait pas à mettre en cause la responsabilité des défendeurs et échappait dès lors aux articles 7, 1. et 7, 2. [109]. Ce raisonnement est selon nous théoriquement critiquable car la Cour ne distingue pas la situation du tiers de celle du débiteur, qui lui peut avoir commis une faute [110].

A considérer que l'action du demandeur soit dirigée contre le débiteur ainsi que contre le tiers afin que l'acte de disposition soit déclaré inopposable et que le demandeur réclame également condamnation du débiteur au paiement de sa dette, voire également à des dommages et intérêts, comment qualifier toutes ces demandes? La demande ne sera ni contractuelle, ni extracontractuelle à l'encontre du tiers [111], mais ne serait-elle pas extracontractuelle (action paulienne) voire même contractuelle (condamnation au paiement) à l'encontre du débiteur? Est-il possible de porter ces différentes demandes devant une seule et même juridiction?

2. Insuffisance des règles en matière de litispendance et de connexité

35.Il serait logique de trouver réponse à ces questions dans la Section 9 du Règlement Bruxelles Ibis relative à deux mécanismes procéduraux - la litispendance et la connexité - dont le but est d'éviter la coexistence de procédures dites concurrentes devant des juridictions d'Etats membres différents. Ces dispositions ne rencontrent cependant pas directement la problématique précitée.

36.En premier lieu, il convient de constater que les dispositions en matière de litispendance sont inaptes à régler la problématique des actions mixtes. Cela tient à la définition même du concept de litispendance. Effectivement, deux demandes sont litispendantes au sens de l'article 29 du règlement lorsqu'elles ont « le même objet et la même cause (et) sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'Etats membres différents » [112], étant entendu que les notions de cause, parties et objet reçoivent une interprétation autonome [113].

Il est vrai que la notion d'objet, entendu comme le but de la demande [114] a été interprétée de manière large par la Cour de justice [115]. Ainsi, une action en responsabilité et une action en contestation de responsabilité ont été considérées comme ayant le même objet [116], tout comme une demande en annulation et une demande d'exécution d'un contrat [117]. Cependant, la litispendance implique que les parties aux deux procédures soient identiques, ce qui ne permettra donc pas de regrouper des demandes introduites contre des défendeurs différents [118]. En outre et surtout, la notion de cause doit s'entendre comme les faits et la règle juridique invoqués comme fondement de la demande [119], sans que les distinctions opérées par le droit national n'entrent en considération [120]. Il semble donc qu'une demande qui relève de la matière contractuelle et une autre de la matière extracontractuelle au sens du règlement ne pourraient faire l'objet du regroupement visé à l'article 29 du règlement [121].

37.L'article 30 du règlement aménage quant à lui un mécanisme particulier lorsque deux demandes présentent un lien de connexité, c'est-à-dire lorsqu'elles sont liées par un rapport à ce point étroit qu'il y a intérêt à les juger en même temps afin d'éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues [122]. La connexité n'est toutefois pas attributive de compétence [123]. Il s'agit uniquement d'une exception qui peut être soulevée devant une juridiction saisie d'une demande connexe à une demande déjà introduite devant une autre juridiction européenne. La deuxième juridiction pourra se dessaisir au profit de la juridiction première saisie si cette dernière est compétente pour connaître des deux demandes. Le caractère connexe des demandes n'est dès lors pas un motif de prorogation de compétence. L'article 30 ne permet pas à un juge de connaître des aspects contractuels et extracontractuels d'une même action s'il n'est pas compétent au titre des articles 7, 1. (pour les aspects contractuels) et 7, 2. (pour les aspects extracontractuels). En d'autres termes, en dépit de l'existence d'un lien de connexité entre les demandes, le juge ne pourra pas connaître de demandes pour lesquelles il n'était pas initialement compétent.

38.A défaut de rencontrer les conditions d'application de l'article 30, il ne sera possible de saisir le même juge de demandes contractuelles et extracontractuelles potentiellement connexes (action mixte). La Cour a effectivement refusé d'étendre de manière prétorienne le champ d'application des dispositions en matière de connexité.

Selon Kalfelis, le juge délictuel n'est pas compétent pour connaître « des autres éléments de la même demande qui reposent sur des fondements non délictuels » [124] ce qui s'écarte de l'avis rendu par l'avocat général, lequel préconisait de « canaliser » tous les éléments d'une même demande devant le juge compétent pour connaître des aspects contractuels [125]. Cependant, il était plus question en l'espèce de qualifications nationales alternatives (manquement mixte), que d'une réelle « action mixte ». Effectivement, le demandeur réclamait à sa banque la restitution de sommes d'argent investies dans des opérations boursières qui s'étaient révélées infructueuses. Il avait fondé sa demande d'indemnisation cumulativement sur la responsabilité contractuelle et sur la responsabilité délictuelle (comportement contraire aux bonnes moeurs et enrichissement sans cause).

L'arrêt Réunion européenne SA illustre le caractère délicat de l'application des règles en matière de connexité. En l'espèce, la demande reposait sur une base contractuelle contre le premier défendeur et sur une base extracontractuelle contre le deuxième. Selon la Cour, « deux demandes d'une même action en réparation dirigées contre des défendeurs différents et fondées, l'une, sur la responsabilité contractuelle et, l'autre, sur la responsabilité délictuelle, ne peuvent être considérées comme présentant un lien de connexité » [126]. La formule est maladroite [127]. Les demandes semblaient bel et bien connexes au sens de l'article 30, dans le sens où il y avait intérêt à les juger ensemble pour éviter de déboucher sur des décisions inconciliables, vu l'interprétation large que retient la Cour de cette notion [128]. Il aurait été plus correct de se contenter d'affirmer que les conditions d'application de l'article 30 n'étaient pas rencontrées en l'espèce, soit, substantiellement, la saisine de juridictions différentes et la compétence de la première pour connaître des deux demandes. Dans sa jurisprudence ultérieure, la Cour a eu l'occasion d'infléchir sa position en affirmant que la différence entre les fondements juridiques des diverses actions ne faisait pas obstacle à l'existence d'un lien de connexité, à tout le moins au sens de l'article 8 du règlement (ex article 6) [129]. Cependant, l'application de l'article 8 du règlement qui permet, en cas de pluralité de défendeurs, de les assigner ensemble devant la juridiction du domicile de l'un d'entre eux lorsque les demandes sont connexes, était également exclue en l'espèce. Effectivement, le libellé de l'article 8 permet de regrouper des demandes reposant sur des fondements différents uniquement en cas d'utilisation du critère de compétence générale de l'article 4 (domicile du défendeur) et non des compétences spéciales de l'article 7 [130].

39.En conclusion, pas plus le règlement que la jurisprudence de la Cour ne consacre un principe selon lequel le juge du contrat pourrait connaître de demandes extracontractuelles connexes, fussent-elles accessoires. Il est vrai que dans l'arrêt Shenavai, la Cour a considéré que pour trancher sa compétence, le juge devait se baser sur « le principe selon lequel l'accessoire suit le principal » [131]. L'arrêt limite cependant l'utilisation de ce principe au cas où plusieurs obligations contractuelles servent de base à la demande [132]: dans ce cas, c'est l'obligation principale qui établira la compétence. Il nous paraît risqué d'étendre ce principe lorsque certaines obligations sont de natures contractuelles et d'autres de natures extracontractuelles [133]. Quand bien même on reconnaîtrait à ce principe une portée générale, la difficulté résiderait dans la détermination de l'aspect qui présente un caractère principal. Or, il a été précisé dans l'arrêt Leathertex que, face à deux obligations équivalentes, le juge compétent pour l'une d'entre elles ne saurait se déclarer compétent pour le tout en application de l'arrêt Shenavai [134].

40.Cette situation a-t-elle fait l'objet d'une évolution dans la jurisprudence récente de la Cour concernant l'application de l'article 7, 1.? Certains commentateurs ont écrit de l'arrêt Brogsitter qu'il « permet (ainsi) une concentration du contentieux devant le for contractuel lorsque l'acte illicite se rattache étroitement à une relation contractuelle » [135]. Cette affirmation devrait selon nous être nuancée. Comme expliqué ci-dessus, le demandeur qui, sur une base délictuelle ou quasi délictuelle nationale, reproche au défendeur un comportement qui peut s'analyser en un manquement de cette partie à ses obligations contractuelles au sens de la jurisprudence de la Cour, pourra porter tous les aspects de sa demande devant le juge du contrat. De notre point de vue, ni Brogsitter ni Holterman ne bouleversent cependant les règles en matière de compétence et de connexité: ils ne permettent pas d'étendre la compétence du juge contractuel aux demandes extracontractuelles au regard du droit européen.

3. Nuances et palliatifs

41.A l'heure actuelle, il n'est donc pas possible de réclamer devant le même juge le respect d'une obligation contractuelle et d'une obligation extracontractuelle au sens du règlement, quand bien même ces demandes seraient à ce point proches qu'il existe un intérêt voire un impératif à les traiter simultanément [136]. Cela mènera dès lors dans la majorité des cas à un éclatement du litige à moins de saisir le juge du domicile du défendeur en application de l'article 4 du règlement [137]. Effectivement, le recours à la compétence générale du domicile du défendeur permet non seulement d'attraire ce dernier devant une seule juridiction pour tous les comportements qui lui seraient reprochés, mais également d'attraire devant cette même juridiction de potentiels codéfendeurs, en application de l'article 8 du règlement. Deux nuances doivent être apportées.

42.En premier lieu, il se peut que les aspects contractuels et extracontractuels soient portés ensemble devant un juge autre que celui de l'article 4 si les parties ont conclu une clause d'élection de for qui vise les litiges contractuels et extracontractuels [138]. Depuis l'arrêt Estasis Salotti en effet, il est admis que les parties peuvent déroger aux règles de compétence spéciales prévues par le règlement par le biais d'une clause d'élection de for [139]. En conséquence, les parties pourraient convenir de déroger contractuellement non seulement aux règles de compétence en matière contractuelle, mais également - même si cela est plus rare - aux règles qui s'appliquent en matière extracontractuelle.

Dans le récent arrêt Cartel Damages Claim, la Cour a affiné cet enseignement en précisant qu'« une clause attributive de juridiction ne pouvait concerner que des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce qui limite la portée d'une convention attributive de juridiction aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l'occasion duquel cette clause a été convenue » [140]. En application de cette jurisprudence, la clause qui viserait les seuls différends relatifs à des manquements contractuels ne couvrira pas la mise en cause de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle du cocontractant, alors que si la clause vise de manière plus large les différents potentiels liés au contrat, les aspects extracontractuels pourraient être inclus [141].

43.En second lieu, il se peut évidemment que le même juge soit compétent sur base de l'article 7, 1. et de l'article 7, 2. Rappelons que le juge compétent en matière contractuelle est celui du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou devait être exécutée alors qu'en matière extracontractuelle le juge compétent est celui du lieu du fait dommageable étant entendu que ce lieu vise aussi bien le lieu du fait générateur que le lieu où le dommage s'est produit ou risque de se produire [142]. Sans rentrer dans les détails des cas susceptibles d'être rencontrés en pratique, il n'est pas impossible que ces deux lieux coïncident. Pour ne citer qu'un exemple dans l'arrêt Réunion européenne SA, la Cour conclut que le lieu où le dommage s'est produit est celui où le transporteur devait livrer les marchandises [143]. Or, comme le soulève à juste titre V. Heuzé, ne s'agit-il pas là précisément du lieu où l'obligation devait être exécutée [144]?

Conclusion

44.En presque 25 ans de jurisprudence depuis les arrêts phares Martin Peters et Kalfelis, la Cour a eu l'opportunité de préciser le contenu des notions de matière contractuelle et extracontractuelle au sens des articles 7, 1. et 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis.

Concernant la matière contractuelle, le critère de l'engagement librement assumé a régné près de 20 ans, avant de voir se développer une nouvelle condition d'application de l'article 7, 1. Le critère de la nature de l'obligation dont la violation est invoquée s'impose à présent de manière cumulative à celui de l'engagement librement assumé. Il ressort de notre analyse qu'il ne s'agit cependant pas d'un changement radical dans la jurisprudence de la Cour, mais plutôt du résultat logique d'une évolution amorcée depuis de nombreuses années déjà. Via ce critère, la Cour redonne jusqu'à présent, et assez paradoxalement s'agissant de concepts autonomes, plus de pouvoir aux juridictions nationales à qui il reviendra la tâche de l'appliquer aux cas concrets qui se présenteront à elle. Les arrêts rendus en matière contractuelle et analysés plus haut permettent d'affiner la distinction entre matière contractuelle et extracontractuelle. En effet, vu le caractère exclusif des deux dispositions précitées, élargir la matière contractuelle entraîne inéluctablement une diminution correspondante de la matière extracontractuelle.

De cette jurisprudence récente émerge la question du sort à réserver à des actions présentant des aspects mixtes. Concernant des manquements mixtes, soit lorsqu'un même comportement est qualifié de contractuel et extracontractuel par le demandeur, le développement du second critère (lié à la nature de l'obligation violée) confirme une certaine supériorité du for contractuel: si le manquement peut être qualifié de contractuel, l'application de l'article 7, 1. semble s'imposer. Les actions « mixtes », soit les actions qui mêlent des demandes contractuelles et extracontractuelles - le cas échéant en présence de plusieurs défendeurs et concernant des comportements distincts - sont plus problématiques. Le règlement et ses dispositions en matière de connexité ne permettent que très partiellement de regrouper tout le contentieux devant une des juridictions spéciales de l'article 7. L'éclatement du contentieux reste donc en l'état actuel de la jurisprudence bien souvent inévitable, à défaut d'ériger la connexité en critère positif de compétence ou le for contractuel en for prioritaire [145]. Pour rassembler les actions, il conviendra de porter celles-ci devant les tribunaux du domicile du (ou de l'un des) défendeur(s), à la faveur combinée des articles 4 et 8 du Règlement Bruxelles Ibis.

45.Le processus européen de qualification est donc un phénomène relativement ambigu en ce qu'il écarte les considérations nationales tout en remettant parfois certaines décisions entre les mains du juge étatique. Le danger est de verser dans une sorte de schizophrénie judiciaire face à laquelle l'argument d'une séparation nette entre l'étape de détermination de la compétence et celle de l'examen du fond, tel que préconisé dans l'arrêt Kolassa, nous laisse relativement perplexes. Un arrêt du 13 décembre 2012 de la cour d'appel de Liège en constitue une parfaite illustration [146]. Il s'agissait d'une action en répétition de l'indu, qualifiée en droit belge de quasi contractuelle. La cour se base sur la doctrine belge du droit des obligations pour en déduire qu'un quasi-contrat se distingue d'un contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit et que l'action ne tombe dès lors pas dans le champ d'application des articles 7, 1. et 7, 2. Il est inquiétant de constater qu'aucune référence n'est faite aux conceptions européennes du contrat et du délit, le juge et les parties passant visiblement à côté d'une obligation essentielle dans le cadre de l'interprétation du droit européen [147].

Or, la confusion des juridictions nationales dans l'application des qualifications autonomes au niveau de la compétence est susceptible de se répercuter au niveau de la loi applicable et donc, dans une certaine mesure, sur le fond du litige [148]. En effet, vu le principe de cohérence censé guider l'interprétation des règlements [149], une action qualifiée de contractuelle ou d'extracontractuelle au niveau de la compétence se verra dans bon nombre de cas appliquer le régime correspondant au niveau de la règle de conflit de loi.

46.A travers le processus de qualification autonome, la Cour définit en réalité des notions de droit civil dont l'importance dépasse la sphère du droit procédural européen, comme précisément la notion de contrat [150]. Le risque est d'aboutir à une fragmentation du droit civil européen provoqué par la coexistence de concepts concurrents de droit matériel uniforme et de droit international privé [151]. On remarque d'ailleurs que le législateur européen, lors de la refonte de Bruxelles I, a lui-même eu la prudence - ou le manque d'audace? - de ne pas insérer directement de définition de la matière contractuelle dans le texte de Bruxelles Ibis [152].

[1] Assistante à l'UCL et avocat au barreau de Bruxelles.
[2] Pour les besoins du présent article, nous regrouperons la matière délictuelle et quasi délictuelle sous le terme général de « matière extracontractuelle ». Par souci de clarté, la nouvelle numérotation introduite par Bruxelles Ibis sera utilisée, quand bien même les arrêts commentés auraient été rendus sous le régime du Règlement Bruxelles I.
[3] P. Mankowski et U. Magnus, Brussels I Regulation, Art. 5, 2e ed., Munich, Selp, 2012, nos 28 et 43.
[4] Voy. e.a. C.J.C.E., 18 janvier 1984, C-327/82, Ekro BV Vee - en Vleeshandel / Produktschap voor vee en vlees, § 11. Dans le domaine du droit international privé, cela a été critiqué par V. Heuze dans V. Heuze, « De quelques infirmités congénitales de droit uniforme: l'exemple de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 », Rev. crit. dr. intern. privé, 2000, p. 604; V. Heuzé, « La notion de contrat en droit international privé », Travaux du comité français de droit international privé, 1998, p. 319.
[5] C.J.C.E., 22 mars 1983, C-34/82, Martin Peters Bauunternehmung GmbH / Zuid Nederlandse Aannemers Vereniging, Rec. C.J.C.E., p. 988, § 9 et 10.
[6] C.J.C.E., 27 septembre 1988, C-189/87, Athanasios Kalfelis / Banque Schröder Münchmeyer, Hengst et Cie, Banque Schröder, Münchmeyer, Hengst International SA et Ernst Markgraf, § 10.
[7] Arrêt Martin Peters, § 10 (supra, note 5). Voy. aussi: C.J.C.E., 17 juin 1992, C-26/91, Jakob Handte et Cie GmbH / Traitements mécano-chimiques des surfaces SA, § 10.
[8] Arrêt Handte, § 20 (supra, note 7); I. Pretelli, « De la compétence pour connaître d'une action en déclaration de simulation en matière d'action paulienne », Rev. crit. dr. intern. privé, 2004, pp. 620 et 621.
[9] Arrêt Handte, § 14 (supra, note 7); C.J.U.E., 18 juillet 2013, C-147/12, ÖFAB, Östergötlands Fastigheter AB / Frank Koot et Evergreen Investments BF, § 31; H. Gaudemet-Tallon, note sous l'arrêt Handte, Rev. crit. dr. intern. privé, 1992, p. 735; C.J.U.E., 14 juillet 2016, C-196/15, Granarolo SpA / Ambrosi France SA, § 16 à 18.
[10] Arrêt Handte, § 12 (supra, note 7); C.J.C.E., 17 septembre 2002, C-334/00, Fonderie Officine Meccaniche Tacconi SpA / Heinrich Wagner Sinto Maschinenfabrik Gmbh, § 15.
[11] M. Lehmann, « Special jurisdiction - jurisdiction for contractual matters », in E. Dickinson et E. Lein (dirs.), The Brussels I Regulation Recast, Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 143.
[12] Arrêt Handte, § 12 (supra, note 7); arrêt Tacconi, § 16 (supra, note 10).
[13] V. Heuze, « De quelques infirmités congénitales de droit uniforme: l'exemple de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 », o.c., pp. 604 et 605; F. Cornette, « La nécessaire modification ou suppression de l'article 7, 1., du Règlement Bruxelles Ibis relatif au for contractuel dans un futur Règlement Bruxelles Iter? », in E. Guinchard (dir.), Le nouveau règlement Bruxelles Ibis. Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 343.
[14] Arrêt Granarolo, § 24 (supra, note 9).
[15] Il reviendra au juge national de déterminer l'existence de la relation contractuelle sur la base d'un faisceau d'éléments (durée de la relation, accord sur le prix, correspondance échangée, etc.). Voy. l'arrêt Granarolo, § 26 (supra, note 9), rendu contre l'avis de son avocat général J. Kokott.
[16] Arrêt Tacconi, § 24 à 26 (supra, note 10). Cette affirmation doit néanmoins être nuancée. Il se pourrait que certains engagements naissent entre les parties durant la phase précontractuelle (P. Mankowski et U. Magnus, o.c., p. 53, nos 53 à 55; M. Pertegas, « The notion of contractuel obligation in Brussels I and Rome I », Enforcement of International Contracts in the European Union. Convergence and divergence between Brussels I and Rome I, Anvers, Intersentia, 2004, p. 186; S. Francq, « La loi applicable aux obligations contractuelles (matières civile et commerciale) », Répertoire Dalloz de droit communautaire, Paris, Dalloz, 2013, p. 13, n° 20). Certains estiment que les litiges liés à la formation du contrat doivent être considérés comme contractuels, lorsqu'un contrat est in fine effectivement conclu (R. Jafferali, « Le Règlement Bruxelles I dans la jurisprudence des cours suprêmes (2010-2012). Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas et Royaume-Uni », R.D.C., 2013, p. 364, n° 13).
[17] C.J.C.E., 4 mars 1982, C-38/81, Effer SpA / Hans-Joachim Kantner, Rec. C.J.C.E., p. 825, § 7; Liège, 17 mars 2008, R.R.D., 2008, p. 77; P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 38; A. Nuyts et H. Boularbah, « Droit international privé européen », J.D.E., 2013, p. 407. En ce compris lorsque c'est l'action principale qui a pour objet l'annulation ou la constatation de l'inexistence d'un contrat (C.J.U.E., 20 avril 2016, C-366/13, Profit investment SIM SPA / Stefano Ossi, § 57 et 58).
[18] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 42; H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, 5e ed., Paris, L.G.D.J., 2015, pp. 212 et 213. Contra: M. Pertegas, o.c., p. 188.
[19] Comme le cas d'une promesse de gain dont le destinataire a sollicité l'exécution (C.J.C.E., 20 janvier 2005, C-27/02, Petra Engler / Janus Versand Gmbh, Rec. C.J.C.E., p. 499, § 55 et 56) ou d'un billet à ordre en blanc dont les informations manquantes ont été complétées par son destinataire postérieurement à sa signature (C.J.U.E., 14 mars 2013, C-419/11, Ceska sporitelna a.s. / Gerald Feichter, § 51. Voy. égal. C.J.C.E., 11 juillet 2002, C-96/00, Rudolf Gabriel, Rec. C.J.C.E., p. 6384, § 48 et 49 et C.J.U.E., 14 mai 2009, C-180/06, Renate Ilsinger / Martin Dreschers, Rec. C.J.U.E., p. 3961.
[20] Arrêt Handte (supra, note 7).
[21] C.J.C.E., 27 octobre 1998, C-51/97, Réunion européenne SA e.a. / Spliethoff's Bevrachtingskantoor BV et Capitaine commandant le navire « Alblasgracht V002 », Rec. C.J.C.E., p. 6534, § 19 et 20.
[22] C.J.C.E., 1er octobre 2002, C-167/00, Verein für Konsumenteninformation / Karl Heinz Henkel, § 38 à 40; C.J.U.E., 28 juillet 2016, C-191/15, Verein für Konsumenteninformation / Amazon EU Sàrl, § 39.
[23] Arrêt Martin Peters, § 13 (supra, note 5).
[24] Actuellement art. 25 de Bruxelles Ibis.
[25] C.J.C.E., 10 mars 1992, C-214/89, Powell Duffryn plc / Wolfgang Petereit, Rec. C.J.C.E., p. 1769, § 16.
[26] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 47.
[27] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 67.
[28] M. Lehmann, o.c., p. 145. Contra sur une interprétation selon nous trop stricte de l'arrêt Handte: M. Pertegas, o.c., p. 179.
[29] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 68. Il a d'ailleurs été récemment confirmé qu'une cession de créance ne pouvait pas non plus avoir d'influence sur la juridiction compétente en vertu de l'article 7, 2. (arrêt ÖFAB, supra, note 9); C.J.U.E., 21 mai 2015, C-352/13, Cartel Damages Claims Hydrogen Perowide SA / Akzo Nobel NV, Solvay SA, Kemira Oyj, FMC Foret SA, § 35; A. Nuyts et H. Boularbah, « Droit international privé européen », J.D.E., 2016, p. 32.
[30] Arrêt Réunion européenne SA, § 19 et 20 (supra, note 21).
[31] Pour une vision plus critique de cet arrêt, voy.: P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 68, note 354.
[32] C.J.C.E., 5 février 2004, C-265/02, Frahuil SA / Assitalia Spa, Rec. C.J.C.E., p. 1546, § 25.
[33] Sur cette approche casuistique, voir: F. Cornette, o.c., p. 344. A l'exception cependant de l'arrêt Frahuil ainsi que du récent arrêt Granarolo où la Cour laisse au juge national le soin de déterminer l'existence ou non d'une relation contractuelle tacite, là où l'avocat général avait suggéré une réponse directe à la question posée (arrêt Granarolo, § 24 (supra, note 9), Concl. Av. gén. J. Kokott, § 24. Il s'agit d'une méthode que B. Haftel qualifie de « purement autonome » (B. Haftel, note sous l'arrêt Brogsitter, Rev. crit. dr. intern. privé, 2014, p. 874).
[34] C.J.U.E., 13 mars 2014, C-548/12, Marc Brogsitter / Fabrication de Montres Normandes EURL et Karsten Frädorf.
[35] Contra sur base d'une interprétation de l'arrêt Tacconi: M. Pertegas, o.c., p. 180.
[36] C.J.C.E., 8 mars 1988, C-9/87, SPRL Arcado / SA Haviland, Rec. C.J.C.E., p. 1551, § 13. Voy. égal. H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 207 et Gand, 28 avril 2004, R.D.C., 2005, p. 70.
[37] Arrêt Handte (supra, note 7), Concl. Av. gén. M.F.G. Jacobs, § 33.
[38] Arrêt Réunion européenne SA, (supra, note 21), Concl. Av. gén. M. G. Cosmas, § 24.
[39] Arrêt Engler, § 51 (supra, note 19).
[40] Arrêt Engler (supra, note 19), Concl. Av. gén. M.F.G. Jacobs, § 42.
[41] Voy. une analyse en ce sens: M. Pertegas, o.c., p. 179.
[42] Arrêt Henkel, § 46 (supra, note 22).
[43] Sous réserve de ce qui a été précisé supra, n° 11 en ce qui concerne la subrogation.
[44] Arrêt Ceska, § 47 (supra, note 19); C.J.U.E., 28 janvier 2015, C-375/13, Harald Kolassa / Berclays Bank plc, § 39; C.J.U.E., 21 avril 2016, C-572/14, Austro-Mechana Gesellschaft zur Wahrnehmung mechanisch-musikaliser Urhberrechte GmbH / Amazone, § 36.
[45] Arrêt Brogsitter (supra, note 34).
[46] Arrêt Brogsitter, § 24 (supra, note 34).
[47] Arrêt Brogsitter, § 25 (supra, note 34). Pour une critique de la méthode qui consiste à comparer le comportement reproché aux obligations contractuelles, voy. B. Haftel, note sous l'arrêt Brogsitter, o.c., pp. 872 à 874.
[48] Voy. les arrêts Martin Peters, Arcado, Handte, Réunion européenne SA, Tacconi, Henkel, Ceska, Öfab et OTP et la conclusion qui en est tirée au n° 12, supra. Concernant l'arrêt Brogsitter, cela s'explique sans doute par le fait que les circonstances de la cause n'étaient pas clairement relatées par le juge national. De nombreuses zones d'ombre subsistent sur les faits ayant mené au litige: le contrat contenait-il une clause d'exclusivité? Quelles étaient les bases juridiques invoquées par M. Brogsitter? La question préjudicielle elle-même est par ailleurs libellée de manière assez floue. La même remarque peut être formulée concernant l'arrêt Granarolo, supra, note 14 et 15.
[49] Nous verrons que c'est également le cas dans l'arrêt Holterman, analysé au n° 22, infra. Le juge saisi devra donc avoir recours au droit applicable au contrat pour déterminer l'objet de ce dernier, de sorte que la matière contractuelle n'est pas un concept « purement autonome » (B. Haftel, note sous l'arrêt Brogsitter, o.c., pp. 873 et 874). Un arrêt de la cour d'appel de Mons du 8 mai 2014 illustre l'application de ce critère par un juge national. Madame B.S. a participé à une loterie et réclame à la société organisatrice le paiement de son gain. Une transaction est conclue entre les parties en vertu de laquelle la société paie 6.000 EUR à madame B.S. Alors que la transaction est exécutée, madame B.S. décide de réclamer le solde de son gain, en réponse à quoi la société assigne madame B.S. pour procédure téméraire et vexatoire. La cour d'appel de Mons a considéré que la relation entre les parties était de nature contractuelle, un contrat s'étant formé suite à la promesse de gain. Cependant, la cour a estimé que la demande de la société ne se fondait pas sur cette relation et relevait donc de la matière extracontractuelle (Mons, 8 mai 2014, D.C.C.R., 2015, p. 150). Si le raisonnement fait bien référence à la source de l'obligation sur laquelle la demande est fondée - sans pourtant explicitement citer l'arrêt Brogsitter - il nous semble qu'elle passe à côté du fait qu'un autre contrat a bien été conclu entre les parties, soit la transaction. Or, l'action de la société était bien fondée sur ce contrat vu qu'elle visait à faire constater son non-respect par madame B.S. (dans ce sens: E. Ulrix, note sous Mons, 8 mai 2014, D.C.C.R., 2015, p. 157).
[50] Arrêt Brogsitter, § 25 (supra, note 34).
[51] Dans ses conclusions relatives à l'arrêt Granarolo, l'avocat général Kokott utilise le principe de l'interprétation du contrat comme facteur déterminant pour délimiter l'article 7, 1., de l'article 7, 2.: « Si le contrat doit faire l'objet d'une interprétation, il relève alors de la compétence en matière contractuelle […] dans le cas contraire, il peut relever de la compétence en matière délictuelle […] » (§ 14). Ce point de vue, selon nous trop catégorique, n'a pas été suivi par la Cour.
[52] C.J.C.E., 6 octobre 1976, C-14/76, A. De Bloos SPRL / Société en commandite par actions Bouyer, Rec., p. 1498, § 13.
[53] V. Heuze, « De quelques infirmités congénitales de droit uniforme: l'exemple de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 », o.c., p. 610. Voy. aussi: V. Heuzé, « La loi applicable aux actions directes dans les groupes de contrat: l'exemple de la sous-traitance internationale », Travaux du comité français de droit international privé, 1996, pp. 263 et 264, qui propose pour ce faire une distinction entre les obligations strictement contractuelles et les « actions contractuelles par accessoire » qui ne pourraient fonder une action contractuelle. Voy. égal. le commentaire de I. Pretelli de la Cour de cassation italienne du 7 mai 2003 qui recommande d'ouvrir le for contractuel à des tiers (I. Pretelli, o.c., p. 619).
[54] Arrêt Handte (supra, note 7).
[55] Voy. cependant P. Mankowski et U. Magnus, o.c., p. 131, nos 38 et 63, selon lesquels un tiers qui serait bénéficiaire d'une obligation contractuelle (dans un schéma que l'on connaît p. ex. dans le droit belge sous la figure de la stipulation pour autrui) pourrait bénéficier du for contractuel, bien qu'il soit étranger au contrat initial. Ce point de vue n'est pas dénué de pertinence, mais cette situation concrète n'a pas encore été soumise à la Cour.
[56] Arrêt ÖFAB, § 36 à 42 (supra, note 9).
[57] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 51, qui prône de faire suivre à l'action en responsabilité solidaire le caractère de la créance principale.
[58] Voy. supra, n° 10.
[59] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 52.
[60] C.J.U.E., 17 octobre 2013, C-519/12, OTP Bank Nyilvanosan Mukodo Reszvenyatarsasag / Hochtief Solution AG, § 24.
[61] Arrêt OTP, § 24 (supra, note 60).
[62] C.J.U.E., 10 septembre 2015, C-47/14, Holterman Ferho Exploitatie BV, Ferho Bewehrungsstahl Gmbh, Ferho Vechta Gmbh, Ferho Frankfurt Gmbh / Friedrich Leopold Freiherr Spies von Büllesheim, § 49.
[63] Consacré dans l'arrêt: C.J.C.E., 22 mai 2008, C-462/06, Glaxosmithkline et Laboratoires Glaxosmithkline / Jean-Pierre Rouard, § 18.
[64] La Cour n'a pas suivi le raisonnement de l'avocat général, qui recommandait d'appliquer l'arrêt Brogsitter afin de déterminer si la procédure découlait d'un contrat individuel de travail. Arrêt Holterman (supra, note 62), Concl. Av. gén. P. Cruz Villalòn, § 36.
[65] Arrêt Holterman, § 53 (supra, note 62).
[66] Supra, n° 10.
[67] Arrêt Holterman, § 53 (supra, note 62).
[68] Voy. l'arrêt Ofäb, supra, n° 20.
[69] De ce fait, la qualification d'« extracontractuelle » pourrait porter à confusion et la formulation « délictuelle ou quasi délictuelle » (« tortious ») devrait éventuellement lui être préférée (P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 194).
[70] H. Gaudemet-Tallon, note sous l'arrêt Réunion européenne SA, Rev. crit. dr. intern. privé, 1999, p. 337.
[71] Articles 2.1, 10 et 11 du Règlement Rome II. A. Hansebout soutient que les quasi-contrats demeurent, malgré leur insertion dans Rome II, exclus des champs d'application des articles 7, 1. et 7, 2., de Bruxelles Ibis (A. Hansebout, « De kwalificatie van de onverschuldigde betaling onder de Brussel I-Verordering », R.D.C., 2014, p. 92). Ce point de vue est confirmé par diverses jurisprudences nationales (voy. e.a. Kleinwort Benson Ldt. / Glasgow City Council [1999]; 1 A. C. 153 (H.L.); Liège, 13 décembre 2012, R.D.C., 2014, p. 91). Voy. en sens contraire: Rb. Arnhem, 13 juin 2007, BA9078, www.rechtspraak.nl. Selon H. Gaudemet-Tallon, la question n'est pas si simple et il convient plutôt de n'appliquer les articles 7, 1. ou 7, 2., que lorsque le quasi-contrat se rattache à une situation préexistante entre les parties et, à défaut, de revenir sur la règle de compétence générale (H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., pp. 218 et 219).
[72] M. Lehmann, o.c., pp. 159 et 160.
[73] B. Volders, « Niet contractuele verbintenissen en Rome II », R.D.C., 2008, p. 483.
[74] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., nos 31 et 43; R. Jafferali, « Rome II ou la loi applicable aux obligations non contractuelles », R.G.A.R., 2008, n° 14.386, n° 14; V. Marquette, « Le Règlement Rome I sur la loi applicable aux contrats internationaux », R.D.C., 2009, p. 520; M. Pertegas, o.c., p. 182. Certains avancent néanmoins que les notions ne devraient pas nécessairement être identiques, vu les objectifs différents des règlements (voy. H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., pp. 209 et 218). Effectivement, la notion de contrat dans Bruxelles Ibis vise seulement à déclencher l'application d'une des compétences spéciales alors qu'elle conditionne l'application du Règlement Rome I dans son ensemble (P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 32). En outre, l'exclusion de Rome I déclenche automatiquement l'application de Rome II alors que l'article 7, 2. nécessite une « inclusion positive » par rapport à 7.2 (P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 194). Voy sur cette problématique: B. Haftel, « Entre 'Rome II' et 'Bruxelles I': l'interprétation communautaire uniforme du Règlement 'Rome I' », J.D.I., 2010, pp. 768 à 670.
[75] C'est le cas de l'arrêt Tacconi et la notion culpa in contrahendo même si cette transposition a été critiquée par différents auteurs: S. Francq, « Le Règlement Rome II concernant la loi applicable aux obligations non contractuelles. Entre droit communautaire et droit international privé », o.c., p. 323; M. Pertegas, p. 186. Voir supra, note 16.
[76] H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 211. Dans le sens contraire, certains considèrent que les Règlements Rome I et II devraient servir à éclairer l'interprétation des Règlements Bruxelles I et Ibis. De cette façon, l'article 12 de Rome I qui détermine l'étendue du domaine de la loi applicable au contrat, pourrait être utilisé pour déterminer le caractère contractuel d'une action au niveau de la compétence (P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 30; arrêt Arcado, § 15 (supra, note 36). Dans le récent arrêt Ergo Insurance, la Cour considère que, par analogie avec l'article 7, 1., du Règlement Bruxelles Ibis, les obligations contractuelles au sens de l'article 1 du Règlement Rome I doivent s'entendre comme visant les obligations juridiques librement consenties par une personne envers une autre (C.J.U.E., 24 septembre 2015, affaires jointes C-359/14 et 475/14, Ergo Insurance SE / If P&C Insurance AS et AAS Gjensidige Baltic / UAB DK PZU Lietuva, § 44. Voy. égal. B. Volders, « Nieuw verwijzingsrecht voor grensoverschrijdende overeenkomsten », R.W., 2009-2010, p. 646, n° 9).
[77] Arrêt Henkel, § 39 et 40 (supra, note 22).
[78] C.J.U.E., 25 octobre 2012, C-133/11, Folien Fischer AG, Fofitec AG / Ritrama SpA, § 51; A. Nuyts et H. Boularbah, « Droit international privé européen », o.c., p. 407.
[79] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., nos 199 et 202; C.J.C.E, 5 février 2004, C-18/02, Danmarks Rederiforen ing / LO Landsorganisationen i Sverige, Rec. C.J.C.E., p. 1417.
[80] H. Gaudemet-Tallon, note sous C.J.C.E., 27 octobre 1998, o.c., p. 336; B. Ancel, note sous C.J.C.E., 26 mars 1992, C-261/90, Mario Reichert, Hans-Heinz Reichert, Ingeborg Kockler / Dresdner Bank AG, Rev crit. dr. intern. privé, pp. 725 et 726.
[81] Dans un récent arrêt Austro-Mechana, la Cour a considéré que l'action du demandeur visait à mettre en cause la responsabilité du défendeur au motif que le défendeur avait commis un acte illégal ayant causé un dommage au demandeur (arrêt Austro-Mechana, § 50 (supra, note 44)). En l'espèce les deux éléments clés - soit la faute et le dommage - étaient présents de sorte qu'il est délicat d'en déduire que la mise en cause de la responsabilité du défendeur nécessite la réunion de ces deux éléments, contrairement à la position plus catégorique soutenue par l'avocat général (Concl. Av. gén. H. Saugmandsgaard Øe, § 67).
[82] Arrêt Reichert (supra, note 80); H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 272. Voy. pour l'inclusion de l'action paulienne dans l'article 7, 1.: I. Pretelli, o.c., p. 623.
[83] H. Gaudemet-Tallon, note sous C.J.C.E., 27 octobre 1998, o.c., p. 337.
[84] M. Pertegas, o.c., p. 184.
[85] Arrêt Handte (supra, note 7), Concl. Av. gén. M.C. Gulmann.
[86] H. Gaudemet-Tallon, note sous l'arrêt Handte, C-26/91, Rev. crit. dr. intern. privé, 1992, p. 737.
[87] Arrêt Réunion européenne SA (supra, note 21).
[88] Arrêt Réunion européenne SA, § 21 (supra, note 21); V. Heuze, « De quelques infirmités congénitales de droit uniforme: l'exemple de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 », o.c., p. 606.
[89] Arrêt Réunion européenne SA, § 13 (supra, note 21).
[90] Arrêt OTP, § 26 (supra, note 60).
[91] Arrêt Brogsitter, § 27 (supra, note 34). Voy. égal. l'arrêt Holterman, § 71 (supra, note 62).
[92] La doctrine parle de concepts alternatifs ou mutuellement exclusifs (P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 193).
[93] Voy. e.a.: arrêt Handte, § 14 (supra, note 7).
[94] H. Gaudemet-Tallon, note sous C.J.C.E., 17 juin 1992, o.c., p. 737; V. Heuze, « De quelques infirmités congénitales de droit uniforme: l'exemple de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 », o.c., pp. 606 et 607.
[95] Arrêt Martin Peters, § 18 (supra, note 5).
[96] H. Gaudemet-Tallon, note sous C.J.C.E., 17 juin 1992, o.c., p. 737.
[97] Arrêt Martin Peters, § 18 (supra, note 5), Concl. Av. gén. M.G. F. Mancini, § 8.
[98] Arrêt Brogsitter, § 24 (supra, note 34).
[99] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 193.
[100] B. Haftel critique cette « absorption » du for contractuel dans la mesure où il suffirait d'insérer dans un contrat une obligation délictuelle pour faire relever cette obligation de la matière contractuelle, alors même qu'une telle insertion serait une opération « blanche » d'un point de vue substantiel (B. Haftel, note sous l'arrêt Brogsitter, o.c., p. 870).
[101] Arrêt Holterman, § 32 (supra, note 62).
[102] Arrêt Holterman, § 70 (supra, note 62).
[103] P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 193.
[104] B. Haftel, note sous l'arrêt Brogsitter, o.c., p. 872.
[105] En outre, il suffirait alors au demandeur de « manipuler » les règles de compétence en invoquant les bases légales nationales correspondantes (B. Haftel, note sous l'arrêt Brogsitter, o.c., p. 872). On peut citer à titre d'exemple un arrêt où la Cour de cassation française a considéré que la demande de restitution de matériel mis contractuellement à disposition pouvait relever de la matière délictuelle à condition qu'elle soit réclamée à titre de réparation d'actes de concurrence déloyale commis par le cocontractant (Cass. fr., 14 avril 2010, n° 09-12.797). Voy. sur cette jurisprudence R. Jafferali, « Le Règlement Bruxelles I dans la jurisprudence des cours suprêmes (2010-2012). Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas et Royaume-Uni », o.c., p. 370, n° 18.
[106] Arrêt Kalfelis (supra, note 6), Concl. Av. gén. M.M. Darmon, § 19; arrêt Handte, (supra, note 7), Concl. Av. gén. M.F.G. Jacob, § 23; C. Tubeuf, « La compétence internationale », Responsabilité. Traité théorique et pratique, livre 61ter, 2004, p. 19. Voy. égal. R. Kelly et G. O'Connor, « Article 5(1) of the Brussels Regulation: internal conflict in the conflict of laws », Cambridge Student Law Review, 2008-2009, p. 14.
[107] Arrêt Kolassa, § 62 (supra, note 44). Voy. égal. C.J.U.E., 25 octobre 2012, C-133/11, Folien Fischer AG, Fofitec AG / Ritrama SpA, § 50; C.J.U.E., 3 avril 2014, C-387/12, Hi Hotel HCF Sarl / Uwe Spoering, § 20. Sur un commentaire de l'arrêt Kolassa du point de vue de la responsabilité des émetteurs d'instruments financiers, voy. M. Fyon, « Regards croisés sur l'arrêt Kolassa et sur diverses questions liées aux actions en responsabilité à l'encontre des émetteurs d'instruments financiers », Rev. prat. soc., 2016, p. 416.
[108] C'est pourquoi B. Haftel juge le critère de l'objet du contrat trop ardu à mettre en oeuvre au stade de la détermination de la compétence (B. Haftel, note sous l'arrêt Brogsitter, o.c., p. 871).
[109] Arrêt Reichert, § 19 (supra, note 80).
[110] Il est vrai que dans Reichert, la Cour soulève également le fait que l'action ne vise pas à obtenir réparation des dommages causés au créancier par l'acte frauduleux afin de justifier l'absence de mise en cause de la responsabilité du défendeur. Rappelons toutefois que dans un arrêt ultérieur, la Cour a suivi les conclusions de son avocat général qui précisaient que la demande de réparation n'était pas un élément décisif de l'existence d'une action extracontractuelle (arrêt Henkel, § 43 à 45 (supra, note 22) et Concl. Av. gén. M.F.G. Jacobs, § 39).
[111] Contra: I. Pretelli, o.c., p. 624.
[112] Art. 29, 1., du Règlement Bruxelles Ibis.
[113] C.J.C.E., 8 décembre 1987, C-144/86, Gubisch Maschinenfabrik KG / Giulio Palumbo, Rec., p. 4871, § 11; H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, 5e éd., Paris, L.G.D.J., 2015, pp. 430 et 431.
[114] C.J.C.E., 6 décembre 1994, C-406/92, The owners of the cargo lately laden on board the ship « Tatry » / The owners of the ship « Maciej Rataj », Rec. C.J.C.E., p. 5460, § 41.
[115] C. De Bouyalski, « L'espace judiciaire européen en matière civile. Vérification de compétence, prorogation de compétence, et incidents de litispendance et de connexité dans le Règlement Bruxelles I », Ann. Dr., 2009, p. 59.
[116] Arrêt Tatry (supra, note 106).
[117] Arrêt Gubisch, § 16 et 17 (supra, note 105), allant à l'encontre de l'avis de son avocat général.
[118] Arrêt Tatry, § 33 et 35 (supra, note 106). Il n'est cependant pas requis que les parties se trouvent dans la même « position procédurale » (E. Ivanova, « Choice of Court Clauses and Lis Pendens under Brussels I Regulation », Utrecht Journal of International and European Law, 2009-2010, p. 12).
[119] Arrêt Tatry, § 39 (supra, note 106). Bien qu'il soit à notre sens biaisé de parler de « règle juridique », car cela pourrait faire penser à un renvoi aux règles juridiques nationales.
[120] Arrêt Tatry, § 47 et 48 (supra, note 106).
[121] Arrêt Gubisch, § 15 (supra, note 105), où la Cour considère qu'ont la même cause deux affaires basées sur le même rapport contractuel.
[122] Art. 30, 3., du Règlement Bruxelles Ibis. Etant entendu que la connexité est appréciée de manière large par la Cour, une contrariété entre les décisions étant suffisante (H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 453).
[123] H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., pp. 214 et 454; C. De Boulaski, o.c., p. 58; C.J.C.E., 24 juin 1981, C-150/80, Elefanten Schuh Gmbh / Pierre Jacqmain, Rec., p. 1672, § 19; Anvers, 24 février 2014, R.A.B.G., 2014, p. 805. Contrairement au Codip qui en fait un chef de compétent (Art. 9): C. Tubeuf, « La compétence internationale », Responsabilité. Traité théorique et pratique, livre 61ter, 2004, p. 32, n° 54.
[124] Arrêt Kalfelis, § 21 (supra, note 6).
[125] Arrêt Kalfelis (supra, note 6), Concl. Av. gén. M. Darmon, § 27 à 30. Voy. l'interprétation de Gaudemet-Tallon: H. Gaudemet-Tallon, note sous C.J.C.E., 27 octobre 1998, o.c., p. 335; H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 214.
[126] Arrêt Réunion européenne SA, § 50 (supra, note 21).
[127] H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 322.
[128] Un risque de contrariété suffit sans qu'il faille forcément un risque de décisions qui s'excluent mutuellement (arrêt Tatry, § 58, supra, note 106). En outre, dans l'arrêt Kalfelis, la Cour avait décidé à propos de l'article 6 qu'il revenait au juge national d'apprécier si les demandes en question étaient connexes (§ 12). Voy. égal.: H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 201.
[129] C.J.C.E., 11 octobre 2007, C-98/06, (Freeport plc c. Olle Arnoldsson), § 41 à 45; C.J.U.E., 1er décembre 2011, (Eva-Maria Painer c. Standard Ver­slagsGmbH, Axel Springer AG, Süddeutsche Zeitung GmbH, Spiegel-Verlag Rudolf Augsteint GmbH & Co KG, Verlag M. duMont Schauberg Expedition der Kölnischen Zeitung GmbH & Co KG), § 76 à 81; C.J.U.E., 11 avril 2013, C-645/11, (Land Berlin c. Ellen Merjan Sapir et al.), § 44 à 48 et note C. Vanleenhove, R.D.C., 2015, p. 56. Voy. cependant les arrêts en matière de contrefaçons examinées par H. Gaudemet Tallon (H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe - règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 323 et 324).
[130] Arrêt Réunion européenne SA, § 44 (supra, note 20).
[131] C.J.C.E., 15 janvier 1987, C-266/85, H. Shenavai / K. Kreischer, § 19.
[132] Précisons que lorsqu'un juge est compétent sur base de l'article 7, 1., b), il le sera en outre pour toutes les demandes relatives au contrat litigieux (Civ. Bruxelles, 24 juin 2014, J.T., 2014, p. 792).
[133] Voy. en ce sens: F. Cornette, o.c., p. 348. Certains auteurs pensent pouvoir appliquer ce principe même en l'absence de référence explicite dans le texte (P. Mankowski et U. Magnus, o.c., n° 51).
[134] C.J.C.E., 5 octobre 1999, C-420/97, Leathertex Divisione Sintetici Spa / Bodetex BVBA, § 39.
[135] A. Nuyts et H. Boularbah, « Droit international privé européen », J.D.E., 2014, p. 422, n° 3.
[136] Sur une application nationale en ce sens: Rb. Gelderland, 14 octobre 2015, 6306, § 7.20, www.rechtspraak.nl.
[137] F. Cornette, o.c., p. 346.
[138] F. Cornette, o.c., p. 348.
[139] C.J.C.E., 14 décembre 1796, C-24/76, Estasis Salotti di Colzani Aimo et Gianmario Colzani / RUWA Polstereimaschinen Gmbh, Rec., p. 1832, § 7.
[140] Arrêt Cartel Damages Claim, § 68 (supra, note 29).
[141] A. Nuyts et H. Boularbah, « Droit international privé européen », J.D.E., 2016, p. 35, n° 9.
[142] C.J.C.E., 30 novembre 1976, C-21/76, Handelskwekerij G. J. Bier BV / Mines de potasse d'Alsace SA, Rec. C.J.C.E., p. 1735. Pour une application par une juridiction belge: Bruxelles, 27 septembre 2012, D.A.O.R., 2013, p. 107.
[143] Arrêt Réunion européenne SA, § 35 (supra, note 21).
[144] V. Heuze, « De quelques infirmités congénitales de droit uniforme: l'exemple de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 », o.c., p. 610.
[145] Voy. sur ces solutions: F. Cornette, o.c., pp. 346 et 347.
[146] Liège, 13 décembre 2012, R.D.C., 2014, p. 91.
[147] A. Hansebout, o.c., p. 95.
[148] La loi applicable ne se confond néanmoins pas avec le fond du litige. Si la juridiction d'une Etat membre A s'estime compétente sur une base contractuelle en vertu de l'article 7, 1., du Règlement Bruxelles I, elle déterminera probablement le droit applicable en vertu du Règlement Rome I relatif aux obligations contractuelles. Il est cependant possible que ce soient les règles d'un Etat membre B en matière extracontractuelle qui permettront de trancher in fine le fond du litige étant donné la qualification d'extracontractuelle de l'action dans ce droit national. Le juge n'est effectivement théoriquement pas tenu au niveau du fond par son examen préalable en matière de compétence (H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe. Règlements nos 44/2001 et 1215/2012, Conventions de Bruxelles et de Lugano, o.c., p. 211). Voy. égal.: B. Haftel, « Entre 'Rome II' et 'Bruxelles I': l'interprétation communautaire uniforme du règlement 'Rome I' », o.c., p. 767 et M. Pertegas, o.c., pp. 183 et 184. Pour un exemple: B. Herbert, « International Contracts in European Courts: Jurisdiction under Article 5(1) of the Brussels Convention », Tulane European & Civil Law Forum, vol. 11, 1996, pp. 36 à 39.
[149] Sur les relations entre Rome I et Rome II d'une part et Bruxelles Ibis d'autre part, voy. supra, notes 73 à 76.
[150] K. Garcia, « La définition du consommateur et la qualification des actions contractuelles et non contractuelles. Les consommateurs et le droit international privé », R.E.D.C., 2009, p. 618.
[151] Sur cette problématique, voy.: S. Francq, E. Alvares Armas et M. Deschamps, « L'actualité de l'article 5.1. du Règlement Bruxelles I - Evaluation des premiers arrêts interprétatifs portant sur la disposition relative à la compétence judiciaire internationale en matière contractuelle », R.D.C., 2012, pp. 139 et 143.
[152] Pour une critique de cette absence de définition, voy: F. Cornette, o.c., p. 345.