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L'exclusion d'un membre d'une ASBL, R.D.C.-T.B.H., 2019/9, p. 1152-1162

SOCIÉTÉS ET ASSOCIATIONS
ASBL - Droits et obligations des membres
Les droits et obligations des membres adhérents d'une ASBL doivent figurer dans les statuts de l'association. Le fait qu'ils soient repris dans un règlement d'ordre intérieur ne répond pas au prescrit de la loi et on doit en conclure que l'ASBL n'a pris aucune disposition à ce sujet. Dans cette hypothèse, il faut alors recourir aux règles prévues par l'article 1184 du Code civil applicables en cas de résolution unilatérale d'un contrat synallagmatique
VENNOOTSCHAPPEN EN VERENIGINGEN
VZW - Rechten en verplichten van de leden
De rechten en verplichtingen van de leden van een VZW moeten in de statuten van de vereniging worden vermeld. Het feit dat ze zijn opgenomen in een reglement van inwendige orde voldoet niet aan de wet en er moet worden geconcludeerd dat de vereniging geen enkele voorziening heeft getroffen wat dit betreft. In dit geval is het dan noodzakelijk om terug te grijpen naar de regels van artikel 1184 van het Burgerlijk Wetboek die van toepassing zijn in geval van eenzijdige verbreking van een wederkerig contract.
L'exclusion d'un membre d'une ASBL
Michel Davagle

Le tribunal de l'entreprise de Liège, division Namur, a été saisi d'un contentieux opposant une ASBL (un yacht club) à un de ses membres adhérents (M.N.) [1]. Le litige porte sur deux points: le non-renouvellement de l'autorisation d'amarrage de M.N. et l'exclusion de celui-ci de l'association. Si, sur le premier point, le tribunal donne raison à l'ASBL, il sursoit à statuer sur le deuxième point puisque les deux parties n'ont pas conclu sur les conditions qui ont entouré cette exclusion.

Bien que la décision ne concerne que l'exclusion d'un membre adhérent, cette note va aussi s'intéresser aux membres effectifs. En effet, il convient de toujours bien distinguer les dispositions qui trouvent à s'appliquer aux membres effectifs de celles qui concernent les membres adhérents (ex.: l'organe compétent amené à décider) et ce, afin de bien marquer cette différence dans les statuts de l'ASBL. Mais s'intéresser aux règles qui s'appliquent aux membres effectifs conduit aussi à se demander si les statuts ne pourraient pas transposer certaines de ces règles pour en faire bénéficier les membres adhérents.

Ainsi, après avoir précisé quelques notions (Section 1.), nous traiterons de l'exclusion d'un membre de l'ASBL tout en opérant une distinction entre la décision qui vise un membre effectif (Section 2.) et celle qui concerne le membre adhérent (Section 3.).

Il convient de préciser que le jugement statue sous l'emprise de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif mais l'article 2ter auquel il se réfère dans la loi de 1921 est repris intégralement à l'article 9:3, § 2, du Code des sociétés et des associations.

Section 1. Quelques préalables
1. L'exclusion d'un membre et la liberté d'association

1.La du 24 mai 1921 garantissant la liberté d'association [2] édicte en son article 2 les deux règles suivantes:

    • « Quiconque se fait recevoir membre d'une association, accepte, par son adhésion, de se soumettre au règlement de cette association, ainsi qu'aux décisions et sanctions prises en vertu de ce règlement. » (art. 2);
    • « [Le membre] peut en tout temps se retirer de l'association en observant le règlement; toute disposition réglementaire ayant pour effet d'annihiler cette liberté est réputée non écrite. » (art. 2, 2e phrase).

    Cette disposition nous intéresse particulièrement puisque la qualité de membre d'une association emporte l'obligation faite à celui-ci de se soumettre au règlement de cette association ainsi qu'aux décisions et sanctions prises en vertu de ce règlement. Ainsi, en adoptant cette disposition, le législateur affirme « (…) la primauté de la défense des intérêts collectifs de l'association sur celle des intérêts individuels de ses membres » [3]. En conséquence, le membre qui ne respecte pas le règlement et les décisions de l'association (p. ex., la non-observance des consignes ou le refus de payer la cotisation) à laquelle il est affilié peut se voir sanctionné par exemple, par un blâme, le paiement d'une amende ou une décision de suspension ou d'exclusion) en application d'une disposition de ce règlement.

    2.Selon nous, le règlement de l'ASBL auquel fait référence la loi du 24 mai 1921 désigne les statuts et, comme dans les sociétés [4], le règlement d'ordre intérieur (ROI) doit être considéré comme une décision prise en vertu des statuts. L'intérêt de cette nuance se situe au regard de la hiérarchie des normes puisque les statuts revêtent une valeur normative supérieure aux règles édictées par un règlement d'ordre intérieur [5], ce qui est confirmé par l'article 2:59, alinéa 2, du Code des sociétés et des associations (CSA), disposition commune à toutes les personnes morales régies par ce code. Il s'agit de voir si un ROI peut traiter de l'exclusion. (infra, n° 7).

    3.La possibilité d'exclusion peut se comprendre en considérant que, comme le souligne Frédéric de Patoul, le membre admet une sujétion envers l'ASBL: « l'adhésion à une instance implique un engagement de subordination de la volonté individuelle à l'intérêt propre de la personne morale et à ses choix exprimés par ses organes » [6]. En effet, le membre, par son admission dans une ASBL adhère à un projet commun qui doit, conformément à l'article 1:2 du CSA poursuivre un but désintéressé. On peut dès lors considérer que la personne qui pose sa candidature comme membre - puisqu'il ne peut être question qu'il soit obligé d'adhérer à une association - entend soutenir le projet collectif et se conformer aux décisions prises pour sa réalisation. Ceci étant, le membre dispose d'un droit de parole afin de défendre sa position mais il faudra aussi qu'il accepte la règle de la majorité auquel cas, s'il ne l'accepte pas, il devra se résoudre à démissionner. Du point de vue de la personne morale, il est normal qu'elle prenne des décisions afin de réaliser son objet et, au besoin, qu'elle écarte les membres qui constituent des obstacles sérieux à la bonne marche de ses activités et à la poursuite de son but.

    2. La différence entre membre effectif et membre adhérent

    4.Le terme « membre » désigne, dans une ASBL, celui qui est titulaire de tous les droits prévus par le CSA, en ce y compris celui d'être convoqué à l'assemblée générale, de participer aux délibérations et aux votes de celle-ci. Il est souvent dénommé « membre effectif ».

    Si le CSA ne connaît que le membre effectif, il reprend néanmoins, comme déjà précisé, une disposition insérée dans la loi du 27 juin 1921 qui prévoyait l'existence de membres adhérents. Il s'agit de tiers qui ont un lien particulier avec l'association: ils ne sont donc pas considérés comme des membres effectifs de l'ASBL puisqu'ils ne disposent pas a priori des droits accordés par le CSA aux membres effectifs.

    3. Où trouver les droits et obligations des membres?
    3.1. Les membres effectifs

    5.L'article 2:59 du CSA dispose que: « L'organe d'administration peut édicter un règlement d'ordre intérieur moyennant autorisation statutaire. Pareil règlement d'ordre intérieur ne peut contenir de dispositions:

    (…)

    3° touchant aux droits des (…) membres, aux pouvoirs des organes ou à l'organisation et au mode de fonctionnement de l'assemblée générale (…) »

    Il faut déduire de cette disposition que les droits des membres doivent être repris dans les statuts bien que l'article 2:5, § 2, alinéa 2, du CSA [7] ne l'exige pas explicitement. A noter que l'on pourrait, selon une lecture stricte de l'article 2:59, considérer que le ROI pourrait fixer les obligations (et non les droits) des membres et, par conséquent, les modifier, ce que nous ne pouvons admettre. En effet, on ne comprendrait pas les raisons pour lesquelles le législateur se montrerait, en la matière, moins contraignant envers les membres effectifs qu'à l'égard des membres adhérents (infra, n° 6).

    Cependant, en ce qui concerne l'exclusion, les statuts doivent nécessairement préciser « les conditions et formalités d'admission et de sortie des membres » [8]. Aussi, les conditions et formalités relatives à l'exclusion doivent-elles figurer dans les statuts et elles ne peuvent, en conséquence, figurer dans le ROI.

    3.2. Les membres adhérents

    6.En ce qui concerne les membres adhérents, le texte est plus explicite puisque l'article 9:3, § 2, du CSA dispose explicitement que: « Les droits et obligations des membres adhérents sont exclusivement déterminés par les statuts. » Aussi ces droits et obligations ne peuvent-ils figurer dans le ROI. (infra, n° 7).

    4. Qu'en est-il si les droits et obligations figurent dans le ROI?

    7.Si les statuts ne précisent rien à ce sujet et que, malgré tout, le ROI comble l'omission exigée par le CSA, il faut néanmoins considérer les dispositions prises par le ROI comme inexistantes puisqu'elles devraient figurer dans les statuts [9]. C'est aussi à cette conclusion qu'en arrive le tribunal de l'entreprise de Liège (dont le jugement est repris ci-dessus) puisqu'il décide: « Il convient dès lors d'écarter les dispositions du règlement d'ordre intérieur relatives aux membres adhérents et d'en revenir au droit commun. »

    Section 2. L'exclusion d'un membre effectif
    1. La procédure d'exclusion
    1.1. L'organe compétent

    8.L'article 9:23, alinéa 2, du CSA [10] précise que seule l'assemblée générale dispose du droit de décider de l'exclusion d'un membre, ce qui est également confirmé à l'article 9:12, 7°, du CSA [11]. Il s'agit donc d'une compétence légale attribuée exclusivement à l'assemblée générale: cela signifie que ce pouvoir ne peut être concédé au conseil d'administration ou à toute instance, que ce soit en vertu d'une clause statutaire ou d'une décision de l'assemblée générale elle-même [12]. Si une telle délégation était accordée, l'acte est annulable par le tribunal de l'entreprise puisqu'il contrevient au prescrit légal [13].

    1.2. La convocation à l'assemblée générale

    9.Si le pouvoir d'exclusion appartient à l'assemblée générale, il est requis, pour que celle-ci puisse valablement statuer, que cette assemblée soit valablement convoquée par le conseil d'administration. L'article 9:13 du CSA est, selon nous, très clair sur ce point puisqu'il stipule: « L'organe d'administration convoque l'assemblée générale dans les cas prévus par la loi ou les statuts ou lorsqu'au moins un cinquième des membres en fait la demande. » Nous considérons, comme le soutient un jugement du tribunal de Verviers annulant les décisions d'une assemblée générale d'une ASBL qui avait été convoquée par le président du conseil d'administration [14], que cette disposition est impérative [15]. Il nous faut donc critiquer la position qui considérerait que l'article 2:9, § 2, 6°, du CSA (anciennement l'art. 2, 6°, de la loi du 27 juin 1921) autorise les statuts à désigner une personne habilitée à convoquer l'assemblée générale [16].

    1.3. L'ordre du jour de l'assemblée générale

    10.La proposition d'exclusion d'un membre doit être portée à l'ordre du jour [17]. Mais l'identité de la personne dont on envisage l'exclusion, doit-elle être précisée dans cet ordre du jour? Nous le pensons puisqu'il s'agit d'un sujet important (l'exclusion d'un pair) à propos duquel des membres pourraient se mobiliser en vue de défendre celui-ci [18] ou, à tout le moins, s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une manoeuvre visant à éliminer un contradicteur considéré comme gênant par un conseil d'administration en mal de pouvoir.

    11.Certes, concernant la communication de l'identité du membre concerné, on peut opposer l'argument selon lequel l'ASBL ou le membre pourrait avoir intérêt à ce que le débat se fasse dans la plus grande discrétion. Mais notons que la procédure d'exclusion pourrait, dans le chef du membre, être facilement évitée si, conscient de la déviance de son comportement, il donne, préalablement à la décision d'exclusion, sa démission. C'est d'ailleurs ce qu'il se passera dans la plupart des cas.

    Quant à la notoriété de l'ASBL qui pourrait souffrir d'une publicité faite autour de cette procédure, le conseil d'administration rappellera utilement que tous les membres sont tenus à un devoir de discrétion et que, à peine de dommages et intérêts, ils ne peuvent nuire non seulement à l'ASBL mais aussi au membre.

    12.La rédaction du point mis à l'ordre du jour exige que celui-ci soit libellé avec prudence puisqu'il ne peut être question de faire apparaître que la décision d'exclusion est acquise [19] et que le vote est une simple formalité. Il convient de préférer le libellé suivant « proposition d'exclusion de monsieur. X. - exposé des faits reprochés - audition de monsieur X. dans ses explications sur les faits reprochés - décision de l'assemblée générale », plutôt que « décision d'exclusion de monsieur X. » ou « confirmation de la décision d'exclusion de monsieur X. ».

    13.La proposition d'exclusion ne pourrait-elle pas être portée à l'ordre du jour quand des faits importants sont découverts au cours de l'assemblée générale? L'assemblée générale pourrait-elle, par exemple, opter pour une telle solution quand, alors qu'elle entend révoquer sur le champ un administrateur, elle entend aussi l'exclure en qualité de membre?

    Il convient d'abord de noter que le CSA ne reprend pas l'article 7, alinéa 2, de la loi du 27 juin 1921 qui disposait que « des résolutions ne peuvent être prises en dehors de l'ordre du jour que si les statuts le permettent expressément ». Est-ce à dire que, outre les cas où le législateur le précise [20], l'assemblée générale pourrait décider d'ajouter un point à l'ordre du jour, notamment à la demande d'1/20 des membres? Nous ne pouvons accepter une telle pratique puisque l'ordre du jour doit, en application de l'article 9:14, alinéa 1er, du code, être joint à la convocation envoyée au moins 15 jours avant la date de l'assemblée générale, cet ordre du jour étant fixé, rappelons-le, par le conseil d'administration au moment où celui-ci décide de réunir l'assemblée générale. Nous considérons même que la suppression de l'ancien article 7 de la loi de 1921 aboutit à interdire qu'un point puisse être ajouté à l'ordre du jour et ce même dans l'hypothèse où les statuts en disposeraient autrement. Autrement dit, que ce soit pour la révocation d'un administrateur [21] ou l'exclusion d'un membre, une telle proposition ne peut être adoptée que lors d'une assemblée générale ultérieure.

    De surcroît, nous estimons que les points même urgents mis, en dernière minute, à l'ordre du jour ne favorisent pas l'analyse sérieuse de la situation et sont l'occasion rêvée pour certains de s'accaparer une part du pouvoir profitant de l'émoi qui agite l'assemblée générale. Autrement dit, si le point est si important, accordons-nous le temps de la réflexion pour prendre une décision dans la sérénité.

    1.4. Les règles de décision

    14.L'exclusion d'un membre exige, comme sous l'emprise de la loi du 27 juin 1921, que la décision soit prise à majorité des 2/3 des voix exprimées. Toutefois, le CSA ajoute une exigence de quorum, à savoir que dorénavant [22] l'assemblée générale doit, pour prendre cette décision d'exclusion, réunir au moins 2/3 des membres présents et représentés. Ces conditions relatives à la prise de décision s'imposent et ce, nonobstant les dispositions prévues par les statuts en la matière. En effet, les règles impératives supplantent les dispositions statutaires puisque l'article 9:24 stipule que l'exclusion se déroule « dans le respect des conditions de quorum et de majorité requise pour modifier les statuts ». Il n'est donc tenu compte que des voix exprimées, les absentions (ainsi que les votes blancs et nuls) n'entrant pas en ligne de compte pour le calcul des majorités [23]. Aussi, cette règle ne permet-elle plus de soutenir la solution retenue par la cour d'appel de Bruxelles [24] et par certains auteurs [25] selon laquelle « les abstentions, nuls et blancs sont donc pris en compte pour le calcul des majorités ».

    2. La participation à l'assemblée générale du membre que l'on entend exclure
    2.1. La convocation du membre

    15.Il convient d'abord de souligner que le membre dont on prononce l'exclusion doit, à peine de nullité [26], être convoqué puisque, jusqu'au moment de la décision de l'assemblée générale, il garde ses droits statutaires [27].

    2.2. Le droit d'exposer sa défense

    16.Le CSA considère que, avant que l'assemblée générale ne statue sur la proposition d'exclusion, le membre doit être entendu en ses moyens de défense sur ce point qui le concerne au premier chef [28]. En effet, le respect des droits de la défense est un droit fondamental [29] et un principe général de notre droit belge [30]. Dans une décision concernant une ASBL, la cour d'appel de Liège avait déjà rappelé les droits indéniables de la défense dans les termes suivants: « Attendu que de l'ensemble de ces éléments, il résulte que l'intimé n'a pas eu droit à une procédure équitable et objective, laquelle exige, à tout le moins, que la personne menacée d'une sanction ne soit pas jugée sans avoir pu, en connaissance de cause, contredire l'accusation en présence des personnes appelées à statuer à son égard; Attendu qu'une décision intervenue en méconnaissance d'un droit justement qualifié de naturel, ne peut constituer une atteinte illégitime au patrimoine de l'intimé, partant à ses droits civils que les cours et tribunaux se doivent de protéger ... » [31].

    Précisons que ce droit doit être exercé devant l'assemblée générale car elle est la seule habilitée à exclure un membre et elle doit pouvoir se prononcer en connaissance de cause [32].

    17.Pour pouvoir exercer son droit de défense, le membre doit connaître, avant la date de l'assemblée générale, les griefs qui lui sont reprochés afin qu'il puisse assurer valablement sa défense. Selon nous, le conseil d'administration doit préalablement adresser au membre les faits (et non des impressions ou des rumeurs) qui lui sont reprochés et la sanction qui risque d'être prononcée (c.-à-d. son exclusion) [33]. Cette notification doit être adressée personnellement et par écrit au membre [34] et ce, afin que l'ASBL se ménage la preuve que le membre a été dûment informé de la gravité des reproches qui lui sont formulés. N'est pas, selon nous, suffisamment précis un courrier reprochant au membre d'avoir, sans autre explicitation, eu un comportement irrespectueux, tenu des propos offensants ou adopté une attitude inacceptable.

    Par ailleurs, il ne sied évidemment pas d'envoyer au membre incriminé la veille ou l'avant-veille de l'assemblée générale les faits qui lui sont reprochés puisque l'ASBL doit laisser au membre un délai suffisant pour préparer sa défense.

    Il convient aussi de se demander si une copie de l'écrit adressé au membre et lui signifiant les faits reprochés doit être jointe à l'ordre du jour envoyé à tous les membres de l'assemblée générale. Aucune règle n'est édictée en la matière mais nous ne pouvons que conseiller la prudence puisque cette manière de faire (pour transparente qu'elle soit) pourrait être considérée comme pouvant nuire au membre (surtout si les reproches sont infondés ou peu fondés) et (ou) comme un « simulacre » de réunion, la cause pouvant être considérée par certains comme déjà entendue.

    18.On peut aussi s'interroger sur le fait de savoir si le membre doit avoir connaissance des preuves réunies contre lui: il nous semble que l'imputation de faits précis est suffisante pour que le membre puisse préparer sa défense mais cela n'exclut pas qu'il soit opportun de lui donner les preuves des reproches formulés puisque celles-ci devraient être présentées à l'assemblée générale.

    Notons qu'une instance instituée pour l'occasion peut évidemment être chargée d'instruire l'affaire afin de transmettre les résultats de l'enquête à l'assemblée générale et, le cas échéant, de formuler un avis. Pour ce faire, cette enquête doit être menée de manière impartiale et donc aussi de manière contradictoire.

    19.Enfin, il reste à préciser le temps accordé au membre pour exposer sa défense, la durée autorisée de l'intervention ne devant pas être trop courte mais nécessairement limitée: sur ce point, les statuts pourraient imposer des balises.

    2.3. L'assistance d'un avocat

    20.On ne peut invoquer l'article 6, 3., c), de la CEDH prévoyant l'assistance par un avocat [35] puisque ce texte vise seulement les droits d'une personne accusée d'une infraction. Toutefois, il convient d'autoriser le membre, afin de lui permettre d'assurer convenablement sa défense, à être accompagné par un avocat. C'est, selon nous, une exception à la règle selon laquelle la présence de tiers n'est possible que si elle est permise par une clause statutaire ou approuvée par l'assemblée générale [36].

    François De Bauw écrit à ce sujet: « (…) l'on doit néanmoins reconnaître à un participant le droit d'imposer la présence de son avocat dans les cas où il peut légitimement invoquer le droit de défense parce que sa situation personnelle est mise en cause et fait l'objet des délibérations » [37]. En appui de sa position, il invoque un arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 1963 qui précise que la décision d'exclure « n'enlève ni ne limite le droit d'un membre de s'expliquer et de se défendre » [38].

    Une clause statutaire pourrait, afin de lever toute ambiguïté à ce sujet, autoriser le membre d'être assisté, à sa demande, du soutien d'un avocat, voire d'une autre personne.

    2.4. La participation du membre au débat et au vote

    21.Une autre question épineuse se pose: le membre peut-il participer au débat et au vote concernant son exclusion? Il est évident que sa présence à ces deux moments du déroulement de la procédure n'est pas souhaitable.

    Un arrêt de la cour d'appel de Mons considère que le membre peut participer au vote puisque, tant qu'il n'est pas exclu, il jouit des pouvoirs afférents à sa qualité de membre [39]. En société, la doctrine considère que l'existence, dans le chef d'un actionnaire, d'un intérêt personnel, même opposé à celui de la société, ne l'empêche pas de participer aux délibérations et au vote [40] et ce même pour le vote de sa propre décharge [41]. Par ailleurs, on ne peut s'appuyer sur l'article 9:8 du CSA puisque cette disposition n'est prévue que pour les décisions du conseil d'administration et qu'elle ne vise que le conflit d'intérêt patrimonial [42]. Aussi considérons-nous que l'on ne peut interdire à un membre de participer au débat et au vote concernant sa propre exclusion. En effet, l'article 9:17 du code qui doit être analysé comme disposition impérative accorde un pouvoir votal d'au moins une voix à tout membre de l'ASBL.

    22.Mais les statuts ne pourraient-ils, pour ce cas particulier de l'exclusion, en disposer autrement? Nous le pensons [43] puisqu'une telle clause s'avère être strictement limitative et qu'elle est, en l'absence de toute idée de fraude ou d'abus, prise dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'ASBL [44]. Par ailleurs, sauf dans de très rares cas où le vote du membre aurait été décisif, la décision prise en application de la règle statutaire éventuellement instaurée ne pourra être annulée puisque, en application de l'article 2:42, 1°, du CSA, cette éventuelle irrégularité n'aura pas d'influence sur la délibération ou le vote.

    23.Quoiqu'il en soit, le vote doit, selon nous, être nécessairement un vote secret, puisqu'il concerne des décisions portant sur des personnes [45]. En effet, l'article 2:41 du CSA dispose: « à défaut de dispositions contraires des statuts, les règles ordinaires des assemblées délibérantes s'appliquent aux collèges et assemblées prévus par le présent code, sauf si les statuts en dispose autrement ». Or, l'article 55 de la Constitution précise que « les élections et présentations de candidats se font au scrutin secret » (ce qui est rappelé par le règlement de la Chambre [46]), cette règle devant aussi s'appliquer, selon nous, en cas d'exclusion. François De Bauw précise à ce sujet que « ce mode de scrutin vise essentiellement à protéger les intérêts de celui qui exprime le vote, en lui permettant, s'il estime devoir émettre un vote défavorable à la personne concernée, de le faire malgré l'influence que celle-ci pourrait exercer sur lui, et sans s'exposer à ce qu'elle lui en tienne rigueur » [47].

    2.5. L'absence du membre lors de l'assemblée qui envisage de l'exclure

    24.Bien que convoqué, il est possible que le membre décline l'invitation qui lui est faite de s'expliquer devant l'assemblée générale. Le fait qu'il n'ait pas été entendu ne peut, dans cette hypothèse, être considéré comme une cause de nullité de la décision: la procédure est respectée, le membre décidant de son propre chef de ne pas s'y conformer.

    Cependant, si une indisponibilité majeure du membre est dûment justifiée (p. ex. une hospitalisation), il nous paraît que l'assemblée générale doit surseoir à sa décision surtout si cette exclusion ne revêt pas un caractère d'urgence.

    3. L'annulation de la décision
    3.1. Le non-respect des règles formelles

    25.La décision ne peut être prise que dans le respect des règles formelles relatives à la convocation (supra, n° 9), au droit du membre de se défendre (supra, n° 16) et aux conditions fixées pour la prise de décision (supra, n° 14). Si l'une de ces dispositions n'est pas respectée, la décision prise par l'assemblée générale est susceptible d'être annulée [48].

    3.2. L'abus de droit

    26.L'article 2:42, 2°, du CSA stipule que la nullité de la décision de l'assemblée générale peut aussi être prononcée « en cas d'abus de droit, d'abus, d'excès ou de détournement de pouvoir ».

    Ainsi, si l'assemblée générale dispose d'un large pouvoir d'appréciation, elle ne peut, en aucun cas, abuser de son pouvoir auquel cas le juge ordonnera l'annulation de la décision, et donc la réintégration du membre, assortie éventuellement du paiement de dommages et intérêts.

    27.Comme le souligne Patrick Wéry: « A l'heure actuelle, les droits discrétionnaires, qui sont réfractaires à tout contrôle fondé sur l'interdiction de l'abus de droit, sont devenus quantité négligeable. » [49]. Aussi, le pouvoir d'exclusion d'un membre, considéré auparavant comme discrétionnaire, doit-il être apprécié principalement à l'aune du critère de proportionnalité [50]. Cela autorise donc le juge saisi du litige de s'immiscer dans l'appréciation de la proportionnalité de la gravité de la faute et de proportionnalité de la sanction retenue (à savoir l'exclusion). Telle est la position de la Cour de cassation française dans un arrêt rendu le 16 mai 1972 [51]. Celle-ci, saisie d'une demande attaquant la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait, en application des statuts, exclu un membre d'une association sportive, a décidé « qu'il ne suffisait pas à la cour d'appel de rechercher si les faits reprochés entraient bien dans les prévisions de ce texte, mais qu'elle était encore tenue de rechercher si, conformément au pacte social librement accepté par les parties et qui leur tenait de loi, l'exclusion du demandeur procédait d'un motif légitimant la mesure disciplinaire contre lui ». Cette position a été rappelée à plusieurs reprises par la Cour de cassation française, notamment dans les arrêts du 14 février 1979 [52] et du 28 octobre 1981 [53]. Certes ces deux derniers arrêts portent sur des décisions de suspension mais il nous paraît que cette solution s'applique a fortiori aux décisions d'exclusion. Et comme nous l'écrivions [54], « le membre en conflit avec une association s'en trouverait mieux protégé ». Cela nous amène donc à rejeter l'argument selon lequel: « on ne voit pas l'intérêt de débattre d'une faute ou d'un motif si la même décision peut être prise sans motif, du moment que la majorité renforcée des deux tiers est atteinte pour voter l'exclusion » [55]. Autrement dit, la décision d'exclusion doit toujours reposer sur un motif sérieux et ce même, si les majorités requises sont rencontrées. Il conviendra donc de vérifier en quoi la décision prise permet à l'ASBL de mieux rencontrer la réalisation de son but désintéressé [56].

    3.3. Les limitations statutaires

    28.Les statuts pourraient limiter le pouvoir d'exclusion de l'assemblée générale en énonçant, de manière limitative, les cas où les membres peuvent être exclus. Dans cette hypothèse, la décision d'exclusion ne pourra être justifiée que si elle répond à une des conditions fixées par les statuts. A noter toutefois que si les statuts énoncent à titre exemplatif des causes d'exclusion, l'assemblée générale pourra toujours prononcer l'exclusion d'un membre pour d'autres motifs que ceux repris dans les statuts.

    4. La motivation de la décision

    29.La décision d'exclusion ne doit pas être motivée: cela signifie que le raisonnement qui a conduit à la décision d'exclusion ne doit pas être expliqué puisque la décision résulte de l'addition d'avis « pour ou contre » exprimés lors d'un vote secret. De surcroît, chaque membre ne doit pas justifier sa position finale (et ce, même de manière anonyme). Le conseil d'administration notifiera la décision de l'assemblée générale sans autre explication, le membre connaissant les raisons de fait qui ont conduit à demander son exclusion à l'assemblée générale puisqu'elles sont reprises dans le courrier qui lui a été adressé avant la date de l'assemblée générale (supra, n° 17).

    Précisons qu'en règle générale, la décision d'exclusion sera précédée d'un avertissement stipulant au membre les obligations qu'il est en train d'enfreindre. Il conviendra évidemment de le rappeler dans l'écrit notifiant la décision prise.

    30.Si les statuts prévoient les seuls motifs que l'assemblée générale peut invoquer pour exclure un membre, on peut se demander si l'ASBL n'est pas tenue de motiver sa décision. Nous pensons que, dans ce cas, la lettre adressée au membre doit montrer en quoi les faits contreviennent aux statuts. Autrement dit, il faut selon nous, établir l'existence d'un lien de causalité entre les faits et le comportement jugé répréhensible. Le pouvoir judiciaire amené à statuer sur une contestation de la décision par le membre, ne pourra alors faire l'économie « de vérifier si la vérité n'a pas été altérée, si des faits inexistants n'ont pas été imputés et si le motif concret recouvre le motif statutaire » [57].

    5. Les droits du membre exclu

    31.L'article 9:23, alinéa 3, du CSA précise que le membre exclu « ne peut prétendre aux avoirs de l'association et ne peut réclamer le remboursement des cotisations qu'il a versées ». L'article 12, alinéa 3, de la loi du 27 juin 1921 ajoutait néanmoins « à moins de dispositions contraires dans les statuts ». Un membre ne peut donc plus demander le remboursement des cotisations qu'il a versées. Mais l'article 9:23 du CSA innove puisqu'il ajoute: « les statuts peuvent néanmoins prévoir que les membres ont un droit de reprise de leur apport »; ce faisant, il ouvre une boîte de Pandore car, sans autrement définir ce qu'il faut entendre par apport pour une ASBL [58], il ne réglemente pas les éventuelles conditions de la reprise, laissant aux statuts le soin de régler concrètement cette disposition.

    Section 3. L'exclusion d'un membre adhérent

    32.La procédure d'exclusion d'un membre adhérent - si l'ASBL choisit de créer cette catégorie de membres - doit aussi être décrite dans les statuts. Cela suppose que ceux-ci prévoient:

      • la manière dont les membres sont informés du fait que l'ASBL envisage de prononcer son exclusion;
      • la possibilité pour le membre d'exposer ses moyens de défense;
      • l'instance compétente pour décider de la sanction;
      • la manière dont la décision est signifiée au membre adhérent.

      En règle générale, la proposition d'exclusion sera précédée d'un avertissement, la procédure d'exclusion s'inscrivant alors comme une suite logique de nouveaux manquements constatés.

      1. L'information du membre adhérent

      33.Le membre adhérent dont on envisage l'exclusion doit être informé de manière claire, précise et concrète des faits qui lui sont reprochés ainsi que de la sanction qu'il encourt (en l'occurrence, le risque d'être exclu).

      Cette notification doit lui être envoyée, dans tous les cas, par écrit (supra, n° 17) et, évidemment, avant que la décision ne soit prise par le conseil d'administration ou par l'instance statutaire créé(e) à cet effet (supra, n° 34). En effet, le membre peut toujours opposer des arguments à ce qui lui est reproché, ce qui est de nature à éclairer les personnes qui vont être tenues de décider de son exclusion éventuelle. Cela suppose aussi qu'il soit accordé un laps de temps suffisant afin de permettre au membre de réagir.

      2. L'instance compétente pour prononcer l'exclusion

      34.L'organe compétent pour exclure est, contrairement à ce qui est imposé pour les membres effectifs (supra, n° 8), le conseil d'administration. En effet, le pouvoir d'exclusion d'un membre adhérent ne relève pas des compétences de l'assemblée générale telles que précisées à l'article 9:12 du CSA. Aussi, comme auparavant, le conseil d'administration dispose du pouvoir résiduel, à savoir celui de décider pour tout ce qui n'est pas prévu par la loi ou les statuts, ressortissant de la compétence du conseil d'administration [59]. Les statuts de l'ASBL pourraient évidemment réserver ce pouvoir à l'assemblée générale et ce, en application de l'article 9:12, 10°, du CSA.

      Le pouvoir d'exclusion relevant de la compétence du conseil d'administration, la décision sera prise, à moins que les statuts en décident autrement, à la majorité absolue des voix exprimées [60] des administrateurs présents ou représentés, le conseil d'administration devant réunir au moins la moitié des administrateurs présents ou représentés [61]. Il convient de noter que si les statuts confèrent le pouvoir d'exclusion d'un membre adhérent à l'assemblée générale, la décision sera prise, à moins que les statuts en décident autrement, conformément aux règles des assemblées délibérantes [62]: à la majorité absolue des voix exprimées des membres présents ou représentés [63], l'assemblée générale devant réunir au moins la moitié des membres présents ou représentés.

      35.Le pouvoir d'exclusion pourrait-il être conféré statutairement à une autre instance? Si, concernant les membres effectifs, le pouvoir d'exclusion attribué à l'assemblée générale ne peut être délégué à une autre instance (supra, n° 8), il en est autrement pour l'exclusion d'un membre adhérent, les statuts étant la loi des parties. Ce pouvoir peut donc être confié à un ensemble de personnes (souvent dénommé « bureau ») agissant alors collégialement, voire à une ou plusieurs personnes pouvant agir séparément ou conjointement.

      Notons néanmoins que, en application de l'article 9:7, § 1er, alinéa 2, du CSA, la restriction ainsi apportée aux pouvoirs du conseil d'administration est inopposable aux tiers même si elle est publiée.

      36.En l'absence d'une stipulation statutaire, le conseil d'administration pourrait-il néanmoins déléguer son pouvoir de décision à une autre instance? Si on admet que le conseil d'administration puisse déléguer certains de ses pouvoirs de décision, l'article 9:3, alinéa 2, du CSA impose néanmoins que les statuts déterminent les droits et obligations des membres adhérents (supra, n° 6). En conséquence, si l'on ne peut accepter que l'instance compétente puisse être déterminée par le ROI, a fortiori ce pouvoir ne peut être délégué par une simple décision du conseil d'administration notifiée dans un procès-verbal.

      37.Le pouvoir d'exclusion d'un membre adhérent ne relève-t-il pas des pouvoirs conférés à l'organe de gestion journalière? L'article 9:10, alinéa 2, du CSA définit ce qu'il faut entendre par gestion journalière: « La gestion journalière comprend aussi bien les actes et les décisions qui n'excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de l'association que les actes et les décisions qui, soit en raison de l'intérêt mineur qu'ils représentent, soit en raison de leur caractère urgent, ne justifient pas l'intervention de l'organe d'administration. »

      Nous ne pouvons considérer que l'exclusion d'un membre est un acte qui relève de la vie quotidienne d'une ASBL. Et nous ne voyons pas non plus en quoi une telle décision peut être considérée d'intérêt mineur (bien au contraire) ou, sauf situations très particulières, qu'elle puisse être justifiée par une quelconque urgence. Autrement dit, le pouvoir d'exclusion ne peut être considéré, à défaut de stipulation statutaire, comme pouvant être transféré implicitement à l'organe de la gestion journalière. A supposer que l'on n'accepte pas notre position, il faut néanmoins préciser que l'article 9:10 du CSA concerne l'organe de gestion journalière, ce qui suppose qu'il soit institué en vertu d'une disposition statutaire et que l'identité de la ou des personnes composant cet organe soit publiée aux annexes du Moniteur belge. Autrement dit, s'il s'agit d'une délégation de pouvoirs décidée par une simple décision du conseil d'administration, nous nous retrouvons dans l'hypothèse évoquée supra au n° 36.

      3. L'audition préalable du membre adhérent

      38.Le membre adhérent peut-il exposer ses moyens de défense oralement devant le conseil d'administration ou l'instance statutaire compétente (supra, n° 35)? Même si cette phase de la procédure n'est pas prévue dans les statuts, nous pensons qu'une audition doit être organisée. Aussi, la lettre de convocation à cette audition devrait-elle reprendre (ou rappeler) les faits reprochés et préciser la date, le lieu et l'heure de cette audition.

      La question délicate à trancher est celle de savoir si une telle opportunité lui est refusée la décision est-elle annulable. Nous le pensons même si certains continuent à penser, à tort, que l'ASBL dispose en la matière d'un pouvoir discrétionnaire (supra, n° 27).

      39.En pratique, un premier entretien informel pourrait avoir lieu entre un administrateur et le membre adhérent. Mais ce type de contact ne remplace pas cette audition qui doit se dérouler dans un cadre formel préalablement défini.

      4. La notification de la décision

      40.Tant que la décision d'exclusion n'est pas prise par l'organe compétent et notifiée au membre adhérent, celui-ci doit toujours être considéré comme gardant sa qualité de membre adhérent de l'ASBL. Aussi celle-ci veillera-t-elle à signifier par écrit la décision prise. Elle ne doit pas être motivée (supra, n° 29) mais elle doit reprendre les faits reprochés et la décision qui a été prise par l'instance compétente.

      Il reste que la décision ne peut, en aucun cas, être arbitraire (supra, n° 26), un motif sérieux et légitime d'exclusion devant toujours pouvoir justifier la décision prise.

      5. Quid en l'absence de précision statutaire?

      41.L'article 9:3, § 2, du CSA (supra, n° 6) exige que les droits et obligations des membres adhérents figurent « exclusivement » dans les statuts de l'ASBL et non dans le ROI. Faute de respecter ce prescrit, il faut considérer, comme nous l'avons précisé ci-dessus (supra, n° 7), les dispositions du ROI comme inexistantes. Ce sera évidemment aussi le cas si l'ASBL n'a pas instauré de ROI.

      42.Comme la relation qui existe entre le membre adhérent et l'ASBL est de nature contractuelle, il faut donc s'en référer au droit commun des contrats. En l'occurrence, il convient d'appliquer les règles prévues en matière de résolution unilatérale d'un contrat synallagmatique qui s'appliquent à tous les contrats, y compris les contrats innomés [64] sur base de l'article 1184 du Code civil. Certes le contrat d'association n'est plus innomé dès lors qu'il est défini à l'article 1:2 du CSA mais le code ne prévoit aucune règle pour ce contrat sur lequel repose l'association de fait: il se borne à renvoyer « à la convention des parties » (art. 1:6, § 1er, CSA) et donc, implicitement, à la théorie générale des contrats applicable à toute convention. A propos de la résolution sur base de l'article 1184, le tribunal de l'entreprise de Liège s'en réfère à l'opinion majoritaire [65] qui prévaut en la matière et reprend les cinq conditions formulées par Patrick Wery  [66] à savoir:

        • « le débiteur doit avoir commis une faute contractuelle d'une suffisante gravité pour justifier la résolution judiciaire de la convention;
        • comme toute sanction de l'inexécution, la résolution unilatérale doit être précédée, en règle générale, d'une mise en demeure qui somme le débiteur de s'acquitter de ses engagements dans un délai raisonnable;
        • le créancier doit avoir pris les mesures utiles pour constater les défaillances du débiteur, par voie judiciaire, d'une manière contradictoire ou par tout autre moyen;
        • le créancier est tenu de notifier de manière claire et non équivoque sa décision de résoudre la convention et de préciser, dans cet acte de notification, le manquement reproché qui fonde sa décision;
        • la résolution extrajudiciaire n'est admise que dans des circonstances exceptionnelles » [67].

        Les conditions fixées par l'application de l'article 1184 du Code civil sont très proches des conditions qui devraient être à tout le moins respectées pour toute exclusion prononcée en application d'une disposition statutaire.

        Conclusion

        L'exclusion d'un membre effectif ou adhérent exige certes de respecter les règles formelles imposées par le CSA ou par les statuts, les seules à régir la question pour un membre adhérent. Mais le pouvoir de décision de l'organe habilité à décider [68] n'a plus, selon nous, un caractère discrétionnaire. Se profile une nouvelle exigence: celle d'avoir des raisons sérieuses pour exclure le membre effectif ou le membre adhérent. Cela signifie que l'ASBL doit pouvoir démontrer que le membre manque gravement aux obligations essentielles du contrat d'association [69] et corrélativement se doit, sauf situations exceptionnelles, de le mettre, préalablement, en demeure de respecter ses obligations.

        L. Silkora décrit bien cette évolution quand il écrit: « Dès lors, le droit associatif se voit imposer un corps minimum de règles processuelles en cas d'exclusion d'un membre. Il est aujourd'hui admis que le membre d'un groupement ne peut pas subir l'exclusion sans avoir été mis en mesure de présenter sa défense et qu'il ait été informé de la procédure d'exclusion mise en oeuvre. » [70].

        [1] Jugement du 5 février 2019, R.G. A/17/01005.
        [2] Pour un bref aperçu de la situation avant l'adoption de la loi du 27 juin 1921 accordant la personnalité civile aux associations sans but lucratif et aux établissements d'utilité publique, lire: M. Coipel et M. Davagle et pour la partie fiscale V. Sepulchre, ASBL, Rép. not., T. XII, Liv. VIII et tiré à part, Bruxelles, Larcier, 2017, pp. 193 à 207, nos 1 à 23.
        [3] J. Piron et P. Denis, Le droit des relations collectives de travail en Belgique, Bruxelles, Larcier, 1970, p. 14.
        [4] H. Laga, « Het reglement van inwendige orde in vennootschappen », T.P.R., 1993, p. 902, n° 7.
        [5] M. Coipel, M. Davagle et V. Sepulchre, o.c., p. 539, n° 563, a).
        [6] F. de Patoul, « Le règlement d'ordre intérieur comme instrument d'organisation », in La bonne gouvernance dans les ASBL, Liège, Edipro, 2011, dossier n° 12, p. 139. En ce sens: H. Laga, o.c., p. 902, n° 7.
        [7] Cet art. renvoie à l'art. 2:9, § 2, c.-à-d. au contenu de l'extrait de l'acte constitutif.
        [8] C'est précisé à l'art. 2:9, § 2, 5° auquel l'art. 2: 2.5, § 2, al. 2, renvoie.
        [9] M. Coipel, M. Davagle et V. Sepulchre, o.c., p. 541, n° 565, b).
        [10] Sous l'emprise de la loi du 27 juin 1921, cette disposition était reprise à l'art. 12.
        [11] Dans la loi de 1921, cette disposition était reprise à l'art. 4, 7°.
        [12] Civ. Bruxelles, 29 janvier 1958, J.T., 1962, p. 101; A. Buisseret, Associations sans but lucratif, Louvain, Librairie universitaire, 1967, pp. 58 et 59; J.-M. Chandelle, « Les membres de l'ASBL: accès et exclusion », in Les ASBL évaluation critique d'un succès, Université de Liège, Commission Droit et Vie des Affaires, Gand, E.Story-Scientia, 1985, p. 360; M. Coipel, M. Davagle et V. Sepulchre, o.c., p. 567, n° 617.
        [13] La violation de la loi est un « détournement de pouvoir » qui permet une annulation de la décision sur base de l'art. 2:42, 2°, du CSA.
        [14] Civ. Verviers, 18 octobre 1994, R.G. 242/45, inédit.
        [15] M. Coipel, M. Davagle et V. Sépulchre, o.c., p. 584, n° 664; J. Goedseels, La personnalité civile des associations sans but lucratif et des établissements d'utilité publique, Bruxelles, Librairie Hauchamps, 1921, p. 106.
        [16] Certes le pouvoir de signer la convocation peut être délégué mais le pouvoir de décider de convoquer reste, selon nous, un pouvoir attribué au seul conseil d'administration. Néanmoins, certains auteurs estiment que les statuts pourraient confier le pouvoir de décider de convoquer l'assemblée à toute autre instance ou personne: Ph. Coenraets, Traité jurisprudentiel des associations sans but lucratif, o.c., p. 65; Fr.-X. Dubois, Associations et fondations, Heule, UGAJ, 2003, p. 150, n° 189; J. Goedseels, Traité juridique des associations et des établissements publics, Bruxelles, Larcier, 1935, p. 110, n° 955; J. t Kint, Les associations sans but lucratif, Bruxelles, Larcier, 1974, p. 126, n° 269; A. Jansen, « Assemblée générale », in ASBL, Fondations et associations internationales, Bruges, la Charte, 2004, p. 51, no 9. Nous ne suivons pas cette position et nous continuons à considérer que seul le pouvoir de signer la convocation peut être délégué.
        [17] Art. 9:23, al. 2, CSA.
        [18] Comment pourraient-ils se mobiliser s'ils ne connaissent pas l'identité de la personne dont on prononce l'exclusion?
        [19] Cass. fr. (1er ch. civ.), 25 octobre 2017, n° pourvoi 16-21612.
        [20] Comme, p. ex., en cas de modification statutaire (art. 9:21, al. 1er, CSA) ou de dissolution judiciaire (art. 2:110, § 1er, al. 1er, CSA), celle-ci renvoyant aux conditions prévues pour la modification de l'objet ou du but désintéressé de l'association.
        [21] M. Coipel, M. Davagle et V. Sepulchre, o.c., p. 567, n° 617. Contra: Fr. De Bauw, Les assemblées générales dans les sociétés anonymes, Bruxelles, Larcier, 1996, p. 242, n° 567.
        [22] A dater du 1er mai 2019, pour les ASBL constituées après cette date. A partir du 1er janvier 2020, pour les ASBL existantes au 1er mai 2019.
        [23] Art. 9:21, al. 3, CSA.
        [24] Bruxelles, 11 mars 2008, cité par J.-P. Vincke, ASBL Actualités, 10 décembre 2009, n° 133, p. 5.
        [25] Ph. t Kint, Les associations sans but lucratif, Bruxelles, Larcier, 1999, p. 138, n° 191; A. Jansen, « Assemblée générale », in ASBL, Fondations et associations internationales, Bruges, la Charte, 2004, p. 52, n° 13. Contra: M. Davagle, Memento des ASBL 2018, Waterloo, Kluwer, p. 275, n° 740.
        [26] J.-M. Chandelle, « Les membres de l'ASBL: accès et exclusion », in Les ASBL. Evaluation critique d'un succès, Université de Liège, Commission Droit et Vie des Affaires, Gand, E.Story-Scientia, 1985, p. 360.
        [27] Civ. Furnes, 1er juin 1961, Rev. prat. soc., 1963, n° 5171.
        [28] En ce sens: V. Simonart, Associations sans but lucratif, associations internationales sans but lucratif et fondations, R.P.D.B., Bruylant, 2016, p. 217, n° 285.
        [29] Cass., 27 mai 1971, Pas., 1971, I, p. 886; V. Simonart, o.c.
        [30] Cass., 9 octobre 1980 J.T., 1981, p. 70; Pas., 1981, I, p. 159, Concl. E. Krings; R.C.J.B., 1982, p. 8, note; Res jur. imm., 1982, p. 107; Cass., 19 décembre 1980, Pas., 1981, I, p. 444.
        [31] Liège, 13 décembre 1982, cité par J.-M. Chandelle, « Les membres de l'ASBL: accès et exclusion », o.c., p. 365.
        [32] Bruxelles, 11 mars 2008 T.R.V., 2009, p. 524, note D. Van Gerven. Cet arrêt est cité par J.-P. Vincke, in « Attention à l'exclusion d'un membre d'une ASBL », ASBL Actualités, Liège, Edipro, n° 133, 10 décembre 2009, p. 6.
        [33] Cass. fr. (1er ch. civ.), 17 mars 2011, n° 10-14.124, RJDA, 6/11, n° 533.
        [34] Un affichage ou une mention sur facebook ne répondent pas à cette exigence.
        [35] L'assemblée générale n'est pas une instance juridictionnelle mais un organe délibérant où s'expriment nécessairement des avis divergents (F. De Bauw, Les assemblées générales dans les sociétés anonymes, o.c., p. 219, n° 505).
        [36] M. Coipel, M. Davagle et V. Sepulchre, o.c., p. 773, 1017.
        [37] Fr. De Bauw, Les assemblées générales dans les sociétés anonymes, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 220, n° 506. En ce sens: Prés. Comm. Gand, 1er septembre 1989, R.D.C., 1991, p. 34, obs. J.-P. Blumberg, p. 41.
        [38] Cass., 26 septembre 1963, Pas., 1964, I, p. 92; Rev. prat. soc., 1964, p. 17, note P. Coppens.
        [39] Mons, 10 avril 2003, R.G. 2000/RG/597, inédit; Bruxelles, 11 mars 2008, T.R.V., 2009, p. 524, note D. Van Gerven. En ce sens: Ph. 't Kint, Le droit des ASBL, t. I, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 749, n° 7.3.3.2.2.
        [40] Fr. De Bauw, o.c., p. 272, n° 658.
        [41] H. Laga, « L'administrateur et le conflit d'intérêts: le nouvel article 60, la notion d'administrateur indépendant et le nouvel article 60bis dans les sociétés cotées », Séminaire Vanham & Vanham, 30 mai 1966, p. 10; Ch. Resteau, Traité des sociétés anonymes, 3e éd. revue et mise à jour par A. Benoît-Moury et A. Grégoire, t. II, Bruxelles, Swinnen, 1882, p. 449, n° 1256.
        [42] En ce sens J. t Kint, note sous Civ. Bruxelles, 5 avril 1957, Rev. prat. soc., 1961, p. 230.
        [43] M. Coipel, M. Davagle et V. Sepulchre, o.c., p. 405, 315.
        [44] Cass., 13 avril 1989, Pas., 1989, I, p. 825; R.D.C., 1989, p. 878; T.R.V., 1989, p. 321, note M. Wyckaert; T.R.V., 1989, p. 321, note F. Bouckaert; Rev. not. belge, 1989, p. 410; R.W., 1989-1990, p. 253; J.T., 1990, p. 751; R.C.J.B., 1991, p. 205, note J. Nelissen Grade; J.D.S.C., 1999, p. 96, note P. Kileste et C. Bertsch; J.D.S.C., 2000, p. 129, note J. Goffin et E. Viatour.
        [45] P.A. Frank, Manuel pratique des assemblées générales d'actionnaires dans les sociétés anonymes, Bruxelles, Editions l'Avenir, 1944, p. 163; Ch. Resteau, Traité des sociétés anonymes, 3e éd. revue et mise à jour par A. Benoît-Moury et A. Grégoire, t. II, o.c., p. 400, n° 1206.
        [46] Art. 58-4 Règl. Chambre, adopté en juin 2019.
        [47] F. De Bauw, o.c., p. 263, n° 631.
        [48] Art. 2:42, 1°, CSA.
        [49] P. Wery, Droit des obligations, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Larcier, p. 137, n° 113.
        [50] P. Wery, o.c., p. 139, n° 114; P.A. Foriers, « Observations sur le thème de l'abus de droit en matière contractuelle » (note sous Cass., 30 janvier 1992), R.C.J.B., 1994, p. 225, n° 24.
        [51] Cass. fr. (1re ch. civ.), 16 mai 1972, Bull. n° 127; J.C.P., 1972, II, p. 17285, note R. Lindon; RTD civ., 1973, p. 144, obs. C. Cornu.
        [52] Cass. fr. (1re ch. civ.), 14 février 1979, Bull., I, n° 60; RTD com., 1979, p. 766, obs. Alfandari et Jeantin; Rev. soc., 1980, p. 140, obs. Plaisant; D.S., 1979, IR, p. 542, obs. F. Alaphilippe et J.-P. Karaquillo.
        [53] Cass. fr. (1re ch. civ.), 28 octobre 1981, Bull., I, n° 316; D., 1982, p. 381, note G. Sousi.
        [54] M. Coipel, M. Davagle et V. Sepulchre, o.c., p. 405, 316.
        [55] Ph. t Kint, Le droit des ASBL, t. I, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 749, n° 7.3.3.2.2.
        [56] J.-M. Chandelle, o.c., p. 364. Dans le même sens: A. Rouast, « Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés », R.T.D.C., 1944, pp. 1 et s.
        [57] P. Coppens, note sous Cass., 28 septembre 1963, R.P.D., 1964, n° 5174, p. 20.
        [58] L'art. 1:8, § 1er, du CSA définit la notion d'apport pour les sociétés: « L'apport est l'acte par lequel une personne met quelque chose à disposition d'une société à constituer ou d'une société existante pour en devenir associé ou accroître sa part d'associé, et dès lors participer aux bénéfices. »
        [59] Art. 9:7, § 1er, al. 1er, CSA.
        [60] C.-à-d. plus de la moitié des voix exprimées.
        [61] Art. 2:41 CSA.
        [62] Art. 2:41 CSA.
        [63] C.-à-d. plus de la moitié des voix exprimées.
        [64] P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t. I, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 881, n° 583.
        [65] M. Coipel, Eléments de théorie générale des contrats, Diegem, E.Story-Scientia, Kluwer Editions juridiques, 1999, 1999, p. 116; V. Pirson, « Les clauses relatives à la résolution des contrats », in Les clauses applicables en cas d'inexécution des obligations contractuelles, ouvrage collectif, Bruxelles, la Charte, 2001, pp. 103 et s.; S. Stijns, D. Van Gerven et P. Wery, « Chronique de jurisprudence. Les obligations: les sources », J.T., 1996, p. 740, n° 147 et les références.
        [66] P. Wery, Droit des obligations, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Larcier, pp. 765 et 766, n° 791.
        [67] Patrick Wéry ajoute: « Sur ce dernier point, l'accord ne règne pas en doctrine et en jurisprudence. Certains auteurs imposent une situation d'urgence. D'autres considèrent cette approche trop étroite. »
        [68] L'assemblée générale pour les membres (effectifs) ou, en principe, le conseil d'administration, pour les membres adhérents.
        [69] P. Van Ommeslaghe, o.c., p. 896, n° 589.
        [70] L. Silkora, L'exclusion des membres des groupements de droit privé, thèse dactyl., Université Robert Schuman, Strasbourg, 11 octobre 2007, nos 787 et s., cité par J. Verlhac, Droit associatif européen, Bruxelles, Larcier, 2012, n° 323.