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Actualité : Cour de justice de l'Union européenne, 06/12/2017, C-230/16 (Coty Germany), R.D.C.-T.B.H., 2018/1, p. 112-113

Cour de justice de l'Union européenne 6 décembre 2017

Coty Germany

Affaire: C-230/16
CONCURRENCE
Ententes - Distribution sélective - Vente par Internet


MEDEDINGING
Europees Mededingingsregelingen - Selectieve distributie - Online verkoop


Le 6 décembre 2017, la Cour de justice a prononcé le très attendu arrêt Coty. Dans cet arrêt, la Cour de justice statue que l'interdiction faite aux distributeurs sélectifs de vendre les produits de manière visible par le biais de plateformes en ligne tierces ne viole en principe pas le droit de la concurrence. La Cour confirme ainsi l'opinion qu'avait émise l'avocat général Wahl.

Coty Germany est l'un des principaux fournisseurs de produits cosmétiques en Allemagne. Afin de « préserver l'image de luxe » de ses produits, elle les commercialise par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs sélectifs agréés. Dans ce cadre, les contrats de distribution de Coty autorisent la vente en ligne sur les sites Internet des distributeurs à condition qu'il s'agisse d'une vitrine électronique du magasin agréé et que le caractère luxueux des produits soit préservé. Ils autorisent également les ventes par les plateformes tierces non agréées, mais uniquement à condition que l'intervention de ces plate-formes ne soit pas visible pour le consommateur. Par contre, il est interdit aux distributeurs agréés d'avoir recours de façon visible à des entreprises tierces pour les ventes par Internet.

Au mépris de cette clause, un des distributeurs agréés vendait les produits Coty par le biais de la plateforme « amazon.de ». Coty a introduit une action en justice afin qu'il soit mis un terme à ces ventes.

En première instance, le tribunal national a jugé que la clause contractuelle litigieuse était contraire au droit national et européen de la concurrence. Selon ce tribunal, d'une part, l'objectif tenant à la préservation d'une image de prestige de marque ne pouvait, en vertu de l'arrêt Pierre Fabre (arrêt du 13 octobre 2011, C 439/09, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, EU:C:2011:649, point 46), justifier l'instauration d'un système de distribution sélective et, d'autre part, la clause constituait une restriction caractérisée. Dans ce cadre, la juridiction saisie en appel a interrogé la Cour de justice.

En réponse aux questions préjudicielles posées, la Cour de justice a rappelé que le système de distribution sélective de produits de luxe et la clause contractuelle visant, à titre principal, à préserver l'image de luxe de ces produits sont conformes à l'article 101, 1., TFUE, pour autant que les conditions dites « Metro » soient remplies (arrêt du 25 octobre 1977, n° 26/76, Metro SB-Großmärkte / Commission, EU:C:1977:167, point 20; arrêt Pierre Fabre, o.c., point 41). Ces conditions requièrent (i) que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, (ii) que les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, le réseau de distribution et, enfin, (iii) que les critères définis n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire.

En ce qui concerne la deuxième condition, la Cour a souligné que la « qualité » des produits ne résulte pas uniquement des qualités matérielles du produit, mais également de l' « allure et de l'image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe » (arrêt du 23 avril 2009, C-59/08, Copad, EU:C:2009:260). La Cour de justice met ainsi fin à une controverse ayant vu le jour suite à l'arrêt Pierre Fabre (et plus spécifiquement en ce qui concerne le point 46 de cet arrêt). La Cour clarifie en effet que cet arrêt ne visait pas à établir une présomption de principe selon laquelle la protection de l'image de luxe ne saurait pas être de nature à justifier une restriction de concurrence, mais concernait plus spécifiquement l'interdiction absolue de vente de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle par Internet.

Dans ce cadre, la Cour a statué que la clause contractuelle interdisant aux distributeurs de Coty de vendre les produits sur des plateformes tierces est appropriée aux fins de préserver l'image de luxe des produits. En effet, la Cour souligne que la clause permet au fournisseur de rattacher les produits aux distributeurs agréés, d'exiger que ceux-ci respectent les conditions de qualité et d'éviter les ventes par le biais de plateformes constituant un canal de vente pour tout type de produit. Faisant notamment référence à l'enquête sectorielle sur le commerce électronique (rapport préliminaire du 15 septembre 2016, voy. à présent le rapport final du 10 mai 2017), qui a démontré que les boutiques en ligne propres aux distributeurs constituent le canal de distribution par Internet le plus important et ce, malgré la croissance importante de plateformes tierces, la Cour de justice a précisé que la clause ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l'image de luxe des produits.

Enfin - pour l'hypothèse où la juridiction de renvoi conclurait que la clause n'est pas conforme aux conditions « Metro » et constitue de ce fait une restriction de concurrence au sens de l'article 101, 1., TFUE - la Cour a confirmé l'opinion de l'avocat général selon laquelle la clause interdisant le recours de façon visible à des entreprises tierces pour les ventes par Internet ne constitue pas une restriction caractérisée au sens de l'article 4 du règlement d'exemption par catégorie vertical (règlement n° 330/2010, J.O., L. 102 du 23 avril 2010). En effet, il ne s'agit pas d'une restriction de la clientèle des distributeurs (art. 4, sous b)), ni d'une restriction de vente passive aux utilisateurs finals (art. 4, sous c)). A ce sujet, la Cour souligne que les distributeurs agréés peuvent, à certaines conditions, faire de la publicité sur Internet sur les plateformes tierces et les moteurs de recherche en ligne.