Article

Cour de justice de l'Union européenne (2e ch.), 14/09/2017, C-168/16 et C-169/16, R.D.C.-T.B.H., 2019/1, p. 80-84

Cour de justice de l'Union européenne 14 septembre 2017

DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement 1215/2012/UE du 12 décembre 2012 (anc. 44/2001/CE du 22 décembre 2000) - Compétence
Même si l'arrêt Ryanair refuse formellement de créer une compétente prétorienne au lieu de la base d'affectation du personnel naviguant, le même résultat est atteint par l'édiction, en substance, d'une présomption que ce lieu correspond à l'endroit d'occupation habituelle de ce personnel, lequel désigne le tribunal compétent pour les litiges du droit du travail. La présomption est cependant réfragable: le juge du lieu de la base d'affectation n'est pas compétent lorsque les demandes présentent des liens de rattachement plus étroits avec un endroit autre que ce lieu, ce qui implique d'avoir égard, concrètement, à l'objet du litige. La solution pourrait donc différer selon que les demandes portent, par exemple, sur le paiement de rémunérations ou autres sommes qui devraient être payées en dehors du lieu de la base d'affectation, ou sur d'autres obligations de l'employeur qui devraient être exécutées localement sur le territoire de la base d'affectation. On doit se réjouir de la confirmation par l'arrêt Ryanair que la compétence juridictionnelle n'est pas toujours fondée des règles fixes et rigides, et peut légitimement intégrer, à l'instar de ce qui se fait dans la matière des conflits de lois, des mécanismes correcteurs permettant le jeu d'une certaine flexibilité au service du principe de proximité.
EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Rechterlijke bevoegdheid, erkenning en tenuitvoerlegging van beslissingen in burgerlijke en handelszaken - Verordening 1215/2012/EU van 12 december 2012 - Bevoegdheid
Zelfs indien het Ryanair -arrest formeel weigert een pretoriaanse bevoegdheid te creëren op de thuisbasis van het cabinepersoneel, wordt hetzelfde resultaat bereikt door een vermoeden in het leven te roepen dat dit de plaats is waar het cabinepersoneel gewoonlijk werkt, plaats die de bevoegde rechtbank voor arbeidsrechtelijke geschillen aanwijst. Dit vermoeden is evenwel weerlegbaar: de rechter van de thuisbasis is niet bevoegd ingeval de vorderingen nauwere aanknopingspunten vertonen met een andere plaats, hetgeen inhoudt dat er concreet rekening wordt gehouden met het voorwerp van het geschil. De oplossing zou aldus kunnen verschillen naargelang de vorderingen bijvoorbeeld als voorwerp hebben vergoedingen of andere bedragen die buiten de thuisbasis moeten worden betaald, of andere verbintenissen van de werkgever die lokaal moeten worden uitgevoerd op het grondgebied van de thuisbasis. Het dient toegejuicht te worden dat het Ryanair-arrest bevestigt dat de rechterlijke bevoegdheid niet altijd bepaald wordt door vaste en starre regels en er, net zoals bij de bepaling van het toepasselijk recht, rekening kan worden gehouden met corrigerende mechanismen, die een zekere flexibiliteit toelaten ten dienste van het nabijheidsbeginsel.

Sandra Nogueira, Victor Perez-Ortega, Virginie Mauguit, Maria Sanchez-Odogherty, José Sanchez-Navarro / Crewlink Ireland Ltd (C-168/16)

Miguel José Moreno Osacar / Ryanair Designated Activity Company, anciennement Ryanair Ltd (C 169/16),

Siég.: M. Ilei (président de chambre), K. Lenaerts (président de la Cour ff. de juge de la deuxième chambre), A. Rosas, C. Toader, rapporteur et E. Jarainas (juges)
MP: H. Saugmandsgaard Øe (avocat général)
Pl.: Mes S. Gilson, F. Lambinet (avocats) et S. Corbanie, F. Harmel (avocats) et S. Corbanie, F. Harmel, E. Vahida (avocats), G. Metaxas-Maranghidis (dikigoros) et C. Pochet, M. Jacobs, L. Van den Broeck (en qualité d'agents) et M. A. Joyce (en qualité d'agent), assisté de S. Kingston (barrister) et D. Colas, D. Segoin, C. David (en qualité d'agents) et M. Bulterman, C. Schillemans (en qualité d'agents) et C. Meyer-Seitz, A. Falk, U. Persson, N. Otte Widgren, C. Meyer-Seitz, A. Falk (en qualité d'agents) et M. Wilderspin, M. Heller, P. Costa de Oliveira (en qualité d'agents)
Affaires jointes: C-168/16 et C-169/16

(…)

Sur les questions préjudicielles

44. Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en cas de recours formé par un travailleur membre du personnel navigant d'une compagnie aérienne ou mis à sa disposition, et afin de déterminer la compétence de la juridiction saisie, la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », au sens de l'article 19, point 2, sous a), du règlement Bruxelles I, est assimilable à celle de « base d'affectation », au sens de l'annexe III du règlement n° 3922/91.

45. À titre liminaire, il convient de préciser, en premier lieu, que, ainsi qu'il ressort du considérant 19 du règlement Bruxelles I et dans la mesure où ce règlement remplace, dans les relations entre les États membres, la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par les conventions successives relatives à l'adhésion des nouveaux États membres à cette convention (ci-après la « convention de Bruxelles »), l'interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de cette convention vaut également pour celles de ce règlement, lorsque les dispositions de ces instruments peuvent être qualifiées d'équivalentes (arrêt du 7 juillet 2016, Hszig, C 222/15, EU:C:2016:525, point 30 et jurisprudence citée).

46. À cet égard, si, dans sa version initiale, cette convention ne comportait pas de disposition spécifique au contrat de travail, l'article 19, point 2, du règlement Bruxelles I est rédigé en des termes quasi identiques à ceux de l'article 5, point 1, deuxième et troisième phrases, de ladite convention dans sa version résultant de la convention 89/535/CEE relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et les adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique (JO 1989, L 285, p. 1), de telle sorte que, conformément à la jurisprudence rappelée au point précédent, il convient d'assurer la continuité dans l'interprétation de ces deux instruments.

47. Par ailleurs, s'agissant d'un contrat individuel de travail, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande, visé à l'article 5, point 1, deuxième membre de phrase, de la convention de Bruxelles, doit être déterminé sur la base de critères uniformes qu'il incombe à la Cour de définir en se fondant sur le système et les objectifs de cette convention. La Cour a en effet souligné que pareille interprétation autonome est seule de nature à assurer l'application uniforme de ladite convention dont l'objectif consiste, notamment, à unifier les règles de compétence des juridictions des États contractants, en évitant, dans la mesure du possible, la multiplication des chefs de compétence judiciaire à propos d'un même rapport juridique, et à renforcer la protection juridique des personnes établies dans la Communauté, en permettant à la fois au demandeur d'identifier facilement la juridiction qu'il peut saisir, et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait (arrêt du 10 avril 2003, Pugliese, C 437/00, EU:C:2003:219, point 16 et jurisprudence citée).

48. Il s'ensuit que cette exigence d'une interprétation autonome s'applique également à l'article 19, point 2, du règlement Bruxelles I (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Holterman Ferho Exploitatie e.a., C 47/14, EU:C:2015:574, point 37 et jurisprudence citée).

49. En deuxième lieu, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que, d'une part, pour les litiges relatifs aux contrats de travail, le chapitre II, section 5, du règlement Bruxelles I énonce une série de règles qui, comme il ressort du considérant 13 de ce règlement, ont pour objectif de protéger la partie contractante la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables aux intérêts de cette partie (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Mahamdia C 154/11, EU:C:2012:491, point 44 ainsi que jurisprudence citée, et du 10 septembre 2015, Holterman Ferho Exploitatie e.a., C 47/14, EU:C:2015:574, point 43).

50. En effet, ces règles permettent notamment au travailleur d'attraire en justice son employeur devant la juridiction qu'il considère comme étant la plus proche de ses intérêts, en lui reconnaissant la faculté d'agir devant les tribunaux de l'État membre dans lequel l'employeur a son domicile ou devant le tribunal du lieu dans lequel le travailleur accomplit habituellement son travail ou, lorsque ce travail n'est pas accompli dans un même pays, devant le tribunal du lieu où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur. Les dispositions de ladite section limitent également la possibilité de choix du for par l'employeur qui agit contre le travailleur ainsi que la possibilité de déroger aux règles de compétence édictées par ledit règlement (arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia, C 154/11, EU:C:2012:491, point 45 et jurisprudence citée).

51. D'autre part, les dispositions figurant sous le chapitre II, section 5, du règlement Bruxelles I présentent un caractère non seulement spécial, mais encore exhaustif (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Holterman Ferho Exploitatie e.a., C 47/14, EU:C:2015:574, point 44 et jurisprudence citée).

52. En troisième lieu, l'article 21 du règlement Bruxelles I limite la possibilité des parties à un contrat de travail de conclure une convention attributive de juridiction. Ainsi, une telle convention doit avoir été conclue postérieurement à la naissance du litige ou, lorsqu'elle est conclue antérieurement, doit permettre au travailleur de saisir des tribunaux autres que ceux auxquels lesdites règles confèrent la compétence (arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia, C 154/11, EU:C:2012:491, point 61).

53. Il s'ensuit que cette disposition ne saurait être interprétée de sorte qu'une clause attributive de compétence pourrait s'appliquer de manière exclusive et interdire, ainsi, au travailleur de saisir les tribunaux qui sont compétents au titre des articles 18 et 19 du règlement Bruxelles I (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia, C 154/11, EU:C:2012:491, point 63).

54. En l'occurrence, force est de constater, ainsi que M. l'avocat général l'a souligné aux points 57 et 58 de ses conclusions, qu'une clause attributive de juridiction, telle que celle convenue dans les contrats en cause au principal, ne répond ni à l'une ni à l'autre des exigences fixées par l'article 21 du règlement Bruxelles I et que, par conséquent, ladite clause n'est pas opposable aux requérants au principal.

55. En quatrième et dernier lieu, il importe de relever que l'interprétation autonome de l'article 19, point 2, du règlement Bruxelles I ne s'oppose pas à ce qu'il soit tenu compte des dispositions correspondantes contenues dans la convention de Rome, dès lors que cette convention, ainsi qu'il ressort de son préambule, vise également à poursuivre, dans le domaine du droit international privé, l'oeuvre d'unification juridique déjà entreprise dans l'Union, notamment en matière de compétence judiciaire et d'exécution des jugements.

56. En effet, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 77 de ses conclusions, la Cour a déjà procédé, dans les arrêts du 15 mars 2011, Koelzsch (C 29/10, EU:C:2011:151), et du 15 décembre 2011, Voogsgeerd (C 384/10, EU:C:2011:842), à une interprétation de la convention de Rome au regard notamment des dispositions de la convention de Bruxelles relatives au contrat individuel de travail.

57. Pour ce qui concerne la détermination de la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », au sens de l'article 19, point 2, sous a), du règlement Bruxelles I, la Cour a itérativement jugé que le critère de l'État membre où le travailleur accomplit habituellement son travail doit être interprété de façon large (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2013, Schlecker, C 64/12, EU:C:2013:551, point 31 et jurisprudence citée).

58. S'agissant d'un contrat de travail exécuté sur le territoire de plusieurs États contractants et en l'absence d'un centre effectif d'activités professionnelles du travailleur à partir duquel il se serait acquitté de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur, la Cour a jugé que l'article 5, point 1, de la convention de Bruxelles doit, au regard de la nécessité tant de déterminer le lieu avec lequel le litige présente le lien de rattachement le plus significatif aux fins de désigner le juge le mieux placé pour statuer que d'assurer une protection adéquate au travailleur en tant que partie contractante la plus faible et d'éviter la multiplication des tribunaux compétents, être interprété comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte en fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur. En effet, c'est à cet endroit que le travailleur peut, à moindres frais, intenter une action judiciaire à l'encontre de son employeur ou se défendre et que le juge de ce lieu est le plus apte à trancher la contestation relative au contrat de travail (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2002, Weber, C 37/00, EU:C:2002:122, point 49 et jurisprudence citée).

59. Ainsi, dans de pareilles circonstances, la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail » consacrée à l'article 19, point 2, sous a), du règlement Bruxelles I doit être interprétée comme visant le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur.

60. En l'occurrence, les litiges au principal concernent des travailleurs employés comme membres du personnel navigant d'une compagnie aérienne ou mis à sa disposition. Ainsi, la juridiction d'un État membre saisie de tels litiges, lorsqu'elle n'est pas en mesure de déterminer sans ambiguïté le « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », doit, aux fins de vérifier sa propre compétence, identifier le « lieu à partir duquel » ce travailleur s'acquittait principalement de ses obligations vis-à-vis de son employeur.

61. Ainsi que l'a rappelé M. l'avocat général au point 95 de ses conclusions, il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, pour déterminer concrètement ce lieu, il appartient à la juridiction nationale de se référer à un faisceau d'indices.

62. Cette méthode indiciaire permet non seulement de mieux refléter la réalité des relations juridiques, en ce qu'elle doit tenir compte de l'ensemble des éléments qui caractérisent l'activité du travailleur (voir, par analogie, arrêt du 15 mars 2011, Koelzsch, C 29/10, EU:C:2011:151, point 48), mais également de prévenir qu'une notion telle que celle de « lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail » ne soit instrumentalisée ou ne contribue à la réalisation de stratégies de contournement (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2016, D'Oultremont e.a., C 290/15, EU:C:2016:816, point 48 et jurisprudence citée).

63. Comme l'a souligné M. l'avocat général au point 85 de ses conclusions, s'agissant de la spécificité des relations de travail dans le secteur du transport, la Cour a, dans les arrêts du 15 mars 2011, Koelzsch (C 29/10, EU:C:2011:151, point 49), et du 15 décembre 2011, Voogsgeerd (C 384/10, EU:C:2011:842, points 38 à 41), indiqué plusieurs indices pouvant être pris en considération par les juridictions nationales. Ces juridictions doivent notamment établir dans quel État membre se situe le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail.

64. À cet égard, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, et ainsi que l'a souligné M. l'avocat général au point 102 de ses conclusions, il doit également être tenu compte du lieu où sont stationnés les aéronefs à bord desquels le travail est habituellement accompli.

65. Par conséquent, la notion de « lieu où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail » ne saurait être assimilée à une quelconque notion figurant dans un autre acte du droit de l'Union.

66. S'agissant du personnel navigant d'une compagnie aérienne ou mis à sa disposition, ladite notion ne saurait être assimilée à la notion de « base d'affectation », au sens de l'annexe III du règlement n° 3922/91. En effet, le règlement Bruxelles I ne se réfère pas au règlement n° 3922/91, ni ne poursuit les mêmes objectifs, ce dernier règlement visant à harmoniser des règles techniques et des procédures administratives dans le domaine de la sécurité de l'aviation civile.

67. La circonstance que la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », au sens de l'article 19, point 2, sous a), du règlement Bruxelles I, ne puisse pas être assimilée à celle de « base d'affectation », au sens de l'annexe III du règlement n° 3922/91, ne signifie pas pour autant, ainsi que l'a souligné M. l'avocat général au point 115 de ses conclusions, que cette dernière notion soit dénuée de toute pertinence afin de déterminer, dans des circonstances telles que celles en cause dans les affaires au principal, le lieu à partir duquel un travailleur accomplit habituellement son travail.

68. Plus particulièrement, ainsi qu'il ressort des points 61 à 64 du présent arrêt, la Cour a déjà mis en exergue la nécessité, dans l'identification de ce lieu, d'utiliser une méthode indiciaire.

69. À cet égard, la notion de « base d'affectation » constitue un élément susceptible de jouer un rôle significatif dans l'identification des indices, rappelés aux points 63 et 64 du présent arrêt, permettant, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, de déterminer le lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement leur travail et, partant, la compétence d'une juridiction susceptible d'avoir à connaître d'un recours formé par eux, au sens de l'article 19, point 2, sous a), du règlement Bruxelles I.

70. En effet, cette notion est définie à l'annexe III du règlement n° 3922/91, sous l'OPS 1.1095, comme le lieu à partir duquel le personnel navigant débute systématiquement sa journée de travail et la termine à cet endroit en y organisant son travail quotidien et à proximité duquel les employés ont, durant la période d'exécution de leur contrat de travail, établi leur résidence et sont à la disposition du transporteur aérien.

71. Selon l'OPS 1.1110 de cette annexe, les périodes de repos minimal des travailleurs, tels que les requérants au principal, diffèrent selon que ce temps est alloué en dehors ou au lieu de la « base d'affectation », au sens l'annexe III du règlement n° 3922/91.

72. En outre, il importe de relever que ce lieu n'est déterminé ni de manière aléatoire ni par le travailleur, mais, en vertu de l'OPS 1.1090, point 3.1, de ladite annexe, par l'exploitant pour chaque membre de l'équipage.

73. Ce ne serait que dans l'hypothèse où, compte tenu des éléments de fait de chaque cas d'espèce, des demandes, telles que celles en cause au principal, présenteraient des liens de rattachement plus étroits avec un endroit autre que celui de la « base d'affectation » que se trouverait mise en échec la pertinence de cette dernière pour identifier le « lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement leur travail » (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2002, Weber, C 37/00, EU:C:2002:122, point 53, ainsi que, par analogie, arrêt du 12 septembre 2013, Schlecker, C 64/12, EU:C:2013:551, point 38 et jurisprudence citée).

74. En outre, la nature autonome de la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail » ne saurait être remise en cause par la référence à la notion de « base d'affectation », au sens de ce règlement, contenue dans le libellé du règlement n° 883/2004, dès lors que ce dernier règlement et le règlement Bruxelles I poursuivent des finalités distinctes. En effet, alors que le règlement Bruxelles I poursuit l'objectif mentionné au point 47 du présent arrêt, le règlement n° 883/2004 a pour objectif, comme l'indique son considérant 1, outre la libre circulation des personnes, de « contribuer à l'amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi ».

75. Par ailleurs, la considération selon laquelle la notion de lieu où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail, à laquelle se réfère l'article 19, point 2, sous a), du règlement Bruxelles I, n'est, ainsi qu'il ressort du point 65 du présent arrêt, assimilable à aucune autre notion, vaut également en ce qui concerne la « nationalité » des aéronefs, au sens de l'article 17 de la convention de Chicago.

76. Ainsi, et contrairement à ce que Ryanair et Crewlink ont fait valoir dans le cadre de leurs observations, l'État membre à partir duquel un membre du personnel navigant d'une compagnie aérienne ou mis à sa disposition accomplit habituellement son travail n'est pas non plus assimilable au territoire de l'État membre dont les aéronefs de cette compagnie aérienne ont la nationalité, au sens de l'article 17 de la convention de Chicago.

77. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l'article 19, point 2, sous a), du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens que, en cas de recours formé par un membre du personnel navigant d'une compagnie aérienne ou mis à sa disposition, et afin de déterminer la compétence de la juridiction saisie, la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », au sens de cette disposition, n'est pas assimilable à celle de « base d'affectation », au sens de l'annexe III du règlement n° 3922/91. La notion de « base d'affectation » constitue néanmoins un indice significatif aux fins de déterminer le « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ».

Sur les dépens

78. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

L'article 19, point 2, sous a), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas de recours formé par un membre du personnel navigant d'une compagnie aérienne ou mis à sa disposition, et afin de déterminer la compétence de la juridiction saisie, la notion de « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail », au sens de cette disposition, n'est pas assimilable à celle de « base d'affectation », au sens de l'annexe III du règlement (CEE) n° 3922/91 du Conseil, du 16 décembre 1991, relatif à l'harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le domaine de l'aviation civile, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1899/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006. La notion de « base d'affectation » constitue néanmoins un indice significatif aux fins de déterminer le « lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ».