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Actualité : Tribunal de l'Union européenne, 23/10/2017, T-712/14 (CEAHR / Commission), R.D.C.-T.B.H., 2018/1, p. 113

Tribunal de l'Union européenne 23 octobre 2017

CEAHR / Commission

Affaire: T-712/14
CONCURRENCE
Abus de position dominante - Système de réparation sélective - Décision de rejet d'une plainte


MEDEDINGING
Misbruik van een machtspositie - Stelsel van selectieve reparatie - Besluit houdende afwijzing van een klacht


Le Tribunal a rejeté le recours en annulation introduit par la Confédération européenne des associations d'horlogers-réparateurs (CEHR) contre la décision de la Commission rejetant sa plainte relative aux systèmes de réparation sélective instaurés par plusieurs fabricants de montres suisses. En vertu de ces systèmes, seuls les réparateurs agréés ont accès aux pièces de rechange, ainsi qu'aux outils et aux informations spécifiques à la marque. La CEAHR dénonçait que le refus des fabricants de montres suisses de fournir des pièces de rechange aux réparateurs indépendants était constitutif d'un abus de position dominante et faisait l'objet d'un accord ou d'une pratique concertée entre les fabricants.

La plainte de la CEAHR avait été rejetée par la Commission en juillet 2008, du fait de l'absence d'un intérêt de l'Union suffisant (aff. COMP/E-1/39.097 - Réparation des montres). Cette décision avait toutefois été annulée par le Tribunal (arrêt du 15 décembre 2010, T-427/08, CEAHR / Commission, EU:T:2010:517), à la suite de quoi la Commission avait ouvert une procédure contre les fabricants de montres suisses. En juillet 2014, la Commission a adopté une nouvelle décision rejetant la plainte de la CEAHR, en raison du caractère disproportionné des ressources qu'une enquête plus détaillée nécessiterait au regard de la faible probabilité d'établir l'existence d'une infraction aux articles 101 et 102 TFUE (décision C(2014) 5462 final dans l'affaire AT.39097 - Réparation des montres). C'est cette dernière décision qui fait l'objet du recours de la CEAHR.

Le Tribunal a confirmé que les conditions permettant de déterminer la conformité d'un système de distribution sélective à l'article 101 TFUE peuvent également être utilisées aux fins d'évaluer si un système de réparation sélective (qui relève du service d'après-vente) produit des effets préjudiciables à la concurrence. Les critères « Metro » relatifs aux systèmes de distribution sélective peuvent donc être appliqués par analogie (arrêt du 25 octobre 1977, n° 26/76, Metro SB-Großmärkte / Commission, EU:C:1977:167, point 20; ces critères sont rappelés ci-dessus dans le cadre du commentaire de l'arrêt Coty). En ce qui concerne la deuxième condition Metro, le Tribunal juge qu'il découle de l'arrêt Pierre Fabre que l'objectif de préserver l'image de prestige ne saurait constituer un objectif légitime pour restreindre la concurrence et ne peut dès lors pas justifier qu'une clause contractuelle poursuivant un tel objectif ne relève pas de l'article 101, 1., TFUE (arrêt du 13 octobre 2011, C-439/09, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, EU:C:2011:649, point 64) (comp. arrêt Coty commenté ci-dessous). Toutefois, selon le Tribunal, l'objectif de la préservation de la qualité et du bon usage des montres peut suffire afin de justifier la mise en place des systèmes de réparation sélective.

Le Tribunal a en outre jugé que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il était peu probable que le refus de fournir les pièces de rechange puisse être constitutif d'un abus de position dominante. Le Tribunal a notamment rappelé que, pour être constitutif d'un abus au sens de l'article 102 TFUE, le refus de fournir des produits ou services doit (i) être de nature à éliminer toute concurrence sur le marché de la part du demandeur de ces produits ou services, (ii) ne pas pouvoir être objectivement justifié et (iii) les produits et services doivent eux mêmes être indispensables à l'exercice de l'activité du demandeur (arrêt du 26 novembre 1998, C-7/97, Bronner, EU:C:1998:569, point 41). En ce qui concerne la première condition, le Tribunal a notamment jugé que la nécessité de préserver une concurrence non faussée n'implique pas la nécessité de protéger l'existence des réparateurs indépendants en tant que tels.

Selon le Tribunal, c'est également à bon droit que la Commission a estimé qu'il était peu probable que le refus de fournir les pièces de rechange soit le résultat d'une entente ou d'une pratique concertée, et qu'il s'agissait plutôt du résultat d'une suite de décisions commerciales indépendantes adaptées au cours d'une longue période.