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Le nouveau Code des sociétés (et des associations) : Une « anonymisation » silencieuse, R.D.C.-T.B.H., 2018/9, p. 927-942

Le nouveau Code des sociétés (et des associations):
Une « anonymisation » silencieuse

Xavier Dieux [1]

TABLE DES MATIERES

I. Un nouveau Delaware européen?

II. Métamorphoses du cadre conceptuel

III. De l'ancien au nouveau monde

IV. Du droit des sociétés comme une partie du droit de l'entreprise

V. Société et apports

VI. Une conception bipolaire de la société

VII. Une société anonyme sans capital

VIII. Capitaux propres et capital humain

IX. « L'un de ses buts… »

RESUME
La présente communication dresse un inventaire sélectif des transformations que le nouveau Code des sociétés et des associations apporte au cadre conceptuel du droit des sociétés. Le concept de société est désormais officiellement détaché du droit civil, au sein d'un cadre nouveau où la société à responsabilité limitée et la société coopérative rejoignent la société anonyme dans la catégorie des sociétés par actions. L'opposition catégorique entre les sociétés de personnes et les sociétés par actions se trouve accentuée par le reflux de la notion d'intérêt commun au sein des seules sociétés de personnes. La division patrimoniale ne dépend plus de la personnalité morale. Le nouveau régime de la société à responsabilité limitée, largement abandonné à la liberté statutaire des fondateurs, fait de celle-ci une sorte de société anonyme sans capital, confirmant une métamorphose de l'oxymore en modèle. La société sans capital permet aux apports en industrie de faire leur entrée dans les capitaux propres, mettant fin à l'ostracisme dont ils ont fait jusqu'présent l'objet, offrant à la société « start up » la possibilité d'un nouveau statut et ouvrant le droit des sociétés à un « capitalisme » de l'innovation. Plusieurs autres tabous sont abandonnés, tels que le principe « une action, une voix ». En prévoyant que le but de lucre peut n'être plus que l'un des buts de toute société, le nouveau Code met le droit légal en concordance expresse avec le système de répartition des pouvoirs, au sein de la société anonyme en particulier.
SAMENVATTING
Huidige mededeling zet een selectieve inventaris uiteen van de transformaties die het nieuwe Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen brengen aan het conceptueel kader van het vennootschapsrecht. Het vennootschapsconcept wordt voortaan officieel gescheiden van het burgerlijk recht, binnen een nieuw kader waar de besloten vennootschap en de coöperatieve vennootschap zich aansluiten bij de naamloze vennootschap in de categorie van de aandelenvennootschappen. De radicale oppositie tussen de personenvennootschappen en de aandelenvennootschappen wordt beklemtoond door de terugvloeiing van het begrip van gemeenschappelijk belang in de personenvennootschappen alleen. De vermogensverdeling hangt niet meer af van de rechtspersoonlijkheid. Het nieuw regime van de besloten vennootschap, grotendeels opengelaten aan de statutaire vrijheid van de oprichters, maakt van deze vennootschap een soort naamloze vennootschap zonder kapitaal, hetgeen een metamorfose van het oxymoron tot model bevestigt. De vennootschap zonder kapitaal zorgt ervoor dat de inbrengen in nijverheid kunnen toetreden tot het eigen vermogen. Dit brengt dus een einde aan het ostracisme waaraan zulke inbrengen tot nu toe onderworpen waren, biedt de “start up”-vennootschap de mogelijkheid van een nieuw statuut, en opent het vennootschapsrecht tot een “kapitalisme” van innovatie. Verscheidene andere taboes worden achtergelaten, zoals het beginsel van “één aandeel, één stem”. Door te voorzien dat het winstoogmerk slechts één van de doelen van elke vennootschap thans mag zijn, brengt het nieuwe wetboek het wettelijk recht in uitdrukkelijke overeenstemming met het systeem van bevoegdheidsverdeling, in het bijzonder binnen de naamloze vennootschap.
I. Un nouveau Delaware européen?

Le nouveau Code des sociétés et des associations, contenu dans une loi du 23 mars 2019, a déjà fait, comme tel et, précédemment, en l'état du projet présenté au Parlement et au Conseil d'Etat [2], de multiples et savants commentaires [3]. Les buts poursuivis par les auteurs de cette impressionnante réforme, qui font de celle-ci un exemple moderne de « professorenrecht » [4], ont été présentés à plusieurs reprises: modernisation, flexibilité, simplification, mobilité internationale, le tout destiné à renforcer la position du droit belge dans la compétition entre Etats rivalisant d'ingéniosité pour attirer sur leur territoire le plus grand nombre d'entreprises et les plus importantes, génératrices d'activités, d'emplois et de recettes fiscales [5].

A vrai dire, c'est surtout le droit fiscal et l'efficacité d'un droit judiciaire adapté qui se trouve aux avant-postes, même si le droit matériel des sociétés ne doit pas entraver l'effet recherché et, dans la mesure de ses moyens, y contribuer. De multiples aspects de la réforme ici considérée apportent en effet une contribution essentielle à celui-ci, qui apparaîtront spontanément en filigrane de la présente introduction et, plus explicitement encore, dans les autres présentations qui y font suite, à propos des sujets dont elles traitent plus spécifiquement - sans que l'on puisse toutefois anticiper si cela suffira pour permettre à la Belgique de devenir un Delaware de l'Europe.

Le programme avait été esquissé par le professeur Koen Geens, à l'occasion du dixième anniversaire du Code des sociétés [6], dans le prolongement d'un colloque fameux, organisé par lui aussi, quelque temps auparavant, où il avait été question de restaurer une compétition entre législations au sein de l'Union européenne, à rebours, en quelque sorte, de l'entreprise d'harmonisation conduite, depuis la 1ère directive de 1968 [7], sur la base des dispositions pertinentes du traité [8]. L'ambition fut ensuite endossée par le Centre National de Droit des Sociétés et le travail, stimulé par l'accession du professeur Koen Geens aux fonctions de ministre des Finances, puis de ministre de la Justice: un alignement des planètes, en somme.

II. Métamorphoses du cadre conceptuel

Notre propos ne sera pas de refaire, pour la énième fois, un exposé que d'autres éminents collègues ont déjà brillamment présenté, s'agissant des objectifs, officiels en quelque sorte, de la réforme, plus ou moins bien traduits dans le texte qui vient d'être adopté et, à vrai dire, plutôt bien que mal, même si aucune oeuvre humaine n'est parfaite - ce qui se comprend d'autant mieux pour une oeuvre collective de cette envergure, conduite au rythme auquel elle l'a été.

La liste des imperfections est en cours d'élaboration, au départ des différents séminaires et colloques dont le nouveau Code fait l'objet. Même si elles sont relativement nombreuses, il s'agit de « fautes » bénignes de rédaction ou de quelques incohérences marginales, qui n'affectent ni l'harmonie de l'ensemble, ni la substance de l'architecture et des principes nouveaux, ni le souffle dont ils sont animés, en rapport avec l'objectif recherché. Le travail de préparation « en silos », inévitable eu égard à son ampleur et au rythme imposé pour ne pas manquer le « momentum », explique ces quelques erreurs auxquelles une loi de réparation pourra aisément remédier [9].

Pour notre part, nous essaierons de prendre autrement la mesure du chemin parcouru, en nous plaçant du point de vue du « cadre conceptuel » qui fournit au droit des sociétés sa structure et son identité, conformément à l'intitulé que, dans l'exercice d'une liberté académique aujourd'hui discutée ou « revisitée » [10], nous avons pris le parti de donner au cours de droit des sociétés, dont nous avons la charge depuis trente ans à l'Université Libre de Bruxelles, pour survivre aux réformes successives dont le programme a fait l'objet depuis une dizaine d'années, sans trop d'égards pour la substance véritable de la matière, sa complexité et, surtout, l'évolution des pratiques et des réflexions auxquelles l'architecture générale du droit des sociétés a donné lieu depuis le début de ce siècle, avec une vigueur inédite.

III. De l'ancien au nouveau monde

La première innovation tient compte, quant à elle, de ces évolutions, même si, à l'observateur à courte vue, elle pourrait faire figure de coquetterie académique: le Code 2019 rompt ostensiblement avec l'ancien monde du droit civil, dont le Code 2001 avait maintenu l'influence, renforçant même celle-ci, au moins en apparence: sont ainsi abolies, aux termes d'un aggiornamento attendu, la présentation, véritablement apocryphe, des anciennes dispositions du Code civil relatives au contrat de société (civile) (art. 1832 et s.) comme des « dispositions communes à toutes les sociétés » (Code 2001, art. 18 à 55), ainsi que l'idée qu'il aurait existé une société « de droit commun », sur le modèle de l'ancienne société civile (Code 2001, art. 46 et s.) [11].

A l'architecture ancienne, qui continuait à refléter une sorte de primat du droit civil, même si le Code 2001 fournissait au droit des sociétés un cadre formellement autonome, se substitue un cadre nouveau, que le plan du Code 2019 reflète avec netteté. Il n'existe plus désormais que deux catégories radicalement distinctes de sociétés: les sociétés de personnes (Livre 4) et les sociétés par actions (Livres 5, 6, 7, 15 et 16), toutes, s'agissant de leur identité en tant que société, ne conservant en commun que trois dispositions relatives aux « apports », au sens propre du droit des sociétés tel que celui se trouve cristallisé dans les articles 1:8, 1:9 et 1:10 (infra, V).

Quant aux sociétés de personnes, elles comprennent désormais la société simple, qui peut, le cas échéant, prendre la forme d'une société « interne » (art. 4:1). La société momentanée ne constitue plus une variété distincte de société (comp. Code 2001, art. 47), encore qu'il demeure évidemment possible de constituer une société simple « pour une opération déterminée » (art. 4:3). Si les associés en conviennent, la société simple pourra être dotée de la personnalité juridique, laquelle devient ainsi optionnelle, et prendre la forme d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite (art. 4:22 et s.). La société agricole [12] et le groupement d'intérêt économique sont supprimés.

Quant à la catégorie des sociétés par actions, elle s'enrichit, au terme d'une véritable révolution conceptuelle [13], de la société à responsabilité limitée (Livre 5), remplaçant avec un profil nouveau, la société privée à responsabilité limitée, et de la société coopérative (Livre 6), qui ne subsiste pour sa part, qu'assortie d'une responsabilité limitée des associés - la société en commandite par actions étant elle-aussi supprimée en contrepartie, en quelque sorte, d'une adaptation possible du régime de la gouvernance de la société anonyme (Livre 7), laissée au choix des fondateurs (art. 7:101 et s.), sur le modèle, aménagé [14], de l'ancienne commandite par actions (infra, IX) [15].

La distinction entre sociétés de personnes et sociétés par actions a parfois été présentée comme incertaine et imprécise, voire inutile, parce que le caractère intuitu personae des premières ne relève pas de l'ordre public et peut dès lors être écarté par une disposition contractuelle ad hoc, parce que le régime de responsabilité des associés ne dépend qu'en partie de l'appartenance de la société à l'une ou l'autre de ces deux catégories [16] et parce que, sous l'empire du Code 2001 encore, il existe, entre les deux, des sociétés « hybrides », en particulier la société privée à responsabilité limitée et la société coopérative [17]. La situation est désormais clarifiée et nettement contrastée, au-delà de la liste traditionnelle des caractères par lesquels sociétés de personnes et sociétés par actions se distinguent trait pour trait, spécialement sous l'angle du régime des parts sociales et des actions [18].

En vertu du Code 2019, toutes les sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés à responsabilité limitée et sociétés coopératives) seront, eu égard à la suppression des sociétés en commandite par actions, des sociétés à responsabilité limitée et toutes les sociétés de personnes seront, sous les deux seules réserves propres à la société interne et à la société en commandite (Code 2019, art. 4:14, al 2 et 4:22, al. 3), des sociétés à responsabilité illimitée et même, en suite de la suppression de la distinction entre sociétés civiles et société commerciales, à responsabilité solidaire - une solidarité propre au droit des sociétés (Code 2019, art. 4:14 et 4:22) prenant ainsi son autonomie par rapport à la solidarité coutumière du droit commercial [19], dans le prolongement de la suppression d'une autre distinction entre sociétés civiles et sociétés commerciales (infra, IV).

Seules, d'autre part, les sociétés par actions continueront à tenir directement et impérativement leur personnalité juridique de la loi, Les deux variétés de sociétés se distinguent, sous cet angle aussi, plus ostensiblement que dans le régime du Code 2001, encore que, de ce point de vue, l'innovation résultant du Code 2019 pourra paraître plus formelle: l'existence d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite simple, dotées de la personnalité juridique par l'effet de la loi, sous l'empire du Code 2001 (art. 2 § 2), dépendait déjà du choix par les fondateurs de la forme sociale sous le couvert de laquelle ils entendaient se grouper, exception faite des sociétés en nom collectif irrégulières, traitées comme telles, avant le Code 2001, sur la base d'une théorie des cadres légaux obligatoires que celui-ci a toutefois abandonnée [20].

IV. Du droit des sociétés comme une partie du droit de l'entreprise

La reconfiguration du droit des sociétés que nous venons de signaler (supra, III), sur la base d'une distinction tranchée entre sociétés de personnes et sociétés par actions, seules les premières conservant un profil hérité de l'ancienne société civile, en même temps que disparaît l'idée d'un droit commun des sociétés inspiré par le régime juridique qui s'appliquait à cette dernière, prend place dans un cadre général qu'une loi du 15 avril 2018 avait, en quelque sorte, pré-adapté, en supprimant la distinction classique entre sociétés civiles et sociétés commerciales (Code 2001, art. 3 § 2) [21]. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, il n'existe plus que des sociétés, quelle que soit la nature de leur objet. Le concept de société s'est ainsi, d'une autre façon encore, affranchi du droit civil - ce qui n'exclut d'ailleurs pas, ainsi que nous le verrons (infra, V), tout recours au droit civil et, singulièrement, au droit des obligations contractuelles, si l'on persiste à voir dans celui-ci une branche du droit civil [22].

La soustraction du concept de société à la dichotomie entre droit civil et droit commercial, qui a fait suite à une conception étriquée de celui-ci, d'abord présenté comme une agglomérat de dérogations au premier [23], s'observe de pair avec la consécration légale de « l'entreprise » comme sujet de droits et d'obligations, par le (nouveau) Code de droit économique. La notion d'entreprise absorbe ainsi celle de société, pour les besoins du droit économique matériel, la nature civile de l'activité considérée perdant toute pertinence - signe d'une autre transformation conceptuelle par rapport au droit antérieur [24].

En rapport direct avec le droit des sociétés, cette absorption concerne plus particulièrement le droit de l'insolvabilité (Code de droit économique, Livre XX), qui, aux termes des articles I.22, 8° et XX.1er, s'applique désormais à toutes les sociétés, dotées ou non de la personnalité morale [25]. Lues en combinaison avec les articles 4:13 et 4:14 du Code 2019, ces dispositions impliquent que la société simple peut, comme « organisation », faire l'objet d'une réorganisation judiciaire ou être déclarée en faillite, de même que le gérant d'une société interne, en tant que personne physique ou personne morale. La déclaration de faillite d'une société simple, comme « organisation » au sens de l'article XX.1er, devrait normalement entraîner une déclaration de faillite des associés, en tant que codébiteurs solidaires, conformément à la jurisprudence relative aux sociétés en nom collectif, maintenue par la Cour de cassation [26] en dépit des critiques dont elle a fait l'objet [27].

En marge de la summa divisio, nouvelle et tranchée, dont les sociétés « mixtes » disparaissent [28], quatre régimes transversaux continueront à s'appliquer à toutes le sociétés dotées, par la loi ou par la volonté des associés, de la personnalité juridique: le régime de la personnalité juridique comme tel (Livre 2), le régime des comptes annuels (Livre 3), le régime des restructurations (Livre 12) et celui de la transformation nationale ou transfrontalière (Livre 14). Le deuxième reste quasiment intact [29]. Le troisième n'est pas bouleversé, s'il connaît quelques aménagements techniques [30]. Le premier fait l'objet de modifications plus ou moins fondamentales selon le cas [31].

Ainsi y découvre-t-on: une reformulation et une modernisation des formalités de publicité (art. 2:7 à 2:30), ainsi qu'une légalisation de l'utilisation d'une adresse électronique (art. 2:31); une consécration légale de l'extension à tous les organes sociaux, en ce compris l'organe d'administration, du régime des nullités, réservé, dans le Code 2001, au décisions de l'assemblée générale [32], ainsi qu'une reformulation des causes de nullité [33], outre une consécration de la théorie de l'abus de minorité (art. 2:41 à 2:48) [34]; une réservation impérative à l'assemblée générale du pouvoir de fixer la rémunération des membres de tout organe d'administration, sauf disposition légale contraire (art. 2:50) [35]; une généralisation du régime de la responsabilité des administrateurs et gérants, une reconfiguration du régime de cette responsabilité, assortie d'une consécration de certaines solutions acquises (art. 2:56) [36] et l'adoption d'un régime impératif de plafonnement des indemnités (art. 2:57 et 2:58) [37]; plusieurs modifications au régime de la liquidation (art. 2:76 à 2:141) [38].

Le Livre 2 se termine par des dispositions de droit international privé, dont résulte en particulier un abandon du lieu du siège social réel au profit du siège statutaire comme critère d'application du droit belge des sociétés (art. 2:146), à lire en combinaison avec le nouvel article 110 du Code de droit international privé et avec les dispositions du Livre 14 intéressant la transformation transfrontalière (art. 14:15 et suivants), lesquelles consacrent le principe de la continuité de la personnalité juridique « lorsqu'une société transfère son siège statutaire à l'étranger ». Le concept d'« émigration » est ainsi appliqué aux sociétés dotées de la personnalité juridique (art.14:18 et suiv.). Combiné avec le concept inverse d'« immigration » (art. 14:28 et suivants), ces dispositions assurent la mobilité internationale des sociétés dotées de la personnalité juridique, la « nationalité » de la société cessant, pour de bon, de constituer un élément essentiel [39].

Qu'aujourd'hui (ou demain) comme hier, un cadre commun à toutes les sociétés dotées de la personnalité juridique demeure ainsi applicable à celles-ci, quel que soit en outre la nature civile ou commerciale de leur objet au sens ancien du terme, n'a nullement pour effet d'atténuer la distinction catégorique principale entre sociétés de personnes et sociétés par actions, dès lors que les thèmes ressortissant de ce cadre commun sont étrangers à ce qui fait l'identité des unes et des autres, sous le couvert de laquelle elles s'opposent trait pour trait [40].

Aucune récurrence d'un droit commun, en provenance du droit civil, ne saurait davantage en être déduite: lorsqu'il s'agit de thèmes qui ne sont pas étrangers à celui-ci, c'est une solution souvent contraire ou, à tout le moins, détachée de celle que le droit civil aurait impliquée qui se trouve établie ou confirmée, même à propos des sociétés de personnes: ainsi, par exemple, du régime de la transformation, opération véritablement novatoire si on l'envisage du point de vue du droit civil, mais qui se réalise, du point de vue du droit des sociétés, sans solution de continuité (Code 2019: art. 14:2; Code 2001, art. 775) [41]. Quant au transfert universel ou à titre universel de patrimoine que les opérations de fusion ou de scission impliquent, il fait l'objet d'un système autonome (Code 2019, Livre 12; Code 2001, art. 670 et s.), s'il a pu être envisagé autrefois sous le couvert d'une analogie avec la cession de droits successifs en droit civil [42].

Ce cadre commun ne procède pas, à la différence du droit économique matériel et du droit de l'insolvabilité (supra, III), d'une reconnaissance expresse de la notion d'entreprise comme véritable sujet de droits et d'obligations, s'en approche singulièrement: parce que c'est de l'entreprise économique envisagée comme une entité dotée d'un patrimoine propre qu'il s'agit d'organiser le fonctionnement sous le couvert du concept (anthropomorphique) de personnalité juridique (comp. infra V); parce que c'est de l'évolution de ce patrimoine qu'il s'agit de rendre compte, vis-à-vis des créanciers notamment, par les techniques du droit comptable; parce que c'est de l'entreprise encore, saisie comme telle, au-delà de sa forme juridique qu'elle tient du droit des société, qu'il s'agit d'assurer la continuité à travers les restructurations de type juridique dont elle est susceptible.

Ainsi se confirme, autrement encore qu'à travers le rétrécissement de la zone d'influence de l'ancien droit civil des sociétés à la seule société simple, susceptible, en tant que société de personnes, des seules déclinaisons que nous avons évoquées (supra, III), un effacement du droit civil de portée plus générale, un droit économique « global » se formant comme un ensemble cohérent et conceptuellement intégré, encore qu'il reste formellement dispersé, dont le droit des contrats et des obligations lui aussi n'est plus qu'une des composantes. La construction, en parallèle, du nouveau Code des sociétés et du Code de droit économique, sans oublier le nouveau Livre 5 du nouveau Code civil [43], atteste d'une telle globalisation, réelle même si elle n'est pas ostensiblement revendiquée ni formellement consacrée [44].

V. Société et apports

Une définition générale de la société, d'ailleurs adaptée (infra, X), subsiste, non seulement parce que subsiste une distinction entre les sociétés (entités animées par un but de lucre) et les associations (sans but lucratif), encore que la pertinence et l'opportunité du principe de spécialité légale qui sous-tend que cette distinction fasse l'objet d'interrogations [45], mais aussi parce que, sauf à faire perdre à la figure juridique de la société sa raison d'être même, il est nécessaire d'en fixer l'identité. Suivant l'article 1:1 du Code 2019, ce trait distinctif consiste en ce que des apports sont faits à la société pour constituer, avec les actifs qui seront le cas échéant accumulés en cours de vue sociale, son patrimoine propre, l'ensemble de tous ces actifs, affecté au paiement des dettes, constituant un patrimoine propre, conformément aux articles 7 et 8 de la loi hypothécaire.

La réforme se signale ici par une remarquable liberté de conception, rendue possible par une connaissance approfondie des solutions traditionnelles, mais aussi de leurs limites et des alternatives possibles. Si le nouveau régime de la société à responsabilité limitée, couplé avec une conception inclusive de la notion d'apport, en ce compris les apports en industrie (infra, VII et VIII), en offre une illustration très frappante, la consécration légale de l'idée selon laquelle toute société, en ce compris toute société non personnifiée, « a un patrimoine » (art. 1:1), attribut traditionnellement réservé aux sociétés dotées de la personnalité juridique, heurte plus radicalement encore les idées reçues et il se comprend que la démarche ait intrigué la section de législation du Conseil d'Etat [46].

Inspirée des travaux combinés des Professeurs Geens et Van Ommeslaghe, elle n'a toutefois rien d'hérétique. Il s'agit seulement en effet de traduire en quelques mots une construction doctrinale nouvelle des effets du contrat de société à l'égard des tiers, déduite du principe de l'opposabilité aux tiers des effets externes de tout contrat, tel que ce principe résulte du droit commun des obligations. En vertu de ce principe, les tiers sont tenus de respecter les effets qui résultent du contrat de société pour les associés, comme tout créancier est tenu de respecter les effets des contrats conclus par ses débiteurs avec d'autres, sauf fraude (art. 1167). Pas plus qu'un associé ne saurait, sans méconnaître le contrat de société, disposer des actifs communs pour payer des dettes qui lui sont personnelles, les créanciers personnels d'un associé ne sauraient donc saisir les actifs communs comme tels [47].

Il en résulte un effet de division patrimoniale, alternatif parce qu'atteint autrement que par l'attribution de la personnalité juridique à une entité, pluri- ou unipersonnelle, dotée comme telle d'un patrimoine propre [48]. La fin d'un certain « civilisme », évoquée au début de la présente communication, ne justifie donc pas une condamnation inconditionnelle de tout recours au droit commun, lorsque celui-ci est susceptible de fournir une solution pertinente et utile [49].

Quant à la notion d'apport, elle fait l'objet d'une définition désormais expresse (art. 1:8) qui n'en modifie toutefois pas la substance, telle que celle-ci résulte du droit existant [50]. Il s'agit toujours de « mettre à la disposition » de la société une « chose », matérielle ou immatérielle, qui sera comme telle soumise aux aléas sociaux, en ce sens que, sans préjudice de la responsabilité illimitée des associés dans les sociétés de personnes [51], l'apport ne sera rémunéré, en cours de vie sociale, que s'il existe un bénéfice répartissable et que si la distribution en est décidée par celui ou ceux à qui appartient, selon les règles propres à la forme sociale considérée, ce pouvoir de décision - la restitution de l'apport, à la clôture de la liquidation, postulant par ailleurs que tous les créanciers aient été préalablement désintéressés [52].

L'apport, qui ouvre à un droit social, conditionnel et éventuel [53], aux bénéfices, implique ainsi l'obligation de contribuer aux pertes, dans une mesure variable selon que la société est assortie ou non d'un régime de responsabilité limitée. Le Code 2019 confirme en toutes lettres, à propos des sociétés de personnes, cette analyse classique (art. 4:4 et 4:5), la soustraction aux pertes supposant une clause du contrat de société qui y déroge, laquelle ne sera plus désormais considérée comme une clause léonine, nulle comme telle (art. 4:2) [54]. Une solution semblable est consacrée dans les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés coopératives et les sociétés anonymes (Code 2019, art. 5:14, 6:15 et 7:16).

VI. Une conception bipolaire de la société

Abstraction faite du but de lucre, sous l'angle duquel les sociétés continuent à être distinguées des associations (supra, V), l'unité conceptuelle s'arrête là. Même l'idée, exprimée par l'article 1:1 en termes généraux, selon laquelle toute société pourrait d'emblée ne comporter qu'un associé, se trouve contrefaite par les autres dispositions du Code. La société unipersonnelle, qui constitue, par le jeu d'une fiction juridique dont on aurait pu, à vrai dire, se dispenser [55], un pur instrument de division patrimoniale et de limitation de responsabilité [56], ne pourra en définitive prendre d'autres formes que celles de la société à responsabilité limitée et de la société anonyme. Les sociétés de personnes restent des contrats (art. 4:1) et la société coopérative suppose toujours trois fondateurs (art. 6:3) - outre que l'on se demande quel intérêt il pourra, en pratique, y avoir à constituer une société anonyme unipersonnelle.

Plus fondamentalement, complétant la définition générale de la société telle qu'elle résulte de l'article 1:1 nouveau, l'article 4:1 confirme, mais à propos des seules sociétés de personnes désormais, que la société doit être conclue dans « l'intérêt commun des parties ». Ainsi se manifeste-t-il que toute société de personnes postule, pour exister comme telle, au titre de la cause du contrat, en quelque sorte, envisagée comme l'ensemble des mobiles déterminants communs aux parties, une « affectio societatis » qualifiée ou, autrement dit, renforcée par un « intérêt commun ».

De même qu'un contrat n'est un contrat de vente que si, conformément à la volonté commune des parties, il implique que l'une s'oblige à transférer la propriété d'un bien en contrepartie du paiement, par l'autre, d'un prix, un contrat n'est un contrat de société que si l'accord des parties est que chacune fera un apport en société, dans l'acception que nous avons décrite. En ce sens, l'idée qu'hors le cas exceptionnel de la société unipersonnelle, une société ne peut exister si toutes les parties ne sont pas animées d'une « affectio societatis » est indiscutable [57], en dépit des observations critiques formulées par une fraction de la doctrine contemporaine [58].

Cette exigence peut varier selon la forme sociale et le contexte considérés: au niveau le moins élevé de l'échelle des intensités possibles, le « trader » qui achète une action sur un marché secondaire prend, vis-à-vis de la société, la place de son ayant droit; mais son « affectio societatis » n'excède pas le risque spéculatif qu'il accepte de prendre, à court terme, voire à très court terme, à l'exclusion de tout intérêt commun avec les autres actionnaires, en particulier l'actionnaire de contrôle porteur d'une stratégie de moyen ou de long terme [59]. Le Code 2019 met le droit positif en concordance avec cette réalité, en n'exigeant plus, à propos des sociétés par actions, que les actionnaires poursuivent un « intérêt commun », si ce ne leur est évidemment pas interdit [60].

Au contraire, au niveau le plus élevé de la même échelle, tous les associés dans une société de personnes devront être animés par un tel « intérêt commun », c'est-à-dire par une « affectio societatis » qualifiée, distincte des apports qu'ils acceptent de soumettre au risque de gain et de perte auquel, sauf clause contraire, l'entreprise commune est exposée [61].

La distinction entre sociétés de personnes et sociétés par actions, traditionnellement conçue sur la base de critères particuliers, tenant au régime de l'incessibilité des parts sociales émises par les premières et au caractère intuitu personae du contrat qui les instituent (supra, IV), se trouve ainsi confortée, dans le Code 2019, au niveau de la définition même de leurs éléments respectifs.

VII. Une société anonyme sans capital

Révolution conceptuelle, venons-nous d'écrire, à propos de l'intégration de la société à responsabilité limitée et de la société coopérative dans la catégorie des sociétés par actions (supra, n° III). Certes, si l'on apprécie le Code 2019, facialement en quelque sorte, ou littéralement, par rapport au Code 2001, à son texte et aux apparences maintenues par celui-ci. Envisagées à la lumière des réflexions et des évolutions, dont le droit des sociétés a été l'objet depuis la seconde moitié du siècle passé, nombre des « innovations » introduites par le Code 2019 se présentent au contraire comme autant de réponses à des attentes plus ou moins fortes, émanant du monde académique et du monde de la pratique - lesquelles se sont, dans une large mesure, révélées concordantes, ainsi qu'en atteste l'accueil réservé au projet dont nous avons signalé la genèse (supra, I).

Nous avons tenté de mettre au jour, dans quelques études antérieures, une évolution historique un peu paradoxale, au terme de laquelle le régime juridique de la société anonyme, originellement apparue comme un instrument financier de rassemblement de capitaux - si peu une société au sens traditionnel du droit civil, la notion de société anonyme se présentant même comme un oxymore [62] -, s'est, à de nombreux égards, transformé au fil du temps en une sorte de modèle pour les sociétés à responsabilité limitée et même, dans une certaine mesure, pour le sociétés de personnes dotées de la personnalité juridique, eu égard aux pratiques statutaires concernant l'organisation de leur fonctionnement [63].

De ce phénomène d'anonymisation, en quelque sorte, du droit des sociétés, le Code 2019 offre une illustration supplémentaire, expliquant le titre que nous avons cru pouvoir donner à cette introduction, non seulement en ce que la société à responsabilité limitée et la société coopérative rejoignent la société anonyme dans la catégorie des sociétés par actions (supra, III), mais aussi parce que, s'agissant à tout le moins de la société à responsabilité limitée, les statuts peuvent complètement libéraliser la négociabilité des actions (art. 5:63), à l'instar du régime légal qui reste applicable de plein droit aux sociétés anonymes (art. 7:45), et parce que la société à responsabilité limitée peut aussi être cotée (art. 5:2) - ce qui, comparé au régime de la société privée à responsabilité limitée, constitue certes plus qu'une simple innovation.

En somme, de par les options ainsi ouvertes aux fondateurs ou aux actionnaires en cours de vie sociale, la société à responsabilité limitée peut devenir une société anonyme de substitution, soumise à des règles qui, si l'on va dans le détail technique, lui restent propres [64], mais dont la particularité essentielle sera de n'être pas soumise au régime du capital statutaire auquel seule la société anonyme reste assujettie: un société anonyme sans capital, en quelque sorte, le principe de l'intangibilité du capital statutaire (art. 7:212) étant remplacé par un régime de protection des capitaux propres, sous le couvert, en particulier, d'un test de solvabilité et d'un test de liquidité (art. 5:142 et 5:143).

Le régime des apports et des capitaux propres fait l'objet d'autres règles particulières, techniquement distinctes de celles qui s'appliquent à la société anonyme, mais qui ne sont pas telles qu'elles affecteraient la substance du lignage étroit dont procède les deux formes sociales : (i) l'article 5:3 impose aux fondateurs de veiller à ce que les capitaux propres soient suffisants « à la lumière de l'activité projetée », encore que la justification de ce caractère par le plan financier est, comme dans les sociétés anonymes (art. 7:3 § 1er), limitée à deux ans par l'article 5:4, de même que la responsabilité particulière susceptible d'en résulter postule une faillite de la société dans les trois ans (art. 5:16) ; (ii) ce n'est que sauf disposition statutaire contraire, que les apports doivent être entièrement libérés lors de la constitution (comp. l'art. 5:8 et l'art. 7:11)); (iii) les quasi-apports sont libres et ne font pas l'objet de règles spéciales (comp. avec l'art. 7:8 à 7:10); (iv) le régime des dividendes intérimaires est considérablement libéralisé (comp. l'art. 5:141 et l'article 7:213); (v) les contraintes du rachat d'actions propres ne sont pas étendues au rachat par une filiale directe, ni à la prise en gage par la société de ses propres actions (comp. avec les art 7:221 à 7:226).

Par contre un régime d'assistance financière est prévu (comp. l'art. 5:152 et 7:227), de même qu'une procédure de sonnette d'alarme (comp. les art. 5:153 et 7:228). Un régime inspiré du capital autorisé est pareillement organisé, s'agissant de l'émission d'actions nouvelles en contrepartie de nouveaux apports (art. 5:134). L'émission d'actions de bonus paraît, en revanche, impossible (art. 5:40 et 5:120 § 1er, al. 2), alors que des bénéfices ou des réserves indisponibles pourraient être rendus intangibles (art. 5:142), au même titre que le capital de la société anonyme peut être augmenté par incorporation de réserves ou d'un report à nouveau [65]. S'agissant toujours des capitaux propres et des apports, une possibilité de liquidation anticipée des droits de l'actionnaire, par démission ou exclusion, peut être organisée par les statuts, à l'inspiration du régime propre aux sociétés coopératives (comp. les art. 5:154 à 5:156 avec les art. 6:120 à 6:123).

Quant à la gouvernance de la société, la parenté de son « organisation » avec celle de la société anonyme, déjà très présente dans le Code 2001, se trouve consolidée, sous la réserve, peu compréhensible à vrai dire, de la non transposition du système facultatif d'administration « duale » (art. 7:104 et suivants) et de quelques scories sans signification théorique fondamentale [66]. Les administrateurs de l'une et de l'autre société sont révocables ad nutum, sauf disposition statutaire contraire et sans préjudice de l'octroi éventuel d'un préavis ou d'une indemnité par l'assemblée générale (art. 5:70 § 3 et 7:85 § 3), une révocation pour de justes motifs étant toujours possible (mêmes dispositions) [67]. Les administrateurs sont, dans les deux cas, rémunérés, sauf disposition contraire des statuts (art. 5:72 et 7:89). Le régime des conflits d'intérêts (art. 5:76 § 2 à 3, 7:96 et 7:102) et les pouvoirs de représentation dans l'ordre externe sont, pour l'essentiel, organisés de la même façon (art. 5:73, 5:74, 7:93, 7:94 [68]), et, dans les deux formes sociales, la gestion journalière peut être déléguée dans les mêmes termes (art. 5:79 et 7:121).

S'agissant du fonctionnement de l'assemblée générale, on a tous à l'esprit, tellement nombreux sont les commentaires qui lui ont été consacrés, la remise en cause, tant en ce qui concerne la société à responsabilité limitée que la société anonyme, du tabou « une action, une voix » [69]. Des droits de votes multiples peuvent ainsi être attachés à certaines classes d'actions, sans limite lorsque la société n'est pas cotée (art. 5:43 et 7:52), cette possibilité étant par contre limitée à des droits de vote double « de fidélité » dans les sociétés cotées (art. 5:2 et 7:53). Les actions à droits de vote double, émises en exécution de ces deux dernières dispositions, ne constituent pas une classe d'actions distincte, pour les besoins des articles 5:102 et 7:155 (art. 5:2 et 7:53 § 2). Il en va autrement dans tous les autres cas où, dans une société non cotée, deux ou plusieurs droits de vote sont attachés à certaines actions (art.5:48 et 7:60). De tous ces points de vue aussi, le régime de la société à responsabilité limitée et celui de la société anonyme se trouvent alignés.

VIII. Capitaux propres et capital humain

Toute la souplesse qui caractérise le nouveau régime de la société à responsabilité limitée - société anonyme de substitution, venons-nous de dire - devrait faire de celle-ci, à l'avenir, la forme sociale la plus recherchée, pour peu qu'on se familiarise avec le nouveau régime de protection des capitaux propres. La nouvelle société à responsabilité limitée, qui peut aussi fonctionner, si les statuts le permettent, comme une société à capital variable, avec démission et/ou exclusion possible des actionnaires à charge du patrimoine social (art. 5:154 et 5:155), se présente ainsi comme un emblème de la réforme.

Le caractère novateur de son régime juridique, en ce qui concerne en particulier, la substitution des apports et des capitaux propres au capital statutaire, n'emporte toutefois pas l'introduction dans notre droit d'un concept jusqu'alors inconnu. Sous réserve du capital fixe minimum dans les sociétés coopératives à responsabilité limitée (Code 2001, art. 390), la société coopérative était déjà une société sans capital où seuls comptaient les apports (art. 355, § 1er, 1°) [70]. Mais l'extension de ce régime à la nouvelle société à responsabilité limitée s'accompagne de la mise en place d'un « système » de protection véritablement alternatif [71] et il ouvre à de nouvelles formes de collaboration susceptibles d'aboutir à la reconnaissance d'un capitalisme d'un genre nouveau.

L'impossibilité de reconnaître aux apports en industrie une place dans le capital statutaire des sociétés à responsabilité limitée, dans le système traditionnel que reproduisait le Code 2001, et que le Code 2019 ne conserve que pour la société anonyme, obligeait les parties à concevoir des constructions de substitution, plus ou moins originales et sophistiquées, de sorte que, pour les sociétés actives dans des secteurs innovants, un juste équilibre puisse être trouvé entre l'inventeur, apporteur en industrie, et l'apporteur de capitaux (en numéraire ou en nature) [72]. La société sans capital (statutaire) s'ouvre au contraire au « capital humain » et devrait permettre de faire l'économie de ces constructions alternatives [73].

Des questions se posent, sur le plan fiscal en particulier [74], à propos de l'évaluation de l'apport en industrie comme composante des apports et des capitaux propres. Dans le domaine des restructurations, les apports en industrie sont d'autre part exclus des paramètres pris en considération pour la détermination du montant maximum d'une éventuelle soulte en espèces (art. 12:2, al. 2. ; art. 12:3, al. 2. ; art. 12:4, al. 2. ; art. 12:5, al. 2 et 12:8, 1°).

A notre avis, l'évaluation de l'apport en industrie peut reposer sur une anticipation raisonnée de sa contribution aux bénéfices futurs et de l'économie résultant de la soumission de sa rémunération aux aléas sociaux, comparée au coût fixe inhérent à une rémunération contractuelle. Comme l'apport en jouissance, qualifiant un apport en nature ou un apport en numéraire, l'apport en industrie implique une obligation de faire dont l'exécution s'étale dans le temps. Or il a été admis que l'apport en jouissance puisse être valorisé en tant qu'apport, même dans les sociétés à capital statutaire [75]. Pourquoi devrait-il en aller autrement dans la nouvelle société à responsabilité limitée, sans capital statutaire quant à elle? On l'aperçoit difficilement.

La contribution du droit des obligations à l'identification de l'objet de l'apport en industrie, comparé à l'objet d'un apport en jouissance, confirme aussi l'utilité d'un retour à cette discipline, lorsque la question le justifie (comp. supra, V).

IX. « L'un de ses buts… »

Ainsi que nous l'avons signalé, le Code 2019 débute par une nouvelle définition de la société, comme figure juridique originale et spécifique. Alors que le projet du gouvernement disposait que toute société avait « pour but » de distribuer ou procurer de un avantage patrimonial, direct ou indirect, à ses associés, il ne s'agit plus, dans le texte définitif de l'article 1:1, que de l'« un de ses buts ». Cette rédaction est le fruit d'un amendement déposé à la Chambre des représentants par un député du parti catholique francophone, qui le justifia dans les termes suivants:

« Cet amendement clarifie la possibilité pour une société d'avoir des buts multiples, y compris des buts désintéressés, tout en réaffirmant que la société a pour but de répartir une partie, au moins, de ses profits à ses associés (alors que toute distribution est exclue dans les associations). Le vrai libéralisme est de laisser aux associés le choix des buts qui conditionnent la poursuite du but intéressé et patrimonial (…).

Il est utile de préciser la possibilité de buts multiples afin d'éviter tout soupçon que la loi impose la subordination de toutes les activités d'une société à la distribution ou la procuration d'un avantage direct ou indirect aux associés. Il est de même utile d'inviter les fondateurs d'une société à envisager des buts allant au-delà de la distribution de profit et portant, par exemple, sur la société et l'environnement. Enfin, l'inscription des différents buts dans les statuts de la société donne une protection légale aux directeurs qui considèrent des intérêts non financiers dans leurs décisions. Le seul but de distribuer les profits, s'il n'est pas conditionné par d'autres objectifs, peut mener à de graves abus humains et environnementaux » [76].

Par un arrêt du 30 septembre 2005, la Cour de cassation avait, quant à elle, rappelé que la capacité de toute société dotée de la personnalité juridique et les pouvoirs de ses organes « se limitent aux actes qui comportent pour les associés » un bénéfice patrimonial direct ou indirect [77]. Par un arrêt du 28 novembre 2013, elle avait subséquemment énoncé, sous la forme d'un principe général du droit des sociétés, que « l'intérêt social est déterminé par le but de lucre collectif des associés actuels et futurs de la société » [78].

Ainsi que nous croyons l'avoir montré, à propos de la société anonyme en particulier, cette formulation n'excluait pas - et n'aurait pas pu légalement exclure, eu égard à la répartition des pouvoirs entre le conseil des administrateurs et l'assemblée générale (Code 2001, art. 522) - le pouvoir des administrateurs d'apprécier en opportunité le rythme auquel il se justifie de construire un bénéfice distribuable, prenant plus ou moins intensément en compte l'intérêt d'autres parties prenantes, sous le couvert d'une conception « inclusive » de l'intérêt social - réserve faite d'un mandat impératif différent, exprès ou implicite, susceptible de découler aussi de la forme sociale considérée [79].

On admettra aisément en effet que dans les petites sociétés, auxquelles tant le Code 2019 que le Code 2001, réservent déjà, du point de vue de l'établissement de leurs comptes annuels et du contrôle externe, un statut particulier [80], l'assimilation des gérants à des mandataires ou à des « délégués » ne cesse pas de se justifier, imposant en principe à ces derniers, sous la forme d'un mandat impératif implicite, l'obligation de réserver une attention prioritaire, voire exclusive, à l'intérêt des associés dont ils tiennent leurs pouvoirs [81]. La même observation se justifie à propos des sociétés de personnes à responsabilité illimitée, regroupées dans le Code 2019 sous le couvert de la « société simple », dont une éventuelle personnification dépendra de la volonté des fondateurs (art. 4:22) [82].

En revanche [83], l'assimilation des administrateurs de la société anonyme à des mandataires relève d'une méconnaissance profonde de leur position effective dans le fonctionnement organique de la société [84], si elle peut fournir une indication utile - et encore - concernant le régime juridique de la responsabilité civile des administrateurs [85]. Partout en Europe, depuis la transposition de la 1ère directive européenne de droit des sociétés [86], un élément essentiel du système de répartition des compétences entre l'assemblée générale des actionnaires et le conseil d'administration tient au principe que ce dernier détient tous les pouvoirs en vue de la réalisation de l'objet social, les actionnaires, réunis au sein de l'assemblée générale, ne disposant plus que des compétences que la loi leur réserve (Code 2001, art. 522 et 531 [87]; Code 2019, art. 7:93 et 7:124).

Les administrateurs se trouvent de la sorte placés au centre du jeu - vérité première qui se trouve en pratique caractérisée davantage encore dans les cas où la société fait publiquement appel à l'épargne, singulièrement lorsque ses actions, disséminées au sein d'un public anonyme et changeant, sont admises à la négociation sur un marché réglementé, où elles peuvent s'échanger à chaque seconde une infinité de fois. Qu'un actionnariat de contrôle ou de référence existe à côté du « free float » nuancera la situation; encore les dirigeants n'en redeviennent-ils pas pour autant de purs mandataires asservis aux intérêts de ce seul maître. Même en ce cas, leur mission consiste à agir dans l'intérêt de la société toute entière, c'est-à-dire, puisqu'il n'est pas question, s'agissant de ces formes sociales, d'intérêt commun au sens de l'article 4:1 (anciennement 19 du Code 2001), dans l'intérêt collectif des actionnaires, qu'il leur appartient de déterminer selon les limites tracées ci-dessus [88].

Sous réserve de la reddition des comptes, annuelle et rétrospective [89], c'est donc aux dirigeants de la société qu'appartient en première ligne le pouvoir de prendre les décisions dont les effets retentiront sur la construction, plus ou moins rapide, d'un bénéfice répartissable et sur la situation des « parties prenantes ». Un mandat impératif implicite pourra, le cas échéant, résulter pour l'avenir de l'accueil défavorable qu'à l'occasion de la reddition annuelle des comptes, l'assemblée générale aura éventuellement réservé aux arbitrages d'opportunité auxquels les administrateurs auront procédé en cours d'exercice. Mais sous cette réserve, aucune disposition du Code 2001 ou du Code 2019 ne prévoit qu'il incombe aux dirigeants ou de gérer la société dans le but d'accroître, au maximum et au plus vite, la valeur de marché des actions et/ou le dividende distribuable, ou d'agir au service d'autres « parties prenantes », dont il s'agirait aussi d'identifier « l'intérêt commun » [90].

Encore ne leur est-il pas non plus interdit de privilégier la première voie, au détriment, le cas échéant, de certaines autres parties prenantes, singulièrement lorsque les titres émis par la société sont, à son initiative ou avec son concours, admis à la négociation sur un marché réglementé, ou simplement organisé, aux fins d'en assurer la liquidité. Que les dirigeants estiment devoir jouer le jeu d'une création de valeur à court terme, parce qu'ils estiment que le financement de la société par les marchés financiers en dépend, est une décision d'entreprise également possible, que l'on pourrait d'autant moins invalider comme telle, d'un point de vue juridique, que le droit boursier, comme instrument de la liquidité, en reconnaît la légitimité - autre chose étant la discussion de cette légitimité sur le plan de l'éthique ou de la morale sociale [91].

La justification de l'amendement qui a donné lieu à la rédaction finale de l'article 1:1 (précité) indique que ce dernier ne modifie pas la situation existante, avec laquelle le texte de la loi est plutôt mis en concordance [92]. Tout au plus la définition nouvelle pourra-t-elle être perçue comme comportant un encouragement des dirigeants à s'affranchir d'une conception trop étriquée de leur rôle, à l'opposé du message que certains auteurs ont cru pouvoir déduire de l'arrêt précité [93]. Que la répartition d'un bénéfice direct ou l'attribution d'un bénéfice indirect puisse ne plus être que « l'un des buts » de la société, sans entraîner une dénaturation de celle-ci en tant que telle, n'implique pas qu'une société pourrait être constituée sans but de lucre: l'un des buts de la société, et de son organe d'administration, devant toujours consister dans la construction d'un profit répartissable.

La recherche par la société d'un tel profit, non point seulement pour elle-même au titre d'un excédent de recettes sur les dépenses [94], reste ainsi une caractéristique de toute entité qui se forme comme société. La justification de l'amendement le confirme aussi, en ce qu'il y est expressément rappelé la société conserve « pour but de répartir une partie, au moins, de ses profits à ses associés ». La référence à d'autres buts que le seul enrichissement des associés est, par ailleurs, exprimée dans des termes qui, sauf mandat impératif différent, en font, non point une obligation, mais une faculté pour les dirigeants, ainsi qu'une cause de justification, conformément à l'opinion qui nous a toujours paru la plus exacte [95].

Du point de vue des idées générales apparues dans le débat public, avec une vigueur exacerbée par la crise financière de 2008, l'arrêt du 28 novembre 2013 adoptait une position qui ne répondait pas aux aspirations de ceux qui souhaitent une extension plus considérable de la responsabilité sociale, ou sociétale, de l'entreprise, voire une transformation de cette responsabilité en une responsabilité véritablement juridique. Il n'appartenait pas à la Cour de cassation de prendre en considération cette controverse, relevant de l'éthique, voire d'un discours idéologique ou politique, outre que pareille transformation reste problématique, au niveau même des idées générales auquel ses promoteurs s'expriment [96]. L'article 1:1 du Code 2019 s'inscrit prudemment dans ce sillage.

[1] Avocat Willkie Farr &Gallagher LLP.

Nous prenons la liberté de mettre entre parenthèse « et des associations », non point parce que nous minimisons cet aspect de la réforme et le rôle que cette variété d'entreprise occupe dans le droit économique (art. I.1 et XX.1 du Code de droit économique), mais uniquement pour faire apparaître que nous ne traiterons ici que des sociétés, au sens de l'art. 1:1 du nouveau Code, désigné comme « Code 2019 », pour le distinguer du « Code 2001 ».
[2] Les deux avis du Conseil d'Etat sont reproduits dans les documents parlementaires: Chambre, 2017-2018, nos 54-3119/002 et 3119/007.
[3] Voy., notamment, les communications nombreuses et toutes d'excellente qualité, présentées dans les ouvrages suivants: La Modernisation du droit des sociétés - A l'initiative du Centre belge du droit des sociétés, Larcier, 2014; Le projet de code des sociétés et des associations, Larcier, 2018; Le code des sociétés et des associations - Introduction à la réforme du droit des sociétés, CUP - Anthémis, 2018; La réforme du droit des sociétés, Rapports au Colloque Vanham/Vanham du 26 avril 2018; Défis et opportunités du nouveau code des sociétés, Rapports au séminaire IFE du 27 septembre 2018; Le nouveau code des sociétés, Rapports au Colloque Vanham/Vanham du 9 mai 2019. Les communications aux différentes sessions des journées d'études interuniversitaires présentées à Anvers, Leuven, Gand, Bruxelles Liège et Louvain au cours de l'année 2018 sont en cours de publication.
[4] Sur cette notion, voy. notre étude, « 'Efficient Justice Hypothesis': libres pensées sur une politique du juge en droit économique », in Hommages à W. Van Gerven, Larcier, 2017, p. 221, spécialement p. 222 et la référence à Fr. Rigaux, « Le pluralisme culturel et idéologique et le droit international », in Rapports belges au XIIème congrès international de droit compare, Bruylant, p. 289, spécialement p. 303.
[5] L'avant-projet, et ses objectifs fondamentaux, avait été présenté à la Commission de droit commercial et économique de la Chambre, le 3 décembre 2015: Chambre, 2015-2016, n° 54-1500/01. Adde l'Exposé des motifs: Chambre, 2017-2018, n° 54-3119/001 et 2018/2019, n° 54-3119/011.
[6] Dix ans d'application du Code des sociétés: « vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage », J.T., 2011, p. 177; « Een nieuwe Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen: lean and mean, fit and propre », in Quid leges sine cogitatione? Enkele reflecties over vennootschapsrecht aangeboden aan Jean-Marie Nelissen Grade, Jan Ronse Instituut, 2011, p. 74.
[7] Sur la « philosophie » de l'harmonisation, que cette première directive, et celles qui lui feront suite, reflétait, on relira avec profit: P. Van Ommeslaghe, « La première directive du conseil du 9 mars 1968 en matière de sociétés », C.D.E., 1969, p. 495.
[8] The European Company Law Action Plan Revisited - Reassessment of the 2203 priorities of the European Commission, sous la direction de K. Geens et K. Hopt,Leuven University Press, 2010.
[9] Nous en citons ici quelques exemples: absence de coordination entre l'article 1:1 et l'article 4:1 concernant la consistance du but de lucre requis pour qu'une entité, personnifiée ou non, puisse être considérée comme une société. Inconsistance de l'article 5:2 al. 3, qui a l'air de vouloir dire que toute action émise par une société à responsabilité limitée cotée ne peut donner lieu qu'à une voix, alors qu'il est renvoyé, dans l'alinéa 1er, à l'article 7:53, prévoyant un droit de vote double de loyauté. Inconsistance entre l'article 5:18, qui indique que les obligations émises par une société à responsabilité limitée peuvent être dématérialisées si les statuts le permettent et l'article 5:50 qui paraît exclure l'émission d'obligations autres que nominatives. Exclusion apparente de la possibilité pour la société à responsabilité limitée d'émettre des parts bénéficiaires, au motif que les apports en industrie peuvent être pris en considération dans les capitaux propres, ce qui revient à limiter la liberté d'organisation du droit de vote que le droit antérieur consacrait à propos des parts bénéficiaires (Code 2001, art. 483 et 542), eu égard aux contraintes de l'article 5:47 relatives aux actions sans droit de vote. Erreur de renvoi, commise dans l'article 5:2, à la deuxième phrase de l'article 7:61 § 1er, al. 5, alors que c'est la première phrase qui aurait dû être visée. Plus généralement le traitement différent de la certification dans la société à responsabilité limitée et dans la société anonyme ne se justifie pas (comp. les art. 5:49 et 7:61). Inapplication aux sociétés à responsabilité limitée et à la société coopérative du régime de l'administration duale, telle qu'organisée par les articles 7:104 et suivants pour les sociétés anonymes. Omission des article 7:92, 7:121, al. 4 et 7:152 dans la liste des dispositions relatives aux sociétés anonymes cotées, auxquelles renvoie l'art. 5:2 en cas de cotation d'une société à responsabilité limitée. Absence d'objet du renvoi fait par l'art. 5:2 à l'article 7:108, dès lors que le régime d'administration « duale » n'est pas applicable à la société à responsabilité limitée. On se demande aussi pourquoi les actions émises par une société à responsabilité limitée ne peuvent être émises sous une forme dématérialisée que si la société est cotée (art. 5:18) ; etc.
[10] X. Delgrange, « Qui la liberté académique délivre-t-elle de qui? », J.T., 2019, p. 293.
[11] Notre étude: « Les structures élémentaires de la société: la trahison des images », in Droit, Morale et Marché, Larcier, 2013, p. 181.
[12] Sans préjudice d'un agrément possible comme « entreprise agricole » de toute société dotée de la personnalité juridique (art. 8:2 et 8:3).
[13] Il était déjà question des « titres » dans le Code 2001, s'agissant des parts sociales émises par la société privée à responsabilité limitée (art. 232 et s.); mais ces « titres » n'étaient pas de véritables valeurs mobilières, comme les actions émises par les sociétés anonymes, parce qu'y manquait l'attribut essentiel de l'abstraction, même si cette dernière n'atteint pas, en matière de valeurs mobilières, le même degré que dans le domaine des effets de commerce: Van Ryn, Principes de droit commercial, t. 1er, 1ère éd., n° 529 et t. II, 1ère éd., nos 912 et 920; Van Ryn et Heenen, t. III, 2ème éd., n° 99.
[14] Particulièrement en ce que des actionnaires détenant un certain pourcentage des actions pourront désormais introduire une action en révocation pour de justes motifs (art. 101, § 4, al. 3).
[15] Sur le régime de l'ancienne société en commandite par actions: T. Tilquin, « Renouveau de la société en commandite par actions », Rev. banque, 1991, p. 89; P. De Wolf, « La société en commandite par actions », in Traité Pratique de Droit Commercial, Story-Scientia, 1998, p. 531.
[16] Il existe en effet, selon le Code 2001, des sociétés de personnes à responsabilité (en partie) limitée (cf. la situation des commanditaires dans la société en commandite simple, ainsi que la position des associés participants dans la société interne) et des sociétés par actions à responsabilité (en partie) illimitée (cf. la situation du ou des commandités dans la société en commandite par actions (notre étude, « La responsabilité civile des associés en matière de sociétés commerciales », in Legal Trackx I - Essays on contemporary corporate and finance law, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 483.
[17] T. Tilquin et V. Simonart, Traité des sociétés, Mechelen, Kluwer, 1996, t. Ier, n° 347, ainsi que la référence à I. Corbisier, « La société et ses associés », in Droit des sociétés; les lois des 7 et 13 avril 1995, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 113, note 9.
[18] Van Ryn, Principes de droit commercial, t. Ier (1ère éd.), n° 304 et suivants.
[19] Van Ryn et Heenen, Principes de droit commercial (2ème éd.), t. III, n° 28.
[20] P. Van Ommeslaghe et X. Dieux, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1992, p. 284, n° 36 et suivants. Cette solution a été abandonnée par le Code 2001 (art. 2 § 4, al. 2), pour aboutir toutefois à des résultats très semblables: X. Dieux et Y. De Cordt, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 2008, p. 435, n° 16 et les références.
[21] Sur cette distinction classique et ses conséquences: Van Ryn et Heenen, Principes de droit commercial, t. Ier, 2ème éd., n° 353 et suivants.
[22] Ici n'est pas le lieu de discuter de cette question plus générale. Nous nous bornons à signaler que la doctrine qui, certes alimentée par une longue tradition, fait du droit des obligations contractuelles une branche du droit civil, n'a plus à vrai dire de sens que d'un point de vue formel, en ce que cette branche du droit continue en effet à être formellement déposée dans le « Code civil ». Ratione materiae, le droit des contrats constitue plutôt une branche du droit économique. Nombre des évolutions du droit des contrats trouvent d'ailleurs leur origine dans ce qui a été traditionnellement appelé le droit commercial (voy. notre étude, « Le droit commercial (ou économique) selon l'école de Bruxelles depuis Jean Van Ryn: empirisme, individualisme et 'ligne claire' », in Liber Amicorum Nadine Watté, p. 133, n° 13 et suivants). Du point de vue de la théorie économique ou de l'économie politique, le contrat constitue un instrument juridique de réalisation de « l'économie de marché »: J-P. Hansen, Une quête de Graal, L'Académie en poche, 2014, p. 15 et suivantes. Notre opuscule, dans la même série: Le marché bien tempéré, L'Académie en poche, 2014, p. 11 et suivantes.
[23] Sur cette question générale, on relira avec profit l'étude de Van Ryn, Autonomie nécessaire et permanence du droit commercial, reproduite dans Recueil Van Ryn, Bruxelles, Bruylant, 1992, p. 341, ainsi que le commentaire du Conseiller Verougstraete, Recueil Van Ryn, p. 275 et suiv., spécialement p. 282, dans le sens signalé à la note précédente.
[24] Sur la controverse relative à la reconnaissance de l'entreprise comme sujet de droits et d'obligations, voy. notre étude, « Le droit commercial (ou économique) selon l'école de Bruxelles depuis Jean Van Ryn; empirisme, individualisme et 'ligne claire' », Liber Amicorum N. Watté, p. 133, spécialement n° 24 et suivants et la références aux écrits de J. Van Ryn et J. Heenen, d'une part, et de P. Van Ommeslaghe, d'autre part, qui ne partageaient pas, sur cette question, les mêmes vues. Sur la consécration de la notion d'entreprise par le nouveau Code de droit économique, voy., notamment, A. Autenne et N. Thirion, « La nouvelle définition générale de l'entreprise dans le Code de droit économique: deux pas en avant, trois pas en arrière », J.T., 2018, p. 826.
[25] Les procédures de réorganisation et de faillite peuvent être activées et s'applique au « débiteur » qui en réunit les conditions d'application (art. I.22, 8°), le « débiteur » s'entendant de « l'entreprise au sens de l'article XX.1er », c'est-à-dire, entre autres et sauf les exceptions visées par l'alinéa 2 de cette disposition: « toute personne morale », mais aussi « toute autre organisation sans personnalité juridique », telle qu'une société simple.
[26] Cass., 19 décembre 2008, R.P.S., 2008, p. 491 et la note V. Simonart. RCJB, 2013, p. 399 et la note D. Van Gerven.
[27] Voy., notamment, notre étude: « De lege lata, de lege ferenda - Controverses sur la responsabilité des associés », in Liber Amicorum Bernard Glansdorff, p. 145. X. Dieux, O. Caprasse et Ph. Lambrecht, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 2016, p. 84, n° 16 (par A. Autenne) et les références.
[28] Sur le concept de société « mixte »: Van Ryn, Principes de droit commercial, t. II, 1ère éd., n° 878.
[29] Doc. Parl., Chambre, 54, 2119/001, sess. 2017/2018, p. 109 et suivants. On notera toutefois l'article 3:19 organisant une procédure de rectification des comptes annuels, non seulement en cas d'erreur simplement matérielle, mais aussi en cas d'erreur de fait et de droit, ainsi qu'une obligation de rectification en cas d'infraction au droit comptable « d'une nature telle que les comptes annuels ne donnent pas une image fidèle du patrimoine, de la situation financière, ainsi que du résultat de la société » (sur cette problématique, voy. l'avis de la CNC du 23 avril 2014, ainsi que l'étude classique de J. Kirkpatrick et D. Garabedian, « La rectification du bilan de la société anonyme en droit privé et en droit fiscal », R.C.J.B., 1992, p. 317).
[30] Clarification de la notion de scission partielle, en ce compris la scission partielle silencieuse (art. 12:8, 1° et 2°, ainsi que 12:13, al. 2, 12:15 § 3 et 12:17 2ème al.) et reconnaissance de la scission transfrontalière (art. 12:73 et 12:90); précision quant à la prétendue « rétroactivité » de la restructuration: la date à laquelle peuvent remonter les effets de l'opération ne peut être antérieure au lendemain de la clôture de l'exercice dont les comptes ont été approuvés par l'assemblée générale des sociétés intéressées (art. 12:24, al. 2, 5°). Par exemple, si l'exercice comptable de la société dont l'absorption est envisagée correspond à l'année civile et que les derniers comptes annuels approuvés se rapportent à un exercice clôturé le 31 décembre 2018, les opérations accomplies par la société absorbante ne peuvent être considérées comme ayant été accomplies pour le compte de la société absorbante, si elles sont antérieures au 1er janvier 2019.
[31] Nous passons, par exemple, sur l'extension de deux à trois mois, du délai de reprise des engagements souscrits au nom d'une société en formation (art. 2:2).
[32] La suggestion formulée par une fraction de la doctrine et de la jurisprudence, sur la base d'une raisonnement par analogie, est ainsi légalement consacrée (D. Willermain, « L'annulation et la suspension des décisions des organes de sociétés », in Actualités en droit des sociétés, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 57, n° 15. Bruxelles, 31 janvier 1997, T.R.V., 1997, p. 159). La solution était néanmoins discutable: X. Dieux et Y. De Cordt, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 2008, p. 591, n° 55. D. Willermain, in X. Dieux, Ph. Lambrecht et O. Caprasse, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 2016, p. 130, n° 35, spécialement p. 133.
[33] Des hésitations étaient apparues, sous l'empire de l'article 64 du Code 2001, quant à la question de savoir si la théorie de l'abus de majorité restait susceptible d'application, comme variété du détournement ou de l'excès de pouvoir visés par cette disposition ou, en marge de celle-ci, comme une expression du droit commun de l'abus de droit et du droit de la responsabilité (D. Willermain, o.c., spécialement p. 75, n° 11. Notre étude, « Sharehodership v. Stakeholdership: what else? », in Droit, morale et marché, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 149, spec. p. 174 et suivantes). Le texte de l'article 2:42 règle la question en réintroduisant la notion d'abus de droit et d'abus de pouvoir parmi les causes de nullité possible. Même si la notion d'abus « de majorité » n'est pas expressément visée, elle l'est implicitement - ce que confirme, en creux, la consécration de la théorie de l'abus de minorité, comme signalé au texte.
[34] Sur l'abus de minorité en général: notre étude, « L'abus de majorité et de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », in Droit, morale et marché, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 419 et la référence à l'étude fondatrice de L. Simont, « Réflexions sur l'abus de minorité », in Mélanges J. Ronse, p. 130. P. Van Ommeslaghe et X. Dieux, « Examen, de jurisprudence », R.C.J.B., 1993, p. 811, n° 144 et 145. D. Willermain, in X. Dieux, Ph. Lambrecht et O. Caprasse, » Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 2016, p. 145, n° 43.

L'article 2:43, al. 2, se prononce sur la nature de la sanction susceptible d'être attachée à l'abus de minorité, à propos de laquelle des controverses existaient (voy. outre les études précitées: V. Simonart, « La substitution de la décision du juge à celle de l'assemblée générale », note sous Bruxelles, 6 décembre 2011, R.P.S., 2012, p. 523. J. Bossuyt, « Misbruik van minderheidspositie in de algemene vergadering »; D.A.O.R., 2012, p. 459. Désormais il ne sera plus discutable que le juge peut substituer sa décision au vote minoritaire abusif mais uniquement, selon l'article 2:43, al. 2;, à la demande « d'un membre de l'assemblée » ou d la personne morale. Cette différence de traitement entre le régime de l'abus de majorité et le régime de l'abus de minorité ne se comprend pas spontanément.

L'Exposé des motifs précise que, s'agissant de l'action en nullité d'une décision irrégulière ou abusive, au sens de l'article 2:42, la nullité est ouverte aux tiers créanciers que par le jeu de l'article 1166 du Code civil (action oblique), paraissant ainsi exclure une action directe du tiers, en tant que « personne qui a intérêt au respect de la règle de droit méconnue » (art. 2:44): Doc. Parl, Chambre, session 2017/2018, 54, 3119/00, p. 55. Si cette interprétation est exacte, on trouverait une nouvelle consécration par notre droit de la théorie de la relativité aquilienne (voy. notre étude, « Sharehodership v. Stakeholdership: what else? », in Droit, morale et marché, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 176 et les références citées en note 87).
[35] Selon l'art. 7:108, c'est ainsi le conseil de surveillance qui fixe la rémunération des membres du conseil de direction dans les sociétés anonymes qui fonctionnent selon un système d'administration « duale » (art. 7:104 et suivants), par opposition au système d'administration « moniste », traditionnel dans note droit (art. 7:85 et suivants) et au système de « l'administrateur unique » (art. 7:101 et suivants). D'autre part, la rémunération du délégué à la gestion journalière en tant que tel peut être fixée par l'organe d'administration qui le désigne (art. 5:79, 6:67 et 7:121).
[36] Le régime de la responsabilité des administrateurs et gérants est désormais applicable à toutes les sociétés dotées de la personnalité juridique, en ce compris les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite et les sociétés coopératives, alors que les dispositions du Code 2001 énonçant des responsabilités propres au droit des sociétés (singulièrement en cas de violation d'une disposition du code lui-même ou des statuts) ne concernaient que les sociétés privées à responsabilité limitée (art. 263), les sociétés anonymes (art. 528) et les sociétés coopératives à responsabilité limitée (art. 408). La théorie de l'appréciation marginale est légalement consacrée par l'article 2:56, al. 1er, de même que le principe d'une coexistence possible de la responsabilité « contractuelle » à l'égard de la société et d'une responsabilité « aquilienne » à l'égard des tiers, selon les conditions fixées par la jurisprudence de la Cour de cassation (De Page, Traité de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 2013, t. II, « Les obligations », par Pierre Van Ommeslaghe, Vol. 2, n° 885 et suivants). Le régime de la solidarité est inconditionnel lorsque l'organe d'administration forme un collège, alors qu'il reste limité aux violations du code ou des statuts, en cas d'administration plurielle non collégiale (art. 2:56, al. 2 et 3).

L'action en comblement de passif et les responsabilités particulières pour dettes fiscales et de sécurité sociale (Code 2001, art. 265, 409 et 530) ont été antérieurement exportées dans le Code de droit économique en vertu d'une loi du 11 août 2017 (art. XX.225 à XX.227). Les responsabilités spéciales en matière de conflits d'intérêts (Code 2001, art. 264 et 529) restent propres aux sociétés par actions (art. 5:78, 6:66 et 7:122).
[37] A l'instar, même si les plafonds sont différents, du régime applicable aux commissaires: Code 2001, art. 140/1.- Code 2019, art. 3:71 et la référence à l'article 24 § 1er de la loi du 7 décembre 2016 portant organisation de la profession et de la supervision publique des réviseurs d'entreprises.
[38] Voy. R. Aydogdu, « Le nouveau régime de dissolution et de liquidation des sociétés dans le Code des sociétés et des associations », in Le nouveau code des sociétés (Rapports au Colloque Vanham/Vanham du 9 mai 2019).
[39] Ces questions sont débattues depuis longtemps, en rapport avec la détermination de la « lex societatis » et des conflits « mobiles »: s'agissant de la doctrine traditionnelle, on relira avec profit l'étude classique de J. Van Ryn, « Conséquences juridiques du transfert en Belgique du siège social d'une société étrangère et du transfert à l'étranger du siège social d'une société belge », R.C.J.B., 1966, p. 399.

Plus récemment: .J. Heenen, A propos de la nationalité des sociétés par actions, in Evolutions récentes du droit des affaires, 1992, p. 95.- J. Verhoeven, Condition des étrangers, conflit de lois et sociétés offshore , note sous Cass., 15 décembre 1994, R.C.J.B., 1997, p. 17.- Th. Tilquin, L'incorporation comme facteur de rattachement de la lex societatis, RPS,, 1998, p. 22.- S. Gilcart, A propos des associations, de leur siège social et de la loi applicable , note sous Bruxelles, 15 juillet 1998,RGDCiv., 2000, p. 204.- .-. Prioux, Les sociétés étrangères dans le Code des sociétés - Une occasion manquée, JT, 2003, p. 17.- V. Marquette et N. Watte, Les sociétés : questions choisies de droit international privé, in Liber Amicorum Yvette Merchiers (Die Keure, 2001), p. 665.- R. Jafferali, L'application du droit belge aux sociétés de droit étranger. Une esquisse des contours de la lex societatis, RDC, 2004, p. 764.- P. Wautelet, Quelques réflexions sur la lex societatis dans le Code de droit international privé, RPS, 2006, p. 5.- C. Tubeuf, Droit applicable à la personne morale, Le Code de droit international privé commenté (2006), p. 575.- J. Erauw, Woonplaats en gewone verblijfplaats, in Le Code de droit international privé commenté, 2006, p. 24.- V. Simonart, L'application du droit belge aux sociétés constituées dans un autre État de la communauté et, en particulier, aux limited, RPS, 2008, p. 111.- A. Autenne et E.-J. Navez, Cartesio - Les contours incertains de la mobilité transfrontalière des sociétés revisités, CDE, 2009, p. 9.- E-J. Navez, La transformation transfrontalière des sociétés est désormais pleinement consacrée par le droit de l'U.E. : qu'attend encore le législateur belge pour mettre en oeuvre cette prérogative, RPS, 2012, p. 243.- P.-H. Conac, La C.J.U.E. reconnaît le transfert international de siège et ouvre la voie à une directive, D., 2012, p. 3009.- A. Van Hoe, We zijn er bijna, maar nog niet helemaal : grensoverschrijdende omzetting van vennootschappen na Vale, TRV., 2013, p. 539.- J. Heymann, Transformation transfrontalière d'une société et liberté d'établissement, RCDIP, 2013, p. 236.
[40] Van Ryn, Principes de droit commercial, t. Ier, 1ère éd., nos 304 et s.
[41] Sur le régime de la transformation, on relira avec fruit l'étude inaugurale de P. Van Ommeslaghe, « La transformation des sociétés commerciales », Rev. banque, 1968, p. 571.
[42] J. Van Ryn, Principes de droit commercial, t. Ier, 1ère éd., n° 857; P. Van Ommeslaghe, « La transmission des obligations en droit positif belge », in La transmission des obligations - Travaux des IXèmes journées d'études juridiques Jean Dabin, Bruylant, 1980, p. 81, spécialement n° 80. Sur la cession des droits successifs en droit civil: De Page, t. IV, 3ème éd., n° 447.
[43] Doc. parl., Ch., 2018-2019, n° 54-3709/001. Voy. aussi, en rapport avec le régime de la responsabilité des administrateurs, le nouveau régime de la responsabilité extracontractuelle tel qu'il résultera des 5.141 et s. du Livre 5 du nouveau Code civil. Que les responsabilités liées à l'état d'insolvabilité se trouvent exportées dans le Livre XX du Code de droit économique confirme l'existence d'un ensemble excédant les limites de chacun des codes considérés: un droit réel ou matériel de l'entreprise résultant de la combinaison du Livre 5 du Code civil, du Code des sociétés et du Code de droit économique, sans plus de prévalence du premier sur les autres.
[44] Sur l'influence du droit commercial sur le droit civil dans l'histoire récente de notre droit: voy. notre étude (précitée), « Le droit commercial (ou économique) selon l'école de Bruxelles depuis Jean Van Ryn; empirisme, individualisme et 'ligne claire' », Liber Amicorum N. Watté , p. 133, spécialement nos 14 et s.
[45] P-A. Foriers et A. François, Un nouveau regard sur quelques distinctions classiques en droit des sociétés, in La modernisation du droit des sociétés, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 27. Le principe de spécialité légale ne s'impose pas comme une véritable nécessité. On ne le retrouve pas dans d'autres systèmes juridiques (B. Glansdorff, « De quelques avatars de la notion de société à la lumière du droit comparé », in Mélanges P. Van Ommeslaghe, 2000, p. 447, spéc. no 6. V. Simonart, La personnalité morale en droit privé comparé, nos 215 et suivants. M. Denef, Economische activiteiten van VZW en stichting, nos 234 et suivants). A l'échelle de l'histoire, il n'est apparu dans notre droit qu'assez récemment, au début du 20ème siècle, non point d'ailleurs comme le fruit d'une réflexion de type juridique, mais par l'effet d'une sorte de basculement idéologique. Alors que les associations s'étaient auparavant heurtées à la méfiance d'une fraction notable de la pensée politique héritée de la révolution française, aux yeux de laquelle le phénomène associatif recelait une menace pour les institutions émanant de l'ordre étatique séculier, elles ont par la suite, en raison du caractère « désintéressé » de leur objet, bénéficié d'un a priori favorable, parallèlement à l'expansion de la démocratie chrétienne et du socialisme (Pour un aperçu historique d'ensemble, faisant aussi apparaître la crainte d'une reconstitution de la « mainmorte »: M. Denef, Economische activiteiten van VZW en stichting, nos 13 à 43. Adde: De Page, t.II, vol. 1er (4ème éd.), par J-P. Masson; nos 391 et 392, et la référence aux travaux préparatoires de la loi du 27 juin 1921 (Pasin., 1921, p. 386). J. Hansenne, « L'ASBL en 1921 », in Les ASBL - Evaluation critique d'un succès, 1985, p. 3. J-Cl. Scholsem, « La notion de bénéfice dans le contrat de société », R.P.S,. 1969, p. 211, nos 4 et suiv et p. 222, n° 8. T. Tilquin et V. Simonart, t.Ier., n°368).
[46] Doc. Parl., Chambre, Session 2017/2018, 54-3119/002, p. 7 et suivantes.
[47] K. Geens et P. Van Ommeslaghe, « L'articulation du régime des sociétés de personnes », in La Modernisation du droit des sociétés - A l'initiative du Centre belge du droit des sociétés, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 15, spécialement p. 23 et la référence aux études antérieures des deux auteurs sur le même sujet, p. 16.
[48] Sur cette technique classique de division patrimoniale, autrefois présentée comme la seule (Cass., 5 janvier 1911, Pas., 1911, I, 68 avec les conclusions du Procureur général Terlinden), voy.: Fr. T' Kint, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, Bruxelles, Larcier, 2004, n° 56 et suivants. M. Grégoire, Publicité foncière, Sûretés réelles et privilèges, Bruxelles, Bruylant, 2006, n° 235 et suivants. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire que la personnification de l'entité considérée s'accompagne d'une limitation de responsabilité de son fondateur ou de ses membres. Il suffit que les actifs soient exclusivement affectés au désintéressement des tiers dont la créance est née des activités de ladite entité, à l'exclusion de tout concours avec les créanciers personnels du fondateur ou des membres de l'entité en cause. Division patrimoniale et responsabilité limitée ne vont pas de pair. La première ne postule pas la seconde, si celle-ci la renforce.
[49] Dans le même esprit, la recodification du régime de la responsabilité civile des administrateurs ou gérants des sociétés dotées de la personnalité juridique demeure enchâssée dans les principes généraux de la responsabilité, dans la mesure où il n'y a pas de raison déterminante de les en soustraire, et même si pareil enchâssement, sélectif, se trouve assorti de dérogations ou de compléments spécifiques (art. 2:56 et suivants). Un nouvel équilibre, courageux quoique critiqué par certains auteurs (voy., en particulier, L. Cornélis et A. François, « Les résidus de la responsabilité des administrateurs », en cours de parution dans les Actes du Colloque interuniversitaire cités en note 3) est ainsi proposé entre la nécessité d'une juste répression de la légèreté ou de l'audace excessive et une sévérité incompatible avec l'inévitable et nécessaire prise de risque que comportent la plupart des décisions stratégiques de nature économique (J. Van Ryn, « Les grands courants du droit commercial contemporain », J.T., 1980, p. 160, n° 9 P.Van Ommeslaghe, « Développements récents de la responsabilité civile professionnelle en matière économique », in L'évolution récente du droit commercial et économique, JBB, 1978, p. 9). La consécration légale du principe de l'appréciation marginale (art. 2:56), d'origine doctrinale et jurisprudentielle, de même qu'un régime original de plafonnement des indemnités (art. 2:57), contribuent ainsi à l'équilibre recherché, confirmant la liberté de conception dont le nouveau Code est animé, à l'exclusion de tout parti pris de nature politique ou idéologique.

Sur la théorie de l'appréciation marginale, ainsi remise à l'avant-plan par le Code 2019, on se réfèrera à cet égard à l'étude séminale de J. Ronse, « Marginale toetsing in het privaat recht », T.P.R., 1977, p. 207, à la doctrine duquel se sont ralliés les meilleurs auteurs: J. Van Ryn, o.c.; P. Van Ommeslaghe, in De Page, Traité de droit civil - Les obligations, vol. 2, n° 834.- Contra: W. Derijcke, « la « marginale toetsing »: aboli alibi d'inanité sonore », in Le juge des sociétés et des associations, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 191. L. Cornélis et A. François, o.c., note 32.
[50] J. Van Ryn, Principes de droit commercial, t. Ier, 1ère éd., n° 330; L. Frédéricq, t. IV, nos 33 et s.; H. De Page, t. V, 2ème éd., nos 60 et s.; T. Tilquin et V. Simonart, Traité des sociétés, t. Ier, nos 476 et s.; P. Van Ommeslaghe et X. Dieux, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1992, p. 230, n° 4; J. Van Ryn et P. Van Ommeslaghe, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1973, p. 326, n° 3.
[51] Réserve faite de la société interne et de la société en commandite, dans la mesure où la responsabilité illimitée ne concerne que l'associé gérant et l'associé commandité (Code 2019, art. 4:1, al. 2 et art. 4:22, al. 3).
[52] J. Van Ryn, Principes de droit commercial, t. Ier, 1ère éd., n° 330; L. Frédéricq, t. IV, nos 33 et s.; H. De Page, t. V, 2ème éd., nos 60 et s.; T. Tilquin et V. Simonart, Traité des sociétés, t. Ier, nos 476 et s.; P. Van Ommeslaghe et X. Dieux, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1992, p. 230, n° 4; J. Van Ryn et P. Van Ommeslaghe, « Examen de jurisprudence - Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 1973, p. 326, n° 3.
[53] Cass., 3 novembre 1957, Pas., 1957, I, 485; Concl. Proc. gén. Ganshof Van der Meersch précédent Cass., 16 décembre 1955, Pas., 1956, I, 376.
[54] Sur la question de la validité des pactes léonins et les opérations assimilées, voy. P.-A. Foriers, « Portage et clause léonine (observations sur le champ d'application de l'article 1855 du Code civil) », in Hommages à Jacques Heenen, 1994, p. 149; notre étude, « De lege lata, de lege ferenda: controverses sur la responsabilité des associés », in Liber amicorum Bernard Glansdorff, 2008, p. 152; M. Coipel, « Réflexions sur le portage d'actions au regard de l'art. 1855 du Code civil », R.C.J.B., 1989, p. 553; « Encore l'article 1855, al. 2 du Code civil: réflexions additionnelles en faveur d'une interprétation renouvelée d'un texte controversé », R.D.C., 1995, p. 133; « Un nouveau pas vers la validation des pactes léonins? », R.P.S., 2009, p. 110; « Du nouveau dans le débat sur les pactes léonins? », J.D.S.C., 2013, p. 61; H. De Wulf, « Enkele bedenkingen rond een nuttige rol voor het versleten verbod van leeuwenbeding: bescherming van de vennootschap en haar schuldeisers, niet alleen van de medevennoten », R.D.C., 2012, p. 697; Ch. Jassogne, « Sociétés léonines, options et portage d'actions », R.D.C., 1994, p. 979. Pour diverses applications jurisprudentielles, voy. Cass., 29 mai 2008, Pas., 2008, p. 1363, R.P.S., 2009, p. 101, note M. Coipel précitée; R.W., 2008-2009, p. 1556, note R. Houben; R.D.C., 2009, p. 270, note N. Goossens; T.R.V., 2008, p. 655, note T. Vlietinck; Cass., 5 novembre 1998, Torraspapel-Cellulose des Ardennes, Pas., 1998, I, p. 1099; Anvers, 13 octobre 2011, J.D.S.C., 2013, p. 58, note M. Coipel précitée; R.D.C., 2012, p. 695, note H. De Wulf précitée.
[55] J. Van Ryn, « L'entreprise d'une personne à responsabilité limitée », J.T., 1985, p. 277.
[56] P. Van Ommeslaghe, « L'entreprise personnelle à responsabilité limitée - Quels choix fondamentaux? », Liber Amicorum J. Ronse, p. 379.
[57] J. Van Ryn, t. Ier, 1ère éd., n° 336; L. Frédéricq, t. IV, n° 50; R.P.D.B., v° Société (contrat de), nos 395 et s.; F. Passelecq, o.c., nos 182 et s.; en France: C. Houpin et H. Bosvieux, Ier, 7ème éd., n° 49; Ph. Merle, Droit commercial - Sociétés commerciales, 6ème éd., n° 63; P. Le Cannu, Droit des sociétés, nos 178 et s.; M. de Juglart et B. Ippolito, Les sociétés commerciales - Cours de droit commercial, 10ème éd., par. J. Dupichot, n° 49. Sur les origines de ce concept, voy. Th. Massart, Sociétés, o.c., nos 96 et s.
[58] Avant le Code 2019, la doctrine est en réalité partagée entre des partisans de la mise en avant de la notion d'intérêt commun comme critère distinctif du contrat de société, en remplacement, en quelque sorte, de l'affectio societatis, et ceux qui signalaient le caractère confus ou ambigu de cette dernière notion: De Page, t. V, 2ème éd., n° 7; P. Van Ommeslaghe, « Le droit commun de la société et la société de droit commun », o.c., p. 155, nos 23 et 24; Y. De Cordt, L'égalité entre actionnaires, 2004, n° 162; T. Tilquin et V. Simonart, t. Ier, nos 608 et s.; D. Van Gerven, Handboek vennoot­schappen - Algemeen deel, Larcier, 2016, p. 41; J. Malherbe et al., Précis des sociétés, 3ème éd., n° 469; T. Tilquin, « Les éléments essentiels de la société », in Le droit des sociétés aujourd'hui: principes, évolutions et perspectives, 2008, p. 7, nos 34 et s. Comp. K. Geens, « Overzicht van rechtspraak - Vennootschappen », T.P.R., 2000, p. 99. En France: A. Viandier, La notion d'associé, 1978, n° 75; P. Didier, Droit commercial, t. II, 1993, p. 68; M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 15ème éd., nos 180 à 182; D. Schmidt, « De l'intérêt commun des associés », J.C.P. (G), 1994, I, n° 3793, p. 440; M. Germain, « L'intérêt commun des actionnaires », Cah. dr. entr., 1996/4, p. 13.
[59] Dans la réalité, il est plus généralement très difficile d'apercevoir un intérêt commun effectif à l'épargnant individuel, aux « hedge funds », aux investisseurs institutionnels, aux traders et à l'actionnaire de contrôle ou « de référence », particulièrement en ce qui concerne tout à la fois (i) le degré de dynamisme et de risque avec lesquels ils sont prêts à accepter que les affaires sociales soient conduites par les dirigeants qui en ont la charge et (ii) le « timing » de la performance qu'ils attendent de leur investissement. La notion d'intérêt commun, confrontée à cette réalité, paraît très artificielle (Y. De Cordt, L'égalité entre actionnaires, 2004, nos 196 et s.; F.-X. Lucas, « Les actionnaires ont-ils tous la qualité d'associé? », Rev. banc. fin., 2002, p. 216; P. Etain, note sous Cass. fr., 21 octobre 1997, Petites Affiches, 11 février 1999, p. 15; comp. A. Pirovano, « La 'boussole' de la société - Intérêt commun, intérêt social et intérêt de l'entreprise? », D., 1997, p. 189).
[60] Dès 1925, le Doyen Hamel, en France, exprimait son scepticisme: « Est-il même bien certain que la collaboration économique soit une caractéristique de la société? Certes elle apparaît très nettement dans les sociétés de personnes où les associés collaborent effectivement à la gestion des affaires sociales. Peut-être existe-t-elle aussi dans certaines sociétés de capitaux constituées avec un petit nombre d'actionnaires. Mais il n'est plus ainsi dans les grandes sociétés par actions contemporaine. L'actionnaire individuellement est très loin de l'organisme actif qui dirige la vie sociale; il se contente de fournir des capitaux et de recevoir des dividendes » (« L'affectio societatis », R.T.D.Civ., 1922, p. 761). La même observation a été formulée quarante ans plus tard par la Cour constitutionnelle de la République Fédérale d'Allemagne: « l'actionnaire du public se trouve nécessairement dans une large mesure réduit à s'intéresser aux dividendes et au cours des actions. Pour lui, l'action est dès lors typiquement un pur placement de capital plutôt qu'une participation à l'entreprise » (7 août 1962, Entscheidungen des Bundesverfassungsgerichts, vol. 14, p. 263, spéc. p. 277).
[61] La société de personnes représente ainsi la forme la plus achevée et la plus intégrée des partenariats possibles en matière économique, distincte non seulement des sociétés par actions, mais aussi des autres formes de partenariat, dans un sens plus large, que le droit positif organise autrement, sous le couvert du droit commun des contrats ou de régimes juridiques propres à certains contrats spéciaux: contrat d'entreprise, contrat de travail, contrat d'agence commerciale, contrat de concession, contrat de franchise, etc. Une collaboration ou un partenariat « innommé » peuvent aussi être organisés sous le couvert d'un contrat qui ne rentre dans aucune catégorie du droit civil ou du droit commercial, conformément au principe traditionnel de l'autonomie de la volonté: voy. Fr. Collart Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, 6ème éd., nos 889 et s.; Fr. Glansdorff, « Les contrats de service - notion et qualifications », in Les contrats de service (JBB, 1994), pp. 1 et s. Demogue a, autrefois, poussé au plus loin la notion de « partenariat », en voyant dans tout contrat la source d'un « microcosme » au sein duquel les parties sont, comme telles, des « partenaires » (Traité des obligations en général, t. VII, nos 3 et s.), - ce qui n'a évidemment jamais fait non plus de tout contrat une société.
[62] Nos études (précitées): « Droit financier des sociétés: Logos & Praxis », R.P.S., 2014, p. 5, spécialement n° 11; « Le Marché Bien Tempéré », L'Académie en Poche, 2014, pp. 57 et s.; adde: « Plaidoyer pour une nouvelle architecture du droit des sociétés », in Mélanges Pascal Minne, p. 55, spécialement pp. 63 et s.
[63] Notre étude, « De la société anonyme comme modèle et de la société cotée comme prototype », in Mélanges L. Simont, p. 619, spécialement n° 5.
[64] En particulier, le régime de libre négociabilité des actions reste optionnel, en ce sens que, faute de dispositions statutaires en ce sens, la négociation des actions reste soumise à des restrictions qui rappellent celles qui résultent des art. 249 et s. du Code 2001: Code 2019, art. 5:63 et s.
[65] Van Ryn, t. Ier, 1ère éd., n°834 et suivants. La notion d'action dite « de bonus » est désormais légalement consacrée par l'article 7:53 § 1er, al 3.
[66] Par exemple, la particularité résultant de ce qu'une administration plurielle n'est pas nécessairement collégiale (art. 5:70) se comprend comme une récurrence du régime applicable à la société privée à responsabilité limitée selon le Code 2001 (art. 259 et 260). La durée des mandats n'est pas limitée à six ans, dans les sociétés à responsabilité limitée (comp. les art. 7:85 § 2 et 5:70 § 2). L'administrateur unique d'une société à responsabilité limitée cotée ne doit pas être une société dotée d'un organe d'administration collégiale (comp. avec l'art. 7:101 § 1er, al. 2. On se demande pourquoi aucune assemblée générale spéciale n'est organisée sur le modèle de l'article 7:152, même lorsque la société à responsabilité limitée est cotée. S'agissant de l'assemblée générale, on se demande aussi pourquoi les propriétaires d'actions sans droit de vote ne peuvent pas participer avec voix consultative aux assemblées générales d'actionnaires, alors qu'ils le peuvent dans les sociétés anonymes (comp. les art. 5:86 et 7:135).
[67] La décision peut être prise à la majorité simple, même si l'administrateur considéré a été désigné par les statuts (Doc. Parl, Chambre, session 2017/2018, 54, 3119/001, p. 156). La possibilité de nommer les administrateurs dans les statuts existe, dans les sociétés à responsabilité limitée, quelle que soit le mode d'administration retenu (système de l'administration unique, plurielle ou collégiale), alors qu'elle n'existe plus qpour l'administrateur unique dans les sociétés anonymes (comp. les articles 5:70 § 2, 7:85 § 2 et 7:101 § 1er). On peut toutefois se demander si cette exclusive est justifiée: dès lors que le principe de la révocabilité ad nutum n'est plus d'ordre public (art. 7:85 § 3, al. 2), on ne voit pas vraiment pourquoi il faut exclure la possibilité d'exclure une nomination dans les statuts, étant entendu que l'assemblée générale peut, dans tous les cas, mettre fin au mandat pour de justes motifs en statuant à la majorité simple. Le système n'est différent, dans la société anonyme à administrateur unique, que si, en vertu des statuts, la révocation de celui-ci n'est possible que de son consentement. Dans ce cas, une révocation pour de justes motifs n'est possible que moyennant une décision prise aux conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts, ou par une décision de justice (art. 7:101 § 4, al. 2et 3).
[68] On observera que le régime juridique de l'administrateur n'est pas spécifiquement organisé par le Code 2019 (art. 7:101 à 7:103) que de manière très sommaire. L'Exposé des motifs indique toutefois que l'administrateur unique est soumis aux dispositions applicables au conseil et aux administrateurs faisant partie du conseil, « pour autant que ce soit pertinent » (Doc. Parl, Chambre, session 2017/2018, 54, 3119/001, p. 234). Tel est le cas, selon ce même passage de l'Exposé des motifs, de l'article 7:94.
[69] K. Geens & C. Clottens, « One share, one vote: Fairness, Efficiency and EU Harmonisation Revisited », in The European Company Law Action Plan Revisited - Reassessment of the 2203 priorities of the European Commission, Leuven, Leuven University Press, 2010, p. 145. Notre étude, « Actions à vote plural: pour une approche non dogmatique », in Legal Tracks, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 247. Adde le numéro spécial consacré, sous l'autorité de notre collègue Yves De Cordt, aux droits de vote « de loyauté », TVR, 2019/2. Dans un article de presse récent, G. Samyn, financier de haut vol, aux commandes jusqu'à très récemment de l'un des plus importants groupes financiers, indique que des groupes belges auraient pu éviter la délocalisation d'importantes sociétés stratégiques si les actions à vote plural avait existé plus tôt (L'Echo du 18 mai 2019).
[70] Plus généralement, les sociétés à responsabilité illimitée ont toujours été des sociétés sans capital statutaire au sens où cette notion s'entendait, dans le Code 2001, tant pour la société anonyme que pour la société à responsabilité limitée, sociétés à capital « protégé » (art. 320 et 617).
[71] Sur les différents systèmes en présence en droit comparé, une optique germanique s'opposant, ici aussi, à une optique anglo-américaine, voy. J.-M. Nelissen Grade et M. Wauters, « Reforming legal capital: Harmonization or fragmentation of creditor protection? », in The European Company Law Action Plan Revisited - Reassessment of the 2203 priorities of the European Commission, sous la direction de K. Geens et K. Hopt,Leuven University Press, 2010, p. 25; K. Hopt, « Evolutions récentes du droit allemand et du droit français des sociétés », Rev. soc., 2009, p. 309, spéc. pp. 312 et s.; « Company Law Modernization - Transatlantic perspectives », Rev. soc., 2006, p. 206; A. Couret, « Réflexions sur la fin du capital social en droit français », in Actualités et évolutions comparées du droit allemand et du droit français des sociétés, 2010, p. 19; H. Culot et M. Van Buggenhout, « Droit européen des sociétés: vers une réforme du capital? », J.T.D.E., 2007, p. 193; H. Culot et P.-Y. Thoumsin, « Contrôle et maintien du capital: une réforme sans audace », J.T., 2009, p.93.
[72] Notre étude (avec la collaboration de N. Vanderstappen), « 'Start Up': aspects relevant du droit des sociétés », in « Joint Ventures »: Questions choisies de droit belge et international, CDRVA - Larcier, 2017, p. 59, spécialement p. 67 et la référence au « Sweat Equity », ainsi qu'aux mécanismes d'égalisation et de relution.
[73] Sur les applications juridiques possibles de la notion de « capital humain », développée aux Etats-Unis par l'économiste G. Becker (Human Capital: A Theoritical and Empirical Analysis, 1964) dans le prolongement des travaux de Th.-W. Schultz, voy. S. Schiller et P.-L. Périn, « Les apports en industrie dans les SAS », Rev. soc., 2009, p. 59, nos 1 et 2; S. Schiller, « L'influence de la nouvelle économie sur le droit des sociétés », Rev. soc., 2001, p. 47; Th. Massart, « Les apports de savoir-faire dans la SAS », Bull. Joly, Sociétés, 2009, p. 1154; « La société sans apports », Mélanges P. Didier, 2008, p. 289; N. Binctin, « Le capital intellectuel (2007); La classification des apports en nature », Rev. soc., 2009, p. 517. Adde l'article fondateur de P. Catala, « Ebauche d'une théorie juridique de l'information », D., 1984, Chron. 97.
[74] R. Thonet, Les conséquences fiscales de la réforme du Code des sociétés et des associations, Rapport au Colloque Vanham/Vanham du 9 mai 2019 (précité), spéc. p. 13, nos 28 et s.
[75] On considère en effet que l'apport en jouissance est entièrement libéré dès l'instant où le droit, réel ou personnel; de jouissance est constitué ou transféré à la société: Van Ryn et Heenen, Principes de droit commercial, t. II, 1ère éd., n° 893; T. Tilquin et V. Simonart, Traité des sociétés, t. III, n° 2360. Pour ce motif également, l'apport en jouissance est admis dans les sociétés dont le capital doit être, en tout ou en partie, libéré immédiatement ou dans un délai légalement déterminé: Code 2001, art. 223, 398 et 448
[76] Ch., 2017-2018, n° 54-3119/008, p. 190.
[77] R.D.C., 2006/10, p. 1028, note (critique) P.-A. Foriers.
[78] Pas., 2013, I, 2384. Version originale en néerlandais: « het belang van een vennootschap wordt bepaald door het collectief winstbelang van haar huidige en toekomstige aandeelhouders » (Arr. Cass., 2013, p. 2571). Nous signalons les deux textes, dans la mesure où il est question des actionnaires dans la version néerlandaise et des associés dans la version française: sur l'importance sémantique de la distinction, voy. notre étude, « Droit financier des société: Logos & Praxis », R.P.S., 2014, p. 5, ainsi que « Le marché bien tempéré », L'Académie en poche, 2014, pp. 57 et s.
[79] L'intérêt social: pour une approche pragmatique, J.T., 2018, p. 597.
[80] Code 2001, art. 93, § 1er; Code 2019, 3:2; Code 2001, art. 141; Code 2019 3:72; Code 2001, art. 99; Code 2019 3:11.
[81] La dimension systémique de telles entreprises est en effet réduite au minimum, si elle n'est pas inexistante, et il n'y a pas de raisons susceptibles de commander que les gérants puissent ou doivent se soucier de l'intérêt des tiers dans une mesure autre que celle dans laquelle les associés, connus et dont les aspirations sont identifiables, auraient été tenus d'y avoir égard, au titre des principes généraux de la responsabilité civile en particulier, s'ils avaient eux-mêmes continué à exploiter personnellement l'entreprise économique formant l'objet de la société (voy. J. Van Ryn et X. Dieux, « La responsabilité des administrateurs ou gérants d'une personne morale à l'égard des tiers », J.T., 1988, p. 401, spécialement sub  IV, où la comparaison est faite entre les gérants ou administrateurs d'une société et l'exploitant individuel d'une entreprise économique). Sur la dimension systémique, variable en nature et en intensité, des entreprises économiques, voy; notre étude, « Shareholdership v. Stakeholdership: what else? », in Droit, morale et marché, 2016, p. 149.
[82] Le régime juridique propre à la société privée à responsabilité limitée et à la société coopérative, en tant que sociétés «  mixtes », variantes de la société de personnes en ce qui concerne l'identification des associés et la taille de l'entreprise, aurait aussi pu, sous l'empire du Code 2001, se prêter à une analyse semblable, en principe et sous réserve de circonstances propres à la situation considérée. Qu'en vertu du Code 2019, la société à responsabilité limitée et la société coopérative aient toutes les deux rejoint la société anonyme dans la catégorie des sociétés par actions, ne devrait pas emporter en soi une analyse aujourd'hui différente, singulièrement à la lumière des intentions du législateur dont il résulte que, sauf l'hypothèse un peu contre nature de la société à responsabilité limitée « cotée », cette forme sociale devrait retrouver sa vocation initiale en tant qu'armature juridique des petites et moyennes entreprises, le plus souvent familiales, à la différence des sociétés anonymes, réinstallées quant à elle dans leur statut originel d'instrument de rassemblement de capitaux destinés aux grandes entreprises (Doc. parl., Ch., 2017-2018, n° 54-3119/001, pp. 10 et 11).
[83] Sauf l'hypothèse inversement exceptionnelle de la société anonyme de petite taille, toujours possible selon le Code 2019 quoique contraire à son esprit.
[84] Voy. notre opuscule précité, Le marché bien tempéré (2014), spécialement p. 86 et A. Verstein, « Trustee or delegate? Understanding representation to illuminate shareholder governance and regulatory change », ECFLR, 2012, vol. 9, p. 74.
[85] Encore la référence au mandat, contenue dans le Code 2001 (art. 527) a-t-elle disparu de l'art. 2:56 du Code 2019, si elle subsiste néanmoins dans l'art. 2:51.
[86] Voy., à ce sujet, notre étude: « L'exercice du pouvoir au sein de la société anonyme », in Droit, Morale et Marché (précité), p. 329 et les références à la doctrine du professeur Van Ommeslaghe, en particulier.
[87] Il est admis que la rédaction de l'art. 531 (Code 2001), qui n'est que la reproduction de l'art. 70 des anciennes lois coordonnées sur les sociétés commerciales, n'est restée telle quelle que par une inadvertance commise à l'occasion de la transposition de la 1ère directive par la loi du 6 mars 1973: L. Simont, « La loi du 6 mars 1973 modifiant la législation sur les sociétés commerciales », R.P.S., 1974, p. 35; J. Ronse, De vennootschapswetgeving 1973, n° 308.
[88] Sur l'actionnaire de contrôle et l'actionnaire dit « de référence » et, par différence, le statut de l'actionnaire minoritaire, voy. notre étude, « Plaidoyer pour l'actionnaire de contrôle », in Droit, morale et marché, 2016, p. 313 et P.-A. Foriers, « Les devoirs fiduciaires de l'actionnaire de contrôle », in Quid leges sine cogitatione? Enkele reflecties over vennootschapsrecht aangeboden aan Jean-Marie Nelissen Grade, 2011, p. 40.
[89] Et de quelques autres exceptions tenant, dans des situations particulières, à une remontée des compétences à l'assemblée générale des actionnaires: voy., notamment, les compétences de l'assemblée « spéciale », au titre des art. 7:151 et 7:152 (Code 2001, art. 556 et 557), ainsi que les compétences en matière de capital autorisé comme instrument de défense anti-OPA (Code 2019, art. 7:202; Code 2001, art. 607).
[90] L'impossibilité d'identifier un intérêt commun aux différentes parties prenantes autres que les actionnaires est l'une des objections opposées par le regretté Doyen Glansdorff à une conception inclusive de l'intérêt social: B. Glansdorff, « Interventions nouvelles du juge en droit des sociétés », in L'entreprise économique sous tutelle judiciaire, 1989, p. 39.
[91] Le régime des OPA obligatoires a, pour ce motif, été considéré comme relevant de l'ordre public par la Cour de cassation de Belgique: Cass., 10 mars 1994, Pas., 1994, I, 237: voy. notre étude, « Droit financier des sociétés: Logos & Praxis », R.P.S., 2014, p. 1, spéc. n° 10.
[92] Notre étude: « Esprit de lucre et droit des sociétés » - dans des Mélanges en cours de publication.
[93] Pour les commentaires auxquels cet arrêt a donné lieu, voy. J.-M. Gollier, « L'intérêt social », R.P.S., 2014, p. 46; D. Willermain, « L'intérêt social selon la Cour de cassation », R.D.C., 2014, p. 855.
[94] Comp. Van Ryn et Heenen, « Esprit de lucre et droit commercial », R.C.J.B., 1974, p. 325
[95] Notre ouvrage, Le respect dû aux anticipations légitimes d'autrui - Essai sur la genèse d'un principe général de droit, 1995, p. 223, nos 93 et s.; adde notre étude précitée: « L'intérêt social, pour une approche pragmatique », J.T., 2018, p. 597.
[96] Un arbitrage est à faire, en effet, entre respect des libertés individuelles et soumission à des impératifs collectifs de type sociétal: voy., sur les dangers, accentués par un projet de gouvernance « algorithmique », d'une dégénérescence de la responsabilité sociétale de chacun, et des entreprises en particulier, en « sociétalisme », comme une forme de nouveau « totalitarisme », notre opuscule, « L'empire des choses - Liberté, complexité, responsabilité », L'Académie en Poche, vol. 89.