Article

Cour d'appel Bruxelles, 30/06/2017, 2015/AR/1395, R.D.C.-T.B.H., 2017/9, p. 998-1002

Cour d'appel de Bruxelles 30 juin 2017

ASTREINTE
Imputabilité - Organe - Action en cessation - Pratiques du marché déloyales à l'égard d'autres que les consommateurs
L'organe d'une personne morale qui agit, dans les limites de ses attributions, pour le compte de la personne morale s'identifie à celle-ci. L'acte ainsi accompli par un organe, qu'il s'agisse d'un acte juridique ou d'un acte purement matériel liés à l'activité de la personne morale, comme un acte contraire aux pratiques honnêtes du marché, est imputable directement à la personne morale elle-même. L'action en cessation fondée sur les articles VI.97, VI.100, VI.104 et VI.105, 1° et 2° du Code de droit économique vise exclusivement les pratiques ou actes commis par des entreprises et est donc non fondée si elle est dirigée contre la personne lorsque celle-ci agit comme organe.
Un ordre de cessation a une durée illimitée, sauf s'il prévoit expressément le contraire. Lorsque la législation sous-jacente à un ordre de cessation est ultérieurement modifiée, c'est la théorie de l'actualité du titre qui trouvera application et qui déterminera si l'ordre continue ou non à sortir ses effets, sous le contrôle du juge des saisies. Il n'y a donc pas lieu de préciser expressément dans un ordre de cessation que celui-ci ne vaut qu'aussi longtemps que les dispositions légales sous-jacentes ne sont pas modifiées.
Dans la détermination du montant de l'astreinte, il est tenu compte de la difficulté de constater chacune des éventuelles infractions. Il faut donc en fixer le montant à un niveau suffisamment élevé pour qu'il ne soit pas économiquement rationnel pour les parties condamnées d'enfreindre délibérément l'ordre de cessation en comptant sur la probabilité de ne pas être pris.
DWANGSOM
Toerekening - Orgaan van rechtspersoon - Vordering tot staking - Oneerlijke praktijken jegens anderen dan consumenten
De natuurlijke persoon-orgaan van de rechtspersoon die binnen de grenzen van zijn functie handelt voor rekening van de rechtspersoon, moet ermee worden geïdentificeerd. Zijn daden zijn rechtstreeks toerekenbaar aan de rechtspersoon, of het een rechtshandeling of een feitelijke handeling betreft, zoals een daad die strijdig is met de eerlijke handelsgebruiken. De vordering tot staking die steunt op de artikelen VI.97, VI.100, VI.104 et VI.105, 1° en 2° WER heeft uitsluitend betrekking op daden gepleegd door ondernemingen en is dus ongegrond indien zij gericht is tegen een persoon als deze handelt als orgaan.
Een stakingsbevel heeft een onbeperkte duur, tenzij indien het anders bepaalt. Als de aan het bevel onderliggende wetgeving later wordt gewijzigd, zal de theorie van de actualiteit van de titel toepassing vinden en bepalen of het bevel nog uitwerking heeft of niet, onder controle van de beslagrechter. Het stakingsbevel hoeft dus niet te preciseren dat het slechts geldt zolang de onderliggende wetgeving ongewijzigd is.
Bij de bepaling van het bedrag van de dwangsom dient rekening te worden gehouden met de moeilijkheidsgraad om elk van de eventuele inbreuken vast te stellen. Het bedrag moet dus voldoende hoog zijn opdat het economisch niet redelijk zou zijn voor de veroordeelde partijen om opzettelijk het bevel te schenden, rekenend op de waarschijnlijkheid dat men niet zal worden gevat.

FlibTravel International SA et Leonard Travel International SA / AAL Renting SA e.a.

Siég.: M.-F. Carlier (conseiller f.f. président), F. Custers (conseiller) et Y. Herinckx (conseiller suppléant)
Pl.: Mes P. Frühling, S. Golinvaux, H. Tacheny et V. Defraiteur, D. Ribant, I. Ferrant
Affaire: 2015/AR/1395

(…)

IV. Discussion

(…)

(2) Quant à l'existence d'actes contraires aux pratiques honnêtes

8. Pour les motifs figurant aux points 28 à 31 de l'arrêt interlocutoire du 21 avril 2016, la pratique du groupage des clients imputable à AAL Renting e.c. et à Saratax e.c. constitue un acte contraire aux pratiques honnêtes du marché. Il en est de même, pour les motifs figurant aux points 42 à 44 de l'arrêt interlocutoire, de la pratique de racolage qui leur est également imputable. Le seul doute qui subsistait à cet égard lors du prononcé de l'arrêt interlocutoire, touchant à la conformité de la réglementation bruxelloise au droit européen, a entre-temps été levé par la Cour de justice de l'Union européenne.

Il y donc lieu de constater les infractions commises par AAL Renting e.c. et Saratax e.c.

(3) Quant à l'ordre de cessation

9. AAL Renting e.c. et Saratax e.c. considèrent que l'ordre de cessation demandé est imprécis et trop large, et est en conséquence irrecevable. FlibTravel e.c. considèrent au contraire que l'ordre qu'elles sollicitent identifie clairement les pratiques illégales dont la cessation est demandée.

10. L'arrêt interlocutoire du 21 avril 2016 a dit les demandes principales formées par FlibTravel e.c. recevables. Le moyen d'irrecevabilité de la demande de cessation actuellement soulevé par AAL Renting e.c. et Saratax e.c. se heurte au caractère définitif de la décision déjà prise par la cour sur cette question (art. 19 C. jud.) et doit dès lors être rejeté.

11. L'ordre de cessation prononcé par le juge doit définir clairement l'acte auquel il entend mettre fin et en énoncer tous les éléments déterminants, de sorte que la portée de cet ordre ne puisse susciter pour celui auquel il s'adresse aucun doute, raisonnable (Cass., 14 juin 2013, C.12.0524.N, Pas., 2013, I, p. 1387; de même en ce qui concerne l'astreinte, Cass., 4 janvier 2017, P.16.0843.F). Lorsque la formulation de l'ordre tel qu'il est sollicité ne répond pas à cette exigence, il appartient au juge, dans le respect des droits de la défense et du principe dispositif qui lui interdit de prononcer un ordre plus large que celui qui est sollicité, de préciser celle-ci (A. Tallon, Concurrence et pratiques du marché. La procédure, Larcier, 2012, nos 109 et 110). La formulation adoptée par le juge doit être suffisamment claire pour éviter autant que possible les éventuelles difficultés d'exécution ultérieures, en particulier lorsque l'ordre de cessation est accompagné d'une astreinte. Lorsque la demande est trop large en raison de son imprécision, le juge doit en réduire la portée et la déclarer partiellement non fondée dans la mesure de l'excédent (Gand, 11 octobre 2010, Ann. prat. mar., 2010, p. 465).

En l'espèce, et sous réserve de ce qui sera indiqué ci-dessous au paragraphe 16 et d'une légère reformulation de l'interdiction de racolage dans la ligne de ce qui était annoncé par le paragraphe 45 de l'arrêt interlocutoire du 21 avril 2016, l'ordre de cessation demandé par FlibTravel e.c. répond aux exigences de clarté et de précision indiquées ci-dessus.

12. AAL Renting e.c. et Saratax e.c. soutiennent en plaidoiries que la référence aux « alentours de la gare du Midi » dans l'ordre de cessation sollicité rendait le périmètre d'application de celui-ci trop imprécis. FlibTravel e.c. répliquent qu'une telle formulation est nécessaire pour éviter qu'un simple déplacement du rang de taxis, actuellement à la rue de France, ne permette aux exploitants de taxis de contourner l'ordre de cessation.

La cour considère que, dans le contexte de la présente affaire, l'expression « aux alentours de la gare du Midi » n'est pas susceptible de donner lieu à confusion et est effectivement utile pour éviter un risque de contournement de l'ordre de cessation. Les pratiques incriminées sont celles qui visent des voyageurs sortant, à pied, de la gare du Midi, et c'est par référence à cette cible de clientèle que la notion des « alentours de la gare du Midi » doit s'entendre: l'ordre de cessation s'appliquera dans tout le périmètre de chalandise où il est possible de capter un ensemble de personnes sortant à pied de la gare.

13. AAL Renting e.c. et Saratax e.c. font état d'un projet de modification de la réglementation bruxelloise applicable aux taxis, qui aboutira selon eux à légaliser dans le courant de l'année 2018 les pratiques qui leur sont actuellement reprochées. Ils demandent dès lors, à titre subsidiaire, que l'ordre de cessation soit expressément limité dans le temps jusqu'à l'entrée en vigueur du projet en question. FlibTravel e.c. s'y opposent, parce que le projet n'est actuellement qu'hypothétique et que de toute manière un ordre de cessation expire automatiquement en cas de modification des dispositions légales qui le fondent.

14. La cour constate en effet l'existence d'un « plan taxi » élaboré par le ministre compétent. Ce plan fait actuellement l'objet d'une concertation avec le secteur. Il aboutira, s'il est mis en oeuvre, à une modification ou à un remplacement de l'ordonnance du 27 avril 1995.

Il ne s'agit toutefois à l'heure actuelle que d'un projet, qui ne fait pas partie du droit positif. Les informations dont la cour dispose ne lui permettent en outre pas de déterminer si le projet inclut une suppression des règles interdisant la mise à disposition de places individuelles plutôt que de l'ensemble du véhicule et le racolage. La seule information disponible à cet égard consiste en la mention suivante dans une « note de principe » publiée sur le site internet du service Bruxelles Mobilité (pièce 1 du dossier de Saratax e.c.): « Le secteur sera structuré en trois catégories qui tombent sous le service d'utilité publique: [...] Vans: le transport par minibus: (capacité de minimum 8 personnes + chauffeur) [...] Desserte des aéroports de Zaventem et Charleroi ».

15. De manière générale, un ordre de cessation a une durée illimitée, sauf s'il prévoit expressément le contraire et sauf levée éventuelle de l'ordre en application de l'article XVII.3 du Code de droit économique lorsqu'il a été mis fin à l'infraction (J. Stuyck, Handelspraktijken, Wolters Kluwer, 2015, nos 135 et 140; A. Tallon, o.c., n° 107). Lorsque la législation sous-jacente à un ordre de cessation est ultérieurement modifiée, c'est la théorie de l'actualité du titre qui trouvera application et qui déterminera si l'ordre continue ou non à sortir ses effets, sous le contrôle du juge des saisies (E. Dirix et K. Broeckx, Beslag, 3e éd., Kluwer, 2010, nos 535 et 546; de même à propos des effets d'ordonnances de référés, Cass., 5 mai 2011, C.07.0282.F, Pas., 2011, I, p. 1225). Il n'est donc en principe ni nécessaire ni opportun de préciser expressément dans un ordre de cessation que celui-ci ne vaut qu'aussi longtemps que les dispositions légales sous-jacentes ne sont pas modifiées: toute modification future n'aura pas nécessairement pour effet de rendre l'ordre de cessation caduc; cela dépendra de l'objet et de la portée des modifications en question.

Aucune circonstance particulière ne justifie en l'espèce de s'écarter de l'approche générale décrite ci-dessus.

(…)

(4) Quant à l'astreinte

18. FlibTravel e.c. réclament une astreinte de 10.000 EUR par infraction. AAL Renting e.c. et Saratax e.c. soulèvent l'irrecevabilité de cette demande; subsidiairement, ils ne s'opposent pas au principe d'une astreinte mais considèrent que le montant réclamé est excessif.

19. AAL Renting e.c. et Saratax e.c. n'expliquent pas pourquoi la demande d'astreinte serait selon eux irrecevable. L'arrêt interlocutoire du 21 avril 2016 a de toute manière déjà déclaré recevables les demandes formées par FlibTravel e.c.

20. Une astreinte se justifie en l'espèce de manière à assurer l'efficacité de l'ordre de cessation prononcé.

Le point de départ de l'astreinte sollicité par FlibTravel e.c., soit le lendemain de la signification de l'arrêt, est approprié. L'exécution de l'ordre de cessation ne paraît en effet exiger aucune préparation particulière par les exploitants de taxis condamnés et peut se faire sans délai.

L'astreinte sera encourue par infraction commise pour que son efficacité soit durable et qu'elle empêche la répétition d'éventuelles infractions. Afin toutefois d'éviter des difficultés d'exécution quant au comptage du nombre d'infractions qui seraient commises et une multiplication excessive des astreintes, il s'indique de prévoir que l'astreinte ne sera due qu'une seule fois par véhicule et par jour, et ceci quel que soit le nombre de trajets effectués et le nombre de passagers transportés par un même véhicule au cours d'une même journée. Le montant de l'astreinte fixé ci-dessous est suffisant pour que la présente limitation n'ait pas d'effets pervers et ne permette pas aux exploitants de taxis de compenser une violation délibérée du présent arrêt par une utilisation intensive de quelques véhicules qui feraient de multiples allers-retours entre la gare du Midi et l'aéroport de Charleroi au cours de la journée.

Un montant de 1.000 EUR par infraction est suffisamment élevé pour être dissuasif, mais ne dépasse pas non plus ce qui paraît nécessaire à cet effet. La cour a eu égard, pour fixer ce montant, au prix de la course (13 EUR multipliés par 8 passagers, soit 104 EUR), au fait que la marge bénéficiaire des exploitants ne représente qu'une partie de ce prix et au nombre limité de trajets qu'un taxi peut pratiquement effectuer par jour entre Bruxelles et Charleroi en attendant chaque fois d'avoir fait le plein de passagers. La cour a également pris en considération le fait qu'il sera en pratique impossible de constater et de prouver chacune des infractions qui seraient éventuellement commises, ce qui dilue le coût moyen effectif de l'astreinte; il faut donc en fixer le montant à un niveau suffisamment élevé pour qu'il ne soit pas économiquement rationnel pour les exploitants de taxis d'enfreindre délibérément l'ordre de cessation en comptant sur la probabilité de ne pas être pris.

21. Dans son arrêt interlocutoire du 21 avril 2016, la cour a dit « qu'elle a constaté que le racolage de clients voyageant de la gare du Midi à l'aéroport de Charleroi en vue de leur groupage dans des taxis-camionnettes est une pratique organisée entre les chauffeurs de taxis qui y participent. Ceci implique que, pour pouvoir imputer les faits incriminés à un intimé en particulier, il suffira de constater la participation de cet intimé à l'organisation ainsi mise en place et il ne sera pas nécessaire de démontrer à charge de cet intimé en particulier chacune des composantes de la pratique » (n° 51). Il ne se déduit pas de cela que les infractions à l'ordre de cessation qui seraient éventuellement commises à l'avenir constitueront nécessairement aussi une pratique organisée entre tous les intimés et que chaque infraction sera nécessairement imputable à chacun des intimés.

Afin d'éviter toute ambiguïté, il est précisé qu'en cas d'infraction à l'ordre de cessation l'astreinte ne sera due que par celui ou ceux des intimés à qui l'infraction sera imputable.

(5) Quant à la mesure de publication

22. FlibTravel e.c. sollicitent la publication du présent arrêt. AAL Renting e.c. et Saratax e.c. s'y opposent.

23. Une mesure de publication peut être ordonnée si, et seulement si, elle est de nature à contribuer à la cessation de l'acte incriminé ou de ses effets (art. XVII.4, al. 2, C.D.E.).

En l'espèce c'est du côté de l'offre et pas du côté de la demande qu'il faut intervenir pour que les actes contraires aux pratiques honnêtes du marché prennent fin: ce sont les exploitants de taxis qui doivent mettre fin aux pratiques condamnées, ce ne sont pas les voyageurs qui doivent cesser de monter dans les taxis. C'est donc une astreinte adressée aux exploitants, et pas une publication s'adressant au public des voyageurs, qui est ici l'outil adéquat pour aboutir à la cessation de l'acte incriminé et de ses effets.

(6) Indemnité de procédure

24. FlibTravel e.c. demandent la condamnation des parties intimées à « l'indemnité de procédure maximale de 22.000 EUR par partie appelante », et en présentent à la fin de leurs dernières conclusions le décompte suivant:

- indemnité de procédure en première instance pour le premier groupe de parties intimées: 11.000 EUR;

- indemnité de procédure en première instance pour le second groupe de parties intimées: 11.000 EUR;

- indemnité de procédure en appel pour le premier groupe de parties intimées: 11.000 EUR;

- indemnité de procédure en appel pour le second groupe de parties intimées: 11.000 EUR.

AAL Renting e.c. demandent que l'indemnité de procédure allouée aux appelantes soit limitée à 1.440 EUR par instance. Saratax e.c. demandent, dans leurs conclusions du 4 mars 2016, de condamner FlibTravel e.c. aux indemnités de procédure des deux instances, soit deux fois 11.000 EUR.

25. Le litige concernait initialement 54 intimés (et 57 défendeurs en première instance). L'arrêt interlocutoire du 21 avril 2016 a mis 23 intimés hors de cause et a, pour ce qui les concernait, compensé les dépens.

Le litige ne concerne plus que deux parties appelantes - représentées par un même avocat - et, actuellement, 31 parties intimées réparties en deux groupes représentés par deux avocats différents.

26. En ce qui concerne les 31 intimés encore à la cause, les appelantes ont pour l'essentiel obtenu gain de cause, aussi bien quant à leurs demandes principales que quant aux demandes reconventionnelles formées par les intimés autres que ceux identifiés sous les nos 1 et 2. Il y a lieu de condamner ces 31 intimés à supporter 9/10 des dépens.

27. Le montant de l'indemnité de procédure est fixé par instance (art. 1er, al. 2, arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure). Le tarif applicable est celui qui est en vigueur à la date de la clôture des débats dans l'instance concernée.

AAL Renting e.c. demandent de fixer l'indemnité de procédure à 1.440 EUR par instance, c'est-à-dire le montant qui résulte de l'indexation au 1er juin 2016. La question de l'indexation fait débat, même si Saratax e.c. et FlibTravel e.c. fixent encore leurs demandes à 11.000 EUR par instance, c'est-à-dire le montant en vigueur avant cette indexation. La cour doit dès lors tenir compte de l'indexation sans toutefois pouvoir accorder à FlibTravel e.c. un montant total supérieur à ce qu'elles demandent.

Si une indexation a lieu durant la procédure d'appel, l'indemnité de procédure que le juge d'appel peut accorder pour la première instance reste basée sur le tarif applicable lors de la première instance (Concl. Av. gén. Genicot avant Cass., 20 octobre 2014, C.13.0526.F, juridat; dans le même sens à propos de l'application temporelle des nouveaux tarifs résultant de l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat, Cass., 15 septembre 2014, C.13.0017.N, Pas., 2014, I, p. 1872; quant au critère de la date de clôture des débats, voir J.-F. Van Drooghenbroeck et B. De Coninck, « La loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des frais et honoraires d'avocat », J.T., 2008, p. 37, n° 19).

28. Entre les parties encore en litige, plusieurs liens d'instance se sont formés.

Des liens d'instance multiples ne donnent toutefois lieu qu'à une seule indemnité de procédure par instance lorsque, compte tenu des éléments concrets de l'affaire, ils constituent dans leur ensemble un même litige plutôt que des litiges distincts (Cass., 8 décembre 2014, 5.12.0029.N, Pas., 2014, I, p. 2786; Cass., 19 janvier 2012, F.10.0142.N, Pas., 2012, I, p. 158; Cass., 22 avril 2010, C.09.0269.N, Pas., 2010, I, p. 1207; B. Van den Bergh et S. Sobrie, De rechtsplegingsvergoeding in al zijn facetten, Wolters Kluwer, 2016, nos 126 à 128; J. Van Doninck, « Rechtsplegingsver-goeding bij collectieve dagvaarding: e pluribus unum », R.W., 2015-2016, p. 224). En l'espèce il n'y a qu'un seul litige: il s'agit des mêmes faits, du même fondement juridique et du même ordre de cessation. Une seule indemnité de procédure est donc due par instance.

29. La procédure préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union européenne ne constitue pas une instance distincte et ne donne pas lieu à une indemnité de procédure supplémentaire (H. Boularbah, « L'indemnité de procédure », in M. Dambre et P. Lecocq (dirs.), Chronique de droit à l'usage des juges de paix et de police 2013, la Charte, 2013, n° 63).

30. L'affaire n'étant pas évaluable en argent, l'indemnité de base s'élève à 1.440 EUR à la date de la clôture des débats devant la cour (indexation au 1er juin 2016) et à 1.320 EUR à la date de la clôture des débats devant le président du tribunal de commerce francophone de Bruxelles (indexation au 1er mars 2011), le montant maximal étant respectivement de 12.000 EUR et de 11.000 EUR.

L'affaire est complexe. Les faits étaient contestés et ont exigé l'établissement de constats d'huissiers et de détectives ainsi qu'une analyse minutieuse de ces constats par les conseils des parties appelantes. De multiples questions de droit délicates se sont présentées, impliquant notamment qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne.

Cette complexité justifie de majorer l'indemnité de procédure à 11.000 EUR pour la première instance et à 12.000 EUR pour l'appel.

31. Conformément à l'article 1020 du Code judiciaire, la condamnation se divise en principe par tête, sauf si le juge en dispose autrement. Il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutiennent FlibTravel e.c., de condamner les intimés nos 1 et 2 (le « premier groupe de parties intimées » selon leurs termes) à une quotité plus élevée de l'indemnité de procédure que les autres intimés, la circonstance que ces deux groupes d'intimés soient respectivement représentés par deux équipes d'avocats différentes étant sans pertinence à cet égard.

32. Parmi les 54 intimés initialement présents dans la procédure d'appel, 23 ont été mis hors de cause par l'arrêt interlocutoire du 21 avril 2016 et les dépens ont été compensés à leur égard. Cette décision est définitive et leur quotité d'1/54 chacun ne peut plus être redistribuée et être mise à charge des 31 intimés encore à la cause.

Ceci vaut également pour les frais de citation de 347,05 EUR, dont 23/54 doivent rester à charge de FlibTravel e.c.

33. Les dépens mis à charge des 31 intimés encore à la cause s'élèvent en conséquence à:

- 5.683,33 EUR d'indemnité de procédure de première instance (soit 11.000 EUR x 9/10 x 31/54);

- 6.200 EUR d'indemnité de procédure d'appel (soit 12.000 EUR x 9/10 x 31/54); et

- 179,31 EUR de frais de citation (soit 347,05 EUR x 9/10 x 31/54).

Pour ces motifs,

la cour,

Constate que les actes commis par les parties intimées, consistant à mettre à la disposition des personnes souhaitant se rendre de la gare du Midi à l'aéroport de Charleroi des places individuelles dans un véhicule de taxi plutôt que la totalité du véhicule, constituent une infraction à l'article 2, 1°, c), de l'ordonnance bruxelloise du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur et des actes contraires aux pratiques honnêtes du marché interdits par l'article VI.104 du Code de droit économique;

Constate que les actes commis par les parties intimées, consistant à accoster d'initiative des personnes sortant de la gare du Midi et à les inviter verbalement à utiliser un taxi pour se rendre à l'aéroport de Charleroi, ou à faire faire cela par des tiers agissant pour leur compte, constituent une infraction à l'article 31, 7°, de l'arrêté bruxellois du 29 mars 2007 relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur et des actes contraires aux pratiques honnêtes du marché interdits par l'article VI.104 du Code de droit économique;

Ordonne la cessation des actes visés ci-dessus et condamne les parties intimées (à l'exception de l'intimé n° 47) à cesser:

- les activités contraires à l'article 2, 1°, c), de l'ordonnance du 27 avril 1995 susmentionnée consistant, à la gare du Midi ou à ses alentours, à mettre à la disposition des personnes souhaitant se rendre à l'aéroport de Charleroi des places individuelles dans un véhicule de taxi plutôt que la totalité du véhicule; et

- les activités contraires à l'article 31, 7°, de l'arrêté du 29 mars 2007 susmentionné consistant à accoster d'initiative des personnes, à la gare du Midi ou à ses alentours, et à les inviter verbalement à utiliser un taxi pour se rendre à l'aéroport de Charleroi, ou à faire faire cela par des tiers agissant pour leur compte,

sous peine d'une astreinte de 1.000 EUR par infraction à partir du jour qui suivra la signification du présent arrêt, cette astreinte n'étant toutefois due qu'au maximum une fois par jour et par véhicule de taxi concerné par l'infraction;

Compense partiellement les dépens;

Condamne les 31 intimés encore à la cause au solde des dépens, liquidé à 5.683,33 EUR pour l'indemnité de procédure de première instance, 6.200 EUR pour l'indemnité de procédure d'appel et 179,31 EUR pour les frais de citation;

Déclare toutes autres demandes non fondées.

(…)