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Cour de cassation (1re ch.), 06/09/2018, C.17.0512.F, R.D.C.-T.B.H., 2019/5, p. 666-667

Cour de cassation 6 septembre 2018

OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES
Interprétation du contrat - Cession d'actions
Il suit de la combinaison des articles 1162 et 1602, aliénas 1er et 2, du Code civil que seules les clauses qui portent sur les obligations du vendeur telles qu'elles résultent de la vente s'interprètent contre ce dernier.
VERBINTENISSEN UIT OVEREENKOMST
Uitlegging overeenkomst - Overdracht van aandelen
Uit de samenhang van de artikelen 1162 en 1602, eerste en tweede lid van het Burgerlijk Wetboek volgt dat enkel de bedingen die betrekking hebben op de verbintenissen van de verkoper, zoals ze uit de verkoop blijken, ten nadele van laatstgenoemde worden uitgelegd.

Welica / La société belge de management et de gestion / J.P.H.

Siég.: Ch. Storck (président de section), D. Batselé, M. Delange, M.-C. Ernotte et S. Greubel (conseillers)
M.P.: Th. Werquin (avocat général)
Pl.: Me J. Verbist
Affaire: C.17.0512.F
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 mai 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

(…)

III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen
Quant à la première branche

Après avoir revelé que « les parties sont contraires quant à la limitation ou non de la garantie à la somme de 85.000 EUR », l'arrêt énonce que « la convention de cession du 25 octobre 2002 dispose [en son] article 2 [que] 'le prix auquel les actions sont vendues s'élève à 545.000 EUR, payables comme suit: à la signature de la présente convention, un montant de 460.000 EUR sera payé […]; le solde d'un montant de 85.000 EUR servira de garantie de la société BTC et est payé ce jour ou endéans les 15 jours à l'aide d'un autre chèque certifié, contre remise d'une garantie bancaire par le vendeur d'un même montant avec couverture jusqu'au 24 octobre 2007', [et en son] article 5 [que] 'le vendeur s'engage à indemniser la société/l'acheteur jusqu'à concurrence d'un montant équivalent à la diminution des fonds propres de la société lorsque cette diminution trouve son origine dans une violation ou dans une inexactitude des garanties données par le vendeur […]; l'indemnité à verser par le vendeur sera prélevée sur la garantie fixée à l'article 2' ».

En considérant qu' « il résulte de la combinaison des articles 2 et 5 que l'indemnité pour l'appel à la garantie doit être prélevée sur la somme donnée à titre de garantie, soit le montant de 85.000 EUR », et que, dès lors, cette somme « constitue le maximum admissible » au titre de l'indemnité due pour violation ou inexactitude des garanties, l'arrêt ne donne pas de la convention de cession une interprétation inconciliable avec ses termes, partant, ne viole pas la foi qui lui est due.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxième branche

Selon l'article 1162 du Code civil, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

L'article 1602 de ce code dispose, en son alinéa 1er, que le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige et, en son alinéa 2, que tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur.

Il suit de la combinaison de ces dispositions que seules les clauses qui portent sur les obligations du vendeur telles qu'elles résultent de la vente s'interprètent contre ce dernier.

L'arrêt énonce que le litige porte sur l'exécution d'une convention de cession d'actions d'une société BTC, que le vendeur a souscrit, à l'article 4, une « déclaration de garantie » et que, sous l'article 5 « sauvegarde », il « s'engage à indemniser la société/l'acheteur jusqu'à concurrence d'un montant équivalant à la diminution des fonds propres de la société lorsque cette diminution trouve son origine dans une violation ou dans une inexactitude des garanties données par le vendeur » et que « l'indemnité à verser par le vendeur sera prélevée sur la garantie fixée à l'article 2 », soit une somme de 85.000 EUR.

L'arrêt, qui relève que, selon la demanderesse qui a acquis les actions, « l'obligation de garantie n'est pas limitée à la somme de 85.000 EUR mais couvre la totalité des sous-évaluations de passif et des surévaluations d'actif » et, que, dans cette thèse, naît un doute sur la portée des articles 4 et 5 de la convention précitée qu'il y a lieu de dissiper en interprétant « contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, c'est-à-dire [la défenderesse], de telle sorte que c'est bien la somme de 85.000 EUR qui constitue le maximum admissible », ne viole pas les dispositions légales visées au moyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche

Il suit des énonciations reproduites dans la première branche du moyen que l'arrêt procède à une appréciation des éléments de la cause pour conclure à l'existence d'un doute, dans la thèse soutenue par la demanderesse, quant à la portée des articles 4 et 5 de la convention de cession.

Le moyen, qui, en cette branche, procède d'une lecture inexacte de l'arrêt attaqué, manque en fait.

Sur le deuxième moyen
Quant à la première branche

Il résulte de la réponse à la deuxième branche du premier moyen que seules les clauses qui portent sur les obligations du vendeur telles qu'elles résultent de la vente s'interprètent contre ce dernier.

L'arrêt énonce qu' « en ce qui concerne la durée de la garantie, l'article 4 [de la convention de cession d'actions] prévoit une durée de 5 ans tandis que l'article 5 prévoit que, pour être recevable, l'appel à la garantie doit être effectué dans les 2 ans », en sorte que « la convention contient donc des clauses contradictoires ».

L'arrêt, qui considère qu' « en application […] de l'article 1162 du Code civil, il faut en cas de doute interpréter la convention contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui s'est obligé, soit [la défenderesse] » en sa qualité de cédant, justifie légalement sa décision que « le délai pour introduire valablement un appel à garantie […] est donc de 2 ans à dater du 25 octobre 2002 ».

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche

Il suit des énonciations reproduites dans la première branche du moyen que l'arrêt procède à un examen des éléments de la cause pour conclure, en ce qui concerne la durée de la garantie d'actif et de passif donnée par le cédant, à une contradiction entre les articles 4 et 5, partant à l'existence d'un doute quant à leur portée.

Le moyen, qui en cette branche, procède d'une lecture inexacte de l'arrêt attaqué, manque en fait.

Sur le troisième moyen

En vertu de l'article 1138, 3°, du Code judiciaire, le juge est tenu de prononcer sur tous les chefs de demande dont il est saisi.

Dans ses conclusions de synthèse, la demanderesse demandait la condamnation des défendeurs solidairement, in solidum ou l'un à défaut de l'autre, chacun pour la totalité, à lui payer par la somme de 251.315,50 EUR à majorer des intérêts moratoires et judiciaires depuis le 26 février 2004.

En omettant de statuer sur la demande de la demanderesse à l'égard du défendeur, l'arrêt viole l'article 1138, 3°, précité.

Le moyen est fondé.

Par ce motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il omet de statuer sur la demande de la demanderesse à l'égard du défendeur et qu'il statue sur les dépens;

Rejette le pourvoi pour le surplus;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.

(…)