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Cour de cassation (1re ch.), 23/03/2017, C.15.0232.F, R.D.C.-T.B.H., 2017/9, p. 959-961

Cour de cassation 23 mars 2017

ACHAT-VENTE
Fin du contrat de vente - Généralités - Droit d'option - Remèdes - Sanctions - Action estimatoire - Action rédhibitoire - Pas de réparation en nature
L'article 1644 du Code civil réserve au seul acheteur l'option entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire. La décision que l'article 1644 du Code civil ne permet pas au vendeur d'offrir à l'acheteur la remise en état de la chose vendue est justifiée légalement.
KOOP-VERKOOP
Einde verkoopovereenkomst - Algemeen - Keuzerecht - Remedies - Sancties - Actio quanti minoris - Actio redhibitoria - Geen herstel in natura
Artikel 1644 Burgerlijk Wetboek geeft alleen de koper het keuzerecht tussen de actio redhibitoria en de actio quanti minoris. De beslissing die ervan uitgaat dat artikel 1644 Burgerlijk Wetboek niet aan de verkoper toelaat om het verkochte goed te herstellen, is naar recht verantwoord.

P.D. / E.V., A.D., F.D., R.D., A.B.S., D.D., D.D., C.D., M.B.; en présence de Association des Copropriétaires de l'Immeuble X. et G.N.

Siég.: M. Regout (président de section), D. Batselé, M. Lemal, M.-Cl. Ernotte et A. Jacquemin (conseillers)
M.P.: Ph. de Koster (avocat général)
Pl.: Mes P. Van Ommeslaghe et F. T'Kint
Affaire: C.15.0232.F
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 31 mars 2014 et 12 janvier 2015 par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller M. Lemal a fait rapport.

L'avocat général Ph. de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente quatre moyens.

III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen
Quant à la première branche

En vertu de l'article 1644 du Code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par expert.

Il suit de cette disposition que, lorsque les conditions d'application des articles 1641 et 1643 du Code civil sont réunies, l'article 1644 réserve au seul acheteur l'option entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire.

L'arrêt attaqué du 31 mars 2014, qui considère que « le vendeur n'est pas recevable à offrir pour faire échouer l'action en garantie de faire exécuter à ses frais la remise en état de la chose vendue », justifie légalement sa décision de rejeter l'offre du demandeur d'exécuter l'obligation de garantie en nature.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche

Les considérations de l'arrêt attaqué du 31 mars 2014, reproduites dans la réponse à la première branche du moyen et vainement critiquées par celle-ci, suffisent à fonder la décision de cet arrêt de rejeter l'offre du demandeur d'exécuter l'obligation de garantie en nature.

Dirigé contre des considérations surabondantes de cet arrêt, le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est, comme le soutient la deuxième défenderesse, dénué d'intérêt, partant, irrecevable.

Quant à la troisième branche

Il suit de la réponse à la première branche du moyen que l'arrêt attaqué du 31 mars 2014 décide que l'article 1644 du Code civil ne permet pas au vendeur d'offrir à l'acheteur la remise en état de la chose vendue.

Il n'était dès lors pas tenu de répondre aux conclusions du demandeur, reproduites au moyen, en cette branche, faisant valoir que poursuivre l'annulation des ventes litigieuses était constitutif d'un abus de droit dès lors que le demandeur offrait de remédier aux vices allégués, ce moyen étant devenu sans pertinence en raison de sa décision.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen
Quant à la première branche

Aux termes de l'article 1644 du Code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par expert.

Il ne suit pas de cette disposition que le dégrèvement des charges consenties sur la chose vendue au profit d'un tiers doive être préalable à l'exercice de l'option prévue par l'article 1644 du Code civil.

Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutènement contraire, manque de droit.

Quant à la seconde branche

L'arrêt attaqué du 12 janvier 2015 considère que « si effectivement à la date du 19 juin 2014, le solde restant dû aux organismes prêteurs par [les défendeurs sub 2, 4 et 5] est supérieur au prix d'acquisition, le remboursement des frais et les dommages et intérêts tels que visés ci-après permettront, compte tenu de l'importance des soldes respectifs, de désintéresser le créancier hypothécaire de sorte que le bien sera restitué dans son pristin état et que les droits du vendeur seront par conséquent saufs ».

Par ailleurs, il « désigne le notaire J.-C.D., de résidence à (...), chargé de recevoir le montant des condamnations à charge pour lui de désintéresser le créancier hypothécaire inscrit jusqu'à apurement complet de sa créance, d'établir le certificat de radiation et de rembourser le solde des sommes reçues [aux défendeurs sub 2 à 5] ».

Il suit de ces énonciations qu'aux yeux de la cour d'appel, il est certain qu'à la suite de la résolution résultant de l'exercice de l'action rédhibitoire organisée par l'article 1644 du Code civil, les biens litigieux seront restitués libres de toute charge au demandeur.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une interprétation erronée de l'arrêt attaqué, manque en fait.

Sur le troisième moyen

Le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles juridiques qui s'y appliquent. Il doit examiner la nature juridique des faits et actes invoqués par les parties et peut, indépendamment de la qualification juridique que les parties leur ont donnée, suppléer d'office les motifs qu'ils ont invoqués, à la condition qu'il ne soulève pas de litige dont les parties ont exclu l'existence par conclusions, qu'il ne se fonde que sur des éléments qui lui ont été régulièrement soumis, qu'il ne modifie pas l'objet de la demande et qu'il ne viole pas, à cet égard, les droits de la défense des parties. Le fait que les parties n'aient pas, en conclusions, soulevé l'application d'une disposition légale déterminée ne signifie pas qu'elles en ont exclu la possibilité.

Le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense n'est pas violé lorsqu'un juge fonde sa décision sur des éléments dont les parties pouvaient attendre, vu le déroulement des débats, que le juge les inclurait dans son jugement et qu'elles ont pu contredire.

Devant la cour d'appel, le demandeur a formé une demande reconventionnelle de condamnation des défendeurs sub 2 à 5 à lui payer la somme de 750 EUR par mois d'occupation depuis l'entrée dans les lieux, faisant valoir que « si, par impossible, la cour [d'appel] faisait droit à l'action rédhibitoire, sa décision impliquerait la restitution des prestations réciproques des parties, et ce depuis leurs conventions » et que ces défendeurs « ne pouvant restituer la jouissance des bâtiments, [ils] en doivent une juste compensation ».

Dans leurs secondes conclusions après réouverture des débats, les défendeurs sub  2 à 5 ont opposé à cette demande que « la demande reconventionnelle est contestée. La jouissance des appartements a été considérablement perturbée par les nombreux vices dont les appartements sont affectés. Les [défendeurs] subissent ces habitations depuis qu'ils ont découvert les vices. Ils n'en éprouvent aucune jouissance. S'ils avaient pu quitter les appartements, ce dont ils ont été empêchés par des motifs financiers, ils auraient déménagé; [le demandeur] ne peut donc prétendre à une compensation destinée à restituer la jouissance inexistante ».

L'arrêt attaqué du 12 janvier 2015, qui, pour rejeter la demande du demandeur, considère que « l'acheteur doit restituer la valeur de la chose vendue au moment où il l'a reçue de sorte que l'obligation de restitution, sauf moins-value de la chose ou faute de l'acheteur, lesquelles ne sont pas alléguées, ne comprend pas la jouissance de la chose vendue », ne soulève pas une contestation dont l'accord des parties excluait l'existence et ne méconnaît pas le droit de défense du demandeur.

Pour le surplus, la violation des articles 1603, 1625, 1641, 1643, 1644 et 1645 du Code civil est entièrement déduite de celle, vainement alléguée, des articles 774, alinéa 2, 1042 et 1138, 2°, du Code judiciaire et de la méconnaissance, vainement alléguée, des principes généraux du droit visés au moyen.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen

Dans la mesure où il invoque la violation de l'article 1142 du Code civil, le moyen, qui, en aucune de ses branches, n'indique en quoi l'arrêt attaqué du 31 mars 2014 violerait cette disposition légale, est imprécis, partant, irrecevable.

Quant à la première branche

Il ne ressort pas des pièces de la procédure que le demandeur a fait valoir devant la cour d'appel un moyen déduit des articles 1341, 1347 et 1348 du Code civil.

Le moyen, en cette branche, qui, fondé sur des dispositions légales qui ne sont ni d'ordre public ni impératives, n'a pas été soumis au juge du fond et dont celui-ci ne s'est pas saisi de sa propre initiative, est, dans cette mesure, nouveau.

Pour le surplus, la violation des articles 1134, 1135, 1147, 1149, 1150, 1151 du Code civil et 4, alinéa 1er, de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d'architecte est entièrement déduite de celle, vainement alléguée, des articles 1341, 1347 et 1348 précités.

Le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Quant à la deuxième branche

L'arrêt attaqué du 31 mars 2014 énonce que « l'expert judiciaire a considéré que l'architecte n'intervenait pas comme un architecte chargé d'une mission complète confiée par le maître de l'ouvrage », qu'« en cours d'expertise, [le défendeur sub 9] a déclaré qu'il avait établi le relevé de la situation existante et était intervenu pour réaliser les plans et rédiger les documents utiles à l'obtention d'un permis », que « lorsqu'il reprend la mission confiée antérieurement à l'architecte J., l'état des travaux est déjà bien avancé et il ne suivra pas le chantier », que « monsieur J., architecte consulté précédemment par [le demandeur], a précisé [...] le 22 novembre 2005 l'historique des demandes de permis d'urbanisme en soulignant que le problème rencontré réside dans le fait que les travaux ont débuté sans attendre le permis accepté et que les travaux réalisés présentent des écarts flagrants par rapport aux plans établis », que « le contrat d'architecture est signé après l'obtention du permis d'urbanisme et la vente des appartements a été confiée à l'agence Century 21 le 27 octobre 2006, cette agence signalant que la visite des appartements a débuté peu après l'entrée du mandat », que « le contrat d'architecture ne reprend pas le montant du budget et seuls des honoraires forfaitaires sont fixés à la somme de 6.000 EUR » et en déduit que le défendeur sub 9 « n'était pas chargé d'une mission complète et que celle-ci se limitait à l'établissement de plans en vue de l'obtention du permis ».

Il considère ensuite qu'« il n'est pas contesté que l'architecte n'est pas le concepteur des cloisons ni n'est à l'origine du choix des matériaux » et que « sa responsabilité ne peut être mise en cause concernant les problèmes liés à l'isolation thermique et acoustique ».

Il considère également que « si l'attitude [du défendeur sub  9] qui intervient a posteriori sur un chantier aux fins de régulariser une situation existante n'est pas exempte de reproches, les fautes éventuelles commises ne sont pas à l'origine des désordres encourus par les acquéreurs et qui donnent lieu à l'action en garantie », qu'« il est vain de reprocher à l'architecte une défaillance dans ses devoirs de contrôle et de conseil alors que les conditions de son intervention ne lui permettaient plus de les exercer » et que « l'expert judiciaire relève à ce propos que 'vu l'état d'avancement des travaux lorsque [le défendeur sub 9] intervient, [le demandeur] n'avait vraisemblablement 'que faire' d'un contrôle d'exécution; tout était déjà trop avancé' ».

Il suit de ces énonciations que l'arrêt attaqué ne se borne pas à considérer que « les fautes éventuelles commises [par le défendeur sub 9] ne sont pas à l'origine des désordres encourus par les acquéreurs et qui donnent lieu à l'action en garantie » mais qu'il identifie les fautes susceptibles de lui être reprochées et qu'il exclut que toute faute de conception puisse lui être imputée dès lors qu'il « n'est pas le concepteur des cloisons ni n'est à l'origine du choix des matériaux » et qu'un manquement à ses devoirs de contrôle et de conseil puisse lui être reproché dès lors que « les conditions de son intervention ne lui permettaient plus de les exercer » en raison de l'état d'avancement des travaux et de l'attitude du demandeur.

Dans la mesure où il est recevable, le moyen, qui, en cette branche, procède d'une lecture incomplète de l'arrêt, manque en fait.

Quant à la troisième branche

Par les considérations vainement critiquées par le moyen, en sa deuxième branche, l'arrêt attaqué du 31 mars 2014 exclut que les fautes éventuellement commises par le défendeur du fait de son intervention a posteriori sur le chantier aux fins de régulariser une situation existante soient à l'origine des désordres encourus par les acquéreurs et qui donnent lieu à l'action en garantie.

Il s'ensuit que l'arrêt exclut que la faute, à la supposer avérée, déduite d'une violation des articles 4, alinéa 1er, de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d'architecte et 21 du règlement de déontologie établi par le Conseil national de l'Ordre des architectes, soit en relation causale avec les désordres invoqués par les acquéreurs.

Le moyen qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est dénué d'intérêt, partant, irrecevable.

Sur la demande en déclaration d'arrêt commun

Le rejet du pourvoi prive d'intérêt la demande en déclaration d'arrêt commun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en déclaration d'arrêt commun;

Condamne le demandeur aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de 2.113,76 EUR envers la partie demanderesse.

(…)