Article

Tribunal de commerce Hainaut (div. Tournai), 21/12/2016, A/16/00637, R.D.C.-T.B.H., 2017/9, p. 1006-1008

Tribunal de commerce du Hainaut (div. Tournai)21 décembre 2016

ARBITRAGE
Généralités - Intermédiaires commerciaux - Concession
Les dispositions du Code judiciaire relatives à l'arbitrage ont fait l'objet d'une refonte en 2013. La jurisprudence de la Cour de cassation à laquelle fait référence la demanderesse est antérieure à la modification législative et ne paraît dès lors pas pertinente en l'espèce.
Il en est de même de la référence à l'article X.39 du C.D.E. En effet, si celui-ci prescrit notamment que « dans le cas où le litige est porté devant un tribunal belge, celui-ci appliquera exclusivement la loi belge », il n'empêche que le juge doit d'abord se prononcer sur le déclinatoire de juridiction soulevé par la partie défenderesse, et, le cas échéant, se déclarer sans pouvoir de juridiction en raison d'une clause d'arbitrage prévue au contrat.
ARBITRAGE
Algemeen - Tussenpersonen (Handel) - Concessie
De bepalingen van het Gerechtelijk Wetboek betreffende de arbitrage maakten het voorwerp uit van een herziening in 2013. De rechtspraak van het Hof van Cassatie waar eiseres naar verwijst dateert van voor de wetswijziging en lijkt bijgevolg in voorliggend geval niet pertinent.
Hetzelfde geldt voor de verwijzing naar artikel X.39 van het WER. Inderdaad, indien dit voorschrijft dat “ingeval het geschil voor een Belgische rechtbank wordt gebracht, deze uitsluitend de Belgische wet zal toepassen”, belet dit niet dat de rechter zich eerst dient uit te spreken over de exceptie van rechtsmacht die wordt ingeroepen door de verweerster, en dat, indien dat het geval is, deze zich zonder rechtsmacht dient te verklaren omwille van het arbitragebeding voorzien in het contract.

H. / AB

Siég.: B. Guevar (juge, président de chambre), J. Delcarte et C. Paradis (juges consulaires)
Pl.: Mes A. De Bonhome loco L. Stolle et A. Hansebout, G. Froidbise
Affaire: A/16/00637

Le tribunal a constaté la production, en formes régulières, des pièces de procédure prévues par la loi.

Les conseils des parties ont été entendus en leur plaidoirie à l'audience publique du 23 novembre 2016.

Après avoir délibéré, le tribunal prononce le jugement suivant:

Exposé du litige

Les faits pertinents, utiles à la solution du litige, peuvent être résumés comme suit.

H. est active dans le domaine de la distribution des produits et composants servant à la sécurisation et la protection des installations hydrauliques.

AB est quant à elle active dans la production d'outils professionnels visant à minimiser le déversement de pétrole et de produits chimiques.

Elle produit et commercialise notamment des « plug-in » industriels destinés aux systèmes hydrauliques.

En 2010, H. s'est vue autoriser par (…), société distincte de AB, néanmoins du même groupe, à revendre, moyennant commisson, les produits de (…).

En 2012, ces mêmes entreprises ont signé un accord relatif aux modalités de cette activité.

Cette activité de revente par H. ne comportait pas d'exclusivité.

En 2014, (…) a décidé de transférer les activités liées aux ventes des produits à une filiale nouvellement créée, à savoir AB, actuelle partie défenderesse.

La relation commerciale entre les parties litigantes qui s'en est suivie a été cette fois scellée dans une convention de distribution commerciale signée en date du 27 octobre 2014.

Par cette convention, H. reçoit l'exclusivité pour la vente des produits en Europe continentale, excepté en Norvège, en Suède, en Finlande et au Royaume-Uni.

Ce contrat prévoit notamment une clause d'arbitrage et une clause de droit applicable, à savoir le droit suédois.

En raison de manquements qu'elle impute à H., et contestés par celle-ci, AB a mis fin à la convention par courrier du 17 avril 2016.

H. a lancé citation par acte d'huissier du 10 mai 2016.

Objet des demandes

Selon les termes de son dernier écrit de conclusions, la demande de H. tend à la condamnation de AB à lui payer les sommes de 145.105 EUR à titre d'indemnité compensatoire, 108.829 EUR à titre d'indemnité complémentaire pour plus-value notable de clientèle, 1 EUR provisionnel à titre de frais et dédits, à majorer des intérêts et frais et dépens.

A titre subsidiaire, en cas d'incompétence, elle sollicite que la demande tendant à l'indemnité de procédure soit renvoyée à la juridiction compétente.

Selon les termes de son dernier écrit de conclusions, AB sollicite du tribunal qu'il se déclare sans juridiction et condamne H. au paiement de l'indemnité de procédure.

A titre subsidiaire, elle sollicite le renvoi au rôle de la cause pour que les parties assurent sa mise en état.

Discussion

Il appartient au tribunal de se prononcer en priorité sur le déclinatoire de juridiction soulevé par AB.

Le contrat conclu par les parties en date du 27 octobre 2014 prévoit, en son article 15.1, que toute contestation qui n'est pas réglée par le biais d'une conciliation est soumise à l'arbitrage.

Conformément à l'article 2.3 de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, ratifiée par la Belgique, « le tribunal d'un Etat contractant, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention au sens du présent article, renverra les parties à l'arbitrage, à la demande de l'une d'elles, à moins qu'il ne constate que ladite convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée”.

H. soutient que la clause ne trouve pas à s'appliquer dans la mesure où, s'agissant d'un contrat de concession exclusive de vente, les dispositions du Code de droit économique, à l'instar de celles de la loi de 1961 qui étaient applicables avant l'entrée en vigueur de ce dernier, sont d'ordre public.

Comme le relève AB, les dispositions du Code judiciaire relatives à l'arbitrage ont fait l'objet d'une refonte en 2013.

L'article 1676, § 1er ancien, du Code judiciaire, prévoyait, en substance, que tout différend sur lequel il est permis de transiger peut faire l'objet d'une convention d'arbitrage, ce qui excluait implicitement les matières régies par des dispositions d'ordre public.

L'article 1676, § 1er nouveau, du Code judiciaire est rédigé comme suit:

« Toute cause de nature patrimoniale peut faire l'objet d'un arbitrage. Les causes de nature non patrimoniale sur lesquelles il est permis de transiger peuvent aussi faire l'objet d'un arbitrage.

Le litige qui oppose les parties est d'ordre patrimonial puisqu'il porte sur une demande d'indemnités évaluables en argent.

Le législateur a ainsi exclu la restriction relative aux dispositions d'ordre public lorsqu'il s'agit d'« une cause de nature patrimoniale ».

A cet égard, les travaux préparatoires sont éclairants:

« Cet article insère l'article 1676 dans la nouvelle partie du Code judiciaire relative à l'arbitrage.

Le premier paragraphe fixe un double critère de l'arbitrabilité d'un litige. D'une part, il faut qu'il soit de nature patrimoniale à l'instar de ce que prévoient notamment le droit suisse (art. 177, par. 1er, LDIP) et le droit allemand (art. 1030, (1), ZPO). Les termes de 'cause patrimoniale' sont repris directement de ces droits.

Ce critère doit être interprété de manière large, comme le fait par exemple le tribunal fédéral suisse, pour qui la nature patrimoniale du litige englobe 'toutes les prétentions qui ont une valeur pécuniaire pour les parties à titre d'actif ou de passif, autrement dit les droits qui présentent pour l'une au moins de celles-ci, un intérêt pouvant être apprécié en argent' (ATF, 118, II, 353, c.3b), Rev. arb., 1993, p. 691).

D'autre part, pour les litiges qui ont une cause de nature non patrimoniale, le recours à l'arbitrage est possible si les parties peuvent transiger sur l'objet du litige.

Le projet de loi retient pour ces dernières le critère qui figure aujourd'hui à l'article 1676, paragraphe 1er, du Code judiciaire à savoir le droit 'sur lequel il est permis de transiger'.

Le recours au double critère - cause patrimoniale et possibilité de transiger en cas de cause non patrimoniale - est identique au système retenu en Allemagne.

Il permet, notamment, de mettre définitivement fin aux controverses qui ont pu exister par le passé s'agissant de l'arbitrabilité des litiges en présence de normes d'ordre public.

S'il est aujourd'hui admis qu'il ne suffit pas qu'une question soit d'ordre public pour la rendre inarbitrable (voy. D. Matray et F. Moreau, « Les voies de recours contre les sentences arbitrales » in Arbitrage et modes alternatifs de règlement des conflits, Liège, C.U.P., 2002, vol. 59, p. 287, n° 23), le critère de la transaction en a parfois fait douter dans la mesure où on ne peut renoncer aux normes d'ordre public (...) » (Doc. parl., Chambre, n° 53-2743/001, pp. 9-10).

La jurisprudence de la Cour de cassation à laquelle fait référence H. est antérieure à la modification législative et ne paraît dès lors pas pertinente en l'espèce.

Il en va de même de la référence à l'article X.39 C.D.E.

En effet, si celui-ci prescrit notamment que «  dans le cas où le litige est porté devant un tribunal belge, celui-ci appliquera exclusivement la loi belge », il n'empêche que le juge doit d'abord se prononcer sur le déclinatoire de juridiction soulevé par la partie défenderesse.

En l'espèce, le tribunal est sans pouvoir de juridiction en raison de la clause d'arbitrage prévue au contrat.

Dans ces conditions, il ne paraît pas utile d'examiner les autres moyens exposés à titre subsidiaire par les parties.

S'agissant de l'indemnité de procédure, H. ne justifie pas sur quelle base celle-ci ne pourrait être allouée à AB dès lors qu'elle succombe en son action et que le tribunal, statuant sur son pouvoir de juridiction, ne prononce pas de renvoi de la cause devant une autre juridiction.

Par ces motifs,

Le tribunal,

Statuant contradictoirement,

Se déclare sans juridiction pour connaître de la cause en raison d'une clause d'arbitrage liant valablement les parties.

Condamne H. aux frais et dépens de l'instance, en ce compris l'indemnité de procédure, à l'égard de AB, liquidés pour celle-ci à la somme de 8.400 EUR, et lui délaisse ses propres frais et dépens.

Il a été fait application de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

(…)