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La crise et le droit économique. La liberté d'entreprendre en (période de) crise, R.D.C.-T.B.H., 2020/10, p. 1361-1386

La crise et le droit économique.
La liberté d'entreprendre en (période de) crise

Dodo Chochitaichvili [1] et Régine Feltkamp [2]

TABLE DES MATIERES

I. Introduction

II. Le droit économique: division de pouvoirs « à la belge »

III. La liberté d'entreprendre A. Principe

B. Nature 1. Règle de droit belge

2. Liberté constitutionnelle?

3. Disposition d'ordre public

4. Notion de droit européen

C. Limitations de la liberté

IV. Restrictions à la liberté d'entreprendre en temps de crise A. Pouvoir général de restriction

B. Instruments d'intervention 1. Les pouvoirs spéciaux

2. Pouvoirs spécifiques du ministre de l'économie a. Champ d'application général: la notion de crise

b. Mesures qui peuvent être prises

V. Conclusions

RESUME
En réponse à la pandémie de COVID-19, diverses mesures ont été prises par les pouvoirs publics pour arrêter la propagation du virus SARS-CoV-2. Ces mesures comprenaient l'imposition d'un « lockdown » général qui a été progressivement assoupli à la fermeture d'un certain nombre d'activités économiques spécifiques (tels que l'horeca et le secteur de l'événementiel) qui, en raison des contacts physiques qu'elles génèrent, comporteraient un risque particulier de résurgence et une propagation exponentielle du virus. A la lumière de ces crises, mais également d'éventuelles crises futures, compte tenu du caractère très drastique des mesures qui ont contraint différentes entreprises à fermer leur activité, la question se pose, du point de vue du droit des entreprises, de savoir comment ces mesures sont liées au principe fondamental de la liberté d'entreprendre qui régit l'activité économique, et dans quelle mesure et à quelles conditions le pouvoir public belge peut restreindre cette liberté. La présente contribution porte sur cette question. Après avoir rappelé les principes de la liberté d'entreprendre, cette contribution examine les restrictions qui peuvent être apportées à cette liberté par la réglementation (au sens large du terme). Elle examine également les instruments dont dispose le pouvoir public, notamment dans le cadre de la réglementation économique, pour intervenir en situation de crise.
SAMENVATTING
Naar aanleiding van de COVID-19-pandemie werden verschillende maatregelen genomen door de overheden om de verspreiding van het virus SARS-CoV-2 tegen te houden. Deze maatregelen behelsden onder andere de oplegging van een algemene “lockdown” die gaandeweg versoepeld werd tot de sluiting van een aantal specifieke economische activiteiten (zoals de horeca en de evenementensector), die omwille van de fysieke contacten waartoe zij aanleiding geven, een bijzonder risico op heropflakkering en exponentiële verspreiding van het virus zouden inhouden. In het licht van deze maar ook mogelijke toekomstige crisissen, en gelet op de toch wel zeer ingrijpende aard van de maatregelen die verschillende ondernemers tot sluiting van zijn/haar activiteit heeft gedwongen, stelt zich vanuit ondernemingsrechtelijk perspectief de vraag hoe dergelijke maatregelen zich verhouden tot het fundamentele beginsel van de vrijheid van ondernemen die de economische activiteit beheerst en in welke mate en onder welke voorwaarden de Belgische Overheid deze vrijheid aan banden kan leggen. Deze bijdrage gaat hier nader op in. Na de principes inzake vrijheid van ondernemen in herinnering te hebben gebracht, onderzoekt deze bijdrage de beperkingen die volgens de regelgeving (in de ruime zin van het woord) aan deze vrijheid kunnen worden opgelegd. Daarbij wordt ook ingegaan op de instrumenten waarover de Overheid, in het bijzonder in het kader van de economische regelgeving, beschikt om in een crisissituatie in te grijpen.
I. Introduction

1.Nous vivons actuellement une période particulièrement difficile en raison de la pandémie de COVID-19, créée par le virus SARS-CoV-2 et les diverses mesures prises par l'autorité publique afin de l'endiguer. Plusieurs de ces mesures résultent en un confinement des activités, en particulier des activités économiques. Face à la crise sanitaire à laquelle elle est confrontée, l'autorité publique a en effet jugé nécessaire, à deux reprises déjà, d'imposer différentes mesures affectant directement ou indirectement l'activité économique, allant de la fermeture complète d'entreprises et de commerces « non-essentielles » à haut risque de contacts sociaux physiques, comme les entreprises du secteur de l'horeca et de l'événementiel, à des mesures moins contraignantes, comme un « couvre-feu » limité ou le « social distancing ». Ces diverses mesures impliquent des restrictions à portée variable, touchant à la production, la distribution et la mise à disposition de biens et de services ou, à tout le moins, des modifications de la façon d'entreprendre et de consommer (p. ex., la reconversion du commerce « physique » vers le commerce online ou take away). Ces mesures ont eu un impact, d'une part, sur la liberté pour les entreprises d'entreprendre et, d'autre part, sur la liberté des citoyens de consommer.

2.A l'heure où nous rédigeons la présente contribution, nous ne connaissons pas encore l'issue de la crise sanitaire et déjà certains prédisent qu'elle se répétera et que l'humanité devra faire face à des pandémies plus graves. Parallèlement, et à peine sortis d'une crise financière et économique sévère, nous faisons face à une crise climatique, qui risque, selon certains, également de frapper fort l'activité économique. [3] Ces crises mettent non seulement en conflit l'intérêt général de la communauté (protéger la santé et la survie de tous et des générations futures) et les intérêts individuels de chacun (consommer, produire), mais également différents intérêts généraux, notamment la protection de la santé publique et le bon fonctionnement de l'économie.

3.Le droit économique est l'instrument de prédilection pour l'intervention de l'Etat dans l'activité économique et pour implémenter sa politique économique. En légiférant, l'Etat peut diriger et organiser son économie. C'est dans cet esprit que certains définissent le droit économique comme comportant à la fois les règles de droit public et de droit privé qui visent spécifiquement à organiser l'activité économique en vue de la réalisation d'un ordre économique et d'une police de mécanisme de contrôle [4], ou comme un instrument permettant à l'autorité publique de réaliser sa politique économique et contenant les dispositions relatives aux agissements des entreprises sur le marché. [5]

Face à la crise actuelle et à cette perspective plutôt sombre de crises futures, la question se pose de savoir, d'une part, si le droit économique permet la prise de mesures telles que celles prises dans le cadre de la pandémie de Covid-19, et, d'autre, part, si le droit économique dans sa version actuelle est suffisamment équipé pour permettre des interventions ou des ajustements en temps de crises par les autorités compétentes.

Un point important à garder à l'esprit dans ce contexte est que, dans un Etat de droit comme la Belgique, l'intervention de l'autorité publique dans l'activité économique doit trouver sa justification dans les règles juridiques régissant les relations entre l'autorité publique et les acteurs concernés, notamment les entreprises concernées directement par les mesures, mais plus largement tous ceux qui sont acteurs de l'activité économique ou qui en bénéficient, directement ou indirectement, comme les destinataires des services (y compris les consommateurs), les travailleurs, les investisseurs, les entreprises impliquées indirectement (fournisseurs, …). Cela signifie dès lors que toute mesure prise par une autorité publique repose soit sur une base légale suffisante existante, soit sur une base légale à mettre en place. Il convient dès lors de s'interroger si les règles de droit économique dans leur version actuelle contiennent ou non cette base légale suffisante.

4.La crise sanitaire à laquelle la Belgique est actuellement confrontée a mis en évidence que divers aspects de droit économique sont concernés par cette crise, tels que l'inscription à la BCE (en vue d'adapter l'activité des entreprises aux activités possibles en période de « lockdown » [6]), la liberté d'entreprendre, la concurrence (et notamment les aides d'Etat [7]), la protection du consommateur [8], les pratiques de commerces (p. ex., les règles en matière de soldes et de liquidation [9], les publicités trompeuses concernant les livraisons en période de lockdown), les pratiques de marché (concurrence déloyale) [10], les bons à valoir pour les activités ou les services annulés [11], le crédit [12], la réglementation en matière de prix (p. ex., l'usure) et le sursis de paiement. [13]

Nous ne pouvons pas aborder l'ensemble de ces différents aspects de droit économique potentiellement affectés par la crise liée au COVID-19 ou d'autres crises à venir. D'ailleurs, pour les autres crises, les aspects de droit économique éventuellement concernés dépendront de la nature et de l'ampleur de ces crises. Nous avons dès lors choisi de nous concentrer principalement, dans le cadre de la présente contribution, sur un principe fondamental de l'activité économique, celui de la liberté d'entreprendre et des limites qui peuvent y être apportées en temps de crises. C'est en effet ce principe qui, dans notre système actuel, est un élément fondamental dressant les limites de l'intervention des pouvoirs publics dans l'activité économique.

Notre examen est principalement axé sur l'analyse du droit économique fédéral tel que regroupé dans le Code de droit économique (ci-après le « CDE »). [14] A l'exception d'une réflexion générale introductive concernant la division des compétences en matière économique propre à la Belgique (II.), nous examinerons la liberté d'entreprendre (III.), pour ensuite analyser si des crises, comme la pandémie de COVID-19 que nous vivons actuellement, peuvent justifier des restrictions à la liberté d'entreprendre qui mettent quasi à l'arrêt les activités économiques (IV.). Nous examinerons notamment les questions suivantes: quel est le contenu de la liberté d'entreprendre et quelle est sa nature? Peut-elle être restreinte en temps de crise et par qui? Comment les dispositions prévues en matière d'instrument de gestion de crises (ou plutôt l'utilisation qu'en fait l'autorité publique) sont-elles compatibles avec la liberté d'entreprendre? Sont-elles adéquates en temps de crise et ont-elles été utilisées pour intervenir dans le cadre de la pandémie de COVID-19? Enfin, nous conclurons par un résumé des constatations et considérations à la suite de ce questionnement et évoquerons les leçons qui peuvent, selon nous, être tirées de la crise actuelle pour le droit économique (V.).

II. Le droit économique: division de pouvoirs « à la belge »

5.Sans vouloir rentrer dans le détail des règles de répartition des compétences entre les différents niveaux de pouvoirs, nous pensons qu'il est utile de rappeler, dans le cadre de cette réflexion sur la crise et le droit économique, qu'en ce qui concerne l'adoption de la législation, l'une des spécificités de la Belgique réside dans la division de pouvoirs entre l'Etat fédéral et les entités fédérées constituées par les régions et les communautés. Si comprendre la division des pouvoirs n'est déjà pas une sinécure en raison de l'articulation complexe des textes légaux régissant la matière, l'application en pratique de ces textes peut également être source de difficultés compte tenu de l'existence de différentes hypothèses dans lesquelles la compétence reste partagée entre l'Etat fédéral et les entités fédérées.

A titre d'exemple, nous nous référons à l'attribution des compétences en matière économique. L'article 6, § 1er, VI., de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après la « LSRI ») [15] liste d'abord les compétences des régions « en ce qui concerne l'économie ». Ensuite, l'article 6, § 1er, VI., de la LSRI prévoit que: « En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux » et que « A cette fin », l'autorité fédérale est compétente pour fixer les règles générales en matière:

    • de marchés publics;
    • de protection des consommateurs;
    • d'organisation de l'économie;
    • de plafonds d'aides aux entreprises en matière d'expansion économique, qui ne peuvent être modifiés que de l'accord des Régions.

    En outre, l'article 6, § 1er, VI., de la LSRI prévoit que l'autorité fédérale est seule compétente pour différentes matières parmi lesquelles:

      • la politique des prix et des revenus, à l'exception de la réglementation des prix dans les matières qui relèvent de la compétence des régions et des communautés, sous réserve de l'article 6, § 1er, VII., alinéa 2, d);
      • le droit de la concurrence et le droit des pratiques du commerce, à l'exception de l'attribution des labels de qualité et des appellations d'origine, de caractère régional ou local;
      • le droit commercial [16] et le droit des sociétés;
      • la propriété industrielle et intellectuelle;
      • le droit du travail et la sécurité sociale.

      En pratique, lorsqu'une autorité souhaite légiférer dans les matières touchant à l'économie, elle devra vérifier, sur la base de ces dispositions complexes, si elle est compétente pour le faire. A l'examen des listes de compétences précitées s'ajoute encore que la compétence de l'une ou l'autre autorité peut, le cas échéant, également être rattachée à un autre domaine que l'économie, comme par exemple le domaine de la santé ou de la protection civile [17], dont la pandémie COVID-19 est une parfaite illustration.

      Cette répartition des compétences peut entraîner de longues discussions sur la compétence de l'autorité en question au cours de l'élaboration de la législation, notamment s'il s'agit d'une matière à compétence partagée entre les pouvoirs régionaux et fédéraux, mais également, par exemple, en cas de recours en annulation contre une législation qui a été mise en place. Ainsi, alors qu'en matière de bail commercial, les régions sont clairement compétentes (et elles peuvent donc légiférer sur le sursis des paiements dans cette matière en cas de crise), la division entre la politique économique (compétence des régions) et l'organisation de l'économie (compétence de l'Etat fédéral) paraît moins claire.

      Cette répartition des compétences risque d'entraîner une absence d'action de la part d'une autorité alors qu'elle serait (la seule) compétente. Par ailleurs, elle pourrait créer des situations dans lesquelles le même problème est appréhendé de manière divergente entre les différents niveaux de pouvoirs. En temps de crise, cette division des pouvoirs peut s'avérer un sérieux handicap. Elle peut en effet entraver ou ralentir d'éventuelles interventions politiques urgentes, et dès lors amputer toute intervention de son efficacité. Par ailleurs, elle peut mener à des situations gérées de manière totalement divergente, sans la cohésion requise pour assurer l'efficacité de l'intervention politique en temps de crise. Dans le cadre de la pandémie de COVID-19 que nous vivons depuis mars 2020, l'approche différente préconisée au niveau fédéral et au niveau des régions en ce qui concerne un deuxième « lockdown » a, par exemple, suscité beaucoup d'incompréhension dans l'opinion publique et de critiques de la part de différents observateurs. Cette problématique belge de la gouvernance politique nous semble un point capital à prendre en compte pour la gestion de la réglementation en temps crise, raison pour laquelle nous la mentionnons avant d'examiner de plus près si le temps de crise peut permettre que des limitations puissent être apportées à la liberté d'entreprendre. Il nous semble que la problématique pourrait être solutionnée par l'introduction d'une règle claire de compétence en temps de crise avec, en cas de division de compétences, une obligation de concertation et d'harmonisation.

      III. La liberté d'entreprendre

      6.Les mesures urgentes prises pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 consistent, entre autres, dans la fermeture obligatoire de certaines activités commerciales et les limitations imposées aux déplacements des citoyens, lesquelles ont, pour certains secteurs, mené à l'arrêt total ou partiel de leur entreprise, temporaire pour certains, définitive pour d'autres ou ont obligé certains à repenser leurs activités (et à réinvestir). Les restrictions posées par l'autorité publique soulèvent la question de savoir si de telles mesures peuvent valablement être prises et imposées aux entreprises. Nous exposons ci-dessous que l'un des fondements sur lequel repose le droit économique est le principe de la liberté d'entreprendre (A.) mais que cette liberté n'est pas absolue (B.).

      A. Principe

      7.L'article II.3 du CDE prévoit que: « Chacun est libre d'exercer l'activité économique de son choix. » Cet article formule le principe considéré comme fondamental en droit économique de la liberté d'entreprendre.

      Le texte de l'article II.3 du CDE est inspiré du décret des 2 et 17 mars 1791 portant suppression de tous les droits d'aides, de toutes les maîtrises et jurandes et établissement des droits de patente, mieux connu sous le nom du « décret d'Allarde ». [18] L'article 7 de ce décret stipule ce qui suit: « A compter du 1er avril 1791, il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier, qu'elle trouvera bon, mais elle sera tenue de se pourvoir auparavant d'une patente et de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits. » Ce décret a vu le jour afin de mettre fin aux régimes corporatifs sclérosant, en raison de multiples conditions que les corporations appliquaient à l'accès et l'exercice de leur profession et qui formaient un frein à la possibilité de développer de nouvelles activités.

      Le décret d'Allarde est la traduction juridique de l'idéologie libérale qui régnait lors de son adoption comme une réaction contre, entre autres, ces corporations et qui, sur le plan économique, a mené au système économique sur lequel repose toujours notre société actuelle, notamment un système libéral d'économie de marché, c'est-à-dire un système économique sans limites à l'activité de marché, où chacun peut participer librement au marché [19] et où la production et l'allocation de biens et de services sont déterminées par le fonctionnement du « marché ». [20] Afin que ce marché puisse fonctionner librement, il faut tout d'abord que l'on puisse disposer librement des biens (= droit fondamental de la propriété), et ensuite que chacun puisse être libre d'entreprendre avec ces biens, notamment en posant des actes juridiques relatifs à ces biens (= liberté d'entreprendre et liberté de contracter). La liberté du commerce et de l'industrie était dès lors vue comme un prolongement de la liberté individuelle.

      8.En incorporant la liberté d'entreprendre dans l'article II.3 du CDE, le législateur belge a voulu reconfirmer ce principe et le reformuler dans une terminologie contemporaine en faisant référence à « la liberté pour chacun d'exercer l'activité économique de son choix ». [21]

      Les travaux préparatoires précisent que la notion d'activité économique de son choix doit être interprétée de manière large et que la liberté d'entreprendre vaut pour l'activité économique dans son acceptation la plus large, à savoir l'exercice d'une quelconque activité professionnelle, l'exercice de tout commerce ou artisanat, mais également la vaste gamme d'activités économiques n'appartenant pas au négoce, à l'artisanat ou à l'industrie. Le champ d'application matériel de l'article II.3 du CDE vise donc à être plus large que le décret d'Allarde. [22]

      9.La liberté d'entreprendre au sens du Code de droit économique implique que:

        • chacun est libre d'exercer ou de ne pas exercer une activité économique;
        • l'accès à l'activité est libre;
        • chacun est libre de décider quelle activité est exercée;
        • chacun est libre de décider comment l'activité est exercée; et
        • chacun est libre de décider si et avec qui il exerce une activité économique (et il peut donc refuser de contracter ou d'exercer une activité).

        10.L'objectif premier du décret d'Allarde était de lever les obstacles de nature corporatiste qui entravaient le libre exercice du commerce et de l'industrie. Cette liberté d'entreprendre a une double portée.

        D'une part, cette liberté se réfère à la protection de tout un chacun (personne physique ou morale), contre l'intervention de l'autorité publique (effet vertical). La liberté a alors pour but de protéger les actes économiques contre les limitations et les immixtions administratives ou corporatives pouvant entraver cette liberté. La liberté suppose dès lors un devoir d'abstention des pouvoirs publics [23] et, comme corollaire, le droit subjectif pour le justiciable d'exiger que les pouvoirs publics respectent ses droits. Cela signifie que chacun doit pouvoir accéder à l'activité économique de son choix et doit pouvoir l'exercer sans entrave, intervention ou ingérence de l'autorité publique. Cela implique également que l'autorité (que ce soit fédérale, régionale ou locale) prenne en compte cette liberté lorsqu'elle légifère et qu'elle s'abstienne de limiter cette liberté (et de dicter ainsi l'économie).

        D'autre part, cette liberté implique que dans la relation avec d'autres personnes (effet horizontal), toute personne décide librement de son activité professionnelle et qu'elle soit libre de décider de la manière d'exercer son activité et avec qui. Elle suppose une liberté contractuelle qu'une personne a nécessairement besoin dans le cadre de son activité pour pouvoir se procurer les facteurs de production et distribuer ses biens ou services.

        11.La protection juridique de la liberté d'entreprendre implique en conséquence:

          • qu'une entreprise puisse contester les violations de cette liberté par d'autres entreprises et qu'elle puisse demander au juge de défendre des comportements ou des actes qui limitent cette liberté (p. ex., une clause de non-concurrence); et
          • qu'une entreprise puisse contester les actes de l'autorité publique qui limitent cette liberté, si ceux-ci ne sont pas fondés sur un texte de loi, et qu'elle puisse soulever l'exception d'illégalité en demandant au juge d'écarter l'acte sur la base de l'article 159 de la Constitution coordonnée [24] ou de le faire annuler par le Conseil d'Etat dans le cadre d'un recours en annulation. C'est ainsi qu'en pratique, cette liberté est invoquée dans les cas où une décision de l'autorité publique limite les activités d'une entreprise ou impose à une entreprise de contracter.
          B. Nature
          1. Règle de droit belge

          12.Avant l'adoption du Code de droit économique, il était généralement admis que l'article 7 du décret d'Allarde constituait également en Belgique la base juridique pour la liberté d'exercer une quelconque profession, commerce ou artisanat. [25] Les dispositions de ce décret ont été introduites en Belgique le 10 novembre 1795 dans une version légèrement différente de la version originale du décret. [26] Depuis cette date, ces dispositions sont considérées, suite à l'annexion du territoire belge à la France, comme faisant partie intégrante du droit belge. [27] Ceci a, à plusieurs reprises, été confirmé par la jurisprudence belge, notamment de la Cour de cassation, de la Cour constitutionnelle et du Conseil d'Etat. [28] L'article II.3 du CDE a mis fin à tout doute qui subsistait à ce sujet, tout en abrogeant le décret d'Allarde. [29]

          2. Liberté constitutionnelle?

          13.Certaines propositions d'incorporer la liberté d'entreprendre dans la Constitution belge ont vu le jour, mais n'ont pas abouti. [30] La Cour constitutionnelle a, par ailleurs, indiqué, en faisant référence aux travaux préparatoires de la Constitution, que la liberté d'entreprendre était distincte du droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle telle que prévue par l'article 23, 1° de la Constitution. [31] Cela n'empêche cependant pas que la liberté d'entreprendre puisse être rattachée à d'autres libertés ou droits constitutionnels, comme la liberté individuelle telle que protégée par l'article 12 de la Constitution ainsi que par les articles 5, 1. et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (ci-après la « CEDH »).

          Selon certains, la liberté d'entreprendre a une valeur semi-constitutionnelle [32], ayant un statut intermédiaire entre une liberté constitutionnelle et une loi ordinaire garantissant des droits [33], et constitue à ce titre un principe fondamental sur lequel repose l'ordre économique belge. [34] Cette qualification résulterait de l'article 6, § 1er, VI., alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 sur la réforme des institutions qui prévoit que les régions doivent exercer leurs compétences dans le respect du principe de la liberté de commerce et de l'industrie. Il s'agit donc d'une disposition permettant l'évaluation de la conformité de la législation des régions, compétentes dans le domaine économique, avec la liberté du commerce et de l'industrie. [35] Bien que cet article vise les régions dans l'exercice de leurs compétences économiques, la Cour constitutionnelle y voit une disposition qui traduit la volonté du législateur spécial de maintenir une réglementation de base uniforme de l'organisation de l'économie dans un marché intégré, et n'hésite pas à recourir à cette disposition consacrée par la loi spéciale dans les recours introduits à l'encontre des normes législatives fédérales et régionales. [36]

          En raison de l'insertion de cette liberté d'entreprendre dans le Code de droit économique, ce principe a indéniablement reçu force de loi. Il n'a cependant pas valeur de liberté constitutionnelle, à moins qu'il soit rattaché aux libertés prévues dans la Constitution. Les travaux préparatoires du projet de loi introduisant le Code de droit économique confirment cette valeur législative de la liberté d'entreprendre en ces termes: « L'insertion de cette disposition dans le Code ne lui donnera pas le caractère de droit fondamental, dès lors que la place de cette règle dans la hiérarchie des normes est celle d'une loi ordinaire avec tous les défauts qui y sont inhérents, parmi lesquels, principalement, le fait qu'il n'y ait pas d'obstacle (de droit national) à ce qu'il soit dérogé aux dispositions de l'article II.2 du Code par le biais d'une disposition légale spécifique. » [37]

          14.La qualification en tant que liberté fondamentale ou constitutionnelle n'est pas sans conséquence. Ainsi, les auteurs de la proposition parlementaire tentant d'insérer la liberté d'entreprendre dans la Constitution, au sein des droits économiques, sociaux et culturels de l'article 23 de la Constitution, y voyaient une nécessité afin d'assurer que le droit à la protection d'un environnement sain ne prenne le pas sur la liberté d'entreprendre: « La jurisprudence donnait traditionnellement une interprétation restrictive des dispositions contraires à la liberté du commerce et de l'industrie. Selon la doctrine précitée, la plupart des normes environnementales, pour ne pas dire toutes, sont, à des degrés divers, susceptibles d'entraver la liberté du commerce et de l'industrie et compte tenu du nouvel article 23 de la Constitution, la jurisprudence ne pourra plus interpréter ces normes environnementales de manière restrictive lorsque la liberté économique est invoquée. En effet, c'est la disposition constitutionnelle qui prime (in dubio pro natura). Tel ne saurait être l'objectif poursuivi, et les auteurs considèrent que l'équilibre doit être rétabli. » [38] Selon ce raisonnement et la logique de la hiérarchie des normes, la liberté d'entreprendre s'effacerait donc devant les libertés et droits constitutionnels et fondamentaux, comme notamment le droit à la vie tel que consacré par l'article 2 de la CEDH, sauf à défendre que cette liberté touche également à la liberté individuelle (droit à l'autodétermination) et à une vie conforme à la dignité humaine dans la mesure où développer une activité économique et percevoir des revenus pour pouvoir payer les services et produits élémentaires sont, dans notre société actuelle, essentiels pour pouvoir survivre, comme le démontre bien la pandémie de COVID-19.

          Par ailleurs, en vertu du principe de légalité en droit constitutionnel belge, les restrictions aux libertés et droits fondamentaux requièrent l'intervention du législateur adoptant une loi (au sens formel). [39]

          Enfin, comme il sera expliqué plus loin, les critères utilisés pour évaluer la validité d'une restriction à une liberté diffèrent selon que l'on se trouve ou non confronté aux libertés constitutionnelles.

          3. Disposition d'ordre public

          15.La Cour de cassation a décidé - sans plus d'explications d'ailleurs - que l'article 7 du décret d'Allarde ainsi que l'article II.3 du CDE, qui s'opposent à une limitation illicite de la liberté d'entreprendre, sont des dispositions d'ordre public. [40] La liberté d'entreprendre est considérée par la Cour de cassation comme un pilier fondamental de l'ordre économique sur lequel repose la société belge actuelle et relève donc de l'ordre public. C'est ainsi que selon la Cour de cassation, une clause qui limite de manière déraisonnable la concurrence, par exemple, quant à l'objet, au territoire ou à la durée, entrave la liberté d'entreprendre considérée comme d'ordre public et est, en conséquence, nulle. [41] L'application de la sanction de nullité d'une telle clause a été critiquée par certains auteurs. Ces auteurs soulignent que l'article 2 du Code civil, qui prévoit que les conventions particulières ne peuvent déroger à des lois d'ordre public et qui s'applique à toute phase de la convention (sa naissance, son exécution et son extinction) [42], ne prévoit pas la sanction de nullité. [43] La sanction en cas de non-respect de cet article est que ces conventions particulières ne puissent avoir aucun effet, tant entre les parties (non-application de la clause) qu'envers les tiers (inopposabilité). [44] Cette sanction est tout autre chose que la sanction de nullité, qui est applicable en cas de non-respect des conditions de validité d'une convention lors de sa conclusion, qui entraîne avec effet rétroactif l'annulation, en principe, complète de la clause et qui requiert l'intervention du juge. [45] Dans la mesure où une clause déroge à une loi d'ordre public, elle n'est tout simplement pas applicable. La clause de non-concurrence qui déroge quant à l'objet, au territoire ou à la durée par rapport à ce qui est permis sur la base de l'article II.3 du CDE doit être « neutralisée » en ne l'appliquant pas entre les parties pour la partie entravant l'ordre public. [46]

          4. Notion de droit européen

          16.Outre les sources formelles de la liberté d'entreprendre dans l'ordre juridique belge qui ont été citées ci-dessus, la liberté d'entreprendre est une notion explicitement reconnue en droit européen.

          Initialement considérée par la Cour de justice de l'Union européenne comme le corollaire du droit fondamental du droit de propriété [47], cette liberté a reçu une interprétation propre à partir des années 80. La Cour de justice de l'Union européenne a en effet considéré la liberté d'entreprendre comme un « guiding principle » de l'Union européenne pour autant que cette liberté soit considérée par les Etats membres comme une liberté fondamentale ou qu'elle soit entourée de garanties similaires. Dans diverses affaires, la Cour de justice de l'Union européenne a indiqué que:

            • les libertés fondamentales reconnues par les ordres juridiques des Etats membres font partie des principes généraux de droit dont elle assure le respect;
            • elle ne peut accepter des mesures contraires aux libertés et droits fondamentaux reconnus et protégés par les constitutions des Etats membres; et
            • il faut tenir compte des traités internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme auxquels les Etats membres ont adhéré. [48]

            Alors que certains Etats membres reconnaissent explicitement la liberté d'entreprendre comme une liberté constitutionnelle [49], d'autres Etats membres semblent reconnaître implicitement cette liberté par le droit fondamental à l'autodétermination et le droit au respect de la vie privée, tous deux des droits fondamentaux reconnus par la CEDH et le pacte international relatif aux droits civils et politiques.

            Depuis 2000 [50], la liberté d'entreprendre est consacrée dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la « Charte »). [51] L'article 16 de la Charte prévoit en effet que « la liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales ».

            Ce texte lie juridiquement les Etats membres, comme c'est le cas pour les traités européens, depuis que la Charte est entrée en vigueur en 2009 avec le Traité de Lisbonne. [52] La liberté d'entreprendre, telle que garantie par cet article, est dérivée de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne précitée. [53] L'article 16 de la Charte a pour but de garantir que chaque personne au sein de l'Union européenne a le droit à la liberté d'entreprise sans faire l'objet de discrimination ou de limitations disproportionnées. [54]

            La portée de l'article 16 de la Charte est toutefois plus limitée que celle de l'article II.3 du CDE. En effet, il découle de l'article 51 de la Charte que l'article 16 de la Charte a une portée limitée dans la mesure où il ne peut être invoqué que contre les autorités publiques européennes et nationales. L'article 51 de la Charte précise que les dispositions de la Charte « s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union ». Ce sont donc uniquement ces institutions, organes et organismes de l'Union et les Etats membres qui sont tenus par cette disposition (effet vertical). [55] En outre, l'article 51, 1., de la Charte précise que les Etats membres sont uniquement tenus de prendre en compte l'article 16 de la Charte que « lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union ». Dans ce cas, ils « respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités ». [56]

            Dans le cadre d'un recours en suspension introduit contre l'arrêté ministériel du 28 juillet 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 30 juin 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 qui imposait notamment une heure de fermeture avancée (22 heures) pour les night shops, le Conseil d'Etat a eu l'occasion de se prononcer sur l'étendue de cet article 16 de la Charte. Après avoir rappelé le champ d'application de cette disposition tel que décrit par l'article 51, 1., de la Charte, la Haute Juridiction administrative a déclaré que le moyen tiré de la violation de l'article 16 de la Charte était irrecevable, après avoir constaté que l'acte attaqué ne mettait pas en oeuvre le droit de l'Union. [57]

            C. Limitations de la liberté

            17.Bien que la liberté d'entreprendre soit considérée comme revêtant un caractère d'ordre public, elle ne peut toutefois être comprise comme une liberté absolue. Des limitations à cette liberté demeurent donc possibles.

            18.Il a traditionnellement été défendu par la doctrine et confirmé ensuite par la jurisprudence de nos Cours suprêmes que la liberté du commerce et de l'industrie telle que reprise dans le décret d'Allarde [58] pouvait faire l'objet de limitations par les autorités publiques. Ces limitations peuvent concerner des mesures (administratives) relatives à l'ordre public et la sécurité ou des mesures administratives résultant de dispositions légales. [59]

            19.La Cour de cassation a notamment dû se prononcer à plusieurs reprises sur la compatibilité des règlements de police prévoyant une heure de fermeture fixe, générale et « sans restriction » pour les débits de boissons avec la liberté d'entreprendre. Dans ce contexte, la Cour de cassation a décidé que:

              • « La liberté de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier que l'on trouvera bon, prévue à l'article 7 du décret révolutionnaire des 2-17 mars 1791 'portant suppression de tous les droits d'aides, de toutes les maîtrises et jurandes et établissement de patentes', c'est-à-dire portant suppression de toutes les taxes féodales, ne peut être considérée comme étant une liberté absolue; qu'elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente ici l'autorité communale règle l'activité économique des personnes et des entreprises, sous la condition de ne pas violer la liberté de commerce et d'industrie; Attendu que l'article 23, alinéa 1er, de la Constitution coordonnée, conférant à chacun le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine, ne garantit pas davantage une liberté économique absolue; Attendu que, le point de départ du demandeur manquant en droit, la simple constatation que le demandeur a subi ou qu'il n'a pas subi une perte de revenus ensuite de l'application du règlement de police litigieux est devenue, en l'espèce, sans influence et, dès lors, ne peut entraîner une cassation (…) » [60];
              • « Attendu que l'article 7 du décret révolutionnaire des 2-17 mars 1791, invoqué par le demandeur et 'portant suppression de tous les droits d'aides, de toutes les maîtrises et jurandes et établissement de patentes', est destiné à protéger le commerce contre des obstacles d'ordre administratif ou corporatif; que la liberté ainsi instituée n'est pas absolue et n'empêche pas l'autorité compétente, à condition de ne pas en méconnaître le principe, de régler l'activité économique des personnes et des entreprises et, notamment, de fixer l'heure d'ouverture des débits de boissons; Attendu que l'article 26 de la Constitution, conférant à chacun le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l'exercice de ce droit, ne garantit pas davantage une liberté économique absolue; Attendu que, dès lors, en considérant que le règlement litigieux est fondé sur la mission impartie aux communes par l'article 135, 42, de la nouvelle loi communale et qu'il répond à cet égard à la nécessité de protéger le repos des habitants, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision. » [61]

              La Cour de cassation a également défini les contours de la liberté d'entreprendre à l'occasion d'un litige relatif à la compétence communale en matière de collecte d'ordures ménagères. La Cour a décidé qu'à défaut de règlement communal réglementant cette matière, celle-ci n'était pas réservée à la commune en question, de sorte que la décision qui considérait qu'il s'agissait d'une compétence exclusive de la commune violait l'article 7 du décret d'Allarde. Dans ses considérants d'introduction, la Cour précise que: « L'article 7 du décret des 2 et 17 mars 1791 portant suppression des corporations (le décret d'Allarde) garantit la liberté de commerce. Cette liberté de commerce et d'industrie n'est toutefois pas illimitée et peut être réglementée par les autorités publiques. Ces limitations ne peuvent toutefois pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but visé. » [62]

              Il peut être déduit de cette jurisprudence de la Cour de cassation que les limitations à la liberté d'entreprendre par l'autorité publique sont permises à condition que celles-ci:

                • ne soient pas arbitraires; et
                • ne soient admises que si elles sont nécessaires pour atteindre le but visé.

                La Cour de cassation semble ainsi faire référence aux principes de non-discrimination et de proportionnalité appliqués de manière générale en matière de restrictions des libertés.

                20.La Cour constitutionnelle a également eu l'occasion de se prononcer sur les restrictions à la liberté d'entreprendre, même si elle a considéré qu'elle n'était pas compétente pour examiner un moyen pris directement de la violation de l'article 7 du décret d'Allarde dès lors que la liberté de commerce et d'industrie n'était pas garantie par l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution. [63], [64] Cependant, la Cour constitutionnelle interprète sa compétence de manière extensive et considère que, en tant que gardienne du respect des droits fondamentaux par le législateur belge, sa compétence s'étend aux droits fondamentaux consacrés par la Constitution belge ou par les traités internationaux, qui sont invoqués en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution qui garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. Cette combinaison de la violation de la liberté d'entreprendre avec celle des articles 10 et 11 de la Constitution permet à la Cour constitutionnelle de contrôler si la liberté d'entreprendre est restreinte de manière discriminatoire. [65] Saisie d'une question préjudicielle sur la compatibilité de la loi du 10 novembre 2006 relative aux heures de fermeture dans le commerce, l'artisanat et les services avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la liberté de commerce et d'industrie, la Cour constitutionnelle a jugé, à plusieurs reprises, que ni la liberté de commerce et d'industrie, ni la liberté d'entreprise, telles qu'elles sont garanties par les articles II.3 et II.4 du CDE, ne peuvent être conçues comme des libertés absolues et que des restrictions sont permises. Selon la Cour constitutionnelle: « Le législateur n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté de commerce et d'industrie sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi. » [66] Cette dernière situation impliquerait que la disposition concernée exclurait pratiquement l'exercice d'une activité économique [67] ou compromettrait l'Union économique et monétaire. [68] Bien que le mot « ou » semble se référer à des critères alternatifs, la Cour constitutionnelle applique ces trois critères de manière combinée pour évaluer indirectement via le principe de non-discrimination et de l'égalité, si une loi viole le principe de la liberté d'entreprendre. Ainsi, la Cour constitutionnelle a accepté que la protection de la santé soit un but justifiant à suffisance la nécessité requise pour une restriction légitime de la liberté d'entreprendre. [69] Assurer la sécurité a également été considéré comme un motif valable. [70] La santé publique et la sécurité étant invoquées pour justifier les restrictions à la liberté d'entreprendre dans le cadre de la pandémie de COVID-19, ces restrictions nous semblent dès lors valablement justifiées à la lumière de cette jurisprudence. M. Vanderstraeten conclut par ailleurs sur la base de son examen que la Cour constitutionnelle décide rarement qu'il existe une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, et ce principalement dans des hypothèses où la liberté d'entreprendre des parties requérantes n'était en réalité pas simplement limitée, mais bel et bien supprimée ou rendue pratiquement impossible. [71] La Cour constitutionnelle s'attribue, selon lui, une large marge de manoeuvre qui n'a rien de surprenant puisqu'il s'agit d'apprécier la proportionnalité des atteintes à une liberté publique qui n'est pas constitutionnellement garantie, ce qui implique que le législateur est donc, en principe, libre d'apporter au principe de la liberté d'entreprendre toutes les limitations qu'il estime utiles. [72]

                Les critères que la Cour constitutionnelle applique pour évaluer une restriction à la liberté d'entreprendre semblent différer de ceux que la Cour constitutionnelle applique pour juger de la validité d'une restriction à une liberté constitutionnelle. En effet, dans ce dernier cas, la Cour constitutionnelle vérifie si la disposition légale attaquée, restrictive d'une liberté constitutionnelle, répond positivement aux conditions cumulatives suivantes: i) la disposition est prévue par une disposition législative suffisamment précise, ii) la disposition répond à un besoin social impérieux dans une société démocratique, iii) la disposition est proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit ou est raisonnablement justifiée par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur. [73]

                21.Le Conseil d'Etat a également, à plusieurs reprises, confirmé que la liberté d'entreprendre n'était pas absolue. Ainsi, en matière de règlement prévoyant une taxe sur les dancings, le Conseil d'Etat a décidé que: « [...] la liberté d'entreprendre garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique n'est pas absolue, [...] des restrictions peuvent y être apportées, pourvu qu'il existe une justification objective et raisonnable et que la limitation ne soit pas disproportionnée par rapport au but visé; [...] le Conseil d'Etat ne peut annuler une taxe établie sans enfreindre aucune disposition législative ou constitutionnelle que s'il existe une disproportion manifeste entre la taxe établie et les facultés contributives des personnes soumises à la taxe; [...] cette appréciation doit se faire en tenant compte de tous les résultats des activités des redevables et de l'ensemble des personnes qui sont soumises à la taxe, et pas seulement en fonction de la seule situation subjective de la société requérante; [...] il convient de distinguer les taxes réellement prohibitives, qui sont interdites, des taxes seulement dissuasives; [...] une taxe poursuivant un objectif de dissuasion n'est pas disproportionnée au seul motif que son montant est important ». [74] Le Conseil d'Etat semble dès lors dans ces arrêts relatifs au décret d'Allarde principalement appliquer le test de (dis)proportionnalité (manifeste) (et non pas le test de nécessité).

                22.Le caractère non absolu de la liberté d'entreprendre a entre-temps été explicitement consacré dans la loi. L'article II.4 du CDE précise désormais que la liberté d'entreprendre doit être exercée « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l'Union économique et de l'unité monétaire tel qu'établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi, ainsi que des lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs et des dispositions impératives ». Cela implique que des limitations peuvent dès lors être apportées à la liberté d'entreprendre par:

                  • les traités internationaux, comme la CEDH;
                  • la réglementation concernant l'Union économique et monétaire telle qu'établie par ou en vertu des traités internationaux et de la loi (p. ex., le TUE, TFUE, la Charte, les règlements ou directives européennes);
                  • les lois qui intéressent l'ordre public ou les bonnes moeurs, c'est-à-dire les lois qui règlent en tout ou en partie des matières qui concernent l'ordre public et les bonnes moeurs [75] (p. ex., la réglementation environnementale ou encore la réglementation relative à la santé ou à la sécurité); ou
                  • les dispositions impératives.

                  Il est frappant de constater qu'à la lumière de la jurisprudence précitée, l'article II.4 du CDE ne précise pas les conditions auxquelles d'éventuelles limitations seraient soumises. L'article II.4 du CDE semble uniquement consacrer le principe de la légalité.

                  Cependant, dans une affaire dans laquelle un moyen était tiré de la violation des articles II.3 et II.4 du CDE, le Conseil d'Etat a précisé que des limitations à la liberté d'entreprendre étaient permises par ou en vertu d'une norme ayant force de loi, pour autant que 3 conditions soient réunies:

                    • la mesure ne doit pas être discriminatoire;
                    • la mesure doit être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général; et
                    • l'objectif poursuivi par la mesure ne peut être réalisé par une mesure moins contraignante. [76]

                    Ces conditions sont également celles que la Cour de justice de l'Union européenne applique pour évaluer les restrictions aux libertés économiques.

                    23.Les dispositions légales ou mesures administratives limitant la liberté d'entreprendre peuvent également affecter l'effet horizontal de la liberté d'entreprendre dans la mesure où l'entreprise devra respecter ces normes dans ses relations avec les autres personnes (entreprises ou non). C'est ainsi que dans des relations horizontales, la Cour de cassation a déjà considéré certains actes juridiques contraires à la liberté d'entreprendre. [77] Par ailleurs, la liberté d'entreprendre de chacun est limitée par celle d'autrui. [78] Cela implique qu'en cas de conflit entre l'exercice de cette liberté par différentes personnes, l'exercice de cette liberté par les personnes concernées devra être mis en balance. Il s'ensuit que quand la liberté du commerce et de l'industrie peut s'exercer de deux manières différentes avec la même utilité, il n'est pas autorisé de choisir celle qui occasionne un préjudice à autrui.

                    24.Le caractère non absolu de la liberté d'entreprendre a également été confirmé au niveau européen. La Cour de justice de l'Union européenne considère en effet que la liberté d'entreprendre et la liberté d'exercer une activité professionnelle (avec laquelle la liberté d'entreprendre se confond), bien qu'elles fassent « partie des principes généraux du droit communautaire », « n'apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être prises en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent leur être apportées, à condition qu'elles répondent à des objectifs d'intérêt général et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des libertés ainsi garanties ». [79]

                    L'article 52, 1., de la Charte reconnaît également la possibilité de limiter la liberté d'entreprendre en posant de manière générale les conditions auxquelles les libertés contenues dans la Charte peuvent être limitées. Il découle de cet article que la liberté d'entreprendre telle que consacrée par la Charte (effet horizontal quant à la mise en oeuvre du droit de l'Union) peut être limitée si les conditions suivantes sont réunies:

                      • toute limitation de l'exercice de la liberté d'entreprendre doit être prévue par la loi;
                      • toute limitation de l'exercice de la liberté d'entreprendre doit respecter le contenu essentiel de ce droit. En d'autres termes, la limitation ne peut affecter la liberté d'entreprendre dans son essence ou l'éliminer complètement;
                      • dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui.

                      25.Sur la base de ce qui précède, il est permis de conclure que la liberté d'entreprendre peut être restreinte. Ces restrictions sont cependant elles-mêmes limitées selon des critères établis par la loi et complétés par la jurisprudence. Le principe de légalité, tel que consacré par la Charte et l'article II.4 du CDE, ainsi que les principes de nécessité et de proportionnalité, tels qu'établis par la jurisprudence, semblent être des garde-fous contre les atteintes à la liberté d'entreprendre. Force est de constater cependant que les critères appliqués par les trois Cours suprêmes belges divergent de manière significative. Cette différence entre les critères appliqués pour justifier la validité d'une restriction à la liberté d'entreprendre s'explique sans doute par la nature différente du contrôle effectué. Ainsi, la Cour constitutionnelle contrôle la conformité des lois, décrets et ordonnances aux règles de division de compétences et certaines dispositions de la Constitution. Ce faisant, la Cour constitutionnelle évalue des choix politiques tout en mettant en balance la liberté politique du législateur et le maintien de l'Etat de droit. [80] Dans le cadre des recours en annulation, le Conseil d'Etat vérifie, quant à lui, la légalité des actes administratifs. Il n'en reste pas moins que le justiciable est laissé avec une incertitude quant aux critères appliqués par les différentes juridictions.

                      IV. Restrictions à la liberté d'entreprendre en temps de crise
                      A. Pouvoir général de restriction

                      26.Il découle des développements qui précèdent que les pouvoirs publics peuvent, de manière générale et dès lors aussi en temps de crise, prendre des mesures qui portent atteinte à la liberté d'entreprendre. L'étendue des restrictions dépend cependant de la nature de la crise.

                      27.En fonction du type de crise, la liberté d'entreprendre peut entrer en conflit avec des droits et libertés constitutionnels ou fondamentaux. C'est le cas pour une crise pandémique telle que le COVID-19 où le droit à la vie et le droit à la protection de la santé [81] sont en jeu et doivent être protégés par les pouvoirs publics. Dans ce cas, la liberté d'entreprendre doit, en vertu de la hiérarchie des normes et de l'article II.4 du CDE, céder la place à ces droits et libertés constitutionnels ou fondamentaux. Dans ce cas, la question se pose de savoir si les critères susmentionnés tels que dégagés par la jurisprudence doivent être appliqués pour que les restrictions à la liberté d'entreprendre soient valablement prises ou s'il suffit d'appliquer les principes applicables au droit fondamental invoqué pour soutenir la mesure. Cela impliquerait que la liberté d'entreprendre ne puisse a priori être écartée complètement.

                      A considérer que la liberté d'entreprendre soit incluse dans le droit fondamental à l'autodétermination et la liberté individuelle (tels que protégés par l'art. 12 de la Constitution et les art. 5, 1. et 8 de la CEDH), il faudrait aussi tenir compte des critères pour évaluer la validité des restrictions à ces droits et libertés fondamentaux, ce qui, comme évoqué plus haut, implique un examen plus strict selon la Cour constitutionnelle (supra, n° 20).

                      28.Saisi de plusieurs recours en suspension contre des mesures prises en urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19, le Conseil d'Etat semble uniquement appliquer les critères dégagés relatifs à la restriction de la liberté d'entreprendre et non pas ceux appliqués lorsque le droit fondamental à l'autodétermination est concerné. Ces arrêts ne relèvent par ailleurs pas la nature de liberté fondamentale de la liberté d'entreprendre.

                      Une première série d'arrêts concerne des recours en suspension par des magasins de nuit contre des mesures d'adaptation des heures de fermeture (fermeture à 22 heures au lieu de 7 heures du matin) en vue de limiter la propagation du coronavirus. Dans ces arrêts, le Conseil d'Etat rappelle - en faisant référence à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle -, tout d'abord, que la liberté d'entreprendre n'est pas absolue et que l'administration ne violerait la liberté d'entreprendre que si elle limitait cette liberté sans nécessité ou si la limitation était disproportionnée en raison de l'objectif poursuivi, tout en soulignant que l'administration doit agir prudemment dans le cadre de la marge d'appréciation dont elle dispose lorsque la mesure concerne une mesure restrictive de la liberté. [82] Ensuite, le Conseil d'Etat constate que les limitations imposées par les mesures contestées sont prises dans le but de protéger la santé publique dans des circonstances menaçantes, de ralentir la propagation du coronavirus en vue de réduire le risque de surcharge des hôpitaux et de prévenir une catastrophe économique et sociale plus importante. [83] Le Conseil d'Etat rejette, par conséquent, les recours, considérant que les mesures prises sont légitimes et pertinentes en ce qu'elles visent à réduire les risques de propagation du virus. Enfin, le Conseil d'Etat examine également la condition de proportionnalité des mesures imposées à l'ensemble du territoire belge dès lors que certains requérants soutenaient que les mesures étaient disproportionnées puisqu'elles ne faisaient aucune distinction selon l'emplacement du night shop. Il conclut, à cet égard, soit qu'il n'est pas démontré que les mesures excèdent les limites du raisonnable ou seraient disproportionnées au but poursuivi [84], soit que cette condition n'est pas remplie [85], jugeant notamment que les actes attaqués considéraient que le danger du virus s'étendait à l'ensemble du territoire national et que l'intérêt public requérait d'avoir une cohérence dans l'adoption des mesures pour maximiser leur efficacité.

                      Une seconde série d'arrêts concerne l'obligation de fermeture des cafés et des restaurants. Dans ces arrêts, le Conseil d'Etat répète également les principes applicables à la restriction de la liberté d'entreprendre. Après avoir constaté que la partie requérante ne conteste pas la légitimité de l'objectif en cause de contrôler la crise sanitaire, le Conseil d'Etat se penche sur la question de la proportionnalité. La partie requérante avait en effet contesté la nécessité de la fermeture des restaurants et des cafés en l'absence de preuve que les contaminations ont lieu dans ces endroits, et avait également soulevé que cette fermeture était disproportionnée puisque d'autres limitations (comme p. ex. la réduction du nombre de personnes admises à l'intérieur de l'établissement) auraient suffi. Le Conseil d'Etat considère que dans le cadre d'une procédure de la demande de suspension d'extrême urgence, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de juger l'efficacité des mesures, ni de déterminer par la jurisprudence une controverse scientifique. Le Conseil d'Etat conclut que l'obligation de fermeture ne peut pas être considérée comme non pertinente pour éviter la propagation du coronavirus COVID-19 et que les mesures sont légitimes et relevantes. Selon le Conseil d'Etat, les mesures contribueront à la réduction des contacts rapprochés, à la limitation de l'utilisation d'alcool et à la réduction des festivités dans les espaces publics, ce qui promeut le respect du social distancing. Cela suffit à première vue, selon le Conseil d'Etat pour démontrer l'utilité de la mesure dans le cadre de la santé publique et de la sécurité civile. Quant à l'argument de la requérante que des mesures additionnelles auraient pu être imposées aux cafés et restaurants sans toutefois imposer la fermeture, le Conseil d'Etat considère que rien ne permet d'établir avec certitude que les mesures alternatives suggérées permettraient d'atteindre (mieux) les objectifs poursuivis (notamment de contenir la hausse exponentielle des contaminations et des malades) et qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de désapprouver le choix de l'Etat belge lorsque ce choix semble justifié par des considérations qui ne semblent pas manifestement déraisonnables. [86]

                      Ces considérations semblent compatibles avec la jurisprudence de la Cour constitutionnelle concernant les restrictions à la liberté d'entreprendre, citée d'ailleurs par le Conseil d'Etat. Elles surprennent cependant si l'on prend en compte la jurisprudence du Conseil d'Etat en la matière, puisque le Conseil d'Etat lui-même préconise que les restrictions à la liberté d'entreprendre ne sont valables que si l'objectif poursuivi par la mesure ne peut être réalisé par une mesure moins contraignante. La lecture de ces arrêts nous laisse dès lors quelque peu sur notre faim puisque le Conseil d'Etat, qui établit des critères pour évaluer les restrictions à la liberté d'entreprendre, ne s'assure pas ensuite de leur application concrète. Certes, le recours en suspension, selon la procédure d'extrême urgence, requiert qu'il existe une urgence incompatible avec le traitement de l'affaire en annulation et qu'au moins un moyen sérieux susceptible prima facie de justifier l'annulation de l'acte soit invoqué. A cet égard, le requérant doit établir que la mise en oeuvre de l'acte attaqué doit présenter des inconvénients d'une gravité suffisante pour que l'on ne puisse les laisser se produire en attendant l'issue de la procédure au fond. [87] De nombreuses interrogations subsistent néanmoins en l'occurrence: à partir de quand les considérations peuvent-elles être manifestement déraisonnables et pour quelle raison cela n'était-il pas le cas en l'espèce? N'est-il pas manifestement déraisonnable d'imposer la fermeture des établissements du secteur de l'horeca ou ceux du secteur de l'événementiel alors qu'ils ont investi dans les mesures nécessaires ou imposées pour assurer le « social distancing » et limiter le contact physique (à savoir des tables à > 1,5m [88], la séparation par un écran de protection en plexiglas, le service sans boissons alcoolisées, l'aération spéciale, …), tandis que les services de transport (et notamment les aéroports, les trains, les métros, …) sont accessibles sans aucune mesure de « social distancing » et que les lieux de transport sont souvent surpeuplés? Est-il acceptable que le pouvoir public décide de la fermeture des activités qu'il considère comme non essentielles, sur des critères parfois arbitraires et sans débat démocratique [89], se dispensant même de l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat? Nous osons espérer que la Haute Juridiction administrative sera attentive, dans le cadre de son contrôle de légalité des mesures, à faire une application stricte des critères dégagés par sa jurisprudence, si les mesures du pouvoir public venaient à se prolonger sans constater l'urgence dans la gestion de la pandémie. On notera qu'à la différence du Conseil d'Etat qui ne se prononce pas sur la légalité définitive des mesures dans le cadre d'un recours en suspension, les juridictions contentieuses ont, en vertu de l'article 159 de la Constitution, le pouvoir et le devoir de vérifier la légalité interne et la légalité externe de tout acte administratif sur lequel est fondée une demande, une défense ou une exception. [90] A cet égard, certains tribunaux judiciaires n'ont pas hésité à écarter l'application de mesures prises par le pouvoir public par application de l'article 159 de la Constitution dans le cadre des actions qui leur ont été déférées à la suite de la survenance de la crise sanitaire. [91]

                      Dans un autre recours en suspension introduit devant le Conseil d'Etat [92] contre l'arrêté ministériel du 17 avril 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19, le Conseil d'Etat a encore dû se prononcer sur des limites posées à la liberté d'entreprendre. L'arrêté attaqué autorisait la réouverture des magasins d'assortiment général de bricolage qui vendent principalement des outils et/ou des matériaux de construction et des jardineries et pépinières qui vendent principalement des plantes et/ou des arbres. Les parties requérantes étaient, quant à elles, des magasins spécialisés dans les équipements de jardin, tels que des machines agricoles et matériel pour le jardin et les forêts, et n'étaient pas visées par la réouverture décidée par l'arrêté attaqué. Le Conseil d'Etat rappelle tout d'abord que la liberté de commerce et d'industrie ne peut être entendue comme une liberté absolue et que des lois, décrets et ordonnances (et leurs arrêtés d'exécution) peuvent réglementer les activités économiques des personnes et des entreprises à conditions que le législateur compétent n'agisse pas de manière déraisonnable en restreignant cette liberté sans aucune nécessité et qu'en outre [93], la restriction imposée soit proportionnée au but poursuivi. Ensuite, le Conseil d'Etat considère que l'obligation de fermeture imposée trouve son fondement légal dans les lois relatives à la protection civile et à la sécurité civile en raison de la nécessité de faire face à une crise sanitaire exceptionnelle et que pareille fermeture (quoique temporaire) entraîne indubitablement une restriction très poussée du principe de liberté de commerce et d'industrie mais s'explique par le but poursuivi par la mesure. Ainsi, selon le Conseil d'Etat, les exceptions à la fermeture obligatoire des commerces - en l'occurrence, la possibilité de se rendre dans les magasins de bricolages à assortiment général et dans les pépinières afin que « l'obligation de rester chez soi » reste supportable et afin que l'assouplissement de l'interdiction reste aussi restreint que possible - trouvent leur justification dans la tentative de lutter autant que possible contre la propagation du coronavirus COVID-19 et dès lors dans la nécessité de protéger la sécurité et la santé des citoyens. Le Conseil d'Etat en conclut que la mesure restrictive repose sur des motifs délibérés. Quant à la « seconde » condition de proportionnalité, le Conseil d'Etat considère que la preuve de la violation du principe de proportionnalité n'est pas apportée dans la mesure où les parties requérantes ne démontrent pas que le but poursuivi pourrait être atteint (ou pas mis en danger) en ouvrant également d'autres commerces spécifiques.

                      A ce stade, il est prématuré de tirer des conclusions générales sur le résultat des recours introduits devant le Conseil d'Etat ou les juridictions judiciaires dès lors que les éventuels recours en annulation accompagnant les recours en suspension ou les décisions définitives ne sont pas encore rendues ou publiées.

                      B. Instruments d'intervention

                      29.Comme indiqué plus haut, les limitations à la liberté d'entreprendre doivent être basées notamment sur des lois qui intéressent l'ordre public ou les bonnes moeurs. Il s'agit là de lois au sens large du terme. Ces lois doivent respecter les principes évoqués ci-avant, mais également la hiérarchie des normes et les principes de l'Etat de droit. Dans la mesure où ces interventions requièrent une intervention législative, cela implique que les mesures soient adoptées en principe en respectant le processus parlementaire. Toutefois, en état de crise, une certaine urgence peut requérir qu'un processus plus rapide et flexible soit suivi. C'est dans cet esprit que le Livre XVIII du CDE contient des dispositions spécifiques octroyant au ministre de l'Economie le pouvoir de prendre des mesures spécifiques en temps de crise. En dehors du Livre XVIII du CDE, l'intervention urgente peut être organisée par l'octroi de pouvoirs spéciaux au Roi.

                      30.Dans le cadre de la pandémie de COVID-19, certaines restrictions à la liberté d'entreprendre ont été prises sur la base d'arrêtés ministériels, notamment par le ministre de la Sécurité et de l'Intérieur. [94] Différents arrêtés ministériels [95] se basent, entre autres, sur la loi sur la protection civile [96], la loi sur la fonction de police [97] et la loi relative à la sécurité civile. [98] La fermeture obligatoire du secteur horeca a, par exemple, été validée par le Conseil d'Etat, estimant que cette mesure est rattachée à la compétence du ministre de l'Intérieur et sert la sécurité civile et donc la protection de la population. [99] D'autres restrictions ont été prises sur la base de pouvoirs spéciaux octroyés au Roi pour l'habiliter à prendre des mesures aux fins de réagir à l'épidémie ou la pandémie causée par le coronavirus COVID-19. [100] Seules quelques mesures limitées ont été prises sur la base des pouvoirs spécifiques du ministre de l'Economie tels que prévus dans le Livre XVIII du CDE. Nous examinons ces différentes interventions infra, point B.

                      1. Les pouvoirs spéciaux

                      31.En vue de permettre à la Belgique de réagir à l'épidémie ou la pandémie du coronavirus COVID-19, la loi du 27 mars 2020 [101] habilite le Roi, pour une période de 3 mois, à prendre des mesures variées. Parmi celles-ci, on peut citer les mesures visant à apporter un soutien direct ou indirect, ou à prendre des mesures protectrices, pour les secteurs financiers, les secteurs économiques, le secteur marchand et non marchand, les entreprises et les ménages qui sont touchés, en vue de limiter les conséquences de la pandémie. [102] D'autres mesures visaient à garantir la continuité de l'économie, la stabilité financière du pays et le fonctionnement du marché, ainsi qu'à protéger le consommateur. [103]

                      32.Les arrêtés de pouvoirs spéciaux sont des actes de nature réglementaire qui peuvent abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions légales en vigueur, même dans les matières qui sont expressément réservées à la loi par la Constitution. Tant qu'ils n'ont pas été confirmés par le législateur dans l'année suivant leur entrée en vigueur [104], ils peuvent faire l'objet d'un contrôle par le juge, soit dans le cadre d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, soit par voie d'exception devant le juge judiciaire, sur la base de l'article 159 de la Constitution. A défaut de confirmation, ils doivent être réputés n'avoir jamais produit leurs effets. Ce n'est que lorsqu'un arrêté royal de pouvoirs spéciaux fait l'objet d'une confirmation législative qu'il devient, dès la date de l'entrée en vigueur de la loi de confirmation, une norme législative, comme l'a récemment rappelé la Cour constitutionnelle. [105]

                      Ces pouvoirs spéciaux trouvent leur fondement à l'article 105 de la Constitution qui dispose que le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même. Dans son avis du 25 mars 2020 relatif à la proposition de loi habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus, le Conseil d'Etat a rappelé que pour être compatibles avec l'article 105 de la Constitution, les pouvoirs spéciaux doivent satisfaire aux conditions suivantes:

                        • il faut que se présentent certaines circonstances de fait, qualifiées généralement de circonstances exceptionnelles ou de circonstances de crise et qui déterminent les limites de la période pendant laquelle des pouvoirs spéciaux peuvent être attribués;
                        • les pouvoirs spéciaux ne peuvent être attribués que pendant une période limitée;
                        • les pouvoirs attribués au Roi doivent être définis avec précision, tant en ce qui concerne les buts et les objectifs qu'en ce qui concerne les matières où des mesures peuvent être prises et leur portée;
                        • lors de l'attribution des pouvoirs spéciaux, le législateur doit respecter tant les normes supranationales et internationales que les règles constitutionnelles de répartition de compétences entre l'Etat, les Communautés et les Régions et la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

                        Dans son avis, le Conseil d'Etat précise que dans l'exercice de ces pouvoirs spéciaux, le Roi ne peut déroger à des principes ou à des dispositions qui, dans la hiérarchie des normes juridiques, occupent une position supérieure à la loi. Ainsi, il convient d'examiner si des restrictions prévues par un arrêté sont « admissibles au regard des règles supérieures garantissant les libertés publiques. Tel serait le cas de mesure de confinement, d'autres restrictions à la liberté de circulation, des mesures limitant les contacts entre les membres d'une même famille, des fermetures d'écoles ou d'universités, etc. ». [106] Le respect des droits et des libertés est dès lors une étape cruciale lors de l'adoption d'un arrêté de pouvoirs spéciaux.

                        33.L'examen (critique) des arrêtés de pouvoirs spéciaux adoptés par le Roi et des recours introduits contre ces arrêtés dépasse largement le cadre de la présente contribution. On retiendra que ces arrêtés de pouvoirs spéciaux ont été pris dans des matières variées: la mise en place de sanctions administratives communales en cas de non-respect des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 [107]; la prorogation des délais de prescription et les autres délais pour ester en justice ainsi que la prorogation des délais de procédure et la procédure écrite devant les cours et tribunaux [108]; les mesures urgentes prises pour l'organisation et la convocation des assemblées des copropriétaires, et des réunions des personnes morales [109]; la possibilité de demander pour le preneur de crédit la prolongation de la durée ou la suspension temporaire de paiement des amortissements de capital et d'intérêt [110]; l'instauration du droit passerelle en faveur des travailleurs indépendants [111]; le sursis temporaire en faveur des entreprises des mesures d'exécution [112]; les mesures aux fins de réquisition des professionnels de soins de santé [113] ou encore l'instauration du congé parental corona. [114]

                        Ces mesures ont sans aucun doute un caractère inédit et s'expliquent par la volonté de réagir rapidement à la propagation de la pandémie et d'affronter les dommages collatéraux que la crise sanitaire entraînait, sans débat parlementaire. Le pouvoir exécutif fédéral n'a cependant plus eu recours aux pouvoirs spéciaux après le 30 juin 2020, l'habilitation ayant expiré à cette date.

                        2. Pouvoirs spécifiques du ministre de l'Economie

                        34.A côté du pouvoir général de restriction et de l'habilitation de pouvoirs spéciaux pouvant être accordée au Roi pour une période limitée, le Code de droit économique octroie, dans le Livre XVIII qui s'intitule « Instrument de gestion de crise », des pouvoirs spécifiques au ministre de l'Economie. Ce livre, qui ne contient que 4 articles, est néanmoins composé de 3 titres: « De la réglementation en temps de crise » (art. XVIII.1), « De la réquisition en temps de crise » (art. XVIII.2) et « Dispositions communes » (art. XVIII.3-XVIII.4). Comme nous l'expliquerons plus loin, ces dispositions octroient des pouvoirs spécifiques au ministre de l'Economie en matière de réglementation et de réquisition en temps de crise. Ces pouvoirs spécifiques permettent au ministre de l'Economie de restreindre la liberté d'entreprendre.

                        La question que soulèvent ces dispositions et leurs applications est de savoir, en premier lieu, quel type de crise elles visent. S'agit-il d'un concept général englobant toute crise possible ou s'agit-il plus spécifiquement de crises économiques? Et par ailleurs, qu'est-ce qu'une « crise » au sens de ces dispositions? En deuxième lieu, la question se pose de savoir quel type de mesures le ministre de l'Economie peut prendre et si les pouvoirs qui lui sont attribués sont suffisants pour affronter les crises.

                        Pour répondre à ces questions, il convient de délimiter, tout d'abord, le champ d'application général de ce Livre XVIII du CDE ou des différents titres qu'il contient, pour ensuite examiner de plus près ces dispositions.

                        35.Avant d'aborder le champ d'application du Livre XVIII du CDE, il est utile de rappeler que les compétences spécifiques du ministre de l'Economie lui sont octroyées en dérogation des principes constitutionnels. A ce sujet, la section de législation du Conseil d'Etat avait, lors de l'introduction de ce livre, souligné ceci: « En vertu des principes constitutionnels relatifs à l'exercice des pouvoirs, le pouvoir réglementaire est dévolu au Roi (art. 105 et 108 de la Constitution). Certes, il n'est pas incompatible avec ces principes de conférer à un ministre une délégation de pouvoirs d'ordre accessoire ou secondaire, mais il n'en demeure pas moins qu'il appartient alors en principe au Roi et non au législateur d'octroyer pareille délégation. En effet, l'octroi par le législateur d'une délégation directe de pouvoirs de l'espèce à un ministre signifierait en principe que le législateur empièterait sur une prérogative qui revient au Roi en tant que chef du pouvoir exécutif fédéral (art. 37 de la Constitution). Le Conseil d'Etat, section de législation, a cependant estimé par le passé que pareille délégation pourrait être admissible en présence de motifs objectifs justifiant une intervention urgente du pouvoir exécutif ». [115]

                        a. Champ d'application général: la notion de crise

                        36.La première observation que nous faisons en examinant les dispositions du Livre XVIII du CDE est qu'aucune définition spécifique pour ce livre n'a été insérée dans le Livre Ier du CDE relatif aux définitions. Le Livre Ier du CDE reprend en effet, d'une part, les définitions générales, c'est-à-dire les définitions des termes utilisés de manière plus générale dans le CDE (p. ex., la notion d'entreprise) et, d'autre part, les définitions qui sont spécifiques à certains livres. Aucune définition spécifique, notamment quant à la notion de « crise », n'a été reprise pour le Livre XVIII dans le Livre Ier. Il faut donc se référer aux articles XVIII.1 et s. pour en apprendre davantage sur la notion de crise.

                        37.A la lecture des articles du Livre XVIII, on constate immédiatement que la notion de « crise » n'y est pas utilisée. Les situations dans lesquelles les mesures spéciales de crise peuvent être appliquées sont en effet décrites dans les articles XVIII.1 et XVIII.2 du CDE sans spécifiquement faire référence à la notion de crise. Ainsi, l'article XVIII.1, § 1er, du CDE concernant la réglementation en temps de crise peut être mis en oeuvre « lorsque des circonstances ou des événements exceptionnels mettent ou sont susceptibles de mettre en péril tout ou partie du bon fonctionnement de l'économie ». Il est précisé un peu plus loin dans la même disposition que les mesures qui peuvent être prises sur la base de cette disposition doivent être nécessaires pour résoudre ou éviter « des difficultés économiques qui sont ou peuvent être provoquées par les circonstances ou événements exceptionnels ».

                        En ce qui concerne la réquisition en temps de crise, l'autorité publique peut, en vertu de l'article XVIII.2 du CDE, procéder ou faire procéder à la réquisition « lorsque des circonstances ou des événements imprévus mettent ou sont susceptibles de mettre en péril tout ou partie du bon fonctionnement de l'économie ».

                        Pour que les mesures spécifiques du Livre XVIII du CDE puissent être appliquées, les conditions cumulatives suivantes doivent donc être remplies:

                          • l'existence des circonstances ou des événements;
                          • qui mettent ou sont susceptibles de mettre en péril l'économie, en tout ou en partie; et
                        1. ces circonstances ou événements doivent être:
                            • exceptionnels en ce qui concerne le pouvoir de réglementer;
                            • imprévus en ce qui concerne le pouvoir de réquisitionner.
                          1. 38.La question consiste dès lors à savoir ce qu'il faut entendre par des circonstances ou événements qui mettent en péril l'économie. Aucune définition n'est vraiment donnée dans les travaux préparatoires, même si ceux-ci soulignent que la question à laquelle les nouvelles dispositions du Livre XVIII entendent répondre est la suivante: « A partir de quand le ministre ayant l'économie dans ses attributions peut-il considérer qu'il y a une crise justifiant l'adoption de mesures aussi radicales que l'interdiction de fabrication, de mise en vente, d'exportation, voire même de réquisition? »

                            Les travaux préparatoires rappellent uniquement que « les mesures organisées par l'arrêté-loi du 22 janvier 1945 concernant la répression des infractions à la réglementation relative à l'approvisionnement du pays pour agir en temps de crise (dont l'intitulé a été modifié par la loi du 30 juillet 1971 en 'loi sur la réglementation économique et les prix'), adoptées dans l'urgence à la fin de guerre afin d'assurer l'approvisionnement du pays, ont soulevé de nombreuses questions lorsqu'il s'est agi de les utiliser une fois la période d'après-guerre terminée ». [116] Alors que certains ont considéré que ces mesures ne pouvaient pas s'appliquer en dehors du contexte de la fin de la guerre, ce qui a mené à l'adoption de lois spécifiques pour répondre aux nécessités des crises ultérieures, le législateur a estimé en 2014 qu'il fallait maintenir l'arsenal de mesures prévues par la loi du 22 janvier 1945 pour ne pas désarmer l'Etat face à des « circonstances imprévisibles ». [117] Il a également pris le soin de préciser qu'il s'agissait d'un pouvoir réglementaire exceptionnel afin de faire face à des situations toutes aussi exceptionnelles, susceptibles d'affecter le bon fonctionnement de l'économie. [118] L'accent a dès lors été mis sur la nature des circonstances, plutôt que sur la notion de « mise en péril de l'économie » qui est toutefois l'une des conditions d'application de ces dispositions du CDE.

                            Dans le langage courant, l'économie désigne l'« ensemble des activités d'une collectivité humaine relatives à la production, à la distribution et à la consommation des richesses ». [119] Toute circonstance ou événement qui met en péril (ou est susceptible de mettre en péril) l'activité d'une collectivité humaine relative à la production, la distribution et la consommation des richesses, semble donc pouvoir entrer en compte pour l'application des mesures spécifiques du Livre XVIII. Cela semble englober l'état de guerre, une pandémie, un désastre naturel (tsunami, tremblement de terre), dans la mesure où la production, la distribution ou la consommation de richesses est atteinte. La pandémie de COVID-19 est en soi une circonstance affectant avant tout la santé publique mondiale. Cependant, par son ampleur, cette pandémie frappe également l'économie, les ressources humaines étant toujours le moteur principal de l'économie. La Commission européenne a décrit cette pandémie comme un « choc » qui « frappe l'économie de diverses manières. Il y a le choc sur l'offre provoqué par la perturbation des chaînes d'approvisionnement, le choc sur la demande provoqué par une baisse de la demande des consommateurs, l'incidence négative qu'a le climat d'incertitude sur les plans d'investissement et les effets des contraintes de liquidité pour les entreprises ». [120] Bien qu'il soit indéniable que les mesures de confinement prises par certains Etats membres ont un effet sur l'économie, ces mesures ont également pour but de limiter la durée du choc causé par la pandémie. A l'heure où nous écrivons ces lignes, il nous semble que c'est bien la pandémie elle-même qui met ou est susceptible de mettre en péril l'économie. [121]

                            39.Pour que les mesures spécifiques du Livre XVIII du CDE trouvent à s'appliquer, il faut encore que ces circonstances et événements soient respectivement exceptionnels en ce qui concerne le pouvoir de réglementation, et imprévus en ce qui concerne le pouvoir de réquisition. Selon les travaux préparatoires, par circonstances ou événements exceptionnels, il faut entendre des circonstances ou des événements qui, quel que soit leur degré de prévisibilité, sortent du déroulement normal des événements. [122] Cela implique, en ce qui concerne le pouvoir spécifique de réglementation que, si la circonstance ressort de l'état « normal » ou « habituel » des choses, le ministre ne puisse invoquer l'article XVIII.1 du CDE pour justifier l'adoption de mesures. Quant au pouvoir de réquisition, la condition d'imprévisibilité implique que le ministre ne puisse s'appuyer sur l'article XVIII.2 du CDE que s'il n'a pas été possible de prendre en compte, à l'avance, les circonstances ou événements affectant ou pouvant affecter l'économie. Cette condition entre dans la logique des mesures spécifiques prévues dans le Livre XVIII du CDE qui octroient certains pouvoirs spéciaux au pouvoir exécutif en raison d'un certain état d'urgence qui ne permet pas de suivre le processus normal d'adoption de règles. Dans cet esprit, si les circonstances ne sont plus exceptionnelles ou étaient prévisibles et que le législateur n'est pas intervenu, il n'y a plus lieu de permettre l'intervention du pouvoir exécutif.

                            Appliquée à la situation actuelle, ces deux conditions respectives remettent au premier plan la question épineuse de savoir si le coronavirus COVID-19 et plus généralement une pandémie était prévisible et si elle est toujours exceptionnelle. Alors que l'on pourrait encore défendre l'imprévisibilité pour la première « vague » de COVID-19 dès le mois de février 2020 - même si, il faut le rappeler, celle-ci a été prévue par certains [123] - il n'en va plus de même pour la seconde « vague » de COVID-19 qui frappe une grande partie de l'Europe, y compris la Belgique, dès octobre 2020. Par ailleurs, plus la situation relative au coronavirus COVID-19 perdure, plus l'on pourra questionner sa nature exceptionnelle. En effet, la situation deviendra de plus en plus « habituelle » et le ministre ne pourra plus se fonder sur ses pouvoirs spécifiques pour adopter la réglementation.

                            40.Dans son avis sur la loi introduisant le Livre XVIII du CDE, la section de législation du Conseil d'Etat rappelle que lors de la modification de la loi du 22 janvier 1945, par la loi du 30 juillet 1971 sur la réglementation économique et les prix, il a été déclaré « que les pouvoirs que les articles 3 et s. de la loi du 22 janvier 1945 confèrent aux ministres qui y sont mentionnés ne peuvent être exercés que dans des circonstances exceptionnelles, a savoir lorsque l'économie risque d'être bouleversée et que des mesures d'urgence s'imposent dans l'intérêt général ». [124] Le Conseil d'Etat souligne également l'interprétation restrictive qui doit être donnée à l'article XVIII.1 du CDE. [125]

                            b. Mesures qui peuvent être prises

                            En temps de crise, les articles XVIII.1 et 2 du CDE permettent au ministre de l'Economie deux types d'intervention:

                              • il peut réglementer;
                              • il peut réquisitionner.
                              i. Pouvoir de réglementation

                              41.L'article XVIII.1 du CDE reproduit, pour l'essentiel, les dispositions de l'article 3, alinéas 1 à 3, de la loi du 22 janvier 1945 sur la réglementation économique et les prix. Les mesures que le ministre de l'Economie peut prendre sont dès lors toujours axées sur une philosophie de « crise après guerre » et ne prennent dès lors pas en compte la potentialité d'autres types de crise pouvant mettre en péril l'économie.

                              42.Sur la base du mandat spécial contenu dans l'article XVIII.1 du CDE, le ministre de l'Economie peut prendre 3 types de mesures exceptionnelles:

                                • interdire, réglementer ou contrôler l'offre et la prestation de services, l'importation, la production, la fabrication, la préparation, la détention, la transformation, l'emploi, la répartition, l'achat, la vente, l'exposition, la présentation, l'offre en vente, la livraison et le transport des produits qu'il désigne;
                                • réserver l'exercice de ces activités à des personnes ou entreprises qu'il désigne ou fermer les établissements dont l'activité leur apparaît superflue ou nuisible;
                                • réduire ou suspendre l'approvisionnement de toutes personnes ou entreprises se livrant à une activité réglementée ou contrôlée en vertu du point 1) lorsqu'elles refusent d'exécuter les instructions qui leur sont adressées ou que, par leur opposition, leur négligence ou pour tout autre motif, elles mettent en péril tout ou partie du bon fonctionnement de l'économie.

                                Il découle de la description des mesures qui peuvent être prises que le ministre de l'Economie peut restreindre, voire interdire une activité économique. Il s'agit donc de mesures qui limitent la liberté d'entreprendre, voire même l'éliminent. Le législateur a toutefois prévu quatre conditions spécifiques qui doivent être remplies pour la validité de ces mesures:

                                  • « les mesures doivent se limiter à ce qui est strictement nécessaire pour résoudre ou éviter les difficultés économiques qui sont ou peuvent être provoquées par les circonstances ou événements exceptionnels;
                                  • les mesures doivent être limitées dans le temps;
                                  • les mesures ne peuvent durer plus longtemps que ce que les circonstances ou événements précités exigent; et
                                  • l'arrêté ministériel pris sur la base du paragraphe précédent, doit être confirmé le plus vite possible par un arrêté royal, délibéré en Conseil des ministres. Si cet arrêté n'est pas confirmé par le Roi, il est censé ne jamais avoir produit ses effets. »

                                  Ces conditions sont plus strictes que celles qui s'appliquent de manière générale en cas de limitation de la liberté d'entreprendre. Cela s'explique par l'état de crise exceptionnel et temporaire que le législateur a voulu spécifiquement viser. Cela s'explique sans doute également par le fait que les mesures peuvent, selon le texte même, éliminer - temporairement - toute liberté. Une condition nous semble cependant manquer: l'urgence. En effet, le recours aux pouvoirs spécifiques et la dérogation au processus normal d'adoption de la réglementation nous semble justifiée uniquement si la situation est telle que ce processus normal ne peut être suivi en raison de l'urgence dans laquelle la réglementation doit être adoptée.

                                  43.Comme précisé dans l'avis du Conseil d'Etat sur l'avant-projet de loi insérant les dispositions du Livre XVIII du CDE, les mesures prises par le ministre devront toujours être conformes aux dispositions de droit européen, notamment en matière de libre circulation. [126] Ces libertés ne sont elles-mêmes cependant pas absolues. [127] Elles peuvent être limitées pourvu que certains critères soient réunis. De manière générale, ces limitations ne peuvent pas être discriminatoires, doivent être justifiées par un objectif d'intérêt général et être proportionnelles, c'est-à-dire permettant de réaliser l'objectif d'intérêt général et ne pas aller plus loin que ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi. [128]

                                  44.La description des mesures exceptionnelles que le ministre de l'Economie peut prendre est très large et semble englober la possibilité de réglementer de manière générale les activités économiques, pour autant que ces mesures soient strictement nécessaires pour résoudre ou éviter les difficultés économiques qui sont ou peuvent être provoquées par les circonstances ou événements exceptionnels et qu'elles soient temporaires. La majorité des mesures affectant l'activité économique n'a cependant pas été prise sur la base de ces pouvoirs spécifiques.

                                  45.Diverses mesures urgentes prises pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 affectant l'activité économique, telles que celles prévues par les dispositions de l'arrêté royal du 28 octobre 2020 concernant les entreprises et associations offrant des biens ou services aux consommateurs (les règles concernant l'organisation des activités, la fermeture de l'horeca sauf repas à emporter, l'interdiction des activités porte-à-porte et du démarchage, la fermeture des établissements culturel, festif, sportif, récréatif, la fermeture au public des entreprises et associations offrant des biens aux consommateurs, à l'exception de la livraison ou d'un système de rendez-vous pour collecter en plein air les biens commandés préalablement (click and collect), l'adaptation des heures d'ouverture, …) semblent être toutes des mesures qui auraient pu, en principe, être prises par le ministre de l'Economie. La question que l'on peut se poser consiste à savoir si ces mesures sont prises afin de « résoudre ou éviter les difficultés économiques » comme l'exige l'article XVIII.1 du CDE. Dans la mesure où ces mesures sont prises principalement pour éviter une progression incontrôlée de l'épidémie et un effondrement du système des soins de santé, comme cela est indiqué dans le rapport au Roi, cette condition ne semble pas être remplie. C'est sans doute la raison pour laquelle les mesures urgentes visant à limiter la propagation du virus n'ont pas été prises par le ministre de l'Economie sur la base de l'article XVIII.1 du CDE, mais bien par le ministre de l'Intérieur sur la base de différentes lois en matière de protection civile. Il est vrai que le rapport au Roi fait également référence au fait que l'économie doit pouvoir fonctionner au maximum, mais cela semble plutôt exprimer la balance des intérêts à prendre en compte que la volonté de formuler un objectif visant à éviter les difficultés économiques. Ces mesures n'étant pas basées sur les pouvoirs spécifiques du ministre de l'Économie, leur validité est à examiner à la lumière des principes que nous avons rappelés en matière de restrictions à la liberté d'entreprendre, à savoir que ces mesures doivent être raisonnables et proportionnelles au but poursuivi, ce qui, selon le Conseil d'Etat, est bien le cas (voy. supra, n° 28).

                                  46.D'autres mesures, comme celles en matière de crédit hypothécaire ou en matière de soldes et de liquidation, ont également été prises en dehors de l'article XVIII.1 du CDE, respectivement par une loi [129] et par un arrêté royal [130] basé sur la loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 accordant des pouvoirs spéciaux. Ces deux textes ayant pour but de soutenir temporairement l'économie [131], les mesures en question se prêtaient particulièrement bien à une intervention du ministre de l'Economie sur la base de l'article XVIII.1 du CDE (cela étant dit, en ce qui concerne le crédit hypothécaire, l'initiative provient bien du ministre de l'Economie, mais elle ne trouvait pas son fondement dans l'art. XVIII.1 du CDE, mais dans la loi accordant les pouvoirs spéciaux). En outre, ces deux textes apportent des adaptations dans les dispositions du CDE (notamment dans les art. III.51, § 1er, VI.23, § 1er, VI.25 et VII.145/1), de sorte que le CDE contient à présent quelques dispositions ponctuelles [132] relatives à la situation spécifique et - nous l'espérons - temporaires limitées au coronavirus, alors que le CDE vise avant tout à établir les règles générales de droit économique. [133]

                                  47.L'intervention du ministre de l'Economie sur la base de l'article XVIII.1 du CDE est - pour l'instant - limitée à une intervention pendant la période de la première « vague », résultant dans l'adoption de 3 textes qui ont été confirmés par l'arrêté royal du 18 juin 2020 [134]:

                                    • l'arrêté ministériel du 19 mars 2020 relatif au remboursement des voyages à forfait annulés [135] et sa modification par l'arrêté ministériel du 3 avril 2020 [136];
                                    • l'arrêté ministériel du 19 mars 2020 relatif aux activités à caractère privé ou public, de nature culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative [137] et sa modification par les arrêtés ministériels des 7 avril 2020 [138] et 8 juin 2020 [139];
                                    • l'arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures particulières dans le cadre de la pandémie de SRAS-CoV-2 basées sur le Livre XVIII du Code de droit économique [140] et sa modification par les arrêtés ministériels des 27 mars 2020 [141], 7 avril 2020 [142] et 2 mai 2020. [143]

                                    48.L'arrêté ministériel du 19 mars 2020 relatif au remboursement des voyages à forfait annulés a été adopté pour une durée de trois mois. Les mesures décidées par cet arrêté ministériel sont motivées par l'urgence de santé publique de portée internationale déclarée par l'OMS, et une pandémie qui n'était pas prévisible et qui impose de prendre des mesures de prévention en vue de protéger la santé publique et le bon fonctionnement de l'économie:

                                    « (…) Considérant que ces mesures contribuent à lutter contre une propagation générale du coronavirus, ainsi qu'à la sauvegarde du potentiel de main d'oeuvre et de production;

                                    Considérant qu'une propagation générale du coronavirus peut mener à une désorganisation de l'économie dans son ensemble, suite au fait que certains secteurs économiques peuvent être touchés financièrement de façon grave, ce qui peut, à son tour conduire à une désorganisation d'autres secteurs;

                                    Considérant que l'absence de mesures qui accompagnent les mesures en vue de la protection de la santé publique, peut mettre en péril le bon fonctionnement de l'économie;

                                    Considérant que le secteur des voyages est particulièrement touché par la crise du coronavirus en raison des règles juridiques régissant le droit d'annulation des voyages à forfait;

                                    Considérant que, sans mesures d'accompagnement spécifiques, la situation financière de nombreuses entreprises de voyages risque de devenir intenable;

                                    Considérant qu'il convient de limiter ces mesures à la durée nécessaire pour gérer cette crise ».

                                    Dans le cadre du bon fonctionnement de l'économie, cet arrêté ministériel vise donc principalement à soutenir le secteur de voyage. L'arrêté ministériel octroie ainsi la possibilité aux agences de voyage, frappées de plein fouet par les annulations de voyages, de délivrer au voyageur un bon à valoir correspondant à la valeur du montant payé, au lieu d'un remboursement, lorsque le contrat de voyage à forfait est résilié par l'organisateur de voyages ou par le voyageur. Il pose quatre conditions [144] auxquelles le bon à valoir doit répondre et le voyageur ne peut refuser le bon qui répond à ces conditions.

                                    Si ces mesures exceptionnelles ont pour objectif premier de venir en aide aux agences de voyages et de limiter l'impact de la crise sanitaire sur le secteur de voyage en suspendant pendant une durée de trois mois le remboursement obligatoire des voyages à forfait annulés pendant cette période [145], il n'empêche pas moins qu'elles ont une conséquence sur le droit des consommateurs. La réaction du Commissaire européen à la justice et la protection des consommateurs n'a pas tardé, estimant que les mesures édictées par le ministre de l'Economie n'étaient pas conformes à la législation européenne sur les voyages à forfait dans la mesure où le remboursement aux voyageurs n'était pas prévu comme une alternative. C'est donc logiquement que le 3 avril 2020 un nouvel arrêté ministériel est adopté, toujours sur la base de l'article XVIII.1 du CDE, modifiant le premier arrêté pour prévoir la possibilité de remboursement au voyageur qui n'a pas utilisé le bon à valoir dans le délai d'un an après son émission.

                                    49.L'arrêté ministériel du 19 mars 2020 relatif aux activités à caractère privé ou public, de nature culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative, concerne, quant à lui, le secteur de l'événementiel, nettement touché par une vague d'annulations. Dans ce secteur, le ministre de l'Economie y est intervenu pour des raisons quasi identiques à celles relatives aux mesures des voyages à forfait. Il est en outre précisé que le secteur des événements, tant public que privé, est particulièrement touché par la crise du coronavirus suite à l'interdiction des activités à caractère privé ou public, de naturelle culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative et à la fermeture des établissements appartenant aux secteurs culturel, festif, récréatif, sportif et horeca, décrétées par un arrêté ministériel du 13 mars 2020 du ministre de l'Intérieur. [146]

                                    Comme pour le secteur de voyage, l'arrêté ministériel du 19 mars 2020 donne la possibilité aux organisateurs d'événements de délivrer au détenteur d'un titre d'accès payant pour l'activité en question, un bon à valoir correspondant à la valeur du montant payé, au lieu d'un remboursement, lorsque les conditions précisées sont remplies. [147] Il précise, en outre, que le détenteur du titre d'accès a droit, d'une part, au remboursement lorsqu'il prouve qu'il est empêché d'assister à l'activité à la nouvelle date et, d'autre part, que lorsque l'activité n'est pas organisée dans les conditions fixées par l'arrêté ministériel, le détenteur du titre d'accès ou du bon à valoir a droit au remboursement du prix du titre d'accès original. Dans ce cas, l'organisateur est tenu de rembourser le détenteur du titre d'accès dans un délai de trois mois de la date à laquelle l'arrêté cesse d'être en vigueur. Par l'arrêté ministériel du 7 avril 2020, le ministre de l'Economie a modifié les conditions initiales d'octroi du voucher, notamment le fait que l'événement de remplacement doit être le même et organisé dans l'année de délivrance du bon à valoir. Estimant que ces mesures sont trop strictes pour les organisateurs, notamment de grands festivals et les grands événements sportifs, et que les objectifs de l'arrêté ministériel ne puissent pas être réalisés, à savoir le soutien de la situation de trésorerie des organisateurs pendant la période de COVID-19, l'arrêté apporte des modifications en ce sens. [148]

                                    50.A la lecture des motivations des arrêtés et des mesures qui sont prises dans le secteur des voyages et le secteur de l'événementiel, on constate que le but poursuivi par le ministre de l'Economie est de venir en soutien des secteurs particulièrement touchés par les conséquences de la crise sanitaire en essayant de donner une petite bouffée d'air à leur trésorerie. Ces arrêtés ont donc bien pour but de « résoudre ou éviter les difficultés économiques ».

                                    La question demeure cependant de savoir si les mesures précitées concernent bien celles qui peuvent être prises par le ministre sur la base de l'article XVIII.1, § 1er, du CDE. Selon la section législation du Conseil d'Etat, ce n'est pas le cas pour les deux arrêtés ministériels du 19 mars 2020 dans le secteur des voyages et le secteur de l'événementiel. Selon le Conseil d'Etat, ces deux arrêtés ministériels ne portent pas sur « l'interdiction, la réglementation ou le transport de produits ni sur l'offre ou la prestation de services ou leur interdiction », mais « sur la réglementation des effets de l'inexécution de services convenus et notamment sur le régime de bons d'échange ou des bons à valoir après que ces services n'ont plus pu être offerts à la suite des mesures prises par l'autorité contre le COVID-19 ». Le Conseil d'Etat renvoie également à des précisions données par un délégué à l'occasion d'une demande précédente concernant ces mêmes arrêtés [149], qui aurait précisé que ces arrêtés ne règlent pas en soi l'accès à une activité de service ou l'exercice de celle-ci. Enfin, le Conseil d'Etat fait référence aux travaux préparatoires relatifs à l'article XVIII.1 du CDE qui indiquent, selon lui, également que l'article XVIII.1 du CDE n'a pas pour objectif de réglementer l'offre de bons d'échange ou de bons à valoir et qu'une interprétation extensive en ce sens n'est pas conciliable avec le régime d'exception de l'article XVIII.1 du CDE. [150] Cette analyse paraît critiquable. Les travaux préparatoires concernant l'article XVIII.1 du CDE ne renvoient en effet pas à la réglementation de bons d'échange ou de bons à valoir. Les arrêtés ministériels ne concernent toutefois pas l'offre de bons d'échange ou de bons à valoir dans le sens qu'ils règleraient spécifiquement les conditions auxquelles ces bons seraient soumis (comme c'est le cas dans les art. VI.31 et s. du CDE). Les deux arrêtés ministériels ont une autre portée dans la mesure où ils contiennent la possibilité pour les entreprises de fournir sous certaines conditions des bons de commandes et l'obligation pour les clients d'accepter ceux-ci au lieu de la prestation contractée. Il ne s'agit pas là d'une inexécution [151], mais d'un droit de report de l'exécution du service. En réglementant ainsi les droits des entreprises concernées quant aux services prestés et corollairement l'obligation pour le client d'accepter que la prestation de service soit substituée par un service différé, le ministre semble bien réglementer la « prestation de services ». En effet, selon nous, il faut entendre l'offre et la prestation de service au sens « large », c'est-à-dire comprenant également la possibilité de réglementer les effets d'une prestation de service (tel qu'un report ou une substitution).

                                    ii. Pouvoirs de réquisition

                                    51.En vertu de l'article XVIII.2, § 1er, du CDE, le ministre de l'Economie peut procéder ou faire procéder à la réquisition de produits pour les mettre à la disposition soit de l'Etat, soit des administrations ou des services publics, soit de personnes ou établissements privés. [152] Entre d'autre termes, le ministre peut obliger certaines personnes à remettre des produits aux personnes indiquées par le ministre. La réquisition de biens prévue peut porter soit sur les objets eux-mêmes, soit sur l'établissement ou le matériel destiné à les produire, les transformer, les transporter, les mettre en vente ou les détenir. [153]

                                    Ici aussi, ce pouvoir exceptionnel est accompagné de conditions spécifiques:

                                      • la mesure doit être justifiée pour faire face à une nécessité collective urgente;
                                      • tout autre moyen raisonnable, à la disposition du ministre dans un délai utile doit être absent;
                                      • la réquisition doit se faire contre paiement;
                                      • l'arrêté ministériel par lequel le ministre procède ou fait procéder aux réquisitions visées aux paragraphes précédents, est confirmé le plus vite possible par un arrêté royal, délibéré en Conseil des ministres. [154] Si cet arrêté n'est pas confirmé par le Roi, il est présumé n'avoir jamais eu d'effet.

                                      L'article XVIII.2, § 3, du CDE prévoit en outre quelques formalités spécifiques à remplir:

                                        • à peine de nullité, l'ordre de réquisition doit être formulé par écrit et doit être signé par le ministre ou son délégué. Uniquement en cas de nécessité, l'ordre de réquisition peut être formulé verbalement et faire l'objet d'une confirmation ultérieure par le ministre;
                                        • l'ordre de réquisition doit mentionner la nature, la durée de la réquisition, les conditions dans lesquelles la réquisition doit être exécutée et, le cas échéant, la quantité de produits concernée. Ces mentions ne sont pas prescrites à peine de nullité;
                                        • l'ordre de réquisition doit être notifié avec accusé de réception par les agents prévus à l'article XV.2 du CDE à la personne physique ou morale ou possesseur, à quel titre que ce soit, des biens requis.

                                        52.A défaut de définition de la notion de « réquisition » dans le Code de droit économique, il faut se tourner vers la circulaire ministérielle du 30 mars 2009 pour comprendre le mécanisme: « la réquisition est un mécanisme exceptionnel par lequel l'autorité publique impose des prestations à des personnes physiques ou morales ou s'attribue l'usage ou la propriété de biens meubles ou l'usage de biens immeubles sans que le consentement de ces personnes ou des détenteurs de ces biens ne soit exigé, et ce uniquement en cas de nécessité absolue d'intérêt public et en l'absence de tout autre moyen raisonnable à sa disposition dans un délai utile ». [155] A la différence d'une expropriation qui implique un transfert forcé de la propriété d'un bien immeuble appartenant à une personne dans un but d'utilité publique moyennant une juste indemnité, la réquisition porte tant sur les choses dont l'autorité publique requiert l'usage, que sur des personnes auxquelles des prestations sont imposées. [156] La réquisition vise dès lors à requérir le matériel et le personnel qui sont nécessaires pour le fonctionnement des services considérés comme essentiels. [157] Ainsi, l'article XVIII.2 du CDE habilite le ministre de l'Economie à réquisitionner des établissements et des entreprises pour y produire, par exemple, des équipements médicaux.

                                        Bien que l'arsenal juridique belge comprenne plusieurs dispositifs de réquisitions (réquisition de personnel en cas de grève, réquisition de médicaments, réquisition d'un service hospitalier, réquisition dans le cadre de la réalisation des missions de sécurité civile, etc.), l'article XVIII.2 du CDE vise principalement la gestion de la crise économique et relève des compétences du ministre de l'Economie.

                                        L'exposé des motifs du projet de loi introduisant l'article XVIII.2 dans le CDE précise que la réquisition prévue doit rester un ultime recours aux circonstances ou événements imprévus, à savoir toute circonstance ou événement, exceptionnel ou non, qui n'a pas pu être raisonnablement anticipé, de sorte qu'aucune mesure de prévention ou de limitation de la crise qui en découle n'a pas pu être mise en place avant leur survenance. [158]

                                        Force est de constater que la réquisition est un mécanisme attentatoire aux droits et libertés des individus [159] et qu'elle ne doit être utilisée que dans les cas exceptionnels imprévus pour faire face à une nécessité collective urgente et en l'absence de tout autre moyen raisonnable à sa disposition dans un délai utile.

                                        53.Durant la première « vague » de COVID-19, le ministre de l'Economie a adopté un arrêté ministériel [160] dans lequel il fait (notamment) usage de son pouvoir de réquisition. L'objectif de cet arrêté ministériel est d'assurer l'approvisionnement des services de santé en équipements médicaux afin de pallier la pénurie à laquelle la Belgique était confrontée, notamment par le fait que les entreprises de production et de fabrication sont situées dans d'autres pays. Ainsi, l'absence d'alternative liée aux graves perturbations du marché des dispositifs médicaux, des biocides et des équipements de protection individuelle justifie les mesures visant la continuité du secteur de la santé en tant que partie de l'économie. L'arrêté est pris sur la base des articles XVIII.1 et XVIII.2 du CDE. [161] D'une part, il réglemente la vente au détail des dispositifs médicaux (lingettes désinfectantes, appareils respiratoires, masques bronchoalvéolaires, etc.) et des équipements de protection individuelle (masques FFP2 et FFP3, tabliers de protection, lunettes de protection, etc.) et des biocides, par les officines agréées sous la condition de la prescription par un professionnel des soins de santé. D'autre part, il prévoit expressément le recours à la réquisition de ces produits par les fonctionnaires de la Direction générale de l'Inspection économique.

                                        Le but poursuivi par cet arrêté ministériel portant sur la sécurité de l'approvisionnement est assuré tant en réglementant la vente au détail qu'en donnant la possibilité de procéder à la réquisition des dispositifs médicaux et des équipements de protection individuelle. Enfin, on notera la durée limitée de ces mesures ainsi que leur confirmation par l'arrêté royal du 18 juin 2020.

                                        V. Conclusions

                                        54.L'expérience de la crise sanitaire causée par le coronavirus COVID-19 aura mis les institutions de l'Etat belge dans une « situation d'exception » [162] dont il faudra s'assurer qu'elle ne devienne pas la norme. Confrontés à une pandémie « imprévue » et « exceptionnelle », les droits et les libertés individuelles ont été considérablement restreints, et la liberté d'entreprendre n'y aura pas échappé. Nous avons tenté d'esquisser dans la présente contribution les contours du cadre juridique relatif à la liberté d'entreprendre et ses restrictions en temps de crise. Compte tenu des nombreuses interrogations que suscite la crise sanitaire, nous avons livré notre première analyse mais les réflexions devront être poursuivies.

                                        Notre analyse nous a permis, en premier lieu, de conclure que la liberté d'entreprendre peut être restreinte par la loi au sens large à condition que certains critères soient remplis. Ces critères sont, d'une part, prévus par la loi (condition de base légale) et, d'autre part, déterminés par la jurisprudence, notamment des trois Cours suprêmes belges. Nous avons pu constater que leur jurisprudence divergeait, bien que, dans le cadre de recours formulés contre des mesures prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19, nous avons pu observer que la jurisprudence du Conseil d'Etat semblait se rallier à celle développée par la Cour constitutionnelle spécifiquement pour la liberté d'entreprendre. L'analyse de cette jurisprudence démontre également qu'à ce jour, les restrictions à la liberté d'entreprendre sont soumises à des critères spécifiques propres à cette liberté, qui diffèrent des critères généralement appliqués en cas d'atteinte à une liberté fondamentale. Ceci nous a permis de conclure que, jusqu'à présent, la jurisprudence ne reconnaissait pas cette liberté comme une liberté fondamentale. Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, une restriction motivée sur la base de la protection de la santé ou la sécurité semble être un motif valable pour justifier une intervention du législateur (au sens large). Dans les deux cas également, le critère de proportionnalité prête à discussion, et il ne semble pas aisé de convaincre les cours de sa violation, à moins que la liberté d'entreprendre ne soit complètement exclue, ce qui ne semble pas avoir été le cas pour la pandémie de COVID-19.

                                        Notre analyse nous a permis, en deuxième lieu, de conclure que les pouvoirs spécifiques octroyés au ministre de l'Economie n'ont qu'une portée limitée. Que ces pouvoirs spécifiques puissent être utilisés uniquement dans les situations requérant une intervention urgente du ministre de l'Economie nous semble une évidence dans un Etat démocratique garant des droits et libertés individuelles. Il nous semble cependant qu'à la lumière de possibles crises majeures à venir, un régime plus adéquat devrait être mis en place, axé sur des pouvoirs spéciaux octroyés par le CDE au Roi, permettant à celui-ci, après concertation du Conseil des ministres, de prendre sans délai des mesures temporaires. Ceci permettrait d'agir rapidement et efficacement, tout en évitant d'avoir recours à des adaptations détaillées du CDE. En tout état de cause, et au regard des observations faites par la section de législation du Conseil d'Etat, il nous paraît utile de clarifier le texte du Livre XVIII du CDE afin de limiter autant que possible les discussions a posteriori sur la validité des mesures prises.

                                        [1] Avocate au barreau de Bruxelles et assistante à l'ULB (Mons).
                                        [2] Avocate au barreau de Bruxelles et professeur à la VUB. Elle dédie cette contribution à Hannah Fostier. Née à l'aube du premier lockdown, l'état des choses actuel est pour elle la normalité. Tout est relatif …
                                        [3] Voy. not. l'interview avec l'économiste Ann Pettifor dans le journal De Morgen du 5 décembre 2020, « Ann Pettifor maakt zich grote zorgen. 'De wereldeconomie is vandaag extreme onstabiel', zegt ze. 'De coronaepidemie doet daar een flinke schep bovenop, terwijl ook de verwoestende gevolgen van de klimaatverandering steeds duidelijker worden. Velen lijken zich nog altijd niet bewust te zijn van de ecologische ramp die ons boven het hoofd hangt. Corona zou ons de ogen moeten openen, want de pandemie is een stevige mondiale tik.' Pettofor is bang dat er nog corona-achtige virussen in de pijplijn zitten. 'Experts waarschuwen dat er nieuwe pandemieën volgen als we de natuurlijke habitat van wilde dieren blijven verstoren.' Corona zagen we niet aankomen - ik trouwens ook niet. Voor toekomstige pandemieën hebben we geen excuus meer. »
                                        [4] E. Dirix, R. Steennot et H. Vanhees, Handels- en economisch recht in hoofdlijnen, Anvers, Intersentia, 2014, p. 1.
                                        [5] R. Van den Bergh et E. Dirix, avec la collaboration de H. Vanhees, Handels- en economisch recht in hoofdlijnen, Anvers, Intersentia, 1997, p. 17.
                                        [6] Loi du 27 mai 2020 modifiant certaines dispositions du Code de droit économique en ce qui concerne l'inscription à la BCE et le report des soldes (M.B., 29 mai 2020).
                                        [7] Les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) interdisent en principe les aides d'Etat. Ces aides peuvent néanmoins être autorisées, à titre d'exception, lorsqu'elles ne menacent pas l'intérêt communautaire, et en l'occurrence le fonctionnement du marché unique. Les Etats ont en principe l'obligation de notifier des aides. La Commission européenne analyse alors leurs modalités afin de voir si les aides nuisent au commerce interétatique ou si elles présentent un caractère sélectif. Une aide considérée comme incompatible avec le marché unique doit être éliminée et, le cas échéant, remboursée. Par une communication intitulée « Encadrement temporaire des mesures d'aide d'Etat visant à soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (J.O., C. 20 mars 2020), la Commission européenne vise à établir un encadrement temporaire des mesures d'aide d'Etat visant à soutenir l'économie dans le contexte de la pandémie du coronavirus (ou COVID-19). La Commission européenne décrit entre autres les possibilités offertes par les règles de l'Union aux Etats membres pour garantir la liquidité et l'accès au financement des entreprises, en particulier des PME confrontées en ce moment à une soudaine pénurie, afin de leur permettre de surmonter la situation actuelle.
                                        [8] Voy. J. Stuyck, « La protection européenne des consommateurs face à la crise de la COVID-19 », R.A.E.-L.E.A., 2020/2, pp. 273 et s.; E. Terruyn, « Consumentenrechten in tijden van corona - een delikate evenwichtsoefening », R.W., 2019-2020, p. 1642.
                                        [9] Loi du 27 mai 2020 modifiant certaines dispositions du Code de droit économique en ce qui concerne l'inscription à la BCE et le report des soldes (M.B., 29 mai 2020).
                                        [10] Voy. not. l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 avril 2020 (n° 247.452) dans lequel les parties requérantes dénonçaient la concurrence déloyale par rapport à des magasins de bricolage et de pépinières qui pouvaient rouvrir alors qu'elles n'étaient pas visées par la réouverture décidée dans l'arrêté ministériel. Le Conseil d'Etat répond qu'il semble y avoir une justification adéquate au caractère restrictif de l'exception autorisée pour les consommateurs de se rendre dans les magasins de bricolage et de pépinières en vue de continuer de faire respecter l'obligation de rester chez soi.
                                        [11] Voy. en ce qui concerne les voyages à forfait: arrêté ministériel du 19 mars 2020 relatif au remboursement des voyages à forfait annulés (M.B., 20 mars 2020). Voy. en ce qui concerne l'annulation d'activités culturelles, sociales, sportives ou récréatives, arrêté ministériel du 14 septembre 2020 relatif aux activités à caractère privé ou public, de nature culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative (M.B., 18 septembre 2020); arrêté ministériel du 8 juin 2020 prolongeant l'arrêté ministériel du 19 mars 2020 relatif aux activités à caractère privé ou public, de nature culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative (M.B., 10 juin 2020); arrêté ministériel du 19 mars 2020 relatif aux activités à caractère privé ou public, de nature culturelle, sociale, festive, folklorique, sportive et récréative (M.B., 20 mars 2020).
                                        [12] Arrêté royal n° 11 du 22 avril 2020 relatif aux mesures au regard des modalités en matière de crédit hypothécaire dans le cadre de la crise corona (M.B., 24 avril 2020); arrêté du Gouvernement flamand du 13 novembre 2020 portant reconnaissance de la crise COVID-19 et portant dérogation au régime du prêt gagnant-gagnant (M.B., 19 novembre 2020).
                                        [13] Arrêté royal n° 15 du 24 avril 2020 relatif au sursis temporaire en faveur des entreprises des mesures d'exécution et autres mesures pendant la durée de la crise du COVID-19 (M.B., 24 avril 2020).
                                        [14] Loi du 28 février 2013 introduisant le Code de droit économique (M.B., 29 mars 2013), en vigueur depuis le 12 décembre 2013; l'art. II.1er, CDE énonce que: « Sous réserve de l'application des traités internationaux, du droit de l'Union européenne ou de législations particulières, le présent code contient les dispositions générales applicables aux matières économiques qui relèvent de la compétence de l'autorité fédérale. »
                                        [15] M.B., 15 août 1980.
                                        [16] A noter qu'à l'heure actuelle, la signification de la notion de « droit commercial » n'est plus très claire. En effet, la loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des entreprises (M.B., 27 avril 2018) a supprimé le Code de commerce (voy. art. 256) et la notion de « commerçant » pour la remplacer par la notion plus large d'« entreprise » (voy. art. 254). La question se pose dès lors de savoir si l'on peut encore parler de « droit commercial » ou si ce terme doit être compris comme se référant au droit de l'entreprise.
                                        [17] C'est ainsi que différentes mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 ont été prises au niveau fédéral par le ministre de l'Intérieur sur la base de ses compétences en matière de protection civile. Voy. p. ex. arrêté ministériel du 8 octobre 2020 modifiant l'arrêté ministériel du 30 juin 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 (M.B., 8 octobre 2020).
                                        [18] Voy. P. De Vroede et M. Flamee, Handboek van het Belgisch economisch recht, Deurne, Kluwer rechtswetenschappen, 1988, 23, n° 41. Voy. aussi M. Gotzen, Vrijheid van beroep en bedrijf en onrechtmatige mededinging, Bruxelles, Larcier, 1963, pp. 281 et s.
                                        [19] L'opposé est un système de marché fermé, où une série de prohibitions limite l'activité libre de marché. Il peut y avoir des limitations quant aux personnes qui peuvent participer ou des règles qui permettent que le prix soit déterminé par d'autres mécanismes de prix que l'offre et la demande.
                                        [20] Le marché peut être défini comme étant la place où les biens et les services sont échangés (soit une place concrète comme le marché d'une commune ou un marché plus abstrait au sens du « marché immobilier »).
                                        [21] Exposé des motifs, projet de loi introduisant le Code de droit économique, 6 décembre 2012, Doc. parl., Ch. repr., 2012-2013, n° 2543/001, p. 22.
                                        [22] Exposé des motifs, projet de loi introduisant le Code de droit économique, 6 décembre 2012, Doc. parl., Ch. repr., 2012-2013, n° 2543/001, pp. 22 et s.
                                        [23] Cass., 2 juin 1960, Pas., 1960, I, p. 1113. Voy. aussi la proposition de « Révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie », déposée par Mme Anseeuw et consorts, 21 novembre 2006, Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1930/1, p. 3.
                                        [24] En vertu de cette disposition, les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils sont conformes aux lois.
                                        [25] P. De Vroede et M. Flamee, Handboek van het Belgisch economisch recht, o.c., 28, n° 52, et les références citées.
                                        [26] Voy. P. De Vroede et M. Flamee, Handboek van het Belgisch economisch recht, o.c., 23, n° 41. La version originale contenait encore la phrase « mais elle sera tenue de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits ».
                                        [27] P. De Vroede et M. Flamee, Handboek van het Belgisch economisch recht, o.c., 23, n° 41.
                                        [28] Voy. R. Feltkamp, Cursus economisch en financieel, VUB, 2019-2020, à consulter via www.academia.edu/44536941/Cursus_economisch_and_financieel_recht_VUB, pp. 55 et s. Voy. aussi la proposition de « Révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie », déposée par Mme Anseeuw et consorts le 21 novembre 2006, Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1930/1, pp. 4 et s.
                                        [29] Voy. pour l'abrogation l'art. 3 de la loi du 28 fevrier 2013 introduisant le Code de droit economique (M.B., 29 mars 2013): « Le décret des 2-17 mars 1791 portant suppression de tous les droits d'aides, de toutes les maitrises et jurandes et etablissement des droits de patente est abroge. »
                                        [30] Voy. la proposition de « Révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie », déposée par Mme Anseeuw et consorts le 21 novembre 2006, Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1930/1.
                                        [31] Voy. not. C.C., 17 octobre 2019, n° 141/2019, B.11.; C.C., 28 avril 2016, n° 56/2016, B. 17.2.
                                        [32] Voy. M. Vanderstraeten, « La liberté d'entreprendre dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et du Conseil d'Etat », in Actualité en droit économique, Larcier, 2015, nos 8 et 17. Voy. D. Mertens et G. Straetmans, « Vrijheid van ondernemen », in Beginselen van privaatrecht, XIII, Handels- en economisch recht, Deel I, Ondernemingsrecht, vol. A, Anvers, Kluwer, 2011, p. 71, n° 59. Voy. aussi C.C., 28 mai 2009, n° 87/2009, B.6.2: « La Cour n'est pas compétente pour examiner un moyen pris de la violation de l'art. 7 du décret des 2-17 mars 1791 reconnaissant la liberté de commerce et d'industrie. Cette liberté n'est, de surcroît, pas reconnue par l'art. 23, al. 3, 1°, de la Constitution. La liberté de commerce et d'industrie est cependant garantie par une disposition dont la Cour assure directement le respect, à savoir l'art. 6, § 1er, VI, al. 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles qui impose aux régions d'exercer leurs compétences dans le respect du principe de la liberté de commerce et d'industrie. »
                                        [33] M. Vanderstraeten, « La liberté d'entreprendre dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et du Conseil d'Etat », o.c., n° 10.
                                        [34] D. Mertens et G. Straetmans, « Vrijheid van ondernemen », in Beginselen van privaatrecht, XIII, Handels- en economisch recht, Deel I, Ondernemingsrecht, vol. A, Anvers, Kluwer, 2011, p. 70, n° 58.
                                        [35] Voy. la proposition de « Révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie », déposée par Mme Anseeuw et consorts le 21 novembre 2006, Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1930/1, p. 3). Proposition de « Révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie », déposée par Mme Lijnen et M. Van Biesen le 7 novembre 2014, Doc. parl., Ch. repr., 2014-2015, n° 0581/1, p. 8.
                                        [36] C.C., 8 juillet 2010, n° 83/2010, B.7.; C.C., 22 décembre 2010, n° 149/2010, B.8.
                                        [37] Exposé des motifs du projet de loi introduisant le Code de droit économique, Doc. parl., Ch. repr., 2012-2013, n° 2543/1, p. 23.
                                        [38] Proposition de « Révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie », déposée par Mme Anseeuw et consorts le 21 november 2006, Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n ° 3-1930/1, p. 9. Voy. égal. la proposition de « Révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie », déposée par Mme Lijnen et M. Van Biesen le 7 novembre 2014, Doc. parl., Ch. repr., 2014-2015, n° 0581/1
                                        [39] Voy. C.E., avis 39.942/AG du 18 avril 2006 relatif à la proposition de loi visant à garantir un service minimum dans le cadre des missions de service public et des missions d'intérêt général, précisant que: « Il résulte de ces dispositions, spécialement de l'exigence selon laquelle les restrictions dans la jouissance ou l'exercice des droits consacrés par ces instruments nécessitent une 'loi', que les textes de droit interne qui en constituent l'assise doivent avoir un caractère de clarté et de prévisibilité suffisant » et que « Dans l'ordre juridique belge, les éléments essentiels d'une réglementation doivent figurer dans une norme adoptée par le pouvoir législatif. Cette exigence est renforcée lorsque cette réglementation tend à limiter un droit fondamental. »
                                        [40] Voy. concernant ces deux dispositions: Cass., 9 septembre 2019, C.18.0521.N; voy. concernant l'art. 7 du décret d'Allarde: Cass., 25 juin 2015, C.14.0008.F, R.C.J.B., 2016, p. 376, note P. Wéry; Cass., 14 septembre 2017, C.16.0354.N.
                                        [41] Cass., 14 septembre 2017, C.16.0354.N.
                                        [42] J. Baeck, Restitutie na vernietiging of ontbinding van overeenkomsten, Antwerpen, Intersentia, 2012, p. 175, nos 261-262; J. Baeck, « Deugenieten en nietigheden », in Liber amicorum H. Bocken, Brugge, die Keure, 2009, pp. 160-164; L. Cornelis, « Mal aimé, mal armé: l'ordre public en droit privé » (note sous Cass., 20 janvier 2015), R.C.J.B., 2017, p. 201, n° 22; J. De Conick, « De toetsing van een overeenkomst aan de openbare orde naar Belgisch recht », in J. Smits et S. Stijns (eds.), Inhoud en werking van de overeenkomst naar Belgisch en Nederlands recht, Antwerpen, Intersentia, 2005, pp. 215-216.
                                        [43] L. Cornelis, « Mal aimé, mal armé: l'ordre public en droit privé » (note sous Cass., 20 janvier 2015), R.C.J.B., 2017, p. 201, n° 22.
                                        [44] L. Cornelis, Openbare Orde, Anvers, Intersentia, 2019, p. 167, n° 3.31; L. Cornelis, « Mal aimé, mal armé: l'ordre public en droit privé » (note sous Cass., 20 janvier 2015), R.C.J.B., 2017, p. 202, n° 23; Cass., 6 janvier 2012, C.10.0182.F.
                                        [45] A défaut d'annulation par le juge, la convention continuera à s'imposer, peu importe le défaut qui l'entache. L'inopposabilité qui est visée par l'art. 2 C. civ. ne suppose pas d'action en justice par la partie qui s'en prevaut. Cette partie peut simplement refuser d'appliquer la convention en se prévalant de l'art. 6. Si son cocontractant conteste la violation de l'art. 2 C. civ., c'est à celui-ci de s'adresser aux cours et tribunaux afin d'obtenir que l'appel à l'art. 6 soit déclaré denué de tout fondement. Voy. L. Cornelis, « Mal aimé, mal armé: l'ordre public en droit privé » (note sous Cass., 20 janvier 2015), R.C.J.B., 2017, p. 202, n° 23.
                                        [46] L. Cornelis, Openbare Orde, Anvers, Intersentia, 2019, pp. 179-182, nos 3.51 et s.
                                        [47] Concl. Av. gén. Villalon, C.J.U.E., 18 juillet 2013, C-426/11, Alemo Herron & co / Parkwood Leisure LTD, n° 51; C.J.U.E., 19 septembre 1985, C-63/84 et C-147/84, Finsider / Commissie, n° 23.
                                        [48] Voy. e.a., C.J.U.E., 14 mai 1974, C-4-73, Nold / Commission, nos 13-14; C.J.U.E., 27 septembre 1979, C-230/78, Eridania / Minister van land en bosbouw, nos 20 et s.; C.J.U.E., 16 janvier 1979, C-151/78, Sukkerfabriken Nykøbing, nos 19 et C.J.U.E., 5 octobre 1999, C-240/97, Spanje / Commissie, n° 99.
                                        [49] Voy. pour un compte-rendu FRA - European Union Agency for Fundamental Rights, « Freedom to conduct a business: exploring the dimensions of a fundamental right », Luxembourg, Publication Office of the European Union, 2015, disponible via www.fra.europa.eu/en/publication/2015/freedom-conduct-business-exploring-dimensions-fundamental-right, p. 26., ci-après « FRA 2015 ».
                                        [50] La Charte a été adoptée le 7 décembre 2000 par le Parlement européen, le Conseil de ministres et la Commission européenne. Elle est entrée en vigueur avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009.
                                        [51] J.O., C., 18 décembre 2000, n° 364/01.
                                        [52] FRA, 2015, p. 21.
                                        [53] FRA, 2015, p. 21.
                                        [54] FRA, 2015, p. 21.
                                        [55] Voy. égal. L. Bojarski, D. Schindlauer et K. Wladasch, The Charter of Fundamental Rights as a living instrument, 2014, disponible via www.bim.lbg.ac.at/sites/files/bim/attachments/cfreu_manual_0.pdf, p. 13.
                                        [56] Voy. égal. C.J.U.E., 26 février, C-617/10, Åkerberg Fransson, pts. 17-20.
                                        [57] C.E., 10 août 2020, n° 248.132, BV Harman / Etat belge.
                                        [58] Voy. e.a. P. De Vroede et M. Flamee, Handboek van het Belgisch economisch recht, o.c., 25, n° 45 et les références cités; voy. égal. Cass., 12 juillet 1917, Pas., 1918, I, p. 65; Cass., 13 septembre 1991, R.W., 1991-1992, 882.
                                        [59] La proposition de « révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie », déposée par Mme Anseeuw et consorts le 21 novembre 2006, Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1930/1, pp. 4 à 6.
                                        [60] Cass., 4 juin 1996, Arr.Cass., 1996, 207.
                                        [61] Cass., 4 mars 1998, P.97.1323.F.
                                        [62] Cass., 17 décembre 2010, C.10.0148.N.
                                        [63] C.C., 18 mars 2010, n° 29/2010, pts. B.6.3.
                                        [64] Outre son pouvoir de contrôler les normes de nature législative au regard des règles qui déterminent les compétences respectives de l'Etat fédéral, des communautés et des régions, la Cour constitutionnelle a également le pouvoir de se prononcer sur la violation, par une norme de nature législative, des droits et libertés fondamentaux garantis par le Titre II de la Constitution (art. 8 à 32), ainsi que des articles 143, § 1 er (principe de la loyauté fédérale), 170 (principe de la légalité en matière fiscale), 172 (principe d'égalité en matière fiscale) et 191 (protection des étrangers) de la Constitution. Ainsi, la Cour ne contrôle pas l'ensemble des dispositions de la Constitution, ni les droits et libertés garantis ailleurs que dans la Constitution.
                                        [65] Voy. aussi M. Vanderstraeten, « La liberté d'entreprendre dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et du Conseil d'Etat », o.c., nos 13 et 14.
                                        [66] C.C., 9 octobre 2014, n° 142/2014, pt. B.7.2; C.C., 17 octobre 2019, n° 141/2019, pt. B.11. (« La liberté d'entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté d'entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi. »); C.C., 28 avril 2016, n° 56/2016, pt. B.18.4.; C.C., 28 mai 2009, nr. 87/2009: « B.16. Cette liberté n'est pas absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Elle ne serait violée que si cette activité était limitée sans nécessité ou de manière disproportionnée au but poursuivi. »; C.C., 28 avril 2011, n° 56/2011, pt. B.8.2.; C.C., 1er septembre 2008, n° 130/2008, pt. B.20.2.: « En ce qui concerne la violation de la liberté de commerce et d'industrie, il y a lieu d'observer que cette liberté ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Elle ne serait violée que si elle était limitée sans nécessité et de manière manifestement disproportionnée au but poursuivi. »
                                        [67] D. Mertens et G. Straetmans, « Vrijheid van ondernemen », in Beginselen van privaatrecht, XIII, Handels- en economisch recht, Deel I, Ondernemingsrecht, vol. A, Antwerpen, Kluwer, 2011, p. 76, n° 61 et p. 78, n° 62.
                                        [68] Voy. C.C., 27 novembre 2014, n° 170/2014, pt. B.14.: « Le législateur ne violerait la liberté de commerce et d'industrie visée à l'art. 6, § 1er, VI, al. 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles que s'il limitait cette liberté sans aucune nécessité ou si cette limitation était totalement disproportionnée au but poursuivi ou portait atteinte à ce principe en manière telle que l'Union économique et monétaire serait compromise. »
                                        [69] Voy. C.C., 3 mars 2016, n° 31/2106, pt B.13.: « Pour les mêmes motifs, il y a lieu de considérer que le législateur poursuit un objectif légitime en luttant au maximum contre les effets nuisibles du tabagisme. Le traitement identique des exploitants d'un établissement horeca, en ce qui concerne la réglementation en matière de fumoirs, est lié à la réalisation de cet objectif, à savoir protéger les non-fumeurs et les travailleurs dans le secteur concerné. En premier lieu, il serait particulièrement difficile pour le législateur de distinguer, sur la base d'un critère objectif, les petits cafés populaires des autres établissements horeca. En outre, les éventuelles conséquences économiques de l'interdiction de fumer, à laquelle permet de déroger l'installation d'un fumoir, ne l'emportent pas sur les risques particulièrement sérieux que le tabac entraîne pour la santé des clients et des travailleurs du secteur horeca et une dispense des obligations pour certains établissements horeca en raison des seules implications financières de celles-ci ferait obstacle à la réalisation des objectifs poursuivis par l'interdiction de fumer dans les lieux accessibles au public. Enfin, l'installation d'un fumoir dans les établissements horeca est une simple possibilité et non une obligation. Compte tenu de ce qui précède, il ne peut pas être soutenu que la réglementation en matière de fumoirs limiterait la liberté de commerce et d'industrie sans aucune nécessité. »
                                        [70] Ainsi, la Cour constitutionnelle rappelle que le législateur a entendu que les activités de gardiennage et de sécurité soient pourvues d'une réglementation stricte et restrictive en considération de ce que le maintien de l'ordre public est au premier chef une responsabilité de l'autorité publique. Dans cet arrêt, on notera que la Cour constitutionnelle a annulé certaines dispositions attaquées d'une loi relative à la sécurité privée et particulière notamment sur la base de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec le principe de liberté de commerce et d'industrie (arrêt du 24 septembre 2015, n° 125/2015, pts. B.5. et s., et particulièrement B.10.).
                                        [71] M. Vanderstraeten, « La liberté d'entreprendre dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et du Conseil d'Etat », o.c., p. 25, n° 29; l'auteur identifie également les objectifs d'intérêt général poursuivis par le législateur dans le cadre d'une atteinte à la liberté d'entreprendre qui ont été validés par la Cour, parmi lesquels la protection de l'environnement, la protection du consommateur et la garantie de la relation de confiance entre un commerçant et ses clients, la protection du joueur contre la dépendance aux jeux de hasard, l'assurance de la survie et la rentabilité des services de taxis et l'assurance de la qualité des soins de santé par la gestion efficace et sécurisée de données relatives à la santé; voy. particulièrement n° 20 de l'article.
                                        [72] O.c.
                                        [73] Voy. p. ex. en ce qui concerne l'art. 22 de la Constitution: C.C., 15 mars 2018, n° 29/2018, pts. B.11. et s., et particulièrement B.12.: « Les droits que garantissent l'art. 22 de la Constitution et l'art. 8 de la convention européenne des droits de l'homme ne sont toutefois pas absolus. Ils n'excluent pas toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée mais exigent que cette ingérence soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit. Ces dispositions engendrent de surcroît l'obligation positive, pour l'autorité publique, de prendre des mesures qui assurent le respect effectif de la vie privée, même dans la sphère des relations entre les individus. »; C.C., 12 octobre 2017, n° 116/2017, pt. B.3.2. Voy. p. ex. en ce qui concerne l'art. 19 de la Constitution: C.C., 25 mai 2016, n° 72/2016, pt. B.18.2.
                                        [74] C.E., 5 mai 2017, n° 238.107; C.E., 9 novembre 2018, n° 242.909. Voy. e.a. égal. en ce qui concerne l'application du décret d'Allarde: C.E., 18 avril 2016, n° 234.417 concernant une redevance imposée par la commune de Saint-Josse pour la délivrance de documents administratifs considérée comme dépassant en effet les limites légalement admissibles à ce titre (« Considérant que la liberté du commerce et de l'industrie, consacrée par l'art. 7 du décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, toujours en vigueur au moment de l'adoption de l'acte attaqué, n'est pas illimitée; qu'elle peut faire l'objet de restrictions et ne fait pas obstacle à la compétence de l'autorité communale pour établir des taxes ou redevances »); C.E., 18 décembre 2015, n° 233.316, concernant un règlement de police interdisant la vente de boissons alcoolisées; C.E., 14 mars 2000, n° 85.916 concernant un règlement de taxe adopté par la commune d'Ixelles et créant un impôt sur les immeubles ou parties d'immeubles affectes à tout autre usage que le logement (« Considérant qu'il ne saurait pas davantage être soutenu que la partie adverse aurait interféré sur la liberté d'usage des biens et du commerce; qu'en effet, la liberté de commerce et d'industrie consacrée par le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, n'est pas illimitée et n'est en tout cas pas de nature à entraver le pouvoir qu'a l'autorité publique d'établir des taxes sur les activités économiques et commerciales; qu'en l'espèce, même si la taxe litigieuse a un caractere dissuasif sur le développement immobilier des bureaux, il n'apparaît pas qu'elle entraverait au-delà du raisonnable, voire empêcherait, l'installation de bureaux et de commerces. »).
                                        [75] A distinguer des lois d'ordre public, c.-à-d. les lois auxquelles l'on ne peut déroger (soit parce que cela est explicitement stipulé dans la loi concernée ou parce qu'il découle des travaux préparatoires ou de la ratio legis que le législateur avait l'intention de n'admettre aucune dérogation). Egalement à distinguer de la notion générale d'« ordre public » et des « bonnes moeurs », voy. L. Cornelis, Openbare orde, Anvers, Intersentia, 2019, 943 p. 
                                        [76] C.E., 16 mai 2019, n° 244.504.
                                        [77] Voy. les arrêts concernant les clauses de non-concurrence, comme p. ex. Cass., 14 septembre 2017, C.16.0354.N; Cass., 25 juin 2015, C.14.0008.F.
                                        [78] Cass., 2 juin 1960, Pas., 1960 I, p. 1133; Cass., 18 février 1965, R.W., 1965-1966, col. 337.
                                        [79] C.J.U.E., 9 septembre 2004, C-184/02 et C-223/02, Spanje et Finland / Parlement et Conseil, n° 52; voy. aussi C.J.U.E., 28 avril 1998, C-200/96, Metronome Musik, n° 21; C.J.U.E., 8 mai 2019, C-230/18, PI / Landespolizeidirektion Tirol (avec application de la Charte).
                                        [80] B. Meeusen et L. François, « De ene toets is de andere niet: variërende toetsingsintensiteit in de rechtspraak van het Grondwettelijk Hof », R.W., 2020-2021, p. 363, n° 1.
                                        [81] A noter que certains auteurs se posent la question de savoir si la santé doit être considérée comme une valeur absolue, notamment lors des crises comme celle que nous connaissons actuellement, et qui autoriserait une suspension d'autres valeurs ou normes; voy. p. ex. F. Ost, « Nécessité fait loi? La santé n'a pas de prix? Ce que le COVID fait au droit », in S. Parsa et M. Uyttendaele, La pandémie de COVID-19 face au droit, Anthemis, 2020, p. 20.
                                        [82] Voy. C.E., 10 août 2020, n° 248.131, pt. 10; C.E., 10 août 2020, n° 248.132, pt. 21.
                                        [83] Voy. C.E., 10 août 2020, n° 248.131, pt. 11; C.E., 10 août 2020, n° 248.132, pt. 23.
                                        [84] Voy. C.E., 10 août 2020, n° 248.131, pt. 17.
                                        [85] Voy. C.E., 10 août 2020, n° 248.132, pts. 24 et s.
                                        [86] Voy. C.E., 28 octobre 2020, n° 248.780, pt. 12.
                                        [87] Voy. not. C.E., 9 octobre 2020, n° 248.541.
                                        [88] Cf. les mesures prises par le centre culturel STUK à Louvain.
                                        [89] La question se pose si le débat démocratique n'est pas - de manière générale - en crise. En effet, en pratique, il devient coutume qu'une nouvelle réglementation à adopter soit « négociée » en intercabinet de sorte que le passage au Parlement semble plutôt un passage formel sans qu'un vrai débat démocratique n'ait lieu.
                                        [90] Cass., 2 mai 2016, S.15.0115.F.
                                        [91] Voy. p. ex., Pol. Bruxelles, 12 janvier 2021, inédit; Pol. Hainaut (div. Charleroi), 21 septembre 2020, J.L.M.B., 2020, pp. 1692 à 1706; Cass., 19 août 2020, P.20.0840.F.
                                        [92] C.E., 27 avril 2020, n° 247.452.
                                        [93] Il s'agit donc d'une double condition.
                                        [94] Pour une analyse des pouvoirs exercés par le ministre de l'Intérieur durant la pandémie de coronavirus COVID-19, voy. G. Ninane,« La pandémie de COVID-19 et le pouvoir de police administrative de l'état d'urgence du ministre de l'Intérieur », J.L.M.B., 2021/1, pp. 17 et s.
                                        [95] Voy. p. ex., l'arrêté ministériel portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 (M.B., 23 mars 2020) ainsi que les arrêtés ministériels qui ont modifié l'arrêté ministériel du 23 mars 2020, ou encore, pendant la « deuxième vague », l'arrêté ministériel du 28 octobre 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 (M.B., 28 octobre 2020).
                                        [96] Loi du 31 décembre 1963 (M.B., 16 janvier 1964).
                                        [97] Loi du 5 août 1992 sur la fonction de police (M.B., 22 décembre 1992).
                                        [98] Loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile (M.B., 31 juillet 2007).
                                        [99] C.E., 13 novembre 2020, n° 248.918, Mainego / Etat belge.
                                        [100] Loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (II) (M.B., 30 mars 2020).
                                        [101] Loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (II) (M.B., 30 mars 2020).
                                        [102] Voy. art. 5, § 1er, 3°, loi du 27 mars 2020.
                                        [103] Voy. art. 5, § 1er, 4°, loi du 27 mars 2020.
                                        [104] Voy. en ce qui concerne la loi du 27 mars 2020, art. 7 de cette loi.
                                        [105] C.C., 4 juin 2020, n° 83/2020, pt. B.1.3.; voy. C. Lanssens et E. Slautsky, « Le recours aux pouvoirs spéciaux dans le contexte de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19: une première évaluation », in S. Parsa et M. Uyttendaele, La pandémie de COVID-19 face au droit, Anthemis, 2020, p. 99.
                                        [106] Avis du Conseil d'Etat n° 67.142 du 25 mars 2020, Doc. parl., Ch. repr., 2019-2020, n° 55-1104/002.
                                        [107] Arrêté royal n° 1 du 6 avril 2020 (M.B., 7 avril 2020).
                                        [108] Arrêté royal n° 2 du 9 avril 2020 (M.B., 9 avril 2020).
                                        [109] Arrêté royal n° 4 du 9 avril 2020 (M.B., 9 avril 2020).
                                        [110] Arrêté royal n° 11 du 22 avril 2020 (M.B., 24 avril 2020).
                                        [111] Arrêté royal n° 13 du 27 avril 2020 (M.B., 29 avril 2020).
                                        [112] Arrêté royal n° 15 du 24 avril 2020 (M.B., 24 avril 2020).
                                        [113] Arrêté royal n° 16 du 29 avril 2020 (M.B., 4 mai 2020), lequel sera retiré par l'arrêté royal n° 27 du 29 mai 2020 (M.B., 29 mai 2020).
                                        [114] Arrêté royal n° 23 du 13 mai 2020 (M.B., 14 mai 2020).
                                        [115] Avis du Conseil d'Etat n° 54.380/1 du 13 décembre 2013, projet de loi du 15 janvier 2014 portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit économique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit economique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 17.
                                        [116] Projet de loi du 15 janvier 2014 portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit économique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit économique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 4.
                                        [117] Projet de loi du 15 janvier 2014, portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit économique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit économique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 4.
                                        [118] Projet de loi du 15 janvier 2014 portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit économique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit économique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 5.
                                        [119] Définition issue du dictionnaire Larousse.
                                        [120] Voy. la communication de la Commission européenne, « Encadrement temporaire des mesures d'aide d'Etat visant a soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (Pb.C. 20 mars 2020, n° 91/I): « 1. La flambée de COVID-19 est une urgence de sante publique grave pour les citoyens et les sociétés et on déplore des infections dans tous les Etats membres de l'Union. Elle constitue également un choc majeur pour l'économie mondiale et celle de l'Union et une réaction économique coordonnée des Etats membres et des institutions de l'UE est essentielle pour atténuer ces retombées négatives sur l'économie de l'Union. 2. Ce choc frappe l'économie de diverses manières. Il y a le choc sur l'offre provoque par la perturbation des chaînes d'approvisionnement, le choc sur la demande provoque par une baisse de la demande des consommateurs, l'incidence négative qu'a le climat d'incertitude sur les plans d'investissement et les effets des contraintes de liquidité pour les entreprises. 3. Les diverses mesures de confinement adoptées par les Etats membres, comme les mesures de distanciation sociale, les restrictions de déplacement, les mises en quarantaine et les mesures d'isolement, ont pour but de faire en sorte que le choc soit aussi bref et limite que possible. Ces mesures ont une incidence immédiate sur la demande et sur l'offre et frappent tant les entreprises que les salariés, en particulier dans les secteurs de la sante, du tourisme, de la culture, du commerce de détail et des transports. Au-delà des effets immédiats sur la mobilité et les échanges commerciaux, la flambée de COVID-19 touche aussi de plus en plus les entreprises, quels que soient leur secteur d'activité et la catégorie, petites et moyennes entreprises ('PME') comme grandes entreprises. Les conséquences se font également ressentir sur les marchés financiers mondiaux et se traduisent notamment par des problèmes de liquidités. Ces effets ne se limiteront pas à un Etat membre en particulier et ils perturberont l'économie de l'Union dans sa globalité. »
                                        [121] C'est d'ailleurs ce que confirme le FMI, voy. p. ex. FMI, « A Crisis Like No Other, An Uncertain Recovery », World Economic Outlook Update, juin 2020 accessible via www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2020/06/24/WEOUpdateJune2020.
                                        [122] Projet de loi du 15 janvier 2014 portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit economique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit economique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 5.
                                        [123] Voy. e.a. Collectif de 120 scientifiques, « La prochaine pandémie est prévisible, il est temps de prendre au sérieux la crise écologique », Le temps, 5 mai 2020, www.letemps.ch/opinions/prochaine-pandemie-previsible-temps-prendre-serieux-crise-ecologique; D. Berns et B. Coriat, « La pandémie était prévisible; et il y en aura d'autres », Le Soir, 3 janvier 2021, www.plus.lesoir.be/346753/article/2021-01-03/benjamin-coriat-la-pandemie-etait-previsible-et-il-y-en-aura-dautres; D. Mackenzie, « The COVID-19 pandemic was predicted - here's how to stop the next one », New Scientist, 16 septembre 2020, www.newscientist.com/article/mg24733001-000-the-covid-19-pandemic-was-predicted-heres-how-to-stop-the-next-one; A. Renda et R.J. Castro, « Chronicle of a pandemic foretold », CEPS-paper, mars 2020, www.ceps.eu/wp-content/uploads/2020/03/CEPS-PI2020-05_Chronicle-of-a-pandemic-foretold.pdf; T. Ridge et D. Disparte, « The World Needs a DARPA-Style Project to Prevent Pandemics », Harvard Business Review, 24 avril 2017, www.hbr.org/2017/04/the-world-needs-a-darpa-style-project-to-prevent-pandemics.
                                        [124] Avis du Conseil d'Etat n° 54.380/1 du 13 décembre 2013, projet de loi du 15 janvier 2014 portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit economique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit economique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 16.
                                        [125] Avis du Conseil d'Etat n° 54.380/1 du 13 décembre 2013, projet de loi du 15 janvier 2014 portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit economique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit economique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 16.
                                        [126] Avis du Conseil d'Etat n° 54.380/1 du 13 décembre 2013, projet de loi du 15 janvier 2014 portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit economique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit economique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 16.
                                        [127] Voy. en ce qui concerne la libre circulation des biens, art. 36 TFUE (« Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de securité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres. » Voy. art. 52 TFEU concernant le droit d'établissement, applicable également, en vertu de l'art. 62 TFEU, à la liberté de prestation des services (« Les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. »).
                                        [128] Voy. égal. T. Delvaux, « Instruments de gestion de crise (livre XVIII): la nouveauté est ailleurs », J.T., 2014, p. 748, n° 9.
                                        [129] Loi du 27 mai 2020 modifiant certaines dispositions du Code de droit économique en ce qui concerne l'inscription à la BCE et le report des soldes (M.B., 29 mai 2020).
                                        [130] Arrêrté royal n° 11 relatif aux mesures au regard des modalités en matière de crédit hypothécaire dans le cadre de la crise corona (M.B., 24 avril 2020), tel qu'adapté.
                                        [131] En ce qui concerne le crédit hypothécaire, le rapport au Roi motive comme suit la nécessité d'adapter l'arrêté royal: « La pandémie du coronavirus affecte notre pays de diverses manières. Il convient donc que chaque mesure pouvant soutenir temporairement notre économie et nos entreprises, soit prise. La pandémie du coronavirus aura des conséquences financières énormes pour de nombreuses entreprises qui engendreront également des pertes de revenu pour de nombreux travailleurs et indépendants. Sans mesures d'accompagnement spécifiques, la situation financière de ces travailleurs et de ces indépendants risque de devenir insoutenable et ils seront incapables de satisfaire leurs obligations financières. Le présent arrêté comprend un nombre de mesures destinées à soulager la situation financière de ces personnes. »
                                        [132] Comme p. ex., en ce qui concerne les soldes, la décision que celles-ci auront lieu en « 2020 » du 1er au 31 août.
                                        [133] Art. II.1 CDE.
                                        [134] Arrêté royal du 18 juin 2020 confirmant des arrêtés ministériels basés sur le Livre XVIII du Code de droit économique à la date de leur entrée en vigueur respective (M.B., 22 juin 2020).
                                        [135] M.B., 20 mars 2020.
                                        [136] M.B., 6 avril 2020.
                                        [137] M.B., 20 mars 2020
                                        [138] M.B., 9 avril 2020.
                                        [139] M.B., 10 juin 2020.
                                        [140] M.B., 23 mars 2020.
                                        [141] M.B., 30 mars 2020.
                                        [142] M.B., 9 avril 2020.
                                        [143] M.B., 4 mai 2020.
                                        [144] Les quatre conditions sont: (i) le bon à valoir représente la valeur totale du montant déjà payé par le voyageur; (ii) aucun coût ne sera mis en compte au voyageur pour la délivrance du bon à valoir; (iii) le bon à valoir a une validité d'au moins un an; (iv) le bon à valoir indique explicitement qu'il a été délivré à la suite de la crise du coronavirus.
                                        [145] La loi prévoit que lorsque le contrat de voyage à forfait est annulé par le voyageur en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués au titre du voyage à forfait mais pas à un dédommagement supplémentaire (art. 30 loi du 21 novembre 2017 relative à la vente de voyages à forfait, de prestations de voyages liées et de services de voyage). De même, lorsque c'est l'organisateur qui résilie en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, il doit rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués pour le voyage à forfait (art. 31 de la loi). Ce remboursement intervient sans retard excessif et en tout état de cause dans les 14 jours au plus tard après la résiliation du contrat de voyage à forfait (art. 32).
                                        [146] M.B., 13 mars 2020.
                                        [147] Ces conditions sont: 1° une activité ayant les mêmes caractéristiques essentielles est organisée ultérieurement au même endroit ou à proximité de celui-ci; 2° l'activité est réorganisée dans un délai de 2 ans qui suit la date de l'événement initial; 3° le bon à valoir représente la valeur totale du montant payé pour le titre d'accès original; 4° aucun coût ne sera mis en compte au détenteur du titre d'accès pour la délivrance du bon à valoir; 5° le bon à valoir indique explicitement qu'il a été délivré à la suite de la crise du coronavirus; 6° aucun supplément ne peut être demandé au détenteur du bon à valoir pour assister au nouvel événement. Le bon à valoir peut octroyer le droit d'acheter d'autres produits de son émetteur pendant le délai visé au 2° de l'alinéa précédent.
                                        [148] Les conditions ont encore été modifiées par un arrêté ministériel du 8 juin 2020 (M.B., 10 juin 2020).
                                        [149] Voy. l'avis du Conseil d'Etat (Sect. législation) n° 67.261/1 du 23 avril 2020, n° 2, p. 6. Dans ce premier avis sur l'arrêté royal du 18 juin 2020 confirmant des arrêtés ministériels basés sur le Livre XVIII du Code de droit économique à la date de leur entrée en vigueur respective, la section de législation du Conseil d'Etat a - après avoir considéré la demande d'avis comme irrecevable - indiqué douter que les art. XVIII.1, § 2 et XVIII.2, § 4, CDE puissent constituer pour le Roi un fondement juridique suffisant et juridiquement sûr pour confirmer tous les arrêtés ministériels énumérés par cet arrêté ministériel. Une motivation spécifique n'a cependant pas été donnée.
                                        [150] Voy. l'avis du Conseil d'Etat (Sect. législation) n° 67.372/1 du 3 juin 2020, n° 2, p. 6.
                                        [151] Cette inexécution ne pourrait être qualifiée de fautive dès lors que les organisateurs sont contraints d'annuler leurs événements à la suite des mesures décidées par les autorités publiques compétentes.
                                        [152] A noter que les réquisitions prévues par l'art. XVIII.2 CDE ne sont pas soumises à la loi du 5 mars 1935 concernant les citoyens appelés par engagement volontaire ou par réquisition à assurer le fonctionnement des services publics en temps de guerre ni aux règlements pris sur la base de cette loi.
                                        [153] Art. XVIII.2, § 2, CDE.
                                        [154] Art. XVIII.2, § 4, CDE.
                                        [155] Art. 3.2.9. de la circulaire ministérielle NPU-2 relative au plan général d'urgence et d'intervention du Gouverneur de province du 30 mars 2009 (M.B., 9 septembre 2009).
                                        [156] A. Mayence, « La continuité des services essentiels à l'épreuve du COVID-19. Les réquisitions en temps de crise », Carnet de crise _12 du Centre de droit public de l'ULB, 14 avril 2020, disponible ici: www.droit-public.ulb.ac.be/carnet-de-crise-12-du-14-avril-2020-la-continuite-des -services-essentiels-a-lepreuve-du-covid-19-les-requisitions-en-temps-de-crise/.
                                        [157] A. Mayence, o.c.
                                        [158] Exposé des motifs du projet de loi du 15 janvier 2014 portant insertion du Livre XVIII « Instruments de gestion de crise » dans le Code de droit economique et portant insertion des dispositions d'application de la loi propres au Livre XVIII dans le Livre XV du Code de droit economique, Doc. parl., Ch. repr., 2013-2014, n° 3291/1, p. 7.
                                        [159] A. Mayence, « La continuité des services essentiels à l'épreuve du COVID-19. Les réquisitions en temps de crise », o.c., disponible ici: www.droit-public.ulb.ac.be/carnet-de-crise-12-du-14-avril-2020-la-continuite-des -services-essentiels-a-lepreuve-du-covid-19-les-requisitions-en-temps-de-crise/.
                                        [160] Arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures particulières dans le cadre de la pandémie de SRAS-CoV-2 basées sur le Livre XVIII du Code de droit économique (M.B., 23 mars 2020).
                                        [161] Cet arrêté a ensuite été modifié par les arrêtés ministériels des 27 mars, 7 avril et 2 mai 2020.
                                        [162] Termes empruntés aux auteurs F. Bouhon, A. Jousten, X. Miny et E. Slautsky, o.c., p. 39, rappelant que le droit constitutionnel belge ne prévoit pas de système explicite d'état d'urgence, contrairement à d'autres pays.