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DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
Règlement (CE) n° 44/2001 - Compétence judiciaire en matière civile et commerciale - Compétences spéciales - Article 5, 3. - Compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle - Lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire - Consommateur, domicilié dans un Etat membre, ayant acheté, par l'intermédiaire d'une banque établie dans cet Etat membre, des titres émis par une banque établie dans un autre Etat membre - Compétence pour connaître du recours introduit par ce consommateur au titre de la responsabilité délictuelle de cette banque
L'article 5, 3., du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle un investisseur introduit une action en responsabilité délictuelle dirigée contre une banque ayant émis un certificat dans lequel celui-ci a investi, du fait du prospectus relatif à ce certificat, les juridictions du domicile de cet investisseur sont, en tant que juridictions du lieu où le fait dommageable s'est produit, au sens de cette disposition, compétentes pour connaître de cette action, lorsque le dommage allégué consiste en un préjudice financier se réalisant directement sur un compte bancaire dudit investisseur auprès d'une banque établie dans le ressort de ces juridictions et que les autres circonstances particulières de cette situation concourent également à attribuer une compétence auxdites juridictions.
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EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Bevoegdheid en executie - Verordening (EG) nr. 44/2001 - Rechterlijke bevoegdheid in burgerlijke en handelszaken - Bijzondere bevoegdheid - Artikel 5, 3. - Bevoegdheid inzake verbintenissen uit onrechtmatige daad - Plaats waar het schadebrengende feit zich heeft voorgedaan of zich kan voordoen - Consument die zijn woonplaats heeft in een lidstaat en die door bemiddeling van een in deze lidstaat gevestigde bank effecten heeft aangekocht die zijn uitgegeven door een in een andere lidstaat gevestigde bank - Bevoegdheid om kennis te nemen van het beroep dat deze consument wegens aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad van deze bank heeft ingesteld
Artikel 5, 3. van verordening (EG) nr. 44/2001 van de Raad van 22 december 2000 betreffende de rechterlijke bevoegdheid, de erkenning en de tenuitvoerlegging van beslissingen in burgerlijke en handelszaken moet aldus worden uitgelegd dat in een situatie als in het hoofdgeding, waarin een belegger tegen een bank - die een certificaat heeft uitgegeven waarin deze belegger heeft belegd - een vordering instelt wegens aansprakelijkheid uit onrechtmatige daad ten gevolge van de prospectus betreffende dit certificaat, de gerechten van de woonplaats van deze belegger, als gerechten van de plaats waar het schadebrengende feit zich heeft voorgedaan in de zin van deze bepaling, bevoegd zijn om kennis te nemen van deze vordering wanneer de beweerde schade bestaat in financiële schade die zich rechtstreeks voordoet op een bankrekening van die belegger bij een in het rechtsgebied van deze gerechten gevestigde bank en de overige specifieke omstandigheden van deze situatie eveneens bijdragen tot toekenning van bevoegdheid aan die gerechten.
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| 1. | Introduction |
1.Quelle juridiction européenne est compétente pour un litige financier du fait d'un prospectus? Un investisseur domicilié dans un Etat membre de l'Union européenne acquiert des produits financiers qui avaient été offerts à la souscription par une banque domiciliée dans un autre Etat membre. L'investisseur se fie à un prospectus relatif à ces produits financiers que la banque avait émis et effectue son investissement par le biais d'intermédiaires financiers. L'investissement s'avère finalement désastreux, ce qui se traduit par une perte financière pour l'investisseur. Ce dernier souhaite introduire un recours extracontractuel contre la banque, afin d'obtenir réparation de son dommage qu'il estime découler du caractère inexact du prospectus sur lequel il avait basé sa décision d'investissement.
Devant quelle juridiction l'investisseur lésé financièrement peut-il attraire la banque en matière de responsabilité extracontractuelle du fait d'un prospectus lacunaire? Telle était en substance la question préjudicielle que la Cour suprême autrichienne a posée à la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après, la « C.J.U.E. » ou la « Cour ») et qui a donné lieu à l'arrêt Helga Löber annoté [2].
2.Les règles de compétence internationale pour désigner la juridiction compétente et la localisation d'un « fait dommageable » financier. Pour répondre à la question de savoir quelle juridiction est compétente, on pense intuitivement aux règles de conflit de juridictions qui figurent dans le Règlement Bruxelles I [3] et dans sa refonte, le Règlement Bruxelles Ibis [4]. Suivant ces règles, l'investisseur malheureux pourra introduire son action extracontractuelle contre la banque établie dans un autre Etat membre:
i) soit, conformément à la règle de compétence générale, devant les juridictions de l'Etat membre où la banque est domiciliée (art. 2 du Règlement Bruxelles I [5]);
ii) soit, conformément à la règle de compétence spéciale en matière extracontractuelle, « devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire » (art. 5, 3., du Règlement Bruxelles I [6]).
La première option peut s'avérer dans la pratique inconfortable pour l'investisseur, car elle implique pour ce dernier de procéder devant les juridictions d'un Etat membre qui n'est pas le sien. D'où son intérêt pour la deuxième option: si l'investisseur parvient à démontrer que le « lieu où le fait dommageable s'est produit » se situe sur le territoire de l'Etat membre où il est domicilié, il bénéficiera du privilège d'assigner la banque devant une juridiction de l'Etat de son domicile (soit d'un forum actoris [7]).
Reste à déterminer où se situe le « lieu où le fait dommageable s'est produit » lorsque l'on est face à un préjudice financier, ce à quoi la C.J.U.E. s'est attelée dans l'arrêt Helga Löber [8].
| 2. | Faits et antécédents procéduraux |
3.Schéma. Rappelons tout d'abord les faits et les antécédents de procédure qui ont précédé cet arrêt de la C.J.U.E. Ceux-ci seront résumés ci-dessous (n° 4). Ils peuvent déjà être schématisés comme suit:

4.Résumé des faits. Barclays Bank est une banque ayant son siège social au Royaume-Uni (à Londres) et possédant une succursale en Allemagne (à Francfort-sur-le-Main). Barclays Bank a offert à la souscription certains produits financiers, plus précisément des certificats sous la forme d'obligations au porteur. Barclays Bank a également publié un prospectus d'informations relatif à ces certificats, qui a été notifié à la banque autrichienne de contrôle.
Madame Helga Löber est domiciliée en Autriche (à Vienne), où est également situé son compte courant personnel. Madame Löber a investi dans les certificats émis par Barclays Bank, en versant de son compte courant les montants correspondants aux certificats vers des « comptes de règlement » (clearing accounts) tenus auprès de deux banques autrichiennes distinctes, l'une établie à Salzbourg et l'autre à Graz. Le paiement de ces certificats a ensuite été réalisé depuis ces comptes de règlement.
Les certificats dans lesquels Madame Löber avait investi se sont finalement révélés être sans valeur, ce qui a poussé Madame Löber à agir en justice.
5.Les antécédents procéduraux. Madame Löber a introduit un recours contre Barclays Bank devant une juridiction de son domicile, en l'espèce, le tribunal de commerce de Vienne. Ce recours se fondait sur la responsabilité contractuelle et extracontractuelle de la banque qui, selon Madame Löber, aurait émis un prospectus d'informations sur les certificats incomplet et trompeur.
En première instance, le tribunal de commerce de Vienne s'est déclaré incompétent. Il a considéré notamment que le « fait dommeageable » (au sens de l'art. 5, 3., du Règlement Bruxelles I) dont se plaignait Madame Löber s'était produit à Graz et à Salzbourg, aux endroits où se situaient les comptes de règlement par le biais desquels Madame Löber avait souscrit aux certificats.
En appel, le tribunal régional supérieur de Vienne a considéré que les juridictions autrichiennes étaient incompétentes internationalement, sur la base de l'article 5, 1., sous a), du Règlement Bruxelles I [9] (à savoir, la disposition applicable en matière contractuelle).
Madame Löber a dès lors saisi la Cour suprême autrichienne. Cette dernière a décidé de surseoir à statuer et de poser à la C.J.U.E. la question de savoir quelle juridiction était compétente pour traiter de ce litige.
Après les conclusions de l'avocat général M. Bobek du 8 mai 2018, la C.J.U.E. a prononcé son arrêt le 12 septembre 2018, dont je vais à présent analyser le raisonnement.
| 3. | Le raisonnement de la Cour |
6.Reformulation de la question posée par la Cour suprême autrichienne. Comme à l'accoutumée, la Cour paraphrase la question qui lui est posée par la juridiction de renvoi. Il est intéressant de noter que la Cour omet dans sa reformulation une nuance de la question soumise: alors que la juridiction de renvoi demandait quelle « juridiction » (au singulier) était compétente, la Cour décide que la question posée par la Cour suprême autrichienne concerne, « en substance », quelles « juridictions » (au pluriel) sont compétentes (sur l'importance de cette distinction, voir infra, n° 16).
7.Interprétation autonome et stricte de la règle de compétence spéciale en matière de responsabilité extracontractuelle. À titre liminaire, la C.J.U.E. rappelle, en se référant à sa jurisprudence antérieure, que « la règle de compétence spéciale prévue à l'article 5, 3., [du Règlement Bruxelles I] [10] doit être interprétée de manière autonome et stricte [11] ».
En effet, la « règle générale » demeure la compétence « des juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile », conformément à l'article 2 du Règlement Bruxelles I [12].
Ce n'est que par dérogation à cette règle générale, « dans des cas limitativement énumérés », que le défendeur peut être attrait devant une juridiction d'un autre Etat membre [13]. La « matière délictuelle ou quasi délictuelle » (comprenez: la matière extracontractuelle) représente l'un de ces cas où le défendeur peut être assigné devant les juridictions de l'Etat membre « du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire » (art. 5, 3., du Règlement Bruxelles I [14]).
8.Caractère résiduel de la matière extracontractuelle. Selon la jurisprudence antérieure de la Cour, on se trouve en « matière contractuelle » au sens des Règlements Bruxelles I/Ibis à partir du moment où il existe une « obligation juridique librement consentie par une personne à l'égard d'une autre et sur laquelle se fonde l'action du demandeur » [15]. La C.J.U.E. souligne dans l'arrêt Helga Löber qu'en dehors de la matière contractuelle, et pour autant que l'on souhaite « mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur », on tombe sous le champ d'application de la matière extracontractuelle au sens de l'article 5, 3., du Règlement Bruxelles I [16].
La matière extracontractuelle fonctionne dès lors comme une catégorie résiduelle, tributaire de l'absence d'une « obligation juridique librement consentie par une personne à l'égard d'une autre et sur laquelle se fonde l'action du demandeur ».
9.En l'espèce, la responsabilité du fait d'un prospectus relève de la matière extracontractuelle. Ensuite, la Cour déclare que le litige en cause ressortit à la matière extracontractuelle. Pour ce faire, la Cour se réfère à l'appréciation effectuée par la juridiction de renvoi, conformément aux conclusions de l'avocat général Bobek et à l'arrêt Kolassa [17]. En l'espèce, la Cour suprême autrichienne avait indiqué que l'action qui lui a été soumise ne relevait pas de la matière contractuelle [18].
L'inapplicabilité de la matière contractuelle a un corolaire important: elle disqualifie d'emblée les règles de compétence internationale favorables au demandeur « consommateur » prévues aux articles 14 et s. du Règlement Bruxelles I [19], celles-ci étant subordonnées à l'existence d'un « contrat » [20].
10.La compétence internationale en matière extracontractuelle dépend de la localisation du « lieu où le fait dommageable s'est produit », lequel vise le lieu de matérialisation du dommage et le lieu du fait générateur. Les juridictions compétentes internationalement en matière extracontractuelle se déterminent en fonction du « lieu où le fait dommageable s'est produit ».
La Cour rappelle la définition alternative qu'elle assigne à l'expression de « fait dommageable ». Ainsi, le lieu du dommageable désigne à la fois le « lieu où le dommage est survenu » et le lieu « de l'événement causal qui est à l'origine de ce dommage [21] ». Cela signifie que le demandeur jouit du choix d'agir, soit devant le tribunal où son dommage s'est matérialisé, soit devant le tribunal du lieu du fait générateur de son dommage [22].
Reste à déterminer la localisation du dommage et de son fait générateur. En l'espèce, la Cour va uniquement se pencher sur la question de savoir où le dommage de Madame Löber s'est matérialisé (et ne va pas rentrer dans les détails de la localisation du fait générateur) [23].
11.Seul le lieu de matérialisation du dommage « direct » peut en principe être pris en compte. Entrant dans le vif du sujet, la Cour précise sa méthode de localisation du dommage afin de pouvoir déterminer la juridiction internationalement compétente en matière extracontractuelle. La Cour s'attache à identifier et à localiser le dommage qui est direct [24].
Elle réitère ainsi sa jurisprudence issue notamment des arrêts Kronhofer et Universal Music selon laquelle le lieu du dommage ne peut comprendre « tout lieu où peuvent être ressenties les conséquences préjudiciables d'un fait ayant causé un dommage effectivement survenu dans un autre lieu [25] ». Autrement dit, le lieu du dommage ne peut pas être celui du/des dommage(s) indirect(s) (le lieu des « conséquences préjudiciables »). Au contraire, sera seul pertinent l'endroit du dommage direct (le lieu du « dommage effectivement survenu » [26]).
A titre d'illustration, reprenons des faits ayant donné lieu aux arrêts Dumez et Kronhofer, qui traitaient de dommages de nature financière:
- l'arrêt Dumez: une société allemande, filiale d'une société française, subit des pertes à la suite de la rupture d'une ligne de crédit décidée par un banquier allemand. La société mère française s'estimait victime d'un préjudice économique propre en raison des pertes de sa filiale et souhaitait agir en France (lieu du patrimoine de la société mère française) contre le banquier allemand ayant interrompu le crédit. Toutefois, la Cour a rejeté la compétence des juridictions françaises: c'est auprès de la filiale allemande que le dommage « direct » et initial s'est matérialisé et ce sont donc les juridictions allemandes qui sont compétentes. Ce sont des « conséquences préjudiciables » - indirectes et découlant du dommage initial - qui sont survenues en France, au lieu du patrimoine de la société mère. Ces « conséquences préjudiciables » sont impuissantes à servir de critère de rattachement pour identifier la juridiction compétente en matière extracontractuelle [27];
- l'arrêt Kronhofer, cité par l'arrêt annoté: un investisseur autrichien est démarché par une banque allemande en vue de souscrire à des options d'achat au Royaume-Uni. L'investisseur transfère des montants sur un compte bancaire allemand qui serviront à souscrire à ces options. L'opération se traduit par la perte d'une partie des montants transférés. L'investisseur souhaitait attraire la banque allemande en Autriche, état du « centre de son patrimoine » où l'investisseur considérait qu'il avait subi un préjudice. Toutefois, la C.J.U.E. rejette cette thèse et considère que le dommage direct et initial est survenu sur le compte bancaire allemand, en Allemagne, et que l'Autriche, en tant que lieu du centre du patrimoine de l'investisseur, ne peut être constitutif du lieu de survenance du dommage [28].
12.L'arrêt Kolassa: le dommage direct financier peut se localiser sur le compte en banque de l'investisseur. La Cour mentionne ensuite dans l'arrêt annoté deux arrêts de sa jurisprudence récente en matière de préjudice financier: l'arrêt Kolassa et l'arrêt Universal Music [29].
L'arrêt Kolassa concernait des faits similaires à ceux ayant précédé l'arrêt annoté: Monsieur Kolassa (autrichien) avait investi par l'intermédiaire de sa banque autrichienne dans des certificats émis par Barclays Bank (anglaise, étant la même banque que dans l'arrêt annoté). Cet investissement ayant tourné au vinaigre, monsieur Kolassa introduit une action extracontractuelle contre Barclays Bank. Monsieur Kolassa considérait qu'il n'aurait pas effectué son investissement si les informations contenues dans le prospectus relatif aux certificats avaient été correctes.
Dans Kolassa, la Cour a admis qu'en cas de responsabilité du fait de prospectus, les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes en tant que juridictions du lieu du dommage, dès lors que « ledit dommage se réalise directement sur un compte bancaire » que le demandeur détient auprès d'une banque établie dans le ressort des juridictions de son domicile [30]. Autrement dit, aux termes de l'arrêt Kolassa, il suffisait apparemment pour l'investisseur lésé de démontrer que son dommage s'était matérialisé directement sur un compte bancaire situé dans l'Etat membre où il était domicilié, pour pouvoir agir devant les juridictions de son domicile.
Selon l'avocat général Szpunar,la différence entre la solution de l'arrêt Kolassa (qui accepte la compétence des juridictions du domicile de l'investisseur) et l'enseignement de l'arrêt Kronhofer (qui rejette la compétence des juridictions du domicile de l'investisseur - voir supra, n° 11) s'explique essentiellement par la donnée suivante: dans Kolassa, le défendeur (Barclays Bank) avait publié un prospectus en Autriche, au domicile du demandeur (monsieur Kolassa) [31].
La solution de Kolassa n'avait toutefois pas fait l'unanimité parmi les commentateurs. Selon les critiques, elle revenait dans les faits à octroyer aux investisseurs malheureux un forum actoris basé sur la localisation de leur compte bancaire, ce qui conduisait à une multiplication des juridictions potentiellement compétentes et dès lors à une insécurité juridique pour les émetteurs de prospectus [32].
13.L'arrêt Universal Music: le dommage direct financier peut se localiser sur le compte en banque de l'investisseur, si toutefois il existe des « circonstances particulières ». La portée de Kolassa a été ensuite nuancée par l'arrêt Universal Music, ce que rappelle la Cour dans l'arrêt Helga Löber annoté [33].
L'arrêt Universal Music portait sur un préjudice purement financier mais ne concernait pas une responsabilité du fait d'un prospectus. Les faits étaient les suivants: une société néerlandaise souhaitait acheter des actions d'une société tchèque. La société néerlandaise avait engagé un cabinet d'avocats tchèque pour préparer la documentation contractuelle en vue de cet achat d'actions. Un des avocats avait malheureusement commis une erreur de plume en rédigeant ladite documentation, avec pour conséquence que la société néerlandaise a dû payer bien plus pour les actions que ce qui avait été convenu. La société néerlandaise assigne donc en responsabilité extracontractuelle ses avocats aux Pays-Bas, où sont localisés le domicile de ladite société et le compte bancaire d'où cette société a dû effectuer le paiement pour les actions.
Dans cet arrêt, la Cour a indiqué que la conclusion à laquelle elle était arrivée dans Kolassa (à savoir que le demandeur pouvait assigner en responsabilité extracontractuelle devant les juridictions de l'état où il est domicilié lorsque son dommage financier se matérialise directement sur le compte en banque dont le demandeur est titulaire dans l'état de son domicile) s'insérait « dans le contexte particulier de l'affaire (…) qui était caractérisé par l'existence de circonstances concourant à attribuer une compétence auxdites juridictions [34] ». Parmi ces « circonstances » figurait la publication/notification du prospectus dans l'état concerné [35].
En d'autres termes, dans Universal Music, la Cour a considéré qu'« un préjudice purement financier qui se matérialise directement sur le compte bancaire du demandeur ne saurait être, à lui seul, qualifié de 'point de rattachement pertinent' [36] » pour établir la compétence internationale des juridictions du domicile du demandeur. Pour ce faire, il faut, en outre, démontrer que des « circonstances particulières » sont réunies [37].
La Cour reprend ce même enseignement dans l'arrêt Helga Löber: elle considère qu'un investisseur lésé peut agir devant les juridictions de son domicile où le dommage sur son compte bancaire s'est produit directement, pour autant que des « circonstances particulières » soient présentes [38].
14.L'arrêt Helga Löber: quelles sont les « circonstances particulières » que l'investisseur devra établir pour pouvoir agir devant les juridictions de l'Etat membre où son compte en banque est situé? Il résulte des arrêts Kolassa, Universal Music et Helga Löber que la faculté de l'investisseur d'agir devant les juridictions de son domicile est subordonnée, outre à la démonstration que le dommage s'est réalisé « directement sur le compte bancaire de ce demandeur auprès d'une banque établie dans le ressort de ces juridictions [39] », à l'existence de « circonstances particulières ».
Dans l'arrêt Helga Löber, la Cour précise en quoi peuvent consister ces « circonstances particulières » justifiant le rattachement aux juridictions de l'état du domicile du demandeur investisseur lésé:
- les informations relatives à l'investissement figurent dans un prospectus qui a été notifié à l'autorité de contrôle financière de l'état du domicile du demandeur. Cette circonstance participe à l'objectif de protection du défendeur et de prévisibilité (voir infra, n° 15 [40]);
- les paiements relatifs à l'opération d'investissement émanent de comptes bancaires situés dans l'état du domicile du demandeur [41];
- les intermédiaires financiers avec lesquels l'investisseur a traité sont situés dans l'état de son domicile [42];
- le marché sur lequel l'investisseur a réalisé ses investissements est localisé dans l'état de son domicile [43];
- l'obligation d'investir a été contractée dans l'état du domicile du demandeur [44].
15.Objectifs affichés: proximité, bonne administration de la justice, prévisibilité et protection du défendeur et du demandeur. Ce n'est qu'à la fin de l'arrêt Helga Löber que la Cour rappelle que la solution à laquelle elle parvient (à savoir, retenir la compétence des juridictions du domicile du demandeur lorsque c'est au domicile du demandeur que le dommage s'est matérialisé et qu'il existe des « circonstances particulières » qui concourent à ladite compétence) est conforme aux objectifs que fixent les règles de compétence internationale.
Elle affirme d'abord que l'attribution de la compétence aux juridictions de l'état du domicile de l'investisseur (l'Autriche en l'espèce) est conforme aux objectifs (i) de « prévisibilité » des règles de compétence prévues par le Règlement Bruxelles I et (ii) de « proximité » ou de « lien étroit » entre les juridictions désignées par ces règles de compétence et le litige, ainsi qu'à l'objectif de « bonne administration de la justice [45] ».
Ensuite, la Cour note que: « retenir comme étant le lieu de la matérialisation du dommage celui où se trouve établie la banque auprès de laquelle est ouvert le compte bancaire du demandeur sur lequel se réalise directement ce dommage répond à l'objectif du Règlement [Bruxelles I] visant à renforcer la protection juridique des personnes établies dans l'Union, en permettant à la fois au demandeur d'identifier facilement la juridiction qu'il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait, étant donné que l'émetteur d'un certificat qui ne remplit pas ses obligations légales relatives au prospectus doit, lorsqu'il décide de faire notifier le prospectus relatif à ce certificat dans d'autres Etats membres, s'attendre à ce que des opérateurs insuffisamment informés, domiciliés dans ces Etats membres, investissent dans ce certificat et subissent le dommage [46] ».
Autrement dit, la Cour accorde une importance particulière à l'objectif de « protection juridique des personnes établies dans l'Union », tant celle du défendeur que du demandeur, lequel est lié à l'objectif de prévisibilité.
L'objectif de « protection juridique » du défendeur est essentiellement servi par le critère de rattachement (la « circonstance particulière ») du lieu de notification du prospectus. En effet, l'émetteur sait avec précision les états dans lesquels il a notifié son prospectus et peut raisonnablement s'attendre à être assigné aux lieux de notification de son prospectus si ce dernier s'avère trompeur.
On enseigne traditionnellement que le chef de compétence en matière extracontractuelle ne vise pas à protéger le demandeur [47]. Toutefois, on peut observer au fur et à mesure un souci de la Cour d'assurer la protection de la victime d'un dommage extracontractuel [48]. L'investisseur malheureux, en identifiant des « circonstances particulières », propres à sa situation et qui indiquent un rattachement aux juridictions de son domicile où est tenu son compte en banque, bénéficie d'une protection juridictionnelle, consistant à pouvoir agir devant ses propres juridictions.
16.La Cour répond à la question de la compétence internationale mais reste muette quant à la compétence territoriale interne. Pour finir, la Cour énonce dans son dispositif que: « L'article 5, 3., du [Règlement Bruxelles I], doit être interprété en ce sens que, dans une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle un investisseur introduit une action en responsabilité délictuelle dirigée contre une banque ayant émis un certificat dans lequel celui-ci a investi, du fait du prospectus relatif à ce certificat, les juridictions du domicile de cet investisseur sont, en tant que juridictions du lieu où le fait dommageable s'est produit, au sens de cette disposition, compétentes pour connaître de cette action, lorsque le dommage allégué consiste en un préjudice financier se réalisant directement sur un compte bancaire dudit investisseur auprès d'une banque établie dans le ressort de ces juridictions et que les autres circonstances particulières de cette situation concourent également à attribuer une compétence auxdites juridictions. » (je souligne).
L'emploi du pluriel de « juridiction » (« les juridictions du domicile de cet investisseur ») n'est pas anodin. Ce faisant, la Cour répond à la question de la compétence internationale: elle indique que ce sont « les juridictions » de l'état du domicile de l'investisseur (en l'espèce, l'Autriche) qui jouissent de ladite compétence internationale. Toutefois, par ce phrasé, la Cour ne répond pas à la question de la compétence territoriale interne, à savoir quelle juridiction (au singulier) spécifique est compétente au sein de l'état du domicile de l'investisseur. En l'espèce, s'agit-il de Vienne (lieu du compte courant personnel de Madame Löber) ou de Graz et/ou de Salzbourg (lieux des comptes de règlement)?
L'absence de réponse de la Cour sur ce point est curieuse pour plusieurs raisons [49]. Premièrement, la Cour suprême autrichienne avait soumis cette question de compétence interne à la C.J.U.E. [50]. Deuxièmement, le raisonnement suivi par l'avocat général M. Bobek dans ses conclusions conduisait à la détermination d'un ressort de juridiction spécifique. En effet, selon l'avocat général, ce ressort devait être déterminé par « le lieu où ladite obligation d'investissement juridiquement contraignante est assumée matériellement (…) La question de savoir où, exactement, ce lieu se situe est une question de droit national examinée à la lumière des preuves factuelles disponibles. Ce lieu est susceptible de se trouver dans les locaux d'une succursale de la banque dans laquelle le contrat d'investissement correspondant a été signé » [51]. Troisièmement, comme l'a rappelé l'avocat général M. Bobek, l'article 5, 3., du Règlement Bruxelles I [52] « détermine, en principe, la compétence interne et pas seulement la compétence internationale [53] » et exige dès lors d'identifier une juridiction spécifique.
A la suite de l'arrêt Helga Löber, quelle juridiction autrichienne jouit finalement de la compétence territoriale interne? K. Rutten considère que les facteurs de rattachement identifiés par l'arrêt Helga Löber (les « circonstances particulières ») devraient conduire à désigner les juridictions viennoises comme étant compétentes [54]. La Cour paraît soutenir cette conclusion en faisant référence, dans son dispositif, aux « juridictions du domicile de cet investisseur » (à savoir Vienne) plutôt que, de façon générale, aux « juridictions autrichiennes [55] ». Finalement, la Cour suprême autrichienne s'est ralliée à cette conclusion en considérant, à la suite de l'arrêt Helga Löber, que la « juridiction de première instance [c'est-à-dire le tribunal de commerce de Vienne, voir supra, n° 5] jouit de la compétence internationale pour connaître des demandes du demandeur découlant d'un délit civil en vertu de [l'article 5, 3., du Règlement Bruxelles I] [56] ».
| 4. | Conclusions |
17.La difficile localisation du préjudice financier. On sait que la localisation d'actifs incorporels de nature financière peut s'avérer problématique [57]. La même difficulté existe pour la localisation du dommage financier [58], comme cette affaire l'illustre.
18.Première difficulté: le lieu du « compte bancaire » détenu « auprès d'une banque établie dans le ressort » des juridictions du domicile de l'investisseur. Tout d'abord, en sélectionnant le lieu du « compte bancaire » de l'investisseur détenu « auprès d'une banque établie dans le ressort » des juridictions du domicile de l'investisseur comme étant constitutif du lieu de matérialisation du dommage financier, le dispositif de la Cour dans l'arrêt Helga Löber pose plusieurs questions et difficultés:
- premièrement, à l'heure de la digitalisation du monde bancaire et financier, un compte peut être ouvert n'importe où [59]. Si la Cour a pu sembler sensible à cette réalité [60], il n'en reste pas moins qu'elle conserve le critère de rattachement relatif au compte bancaire ouvert au domicile de l'investisseur. Cela a pour conséquence d'offrir un forum actoris aux investisseurs ayant ouvert un compte dans le ressort de leur domicile, au détriment des investisseurs qui ont ouvert un compte à distance, en dehors du lieu de leur domicile (comme, p. ex., un investisseur belge qui aurait ouvert un compte auprès de la banque digitale allemande N26) [61];
- deuxièmement, à quel « compte bancaire » la Cour fait-elle référence? Le dommage s'est-il matérialisé sur le compte courant de Madame Löber (d'où elle avait effectué les paiements initiaux) ou sur les comptes de règlement (par l'intermédiaire desquels les certificats ont été achetés) [62]? L'utilisation du terme « compte bancaire » au singulier et de l'expression « dans le ressort » du domicile du demandeur semblent indiquer que c'est le compte courant de Madame Löber, ouvert à son domicile à Vienne, qui est ici visé. Par ailleurs, c'est la solution (i) qui avait été retenue dans l'arrêt Kolassa où, selon la doctrine majoritaire, le compte courant avait été préféré au compte-titres comme lieu de localisation du dommage [63] et (ii) qui semble avoir été retenue par la Cour suprême autrichienne à la suite de l'arrêt Helga Löber en considérant que ce sont les juridictions viennoises (lieu du compte courant) qui sont compétentes au titre de l'article 5, 3., du Règlement Bruxelles I [64];
- troisièmement, se pose la question de savoir ce qu'on doit entendre par une banque « établie dans le ressort » des juridictions du domicile de l'investisseur. Suffit-il qu'une banque possède une agence ou une succursale auprès du domicile de l'investisseur ou faut-il qu'elle y ait son administration centrale ou son principal établissement [65]? La première branche de l'alternative - une agence ou succursale suffit - recueille les faveurs de la doctrine et de l'avocat général M. Bobek [66].
19.Deuxième difficulté: la portée des « circonstances particulières ». Une seconde difficulté tient à la portée des « circonstances particulières » énumérées par la Cour pour justifier le rattachement aux juridictions de l'état du domicile du demandeur investisseur lésé (voir supra, n° 14). Cette difficulté peut se décomposer en deux questions.
La première question est la suivante: la liste de « circonstances particulières » dressée par la Cour est-elle fixe ou susceptible de varier en fonction du litige [67]? En d'autres termes, pourrait-on retenir la compétence des juridictions du domicile de l'investisseur:
- en l'absence de certaines des circonstances retenues par la Cour dans l'arrêt Helga Löber? Par exemple, quid si les comptes de règlement se situent dans un état autre que celui du domicile de l'investisseur [68]?
- et/ou en présence d'autres circonstances [69]?
En particulier, peut-on imaginer que l'on puisse retenir la compétence des juridictions du domicile de l'investisseur lésé si la circonstance particulière de notification du prospectus dans l'état de son domicile fait défaut [70]? Deux remarques s'imposent à cet égard. Tout d'abord, les conclusions de l'avocat général M. Szpunar précédant les arrêts Kolassa et Universal Music insistaient sur la publication du prospectus dans l'Etat membre concerné [71]. Cependant, les arrêts Kolassa et Helga Löber ont retenu comme critère la notification du prospectus aux autorités de contrôle de cet état (et non la simple publication dans cet état) [72]. Ensuite, la « circonstance particulière » liée à la notification du prospectus, si elle est mentionnée à plusieurs endroits dans les arrêts Kolassa et Helga Löber, n'est pas reprise dans le dispositif de ces deux décisions. Au vu de ceci, il me paraît difficile de considérer la notification du prospectus dans un Etat membre comme une condition nécessaire pour retenir la compétence des juridictions de cet état. Toutefois, au regard de l'objectif de prévisibilité pour le défendeur et de protection juridique de ce dernier, il me paraît qu'il faille au minimum une publication du prospectus par l'émetteur dans l'Etat membre concerné pour qu'il puisse y être attrait [73].
La deuxième question se formule en ces termes: quelle importance revêt la « circonstance particulière » du lieu où « l'obligation d'investir » a été contractée?
A la suite des arrêts Kolassa et Universal Music, certains commentateurs ont considéré que c'était cette « obligation d'investir » (« l'investissement ») qui était, en réalité, constitutive du dommage initial et direct souffert par l'investisseur [74]. Selon ces commentateurs, la perte financière ne serait qu'un dommage indirect, une « conséquence préjudiciable », découlant de l'investissement effectué. Cette interprétation pouvait notamment être soutenue par deux attendus de l'arrêt Universal Music, qui paraissaient assimiler le dommage à l'obligation contractée (ici, l'obligation de payer un prix gonflé pour les actions; voir supra, n° 13):
« 31. Le préjudice pour Universal Music résultant de la différence entre le prix de vente envisagé et celui mentionné dans ce contrat est devenu certain lors de la transaction sur laquelle se sont accordées les parties devant la Commission d'arbitrage, en République tchèque, le 31 janvier 2005, date où le prix de vente effectif a été déterminé. Dès lors, l'obligation de paiement a grevé de manière irréversible le patrimoine d'Universal Music.
32. Partant, la perte d'éléments du patrimoine est intervenue en République tchèque, le dommage y étant survenu [75]. » (je souligne).
L'avocat général M. Bobek, dans ses conclusions précédant l'arrêt Helga Löber, avait repris cette thèse à son compte. Il considérait en effet que c'était la « décision d'investissement préjudiciable » qui constituait le « dommage direct » au sens de l'article 5, 3., du Règlement Bruxelles I. Ainsi, selon l'avocat général, la perte financière « n'est rien d'autre que l'expression monétaire du dommage qui est déjà survenu, à savoir avoir été conduit à prendre une décision d'investissement préjudiciable [76] ».
Au final, cette thèse n'a pas été suivie par la Cour. Elle a en effet cantonné le lieu où l'investisseur a contracté l'obligation d'investir (ce « qui a grevé de manière définitive son patrimoine ») au statut de simple « circonstance particulière [77] ».
20.La méthode de localisation retenue par l'arrêt Helga Löber s'applique-t-elle aux autres préjudices financiers? Les commentateurs de l'arrêt Helga Löbersont divisés sur l'impact de ce dernier sur les autres contentieux financiers. La méthode de localisation de Helga Löber, basée sur un dommage direct au lieu du domicile couplé à des circonstances particulières, a-t-elle vocation à s'appliquer en dehors des litiges relatifs à une perte financière découlant d'un prospectus lacunaire?
A. Tenenbaum note qu'« en dehors de la perte financière particulière subie par un investisseur en raison d'investissements réalisés sur la base d'un prospectus lacunaire, l'interprétation délivrée ici par la C.J.U.E. ne semble pas devoir être étendue à d'autres situations où le demandeur chercherait à saisir les tribunaux de son domicile en arguant d'une perte financière au lieu de son patrimoine [78] ».
A l'inverse, K. Rutten considère qu'un investisseur prenant une décision d'investissement (p. ex., acquérir des actions) sur la base d'informations trompeuses figurant ailleurs que dans un prospectus (p. ex., dans des comptes annuels), devrait pouvoir bénéficier du forum actoris si les autres « circonstances particulières » d'Helga Löber sont réunies [79].
Dans le même sens, certains attendus de l'arrêt Universal Music laissent à penser que la faculté d'agir devant les juridictions de son domicile moyennant la présence de « circonstances particulières » a une portée plus large que la responsabilité extracontractuelle du fait d'un prospectus. Ainsi, dans l'arrêt Universal Music, qui - pour rappel - ne concernait pas une responsabilité basée sur un prospectus, la Cour a déclaré qu'« un préjudice purement financier qui se matérialise directement sur le compte bancaire du demandeur ne saurait être, à lui seul, qualifié de 'point de rattachement pertinent', au titre de l'article 5, 3., du [Règlement Bruxelles I] (…) C'est uniquement dans la situation où les autres circonstances particulières de l'affaire concourent également à attribuer la compétence à la juridiction du lieu de matérialisation d'un préjudice purement financier qu'un tel préjudice pourrait, d'une manière justifiée, permettre au demandeur d'introduire l'action devant cette juridiction [80] ». Autrement dit, selon une certaine lecture de la jurisprudence de la Cour, la faculté d'agir devant les juridictions de son domicile moyennant la présence de « circonstances particulières » ne serait pas uniquement réservée aux victimes d'un prospectus lacunaire.
La question de savoir si la méthode de localisation du préjudice financier retenue par l'arrêt Helga Löber s'applique aux autres contentieux financiers aura probablement l'occasion d'être adressée prochainement par la C.J.U.E. En effet, cette dernière a été récemment saisie par le Conseil supérieur des Pays-Bas (Hoge Raad) d'un renvoi préjudiciel intéressant la matière discutée. Par sa question préjudicielle, le Hoge Raad demande à la C.J.U.E. de se prononcer sur la localisation d'un dommage financier consistant en la perte de valeur d'actions de la société British Petroleum (BP) détenues par des investisseurs néerlandais (Vereniging van Effectenbezitters) [81]. Selon ces investisseurs, leur dommage financier découlerait non pas d'un prospectus lacunaire, mais d'informations incorrectes, incomplètes et trompeuses que les administrateurs de BP auraient diffusées par le biais de communiqués de presse, de rapports publiés sur Internet et de déclarations publiques [82]. D'après les investisseurs, le dommage financier subi se serait produit aux Pays-Bas, lieu de leurs comptes de placement où se trouvaient les actions BP. Pour sa part, BP considère que le dommage ne pourrait être localisé aux Pays-Bas au sens de l'article 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis [83], en raison de l'absence de « circonstances particulières » justifiant le rattachement aux juridictions néerlandaises [84].
21.Un arrêt critiqué qui appelle une suite. Si une chose est certaine à la suite de l'arrêt Helga Löber, c'est que ce dernier est loin d'avoir fait l'unanimité. La doctrine se montre sévère: non convaincue par le raisonnement de la Cour [85], elle évoque un « arrêt décevant qui ne mettra pas fin à d'autres questions relatives à la compétence judiciaire en matière de responsabilité du fait des prospectus » [86]. Quand un commentateur se pose la question de savoir si cet arrêt ne participe pas à « un feuilleton sans fin » relatif à la compétence en matière de préjudice financier [87], l'on répond que le prochain épisode du feuilleton pourrait paraître en 2020 avec la réponse de la C.J.U.E. à la question préjudicielle posée par le Hoge Raad néerlandais (voir supra, n° 20) [88].
22.En attendant le prochain épisode, l'investisseur souhaitant agir devant les juridictions de son domicile devra démontrer un maximum de « circonstances particulières » indiquant un rattachement avec celles-ci. En définitive, dans l'arrêt Helga Löber, la Cour prolonge l'arrêt Kolassa dans lequel elle avait « opté pour la localisation du dommage en fonction de la situation de chaque investisseur individuel [89] ». Ce choix de politique juridictionnelle s'inscrit dans un objectif de protection du demandeur qui semble désormais assumé [90].
En conclusion, il ressort de l'arrêt Helga Löber que l'investisseur lésé devra démontrer l'existence d'un maximum de circonstances factuelles particulières, propres à sa situation, en vue d'établir la compétence des juridictions de son domicile pour une action en responsabilité extracontractuelle du fait d'un prospectus.
| [1] | Avocat au barreau de Bruxelles (NautaDutilh). |
| [2] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc. |
| [3] | Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. |
| [4] | Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. |
| [5] | Art. 4 du Règlement Bruxelles Ibis. |
| [6] | Art. 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis (dont la formulation diffère légèrement: « devant la juridiction [et non plus 'le tribunal'] du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire »). |
| [7] | L'investisseur jouissant ainsi d'un « home-field advantage » (voir, entres autres, sur l'intérêt du demandeur à agir devant les juridictions de son domicile, S.C. Yeazelle, Lawsuits in a Market Economy: the Evolution of Civil Litigation, University of Chicago Press, 2018, p. 10 et M. Gargantini, « Capital markets and the market for judicial decisions: in search of consistency », Talk presented at Annual Conference of the Italian Association of Law and Economics Academics (Associazione dei Docenti di Diritto dell'Economia, ADDE), Milan, 2015, p. 1). |
| [8] | L'arrêt annoté a déjà fait l'objet d'un premier commentaire dans la présente revue: G. Croissant, « La C.J.U.E. précise la notion de lieu du fait dommageable en matière de préjudice financier », R.D.C.-T.B.H., 2019/1, pp. 146-147. |
| [9] | Art. 7, 1., du Règlement Bruxelles Ibis. |
| [10] | Art. 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis. |
| [11] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 17. |
| [12] | Art. 5 du Règlement Bruxelles Ibis. |
| [13] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 18. |
| [14] | Art. 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis. |
| [15] | C.J.U.E., 21 avril 2016, C-572/14, Austro-Mechana Gesellschaft zur Wahrnehmung mechanisch-musikalischer Urheberrechte GmbH / Amazon EU Sàrl e.a., § 36. Voir à cet égard, C. Sartori, « Détermination de la compétence internationale en matière civile et commerciale: la distinction entre matières contractuelle et extracontractuelle au sens du Règlement Bruxelles Ibis », R.D.C.-T.B.H., 2017, n° 1, pp. 34 à 51. |
| [16] | Art. 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis; C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 19. |
| [17] | Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 26 et s. et C.J.U.E., 28 janvier 2015, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc. |
| [18] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 20-21. Ce faisant, la Cour rejoint l'opinion majoritaire selon laquelle la responsabilité du fait d'un prospectus ressort de la responsabilité extracontractuelle (P. Wautelet, « L'arrêt Kolassa: quel tribunal pour le contentieux de l'investissement financier? », R.D.C.-T.B.H., 2017, n° 1, p. 54). Ceci doit être approuvé, en l'absence de relations contractuelles entre Madame Helga Löber (investisseur) et Barclays Bank (banque émettrice du prospectus). |
| [19] | Art. 17 et s. du Règlement Bruxelles Ibis. |
| [20] | Voir, au sujet de l'arrêt Kolassa, P. Wautelet, « L'arrêt Kolassa: quel tribunal pour le contentieux de l'investissement financier? », o.c., pp. 56 et s. |
| [21] | Selon les termes de l'arrêt fondateur « Mines de potasse » (C.J.C.E., 30 novembre 1976, C-21/76, Bier / Mines de potasse d'Alsace, § 25; toutefois non cité par la Cour). Le lieu de survenance du dommage est surnommé le Erfolgsort ou locus damni; le lieu de « l'événement causal qui est à l'origine de ce dommage » est lui dénommé Handlungsort ou locus delicti commissi. Relevons que dans ses conclusions en vue de l'arrêt Universal Music, l'avocat général Szpunar avait suggéré d'abandonner la jurisprudence « Mines de potasse » en cas de préjudice purement financier (Concl. Av. gén. M. Szpunar, 10 mars 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 35 et s.). |
| [22] | F. Rigaux et M. Fallon, Droit international privé, 3e éd., Bruxelles, Larcier, 2005, 15.5, pp. 920 et s. et H. Gaudemet-Tallon et M.-E. Ancel, Compétence et exécution des jugements en Europe, 6e éd., Paris, L.G.D.J., 2018, pp. 334 et s. |
| [23] | Alors que l'avocat général Bobek avait identifié et localisé dans ses conclusions à la fois l'événement causal à l'origine du dommage et la matérialisation du dommage (Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 55 et s.) et que la question posée par la Cour suprême d'Autriche invitait à une réponse plus large (« quelle est (…) la juridiction compétente »). |
| [24] | Outre le caractère direct du dommage, c'est son caractère local qui doit en principe être rencontré (F. Rigaux et M. Fallon, o.c., 15.5, pp. 920 et s.). La Cour n'entre toutefois pas en l'espèce dans l'analyse de l'aspect local du dommage. |
| [25] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 23, citant notamment C.J.C.E., 10 juin 2004, C-168/02, Rudolf Kronhofer / Marianne Maier e.a. et C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a. |
| [26] | Comme cela a également été rappelé récemment par la Cour de cassation: Cass. 5 septembre 2019, C.18.0248.N, disponible sur www.jure.juridat.just.fgov.be/JuridatSearchCombined/?lang=fr. |
| [27] | C.J.C.E., 11 janvier 1990, C-220/88, Dumez France SA et Tracoba SARL / Hessische Landesbank e.a. (cet arrêt, repris dans les conclusions de l'avocat général Bobek, n'est toutefois pas cité dans l'arrêt annoté). |
| [28] | C.J.C.E., 10 juin 2004, C-168/02, Rudolf Kronhofer / Marianne Maier e.a. Relevons au passage la différence qui existe: (i) en matière de responsabilité extracontractuelle du fait d'atteinte aux droits de la personnalité via Internet où la C.J.U.E. considère que le lieu de survenance du dommage est le lieu où se localise le « centre [des] intérêts » de la victime (voir C.J.U.E., 25 octobre 2011, C-509/29 et C-161/10, eDate Advertising GmbH e.a. / X et Société MGN Ltd., § 48), ainsi qu' (ii) en matière de responsabilité extracontractuelle du fait d'une violation du droit de la concurrence, le lieu du dommage, consistant en des surcoûts payés en raison d'un prix artificiellement élevé, « se trouvera, en principe, au siège social » de la victime (C.J.U.E., 21 mai 2015, C-352/13, Cartel Damage Claims (CDC) Hydrogen Peroxide SA / Akzo Nobel NV e.a., § 52). |
| [29] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 28-30. |
| [30] | C.J.U.E., 28 janvier 2015, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc, § 55. Il convient de noter que l'arrêt Kolassa fut le premier arrêt de la Cour se prononçant sur la compétence internationale en matière de responsabilité du fait de prospectus en vertu du Règlement Bruxelles I; voir à cet égard: M. Lehmann, « Prospectus liability and private international law - assessing the landscape after the CJEU's Kolassa ruling (Case C-375/13) », Journal of private international law, 2016, vol. 12, pp. 318-319. |
| [31] | Concl. Av. gén. M. Szpunar, 3 septembre 2014, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc, § 63-64. |
| [32] | M. Lehmann, « Prospectus liability and private international law - assessing the landscape after the CJEU's Kolassa ruling (Case C-375/13) », o.c., p. 331 et Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 41 (et les références citées). |
| [33] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 29. |
| [34] | C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 37. |
| [35] | Concl. Av. gén. M. Szpunar, 10 mars 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 45. |
| [36] | C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 38. |
| [37] | Voir égal. H. Gaudemet-Tallon et M.-E. Ancel, o.c., pp. 339 et s. |
| [38] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 31 et 35. |
| [39] | C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 36 et C.J.U.E., 28 janvier 2015, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc, § 55. |
| [40] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 33 et § 35 (et Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 40); C.J.U.E., 28 janvier 2015, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc, § 56 (et Concl. Av. gén. M. Szpunar, 3 septembre 2014, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc, § 64-65. Voir égal. C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 37 (et Concl. Av. gén. M. Szpunar, 10 mars 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 44-45). |
| [41] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 32. |
| [42] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 33. Ou, autrement exprimé, « c'était une banque [de l'Etat du domicile] qui avait (re)vendu [les produits financiers] » (Concl. Av. gén. M. Szpunar, 10 mars 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 45). |
| [43] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 33. |
| [44] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 33 et C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 30-31. Dans ses conclusions précédant l'arrêt Helga Löber, l'avocat général M. Bobek considère que la question de savoir où l'obligation d'investissement a été contractée constitue « une question de droit national examinée à la lumière des preuves factuelles disponibles. Ce lieu est susceptible de se trouver dans les locaux d'une succursale de la banque dans laquelle le contrat d'investissement correspondant a été signé, ce qui peut correspondre, comme dans l'affaire Kolassa, au lieu où le compte bancaire est tenu » (Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 78). |
| [45] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 34. |
| [46] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 35; voir sur l'objectif de prévisibilité lié à la notification du prospectus concernant l'arrêt Kolassa, M. Fyon, « Regards croisés sur l'arrêt Kolassa et sur diverses questions liées aux actions en responsabilité à l'encontre des émetteurs d'instruments financiers - note sous Cour de justice de l'Union européenne, 28 janvier 2015 », T.R.V.-R.P.S., 2016, nr. 4, pp. 422-423. |
| [47] | C.J.U.E., 16 janvier 2014, C-45/13, Andreas Kainz / Pantherwerke AG, § 31. Contrairement aux chefs de compétence en matière de contrats de consommation ou de contrats individuels de travail, qui eux sont mus d'un objectif de protection juridictionnelle du demandeur; voir F. Rigaux et M. Fallon, o.c., 9.21 et s., pp. 382 et s. et 15.5, p. 921 et A. Cotiga, « C.J.U.E., 28 janvier 2015, Harald Kolassa c. Barclays Bank plc, aff. C-375/13 », RISF, 2015, n° 2, p. 46. |
| [48] | Par rapport à l'arrêt Kolassa, voir P. Wautelet, « L'arrêt Kolassa: quel tribunal pour le contentieux de l'investissement financier? », o.c., p. 64, qui observe également l'extension des possibilités de saisines en matière extracontractuelle pour les atteintes aux droits de la personnalité et pour les violations du droit de la concurrence (voir égal. supra, note de bas de page 28). |
| [49] | Cette absence de réponse de la Cour sur la question de la compétence interne a été critiquée: G. van Calster,« Jurisdiction re prospectus liability. CJEU reiterates Universal Music in Löber v Barclays. Unfortunately fails to identify the exact locus damni and leaves locus delicti commissi unaddressed », 14 septembre 2018, disponible sur: www.gavclaw.com/2018/09 /14/jurisdiction-re-prospectus-liability-cjeu-reiterates-universal-music-in-lober-v-barclays-unfortunately-fails-to-identify-the-exact-locus-damni-and-leaves-locus-delicti-commissi-unaddressed/, consulté le 25 novembre 2019; M. Poesen, « Locating pure economic loss: jurisdiction over prospectus liability under Art. 7(2) of the Brussels I Regulation Recast », Corporate Finance Lab, 17 septembre 2018, disponible sur: www.corporatefinancelab.org/2018/09/17/locating-pure-economic-loss-jurisdiction- over-prospectus-liability-under-article-72-of-the-brussels-i-regulation-recast/, consulté le 25 novembre 2019 et K. Rutten, « Noot onder HvJ EU 12-09-2018, C-301/17 », JOR, 2018/307, § 6 et s. |
| [50] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 15. |
| [51] | Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 74-81 et spécifiquement § 78. |
| [52] | Art. 7, 2., du Règlement Bruxelles Ibis. |
| [53] | Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 74. Voir égal. F. Rigaux et M. Fallon, o.c., 9.5, p. 367. |
| [54] | K. Rutten, « Noot onder HvJ EU 12-09-2018, C-301/17 », o.c., § 6 et s. Contra, voir p. ex., un commentaire sous l'article de G. van Calster, « Jurisdiction re prospectus liability. CJEU reiterates Universal Music in Löber v Barclays. Unfortunately fails to identify the exact locus damni and leaves locus delicti commissi unaddressed », 14 septembre 2018, disponible sur: www.gavclaw.com/2018/09 /14/jurisdiction-re-prospectus-liability-cjeu-reiterates-universal-music-in-lober-v-barclays-unfortunately-fails-to-identify-the-exact-locus-damni-and-leaves-locus-delicti-commissi-unaddressed/, consulté le 25 novembre 2019, attribué à N. Nisi, qui considère que « étant donné que les deux comptes de titres utilisés par Madame Löber pour l'investissement étaient situés à Salzbourg et à Graz, il semble assez difficile de conclure que la perte s'est produite directement sur le compte bancaire de l'investisseur auprès d'une banque établie dans le ressort des tribunaux du domicile (Vienne) de l'investisseur (…) la compétence des juridictions viennoises devrait être exclue ». |
| [55] | Comp. C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, dispositif (§ 37) avec § 31 et 34. |
| [56] | Décision de la Cour suprême autrichienne du 23 octobre 2018, § 2.13. disponible sur: www.ris.bka.gv.at/Dokument.wxe?ResultFunctionToken=98303ab4-2 252-4e15-9f8d-ddf3263a6a54&Position=1&Abfrage=Justiz&Gericht=&Rechtssatznummer=&Rechtssatz=&Fundstelle=&AenderungenSeit=Undefined&SucheNachRechtssatz=True&SucheNachText=True&GZ=&VonDatum=&BisDatum=15.07.201 9&Norm=&ImRisSeitVonDatum=&ImRisSeitBisDatum=&ImRisSeit=Undefined&ResultPageSize=100&Suchworte=L%c3%b6ber&Dokumentnummer=JJT_20181023_OGH0002_0040OB00185_18M0000_000, consulté le 25 novembre 2019 (version allemande originale: « Zusammengefasst folgt somit für den vorliegenden Fall, dass das Erstgericht für die aus Delikt abgeleiteten Ansprüche der Klägerin nach Art 5 Nr 3 EuGVVO 2001 international zuständig ist. »). |
| [57] | F. Rigaux et M. Fallon, o.c., 13.18 et s., pp. 684 et s. |
| [58] | M. Lehmann, « Proposition d'une règle spéciale dans le Règlement Rome II pour les délits financiers », RCDIP, 2012, p. 485, n° 11 et M. Fyon, o.c., p. 422. |
| [59] | Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 80 et T. Derval, « Arrêt 'Löber': la localisation du dommage extracontractuel du fait d'un prospectus trompeur », J.D.E., 2019/3, n° 257, p. 108. |
| [60] | Considérant, dans Universal Music, qu'« à lui seul », le compte bancaire ne constitue pas un « point de rattachement pertinent », C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 38. |
| [61] | T. Derval, « Arrêt 'Löber': la localisation du dommage extracontractuel du fait d'un prospectus trompeur », o.c., p. 108. |
| [62] | La même interrogation avait été soulevée à l'occasion de l'arrêt Kolassa: P. Wautelet, « L'arrêt Kolassa: quel tribunal pour le contentieux de l'investissement financier? », o.c., pp. 62-63. |
| [63] | C.J.U.E., 28 janvier 2015, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc, § 55-57; M. Lehmann, « Prospectus liability and private international law - assessing the landscape after the CJEU's Kolassa ruling (Case C-375/13) », o.c., pp. 329-330 et les références citées et p. 336; M. Gargantini, « Capital markets and the market for judicial decisions: in search of consistency », o.c., pp. 6-7; L. d'Avout, « Commercialisation de titres financiers et compétence internationale de proximité », Rec. Dalloz, 2015, pp. 770 et s. et M. Fyon, o.c., p. 423. |
| [64] | Décision de la Cour suprême autrichienne du 23 octobre 2018, § 2.13, disponible sur: www.ris.bka.gv.at/Dokument.wxe?ResultFunctionToken=98303ab4-2 252-4e15-9f8d-ddf3263a6a54&Position=1&Abfrage=Justiz&Gericht=&Rechtssatznummer=&Rechtssatz=&Fundstelle=&AenderungenSeit=Undefined&SucheNachRechtssatz=True&SucheNachText=True&GZ=&VonDatum=&BisDatum=15.07.201 9&Norm=&ImRisSeitVonDatum=&ImRisSeitBisDatum=&ImRisSeit=Undefined&ResultPageSize=100&Suchworte=L%c3%b6ber&Dokumentnummer=JJT_20181023_OGH0002_0040OB00185_18M0000_000, consulté le 25 novembre 2019. Sur le point de savoir quel compte bancaire est pertinent, des éclaircissements pourraient intervenir à la suite de la question préjudicielle posée par la Cour suprême des Pays-Bas (Hoge Raad) dans une affaire similaire à celle ici discutée voir HR, 14 juin 2019, ECLI :NL :HR :2019 :925, disponible sur: www.uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:HR:2019:925&showbutton=true, consulté le 22 novembre 2019, § 4.9.7 et discussion sur cette question du Hoge Raad au n° 20 de la présente note). |
| [65] | Voir, à propos de l'arrêt Kolassa: P. Wautelet, « L'arrêt Kolassa: quel tribunal pour le contentieux de l'investissement financier? », o.c., p. 63. |
| [66] | Encore à propos de l'arrêt Kolassa: M. Lehmann, « Prospectus liability and private international law - assessing the landscape after the CJEU's Kolassa ruling (Case C-375/13) », o.c., p. 330 et Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 78. |
| [67] | A. Tenenbaum, « For européen du délit et préjudice financier: un feuilleton sans fin? », Bulletin Joly Bourse, n° 6, 2018, p. 34. |
| [68] | A. Tenenbaum, « For européen du délit et préjudice financier: un feuilleton sans fin? », o.c., pp. 33-34. Comparer avec Kolassa où la Cour a considéré que les juridictions autrichiennes, lieu du compte bancaire, étaient compétentes même si les certificats étaient conservés en Allemagne (P. Wautelet, « L'arrêt Kolassa: quel tribunal pour le contentieux de l'investissement financier? », o.c., p. 62). |
| [69] | En faveur du caractère exemplatif et susceptible de varier de cette liste de circonstances particulières: T. Derval, « Arrêt 'Löber': la localisation du dommage extracontractuel du fait d'un prospectus trompeur », o.c., p. 109. |
| [70] | Se posant la même question: G. Croissant, « La C.J.U.E. précise la notion de lieu du fait dommageable en matière de préjudice financier », o.c., p. 147 et C. Van Muylder et G. Croissant, « Arrêt Löber: la C.J.U.E. précise la notion de lieu du fait dommageable en matière de préjudice financier », J.T., 2019, pp. 746 et s. |
| [71] | Concl. Av. gén. M. Szpunar, 3 septembre 2014, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc, § 64-67 et Concl. Av. gén. M. Szpunar, 10 mars 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 45. |
| [72] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 33 et 35 (et Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 79) et C.J.U.E., 28 janvier 2015, C-375/13, Harald Kolassa / Barclays Bank plc, § 56 et 57. |
| [73] | Dans le même sens, voir T. Derval,« Arrêt 'Löber': la localisation du dommage extracontractuel du fait d'un prospectus trompeur », o.c., p. 109. |
| [74] | O. Boskovic, « Compétence européenne en matière délictuelle: localisation du préjudice financier subi par l'investisseur », RCDIP, 2015, p. 931, n° 8 et T. Hartley, « Jurisdiction in tort claims for non-physical harm under Brussels 2012, Art. 7(2) », International and Comparative Law Quarterly, ISSN 0020-5893, pp. 6 et 7. |
| [75] | C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 31-32. |
| [76] | Concl. Av. gén. M. Bobek, 8 mai 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 70-81. Pour une critique de la thèse de l'avocat général M. Bobek, voir G. van Calster, « Jurisdiction re prospectus liability (misrepresentation) before the CJEU again. Bobek AG in Löber v Barclays », 30 mai 2018, disponible sur: www.gavclaw.com/2018/05/30/jurisdiction-re-prospectus-liability-misrepresentation-before-the-cjeu-again-Bo bek-ag-in-lober-v-barclays/, consulté le 25 novembre 2019). |
| [77] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 33. |
| [78] | A. Tenenbaum, « For européen du délit et préjudice financier: un feuilleton sans fin? », o.c., p. 32. |
| [79] | K. Rutten, « Noot onder HvJ EU 12-09-2018, C-301/17 », o.c., § 9. Relevons à cet égard que la Cour suprême d'Autriche, dans une décision précédant la question préjudicielle qu'elle a posée concernant Helga Löber, s'était déclarée incompétente internationalement pour juger de la perte financière résultant d'une dévalorisation d'actions dans la société Volkswagen. L'investisseur prétendait que les actions étant localisées en Autriche, le dommage financier s'était matérialisé dans ce pays. La Cour suprême autrichienne a néanmoins rejeté cette argumentation en relevant notamment que les actions Volkswagen était des actions cotées (admises à la négociation sur un marché réglementé) en Allemagne (voir: www.rdb.manz.at/document/ris.just.JJT_20170707_OGH0002_0060OB00018_17S0000_000, consulté 25 novembre 2019; dont il est fait état par O. Schotel et A. Collot d'Escury, « EU top court on international jurisdiction in tort cases : localising pure financial loss, continued », 17 octobre 2018, disponible sur: www.stibbeblog.nl/all-blog-posts/commercial-litigation/eu-top-court-on-international-j urisdiction-in-tort-cases-localising-pure-financial-loss-continued/, consulté le 9 septembre 2019. |
| [80] | C.J.U.E., 16 juin 2016, C-12/15, Universal Music International Holding BV / Michael Tétreault Schilling, e.a., § 37-40, rappelé par C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 30. |
| [81] | HR, 14 juin 2019, ECLI:NL:HR:2019:925, disponible sur: www.uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:HR:2019:925&showbutton=true (consulté le 25 novembre 2019). A noter que ce cas comporte également la particularité de concerner une class-action (action en réparation collective). Voir not. J. Kleywegt et R. Van Vugts, « Locating pure financial damage in cross-border securities class actions: clarity on the horizon? », disponible sur: www.lexology.com/library/detail.aspx?g=c01a8461-f8cd-4179-a820-71df5193ae2f (consulté le 25 novembre 2019) et l'affaire C-709/19 - Vereniging van Effectenbezitters telle qu'elle est référencée sur le site de la Cour: www.curia.europa.eu/juris/liste.jsf?oqp=&for=&mat=or&lgrec=en&jge=&td=%3BALL&jur=C%2CT%2CF&page=1&dates=&pcs=Oor&lg=&parties=VEREN IGING%2BVAN%2BEFFECTENBEZITTERS%252C&pro=&nat=or&cit=none%252CC%252CCJ%252CR%252C2008E%252C%252C%252C%252C%252C%252C%252C%252C%252C%252Ctrue%252Cfalse%252Cfalse&language=en&avg=&cid=3653576 (consulté le 25 novembre 2019). |
| [82] | HR, 14 juin 2019, ECLI:NL:HR:2019:925, o.c., § 4.9.2. |
| [83] | Art. 5, 3., du Règlement Bruxelles I. |
| [84] | HR, 14 juin 2019, ECLI:NL:HR:2019:925, o.c., § 4.8.2.-4.8.3. |
| [85] | T. Derval, « Arrêt 'Löber': la localisation du dommage extracontractuel du fait d'un prospectus trompeur », o.c., p. 109. |
| [86] | G. van Calster, « Jurisdiction re prospectus liability. CJEU reiterates Universal Music in Löber v Barclays. Unfortunately fails to identify the exact locus damni and leaves locus delicti commissi unaddressed », 14 septembre 2018, disponible sur: www.gavclaw.com/2018/09 /14/jurisdiction-re-prospectus-liability-cjeu-reiterates-universal-music-in-lober-v-barclays-unfortunately-fails-to-identify-the-exact-locus-damni-and-leaves-locus-delicti-commissi-unaddressed/, consulté le 25 novembre 2019 (un commentaire sous cet article, attribué à M. Lehmann, va jusqu'à déclarer que: « Nous ne devrions pas attribuer trop d'importance à ce cas, dès lors que son rédacteur a ignoré le texte du règlement et la jurisprudence de la Cour de justice. »). |
| [87] | A. Tenenbaum, « For européen du délit et préjudice financier: un feuilleton sans fin? », o.c., pp. 30 et s. |
| [88] | J. Kleywegt et R. Van Vugts, « Locating pure financial damage in cross-border securities class actions: clarity on the horizon? », disponible sur: www.lexology.com/library/detail.aspx?g=c01a8461-f8cd-4179-a820-71df5193ae2f (consulté le 25 novembre 2019). |
| [89] | M. Lehmann, « Prospectus liability and private international law - assessing the landscape after the CJEU's Kolassa ruling (Case C-375/13) », o.c., p. 343. |
| [90] | C.J.U.E., 12 septembre 2018, C-304/17, Helga Löber / Barclays Bank plc, § 35 et P. Wautelet, « L'arrêt Kolassa: quel tribunal pour le contentieux de l'investissement financier? », o.c., p. 64. |

