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Nullité du contrat de franchise pour violation des règles d'information précontractuelle : quand et avec quelles conséquences ?, R.D.C.-T.B.H., 2017/9, p. 1022-1027

INTERMÉDIAIRES COMMERCIAUX
Franchise - Information précontractuelle - Nullité
L'article X.27 C.D.E. comprend l'obligation de communiquer au franchisé au minimum un mois avant la signature du contrat, tant le projet de convention qu'un autre document, le DIP, qui doit contenir les informations prévues à l'article X.28 C.D.E.
Si le contrat de franchise est déclaré nul, il y a lieu, en principe, d'ordonner la restitution par les parties de tout ce qu'elles ont reçu en exécution du contrat nul. Cependant, certaines prestations ne peuvent être restituées, en raison de leur nature (p. ex., l'assistance et la formation dont ont bénéficié le franchisé et son personnel).
En l'espèce, le droit d'entrée et les commissions mensuelles ne doivent pas être restitués car ils constituent la contrepartie financière des prestations dont a bénéficié le franchisé pour le lancement de son point de vente, et dont il continue à bénéficier aujourd'hui.
TUSSENPERSONEN (HANDEL)
Franchising - Precontractuele informatie - Nietigheid
Artikel X.27 WER omvat de verbintenis om minimum één maand voor de ondertekening van de overeenkomst aan de franchisenemer het ontwerp van overeenkomst en het afzonderlijk document, dat de gegevens voorzien in artikel X.28 WER moet vermelden, ter beschikking te stellen.
Wanneer de franchiseovereenkomst nietig wordt verklaard, is het in principe nodig om de partijen op te leggen alles te restitueren wat ze in uitvoering van de nietige overeenkomst ontvangen hebben. Daarentegen kunnen enkele prestaties omwille van hun aard niet worden gerestitueerd (bv., de ondersteuning en de vorming waarvan de franchisenemer en diens personeel genoten hebben).
De instapgelden en de maandelijkse commissies moeten niet worden gerestitueerd, aangezien die de financiële tegenprestatie vormen van de prestaties waarvan de franchisenemer genoten heeft voor de lancering van zijn verkooppunt en waarvan hij tot op vandaag voordeel van heeft.
Nullité du contrat de franchise pour violation des règles d'information précontractuelle: quand et avec quelles conséquences?
Philippe Moineau [1]
Introduction

1.Les articles X.27 et s. du Code de droit économique (ci-après, « C.D.E. ») mettent en place une procédure de communication d'informations, économiques et juridiques, préalable à la conclusion d'un « accord de partenariat commercial » [2], tel un contrat de franchise par exemple.

Ainsi, en vertu de cette procédure [3], « la personne qui accorde le droit » doit, entre autres, communiquer à « la personne qui obtient le droit » [4], au moins un mois avant la conclusion de la convention, le projet de contrat, mais aussi un « document d'information précontractuelle » (ci-après « DIP »), qui doit contenir les dispositions contractuelles importantes [5], d'une part, mais aussi les « données pour l'appréciation correcte de l'accord de partenariat commercial » [6], d'autre part. Le non-respect des obligations relatives à l'information précontractuelle est sanctionné par la nullité du contrat [7].

Le jugement commenté fait application de cette réglementation, dont l'objectif déclaré au moment de son adoption était de venir en aide à la partie économiquement faible, à savoir « la personne qui reçoit le droit » [8]. Cette décision contient des raisonnements intéressants concernant l'application de la sanction de nullité visée à l'article X.30 C.D.E. et les conséquences à en tirer. Ces problématiques sont abordées dans la présente note (II. et III.), après que le contexte factuel et la décision commentée aient été préalablement rappelés (I.).

I. Les faits et la solution privilégiée dans le jugement annoté

2.Monsieur B. et madame Q. ont développé un concept de sandwicherie de qualité et ont créé une SPRL P. qui a développé un réseau de franchise, exploitant le concept susmentionné, en Wallonie et à Bruxelles. Désireuse d'ouvrir un point de vente faisant partie de ce réseau de franchise, madame L. a pris contact, à la fin du mois d'octobre 2014, avec monsieur B. afin d'obtenir des informations à ce propos. En date du 28 novembre 2014, un projet de contrat de franchise, incomplet pour ce qui concerne ses annexes, ainsi qu'un DIP, dont le caractère incomplet était expressément reconnu par monsieur B., ont été remis à madame L. Un contrat de franchise est finalement signé par les consorts B. et Q., en tant que franchiseurs, et madame L., en tant que franchisée, en date du 1er février 2015. A ce contrat, est annexé un nouveau DIP, transmis à madame L. lors de la signature de la convention (mais antidaté au 28 novembre 2014 [9]) et présentant des différences avec le premier document communiqué. Rapidement, un litige naît entre les parties, ce qui vaudra au tribunal de commerce de Liège d'être saisi par madame L. d'une action visant à obtenir l'annulation du contrat de franchise du 1er février 2015 pour non-respect des obligations légales d'information précontractuelle.

3.Dans le jugement commenté, le tribunal de commerce, après avoir rappelé la teneur des dispositions légales pertinentes, s'interroge sur les différences affectant les documents remis à madame L. le 28 novembre 2014 et ceux remis le 1er février 2015, à l'occasion de la conclusion de la convention. Le tribunal relève, en effet, qu'au vu des divergences entre les deux jeux de documents quant aux informations visées à l'article X.28, § 1er, 1°, C.D.E., il y avait lieu, en l'espèce, d'accorder un nouveau délai d'un mois à madame L. avant la signature du contrat, conformément à l'article X.27, alinéa 2, C.D.E.

Après une analyse détaillée, le tribunal constate que le second DIP diffère du premier quant à des éléments essentiels, comme le paiement de commissions indirectes ou la possibilité de résiliation annuelle. Le second DIP ayant été communiqué le jour de la signature de la convention, le tribunal en conclut que « le délai légal d'un mois n'a pas été respecté ».

En outre, le tribunal relève que le texte de l'article X.27 C.D.E. comprend l'obligation pour le franchiseur de communiquer au franchisé, au minimum un mois avant la conclusion du contrat, le projet de convention, « ainsi qu'un autre document, le DIP qui doit contenir les informations prévues à l'article X.28 C.D.E. ». Le tribunal observe que le seul DIP transmis à madame L. dans le délai légal est le document lacunaire du 28 novembre 2014, les informations manquantes étant de surcroît « particulièrement importantes pour le candidat franchisé, puisqu'il s'agit notamment des données relatives aux commissions indirectes, au champ des exclusivités, aux fournisseurs imposés, aux conditions de la clause de non-concurrence, aux données économiques du marché, ... ». Le tribunal estime que, dans ces circonstances, le DIP transmis avant la signature de la convention « ne peut être qualifié de DIP répondant au prescrit de l'article X.28, § 1er, 1°, C.D.E. ». Le tribunal remarque enfin que les annexes de la convention « n'ont été communiquées à madame L. que le 1er février 2015, en violation de ce qui est prévu aux articles X.27 et s. C.D.E. » et conclut qu'au vu de ce qui précède, « le contrat de franchise est nul, conformément à ce que prévoit l'article X.30 C.D.E. ».

4.En ce qui concerne les conséquences liées à la nullité de la convention et plus particulièrement la demande de madame L. visant à obtenir le remboursement de son droit d'entrée (d'un montant de 10.000 EUR), ainsi que des commissions mensuelles (égales à 4% de son chiffre d'affaires) qu'elle a versées durant l'exécution du contrat, le tribunal relève que, s'il exact que la nullité du contrat implique, en principe, la restitution par les parties de tout ce qu'elles ont reçu en exécution du contrat nul, certaines prestations ne peuvent être restituées, en raison de leur nature. En l'espèce, le tribunal refuse la restitution de ces sommes qui constituent, selon lui, la contrepartie financière de prestations dont a bénéficié madame L. pour le lancement de son point de vente, et dont elle a continué à bénéficier par la suite, en exploitant une sandwicherie dans les mêmes lieux. La restitution des commissions indirectes perçues par le franchiseur auprès des fournisseurs imposés est également refusée dès lors que madame L. « ne démontre pas qu'elle aurait dû payer des prix plus élevés du fait de ces commissions indirectes ».

II. L'Obligation d'information precontractuelle et ses sanctions

5.Comme nous l'avons déjà mentionné, l'article X.27, alinéa 1er, C.D.E. impose à « la personne qui octroie le droit » de communiquer à l'autre partie, un mois au moins avant la conclusion de la convention, par écrit ou sur un support durable, un projet de convention, mais aussi un DIP reprenant les données visées à l'article X.28 [10].

L'alinéa 2 de cette disposition vise les modifications apportées aux dispositions contractuelles importantes durant le délai d'un mois précédant la signature. Dans ce cas et sauf si cette modification est sollicitée par écrit par celui qui reçoit le droit, la personne qui octroie le droit est tenue de communiquer à l'autre partie le projet d'accord modifié et un document particulier simplifié reprenant au moins les dispositions contractuelles importantes ayant été modifiées. La personne qui reçoit le droit dispose alors d'un nouveau délai de réflexion d'un mois.

Notons enfin qu'exception faite des engagements de confidentialité, aucune obligation ne peut être prise, aucune rémunération, somme ou caution ne peut être demandée ou payée durant le délai de réflexion.

6.Les sanctions punissant les manquements à ces obligations d'information sont prévues par l'article X.30 C.D.E., qui présente la particularité de viser trois « types » différents de nullité.

Ainsi, l'alinéa 1er de cette disposition prévoit qu'en cas de non-respect d'une des dispositions de l'article X.27 C.D.E., la personne qui obtient le droit peut invoquer la nullité de l'accord de partenariat commercial dans les 2 ans de la conclusion de l'accord. Cette nullité pourra donc être invoquée en cas de non-respect du délai de réflexion d'un mois, d'absence de communication du projet de contrat ou du DIP « reprenant les données visées à l'article X.28 » [11] par écrit ou sur un support durable [12] ou encore dans l'hypothèse où la partie qui obtient le droit est amenée à souscrire une obligation ou une garantie ou à effectuer un paiement durant la période de réflexion.

Cette nullité relative (mais à laquelle la personne protégée ne peut renoncer avant l'écoulement d'un délai d'un mois à partir de la conclusion de la convention), peut, à notre sens, être qualifiée de « formaliste », dès lors qu'elle semble devoir s'appliquer dès que les conditions légales sont remplies, sans que le juge ne dispose d'un pouvoir d'appréciation lui permettant d'exiger de condition supplémentaire comme l'existence d'un vice de consentement [13]. Cette absence de pouvoir d'appréciation dans le chef du magistrat peut néanmoins être tempérée, notamment, en application de la théorie de l'abus de droit [14].

L'alinéa 2 permet quant à lui à la personne qui obtient le droit de réclamer la nullité des dispositions contractuelles importantes visées par l'article X.28, § 1er, 1°, C.D.E. qui ne sont pas mentionnées dans le DIP. Cette nullité n'est pas soumise au délai de 2 ans susmentionné, de sorte que la faculté d'invoquer cette cause de nullité n'est limitée que par la prescription décennale de droit commun [15]. Elle sanctionne uniquement l'absence d'informations, non leur caractère incomplet ou erroné [16]. Dans ce cas non plus, le juge ne dispose pas, selon nous, d'un pouvoir d'appréciation.

Enfin, l'alinéa 3 de l'article X.30 C.D.E. prévoit que, si l'une des données du document particulier visées à l'article X.28, § 1er, 2°, est manquante, incomplète ou inexacte, ou si l'une des données du document particulier visées à l'article X.28, § 1er, 1°, est incomplète ou inexacte, la personne qui obtient le droit pourra invoquer le droit commun en matière de vice de consentement ou de faute quasi délictuelle sans préjudice de l'application des dispositions du précédent alinéa.

Cet alinéa, qui vise tant la partie juridique que la partie économique du DIP [17], a été ajouté lors de l'adoption du Code de droit économique. Dans ce type de nullité, le juge retrouve un entier pouvoir d'appréciation [18].

7.Dans la décision annotée, le tribunal fonde, dans un premier temps, la nullité totale de la convention sur le non-respect du délai légal d'un mois imposé par l'article X.27, alinéa 2, C.D.E. en cas de modification des dispositions contractuelles importantes initialement transmises au candidat franchisé.

Il semble, en outre, fonder, dans un second temps, la nullité totale de la convention sur l'absence d'un nombre important de mentions légales obligatoires, au demeurant fort importantes, dans le premier DIP communiqué.

A cet égard, il faut souligner que certains auteurs soutiennent, concernant la nullité visée à l'article X.30, alinéa 1er, C.D.E., que « cette nullité du contrat ne pourrait pas être invoquée lorsque certaines informations du DIP sont manquantes, incomplètes ou inexactes, auxquels cas ce sont les sanctions de nullité spécifiquement prévues dans ces hypothèses qui pourront, le cas échéant, trouver à s'appliquer » [19], [20].

Cependant, une lecture combinée des articles X.27 et X.30, alinéa 1er, C.D.E. ne doit-elle pas mener à une conclusion différente? En effet, le texte de l'article X.30, alinéa 1er, C.D.E. précise que la nullité peut être invoquée « en cas de non-respect d'une des dispositions de l'article X.27 », lequel impose que soit transmis un mois avant la signature de la convention un «  document particulier reprenant les données visées à l'article X.28 », ce qui laisse supposer que cette nullité pourrait être invoquée en cas d'information manquante dans le DIP. Dans la décision commentée, le tribunal de commerce de Liège semble partager cette analyse, puisqu'il paraît considérer que la nullité totale de la convention peut être demandée, dans un délai de 2 ans, en cas de transmission d'un DIP ne reprenant pas les mentions légales obligatoires. Dans le cas d'espèce, une telle sanction ne nous paraît pas excessive compte tenu du nombre et de l'importance des informations manquantes [21]. Du reste, il convient de rappeler que le juge pourra sanctionner l'invocation abusive de la sanction de nullité prévue par l'article X.30, alinéa 1er, C.D.E., grâce au mécanisme de l'abus de droit.

On notera également que le tribunal reproche au franchiseur de ne pas avoir communiqué toutes les annexes de la convention avant le jour de sa signature et donc, si l'on préfère, d'avoir communiqué un projet de convention incomplet.

A suivre le tribunal, la communication de documents précontractuels complets semble donc nécessaire pour le franchiseur qui souhaite éviter l'écueil de l'article X.30, alinéa 1er, C.D.E.

III. Les effets de la nullité

8.Déterminer les cas dans lesquels le contrat de franchise peut être annulé est une chose, cerner les conséquences de ladite annulation en est une autre [22]. A cet égard, il faut préciser d'emblée que le C.D.E. ne donne pas d'indication quant aux conséquences à tirer de l'annulation d'un contrat de franchise pour violation des dispositions relatives aux obligations d'information précontractuelle [23].

En droit belge des obligations, l'annulation est un mode de dissolution des contrats qui opère avec effet rétroactif [24]. Elle produit donc ses effets ex tunc et implique la remise des choses dans leur pristin état et donc, la restitution des prestations reçues en vertu de la convention annulée [25]. Ce principe doit cependant être nuancé pour ce qui concerne les contrats à exécution successive ou continue, contrats dont l'exécution des obligations s'étend nécessairement dans la durée [26]. En effet, il y aurait lieu, selon certains [27], de transposer à l'annulation d'une convention le principe, issu d'une jurisprudence constante, selon lequel la résolution des contrats à exécution successive ou continue opère ex nunc [28], pour l'avenir uniquement donc. Cette solution se justifierait par l'impossibilité qu'il y aurait à restituer les prestations déjà accomplies [29].

9.Bien entendu, les juridictions commerciales sont confrontées à la problématique consistant à déterminer les effets à attacher à l'annulation d'un contrat de franchise pour violation des obligations d'information précontractuelle et ce de manière récurrente, lorsqu'elles font droit à une demande d'annulation sur cette base [30]. Celles-ci sont ainsi appelées à déterminer la manière dont les restitutions entre parties doivent (ou ne doivent pas) être opérées, notamment pour ce qui concerne les sommes versées par le franchisé au franchiseur en vertu de la convention, comme les redevances périodiques ou le droit d'entrée, par exemple. L'appréciation du juge paraît jouer un rôle important dans cette perspective.

Dans une décision du 14 mai 2009 [31], le tribunal de commerce de Liège, considérant que « la nullité engendre une obligation de restitutions réciproques (…) en principe en nature et lorsque cela n'est pas possible, par équivalent », a jugé que la nullité de la convention implique le remboursement du droit d'entrée au franchisé, la restitution ou le remboursement des marchandises que le franchiseur a livrées au franchisé, le remboursement au franchisé des redevances fixes et variables, à moins qu'il ne soit démontré que le franchiseur a accompli des prestations en contrepartie justifiant de telles redevances [32], ainsi que le remboursement de toutes les rémunérations perçues par le franchiseur mais non prévues par le contrat de franchise [33].

De son côté, le tribunal de commerce d'Hasselt a rendu une décision dans laquelle il considère, après avoir prononcé la nullité du contrat de franchise, que « la nullité totale du contrat implique que les parties doivent être replacées dans la situation comme si la convention n'avait jamais été conclue. En principe, la nullité a un effet rétroactif. Le principe de proportionnalité commande que la sanction soit, dans la mesure du possible, en équilibre avec la nature et le but de la règle violée. La sanction de nullité doit garantir que, sur le plan financier, cette aventure pour les franchisés se termine de la façon la plus neutre possible. Ceci signifie aussi que la sanction de nullité ne pourra pas résulter pour eux en une source d'enrichissement. (…) Ne peut être revendiqué non plus le remboursement du paiement mensuel pour des prestations continues effectuées par le franchiseur (de support, la mise à disposition d'un modèle pour exercer le commerce, l'emploi de la marque et la jouissance de la publicité de groupe) qui ne peuvent pas être restituées. (…) Le pas-de-porte unique qui n'a manifestement rien à voir avec l'emploi du nom commercial, de la marque, du savoir-faire, ... devra être restitué, puisque, compte tenu de la courte durée du contrat, il n'a fourni aucun avantage aux franchisés » [34].

Quant au tribunal de commerce de Bruxelles, celui-ci a jugé, dans un jugement du 12 septembre 2012, qu'il y avait lieu de se replacer dans la situation où le contrat n'aurait pas été conclu, de sorte qu'aucun gain ne pouvait être attendu. Par ailleurs, selon le tribunal, le remboursement du droit d'entrée devait être accordé, mais sous déduction de la part correspondant aux frais de formation initiale, dès lors que ces formations avaient été effectivement reçues et, qu'après la résiliation du contrat, le franchisé avait continué à en bénéficier du fait qu'il avait poursuivi une activité similaire. Concernant les redevances payées au franchiseur, le juge a estimé qu'elles devaient être restituées au franchisé étant donné que le franchiseur n'avait pu établir à suffisance l'existence et l'importance des prestations qui auraient justifié le paiement de ces redevances [35].

10.Dans le jugement commenté, le tribunal de commerce de Liège semble, à son tour, vouloir éviter que l'annulation de la convention ne constitue une source de gain pour le franchisé.

Le tribunal considère que le franchiseur n'est pas tenu de restituer le droit d'entrée, ni les redevances déjà payées par le franchisé, dès lors qu'ils constituent la contrepartie financière de prestations, non restituables en raison de leur nature, dont le franchisé a bénéficié pour le lancement de son entreprise et continue de bénéficier. En l'espèce, ces prestations étaient les suivantes: l'assistance et la formation dont ont bénéficié le franchisé et son personnel, le fait pour le franchisé d'avoir bénéficié de la notoriété du nom commercial de la franchise pour le lancement de son point de vente, ainsi que l'accès aux recettes qui ont fait le succès de l'enseigne et dont le franchisé pourra s'inspirer pour élaborer sa carte à l'avenir [36]. Comme le tribunal de Bruxelles dans la décision susmentionnée, le tribunal tient notamment compte, lorsqu'il examine si les montants versés au franchiseur constituent la contrepartie de prestations effectuées pour le franchisé, du bénéfice que celui-ci peut retirer des prestations qui lui ont été fournies dans le cadre de l'exécution du contrat de franchise après l'annulation de celui-ci.

A notre sens, la décision établit peut-être un peu rapidement une correspondance entre les prestations qu'il cite et leurs supposées contreparties financières - conséquentes puisqu'elles incluent tant les commissions que le droit d'entrée. On rappellera, à cet égard, que, dans une autre affaire, la même juridiction avait précisé, en ce qui concerne la valorisation des prestations, que celle-ci devait être prouvée par le franchiseur et ne devait pas nécessairement être équivalente aux montants facturés à titre de redevances [37]. Vu la motivation du jugement, il nous semble, à tout le moins, que le tribunal de commerce a fait preuve d'une certaine souplesse du point de vue probatoire quand il s'est agi d'établir la correspondance entre les prestations et les paiements. Il faut souligner, du reste, que le fait de paralyser entièrement la restitution du droit d'entrée semble rare [38]. On relèvera d'ailleurs que, dans différents cas d'espèce, les tribunaux de commerce ont considéré que le droit d'entrée n'était pas en lien avec des prestations concrètes et devait donc être intégralement restitué.

Par ailleurs, le tribunal refuse également d'accorder la restitution des commissions indirectes perçues par le franchiseur auprès des fournisseurs imposés, au motif que le franchisé ne démontre pas qu'il a dû payer des prix plus élevés auprès des fournisseurs en raison de la perception de ces commissions indirectes. Ainsi, selon le tribunal, le fait, pour ces fournisseurs, d'avoir les membres du réseau de franchise comme clients « leur garantit des revenus fixes et importants. Il s'ensuit que le prix des différents articles commandés auprès d'eux par ces franchisés a été négocié dans le cadre global de la franchise. La force de négociation de ce groupe est par définition plus importante que celle que pourrait avoir un seul franchisé face à ce même fournisseur ». L'argument selon lequel le franchisé aurait pu obtenir de meilleurs prix auprès d'autres fournisseurs est balayé par le tribunal, dès lors que le concept de franchise impose le recours à des fournisseurs choisis par le franchiseur.

Pour le tribunal, il n'est donc pas question que l'annulation aboutisse, par le jeu de la restitution des commissions indirectes, à ce que le franchisé paie ses marchandises à un prix inférieur au prix normal. Le tribunal semble donc partir du principe que la commission indirecte se limite, en quelque sorte, à compenser la force de négociation accrue du franchiseur - le contraire devant être démontré par le franchisé.

En définitive, l'appréciation du tribunal permet, dans le cas d'espèce, de limiter sensiblement les effets de l'annulation de la convention dans le chef des franchiseurs [39], dès lors que, même s'ils perdent un membre de leur réseau de franchise et ne peuvent revendiquer l'application de la clause de non-concurrence, ils ne sont pas tenus à la restitution du droit d'entrée, ainsi que des commissions directes et indirectes dans le cadre de l'application de la convention - ce qui limite les conséquences de la nullité de manière non négligeable dans leur chef. La limitation des effets de la nullité permet donc, en quelque sorte, au franchiseur d'éviter, à tout le moins partiellement, les « conséquences considérables » qui peuvent résulter du « non-respect du devoir d'information (…) et du délai minimal » [40].

Conclusion

11.Les règles de nullité en matière d'information précontractuelle, qui imposent le respect d'un formalisme strict, nous paraissent se distinguer par une importante rigidité et le peu de marge de manoeuvre laissée au juge, en ce qui concerne les deux premiers paragraphes de l'article X.30 C.D.E. Les conséquences à attacher à la sanction de nullité constituent une question plus casuistique dans le cadre de laquelle l'appréciation du juge semble occuper une place importante. La décision commentée nous paraît en constituer un bel exemple. On ne peut donc qu'inciter les praticiens à ne pas négliger l'épineuse question des effets de la nullité du contrat de franchise, laquelle est susceptible d'engendrer une sensible atténuation de la sanction devant s'abattre sur le franchiseur qui omet de respecter les règles d'information précontractuelle.

[1] Assistant à l'Université de Liège, avocat au barreau de Liège.
[2] L'accord de partenariat commercial est défini par le Code de droit économique (art. I.11, 2°) comme « l'accord conclu entre plusieurs personnes, par lequel une de ces personnes octroie à l'autre le droit d'utiliser lors de la vente de produits ou de la fourniture de services, une formule commerciale sous une ou plusieurs des formes suivantes:

- une enseigne commune;

- un nom commercial commun;

- un transfert de savoir-faire;

- une assistance commerciale ou technique ».
[3] Initialement visée par la loi du 19 décembre 2005 relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial.
[4] Le franchisé p. ex.
[5] Enumérées à l'art. X.28, § 1er, 1°, C.D.E.
[6] Enumérées à l'art. X.28, § 1er, 2°, C.D.E.
[7] Art. X.30 C.D.E. Voy. infra, point II.
[8] Doc. parl., Ch. repr., sess. 2004-2005, n° 51-1687/005, pp. 4-5; L. du Jardin,« Information précontractuelle et appréciation concrète du dommage né de la rupture du contrat de concession: 'esprit es-tu là?' », D.A.O.R., 2006, p. 214.
[9] La supercherie a été reconnue par monsieur B. après interpellation du tribunal.
[10] Nous n'évoquerons pas dans la présente note les obligations découlant de l'art. X.29 C.D.E., qui impose la communication d'un projet d'accord et d'un document simplifié, en cas de renouvellement d'un accord de partenariat commercial conclu pour une durée déterminée, de conclusion d'un nouvel accord entre les mêmes parties et de modification d'un accord en cours d'exécution.
[11] Ou du projet de contrat modifié et du document particulier simplifié visés par l'art. X.27, al. 2, C.D.E., le cas échéant.
[12] Les informations peuvent ainsi être envoyées par mail, p. ex. (voy. D. Mertens, « De nieuwe wet precontractuele informatie doorgelicht », in Actualia handelstussenpersonen, Antwerpen, Intersentia, 2006, pp. 21-24).
[13] Voy. à ce sujet, P. Demolin, L'information précontractuelle et la Commission d'arbitrage, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 69-71. A l'appui de cette thèse, l'auteur cite notamment A. Mottet Haugaard et M. Verhulst, « La nouvelle loi relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial », D.A.O.R., 2006, p. 128. Il faut noter que d'autres auteurs préconisent de suivre la jurisprudence française relative à la « loi Doubin » (loi française dont le législateur belge s'est fortement inspiré lors de l'adoption de la loi de 2005) qui limite l'annulation du contrat au cas où le manquement à l'information précontractuelle a entraîné un vice du consentement (A. de Schoutheete et A. Meulder, « Devoir d'information et responsabilité précontractuelle en matière de franchise: quelques réflexions », R.D.C., 2007, pp. 954 et s.).
[14] O.c., p. 71; S. Claeys, « De Wet van 19 december 2005 met betrekking tot de precontractuele informatie bij commerciële samenwerkingsovereenkomsten. Evaluatie van zeven jaar », in Retail - Juridisch bekeken, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 68 et L. du Jardin, « Prescription et nullité en droit de la distribution », R.D.C.-T.B.H., 2016, p. 399. Voy., pour une application de la théorie de l'abus de droit dans cette matière, Comm. Charleroi, 16 janvier 2009, D.A.O.R., 2014, p. 81.
[15] O. Robijns, « Le contrat de franchise », Pacioli, 2007, n° 238, p. 2; A. de Schoutheete et O. Vanden Berghe, « Le livre X du nouveau Code de droit économique. Les nouveautés en matière d'information précontractuelle », R.D.C.-T.B.H., 2014, p. 753 et L. du Jardin, « Prescription et nullité en droit de la distribution », o.c., p. 398. On notera toutefois qu'initialement, le délai de 2 ans avait été retenu pour ce cas de nullité aussi (voy. Doc. parl., Ch. repr., 2004-2005, n° 51-1687/001, p. 7). Il semble cependant que, par un jugement du 14 avril 2011 (inédit, R.G. n° A/09/03139), le tribunal de commerce de Gand ait considéré que le délai de 2 ans s'applique aussi bien pour la nullité totale que partielle de l'accord (S. Claeys, « De Wet van 19 december 2005 met betrekking tot de precontractuele informatie bij commerciële samenwerkingsovereenkomsten. Evaluatie van zeven jaar », o.c., p. 68).
[16] P. Demolin, L'information précontractuelle et la Commission d'arbitrage, o.c., p. 71.
[17] L. du Jardin, « Prescription et nullité en droit de la distribution », o.c., p. 399.
[18] A. de Schoutheete et O. Vanden Berghe, « Le livre X du nouveau Code de droit économique. Les nouveautés en matière d'information pré-contractuelle », o.c., p. 754.
[19] P. Kileste et C. Staudt, Contrat de franchise, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 91.
[20] Sur cette question de savoir quelle(s) nullité(s) peu(ven)t être invoquée(s) en cas d'information(s) manquante(s) dans le DIP, voy. égal. S. Claeys, « De Wet van 19 december 2005 met betrekking tot de precontractuele informatie bij commerciële samenwerkingsovereenkomsten. Evaluatie van zeven jaar », in Commercial distribution/La distribution commerciale/Commerciele distributie, Bruxelles, Larcier, 201, pp. 63-65.
[21] On relèvera que S. Claeys soutient que la sanction de nullité totale de la convention en cas d'absence d'une des données légales serait excessive; ce serait la raison pour laquelle celle-ci ne pourrait être prononcée qu'en cas de non-communication des données contractuelles ou de non-respect du délai de réflexion d'un mois (S. Claeys, « Niet naleven van de wet precontractuelle informatie kan zuur opbreken » (note sous Comm. Liège, 14 mai 2009), D.A.O.R., 2009, p. 393).
[22] Voy. B. Ponet, « De invulling van de wet 19 december 2015 (betreffende de precontractuele informatie bij commerciële samenwerkingsovereenkomsten) in de rechtspraak », o.c., pp. 77-78.
[23] P. Kileste et N. Godin, « La sanction du défaut d'information précontractuelle dans les contrats de partenariat commercial », o.c., p. 828.
[24] P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 338.
[25] Voy. Cass., 21 mai 2004, C.03.0501.F, J.L.M.B., 2004, p. 1712.
[26] P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, o.c., p. 99.
[27] Voy. H. De Page, Traité de droit civil belge, T. II, 3 éd., 1964, p. 795.
[28] Voy. P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, o.c., p. 343.
[29] Cet argument fait cependant l'objet de critiques. Voy. P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1 , o.c., p. 624.
[30] P. Kileste et N. Godin, « La sanction du défaut d'information précontractuelle dans les contrats de partenariat commercial », o.c., p. 828.
[31] Comm. Liège, 14 mai 2009, D.A.O.R., 2009, pp. 388 et s.
[32] Il appartient dans ce cas au franchiseur de démontrer l'accomplissement de prestations ainsi que leur valorisation, laquelle ne sera pas nécessairement équivalente aux montants facturés à titre de redevance au franchisé (o.c.).
[33] P. Kileste et N. Godin, « La sanction du défaut d'information précontractuelle dans les contrats de partenariat commercial », o.c., p. 829.
[34] Comm. Hasselt, 3 décembre 2010, D.A.O.R., 2011, pp. 130 et s. Au sujet de cette décision, voy. B. Ponet, « De invulling van de wet 19 december 2015 (betreffende de precontractuele informatie bij commerciële samenwerkingsovereenkomsten) in de rechtspraak », in Commercial distribution/La distribution commerciale/Commerciele distributie, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 79 et s.
[35] P. Kileste et N. Godin, « La sanction du défaut d'information précontractuelle dans les contrats de partenariat commercial », o.c., p. 829, évoquant Comm. Bruxelles, 18 septembre 2012, inédit, R.G. n° 3334/2011.
[36] Le franchisé a effectivement continué à exploiter une sandwicherie après la naissance du litige.
[37] Comm. Liège, 14 mai 2009, précité.
[38] Voy. p. ex., Comm. Anvers, 19 décembre 2011, R.W., 2012-2013, p. 193.
[39] Et donc de la violation de leurs obligations en matière d'information précontractuelle.
[40] Doc. parl., Ch. repr., sess. 2004-2005, n° 51-1687/001, p. 9.