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La responsabilité pénale de l'homme de paille: pas de quoi en faire tout un foin ?, R.D.C.-T.B.H., 2020/8, p. 1003-1018

La responsabilité pénale de l'homme de paille:
pas de quoi en faire tout un foin?

Pierre Monville [1] et Amaury Verhoustraeten [2]

TABLE DES MATIERES

I. Définition I.1. L'homme ou la femme de paille

I.2. Le dirigeant de fait

I.3. Raison d'être et (il)licéité du recours à des hommes de paille

II. Approche différenciée de la responsabilité pénale de l'homme de paille selon le type d'infraction concernée II.1. Présentation

II.2. Le noyau dur: les infractions inhérentes à l'acte de nomination de l'homme de paille (faux en écritures et usage de faux)

II.3. Le cercle fonctionnel: les infractions résultant de la violation d'obligations inhérentes à la fonction d'administrateur

II.4. Le cercle périphérique: toutes les autres infractions commises par la société et le maître de l'affaire

III. Aspects temporels de la responsabilité pénale de l'homme de paille III.1. A partir de quand la responsabilité pénale de l'homme de paille peut-elle être engagée?

III.2. Jusqu'à quand la responsabilité pénale de l'homme de paille peut-elle être engagée?

IV. Conclusions

RESUME
Les dossiers de droit pénal des affaires font souvent apparaître des hommes de paille à la tête de sociétés. Ceux-ci sont instrumentalisés par un dirigeant de fait qui tente de rester dans l'ombre tout en commettant des infractions par l'intermédiaire de la société. Se pose alors la question de savoir dans quelle mesure l'homme de paille peut être tenu responsable pénalement de ces infractions. Cette contribution propose une approche différenciée, en fonction du type d'infraction. La nomination fictive constitue en soi un faux en écritures et un usage de faux, dont l'homme de paille peut systématiquement être considéré comme (co)auteur. De plus, l'homme de paille peut aussi être tenu responsable de la violation des obligations inhérentes à sa fonction d'administrateur (p.ex. en matière de comptabilité, de comptes annuels, de faillite). En ce qui concerne les autres infractions, sa responsabilité sera déterminée à l'aune des règles de la participation criminelle. Enfin, cette contribution suggère quelques directives pour la fixation de la période infractionnelle et tente de répondre à la question délicate quant à la possibilité de limiter la responsabilité pénale de l'homme de paille dans le temps.
SAMENVATTING
In ondernemingsstrafzaken komt men geregeld stromannen tegen als bestuurders van vennootschappen. Zij worden ingezet door een feitelijke bestuurder die onder de radar probeert te blijven terwijl hij middels de vennootschap misdrijven pleegt. De vraag stelt zich dan in welke mate de stroman voor deze misdrijven strafrechtelijk aansprakelijk kan worden gesteld. Deze bijdrage stelt een gedifferentieerde aanpak voor, naar gelang het type misdrijf. De valse benoeming vormt an sich een valsheid in geschrifte en gebruik van valse stukken, waarvan de stroman stelselmatig als (mede)dader kan worden aanzien. Daarnaast kan de stroman ook systematisch strafrechtelijk aansprakelijk worden gesteld voor iedere miskenning van de basisverplichtingen die inherent zijn aan zijn functie van bestuurder (bv. inzake boekhouding, jaarrekening, faillissementsprocedure). Wat overige misdrijven betreft, zal zijn verantwoordelijkheid weerhouden kunnen worden op basis van de regels van de strafrechtelijke deelneming. Deze bijdrage suggereert ten slotte richtlijnen voor de bepaling van het begin- en het eindpunt van de aansprakelijkheidsperiode en tracht een antwoord te geven op het delicate vraagstuk of de stroman zijn strafrechtelijke aansprakelijkheid in tijd kan beperken.

1.« L'homme de paille », voilà une figure familière que l'on croise régulièrement dans nombre de dossiers de droit pénal des affaires. A première vue, il n'y a pas de raison de s'attarder sur les contours de sa responsabilité pénale. Très souvent d'ailleurs, lorsque celle-ci est évoquée devant les juridictions répressives, elle ne fait l'objet que de débats limités: soit l'homme de paille poursuivi adopte un profil bas et reconnaît en bloc sa responsabilité, dans l'espoir d'une mesure de faveur ou de la clémence du tribunal, soit il excipe de sa bonne foi [3], prétend qu'il aurait été abusé et prend ses distances par rapport au véritable maître de l'affaire, en tentant ainsi d'obtenir son acquittement. Nous espérons convaincre le lecteur qu'à l'examen, il en va tout autrement et que la responsabilité pénale de l'homme de paille mérite une analyse nuancée parce qu'elle recouvre une réalité plus complexe: d'une part, la notion d'homme de paille n'est pas univoque et, d'autre part, les conditions permettant de retenir sa responsabilité varient en fonction du type d'infractions considéré.

Dans la première partie de cette contribution, nous présenterons la figure de l'homme de paille et celle du dirigeant de fait qui se cache derrière lui (I). Nous poursuivrons notre exposé par l'analyse de l'étendue de la responsabilité pénale de l'homme de paille en procédant par la technique dite des cercles concentriques (II). Dans un troisième temps, nous tenterons de délimiter cette responsabilité pénale dans le temps en nous demandant à partir de quand et jusqu'à quand le mandataire fictif est susceptible de répondre pénalement des faits qui peuvent lui être reprochés (III). Nous formaliserons enfin nos conclusions (IV).

I. Définition
I.1. L'homme ou la femme de paille

2.Il n'existe pas de définition des notions d'homme de paille ou de femme de paille [4] en droit pénal, alors que les juridictions répressives s'y réfèrent régulièrement.

3.Selon une définition usuelle, un homme de paille désigne un « homme qu'on fait intervenir dans une affaire où il n'a pas d'intérêt personnel et où il agit non pour lui, mais pour le compte d'un autre ». [5]

L'expression a une connotation péjorative. [6] Elle évoque, selon certains, un procédé nécessairement malhonnête: l'homme de paille est ainsi présenté comme une « personne que l'on met en avant dans une affaire douteuse, une escroquerie qui se fait pour le compte d'autrui ». [7] Nous verrons pourtant que ce n'est pas toujours le cas.

4.L'appellation « homme de paille » est souvent utilisée, indifféremment, comme synonyme de « prête-nom » par les juridictions répressives.

L'institution du prête-nom, surtout connue en droit civil, implique qu'une personne conclue une convention ou plus généralement un acte juridique en son nom propre, en se présentant comme une partie à l'opération juridique, alors qu'elle agit en réalité pour compte d'un tiers dont elle ne dévoile pas le nom. [8] Le prête-nom cèle qu'il agit pour compte d'autrui et que son donneur d'ordre est le bénéficiaire final de l'opération juridique.

5.Dans le cadre de la présente contribution, nous nous intéresserons uniquement aux hommes de paille qui revêtent une fonction d'administrateur [9] au sein d'une société commerciale (ou plus généralement d'une personne morale). L'homme de paille sujet de notre étude est donc le dirigeant de droit d'une société (à savoir le dirigeant nommé dans l'acte constitutif ou par l'assemblée générale), qui ne s'intéresse pas aux affaires sociales et qui agit en réalité pour le compte d'autrui, n'étant pas animé de l'intention d'exercer personnellement sa fonction de dirigeant.

Dans un arrêt du 17 octobre 2019, la cour d'appel de Liège a reproduit le témoignage d'un homme de paille qui rend parfaitement compte du mécanisme en question et du rôle joué par celui-ci:

« [Mon donneur d'ordre] m'a dit qu'il cherchait quelqu'un pour prendre la place de gérant de deux sociétés […] pour une période de trois à six mois. Je ne connaissais rien de lui. Il ne m'a pas expliqué pourquoi il cherchait un gérant et dans la pratique je n'ai même pas cherché à en connaître la raison. Il était bien convenu [qu'il] resterait à la gestion de ces deux sociétés, à savoir qu'il continuerait à gérer le stock, les commandes, le personnel et la comptabilité. Quant à moi, je n'avais rien d'autre à faire que de prendre la somme de 5.000 EUR à la signature des actes et de recevoir une somme supplémentaire de 5.000 EUR quand je sortirais des sociétés. J'ai accepté et j'ai signé des documents en [sa] présence. » [10]

6.La convergence de plusieurs indices permet de détecter la présence d'un homme de paille. Ainsi, l'homme de paille par excellence ignore la teneur des activités qu'il est censé gérer ou les décrit de manière vague, il ignore les pouvoirs et responsabilités inhérents à la fonction qu'il occupe, le jargon social et commercial, de même que la législation comptable et fiscale; interrogé sur sa fonction, il s'en remet aux connaissances et aux directives d'un tiers; il signe des documents sans les lire ni les comprendre; il n'est pas actionnaire de la société dont il est administrateur; il n'est pas animé de l'affectio societatis ni mu par l'intérêt commun des associés; il n'est pas disposé à engager son patrimoine personnel en cas de responsabilité pour faute de gestion [11], …

I.2. Le dirigeant de fait

7.Derrière l'homme de paille se cache toujours un individu qui, sans être investi d'une fonction dirigeante par les statuts de la société, se sent bel et bien concerné par la gestion des affaires sociales et exerce de facto la fonction d'administrateur. Il s'agit du dirigeant de fait, encore appelé donneur d'ordre ou maître de l'affaire.

8.Nous proposons de définir le dirigeant de fait comme celui qui, en toute liberté et indépendance, prend habituellement les décisions quant à l'administration et la gestion journalière de la société [12], sans être investi d'une telle fonction par les statuts. Les divers éléments constitutifs de cette définition sont précisés ci-dessous.

Le dirigeant de fait détient un pouvoir de décision au sein de la société. C'est lui qui, dans les faits, engage la société et oriente le sort de cette dernière. Tel n'est pas le cas d'un consultant, un conseiller [13], un comptable, un commissaire aux comptes [14], un surveillant, ni d'actionnaires faisant partie d'un « comité de direction et de surveillance » [15], dans la mesure où ceux-ci n'ont pas le pouvoir d'engager la société.

Cette prise de décision s'effectue en toute liberté et indépendance par rapport à l'organe d'administration légalement institué. Le dirigeant de fait exerce son pouvoir de décision soit en se substituant à l'organe statutaire, soit en lui donnant des instructions précises. [16] Ce dernier ne joue plus qu'un rôle de façade ou de potiche. La condition d'indépendance exclut dès lors que l'on qualifie de dirigeant de fait le mandataire ou le travailleur d'une société, dans la mesure où l'un et l'autre obéissent aux instructions qui leur sont données. [17]

Ces décisions doivent porter sur l'administration et/ou la gestion journalière de la société, autrement dit sur tout ce qui relève de la fonction d'administrateur. Ne répond pas à ce critère un actionnaire qui oriente, même de façon déterminante, les décisions prises en assemblée générale, car celles-ci ne concernent pas l'administration ou la gestion journalière. En revanche, l'actionnaire qui s'ingère dans l'administration et impose ses vues au conseil d'administration pourrait être considéré comme un dirigeant de fait.

En outre, le pouvoir de décision doit s'exercer habituellement, c'est-à-dire avec une certaine continuité. L'intervention fortuite ou occasionnelle d'une personne tierce dans l'administration ou la gestion quotidienne d'une société ne suffit pas à lui donner la qualification de dirigeant de fait. [18]

9.Pour déterminer qui, dans les faits, détient le pouvoir de décision, on pourra notamment avoir égard aux indices suivants [19]:

    • Quant à l'administration: Qui détermine la politique générale et la stratégie de la personne morale? Chez qui sont conservés les actes sociaux (acte constitutif, statuts, procès-verbaux de conseil d'administration)? Qui négocie les emprunts à long terme? Qui engage le personnel de cadre? Qui dispose de la signature bancaire? Qui dispose de connaissances nécessaires à l'administration et au fonctionnement de la personne morale?
    • Quant à la gestion quotidienne: Qui a accès au compte bancaire de la personne morale? Qui s'occupe des relations avec le personnel? Qui paie les salaires? Qui établit les contacts avec les fournisseurs/les clients? Qui passe/enregistre les commandes? Qui dispose des connaissances nécessaires à la gestion quotidienne d'une personne morale?

    10.La notion de dirigeant de fait est connue de longue date dans différentes branches du droit, même s'il n'est pas toujours explicitement nommé.

    En droit de l'insolvabilité, l'article XX.225 du Code de droit économique (CDE), prévoit que l'action en comblement de passif peut être dirigée contre toute personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer l'entreprise, si cette personne a commis une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite:

    « En cas de faillite d'une entreprise et d'insuffisance de l'actif et s'il est établi qu'une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur, gérant, délégué à la gestion journalière, membre du comité de direction ou du conseil de surveillance, actuel ou ancien, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer l'entreprise, peut être déclaré personnellement obligé, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l'insuffisance d'actif. »

    Tous les commentateurs s'accordent à dire que le législateur a ainsi voulu viser le dirigeant de fait de l'entreprise faillie. [20]

    De même, l'article XX.229, § 3, CDE qui permet d'imposer une interdiction professionnelle à d'anciens faillis et les personnes y assimilées, vise également le dirigeant de fait, sans toutefois le nommer.

    « Pour l'application du présent article, sont assimilés au failli, les administrateurs et les gérants d'une personne morale déclarée en faillite, dont la démission n'aura pas été publiée un an au moins avant la déclaration de la faillite ainsi que toute personne qui, sans être administrateur ou gérant, aura effectivement détenu le pouvoir de gérer la personne morale déclarée en faillite. »

    11.Les articles 489, 489quinquies et 490 du Code pénal, qui concernent des infractions liées à l'insolvabilité, ou encore l'article 492bis du même code, qui incrimine l'abus de biens sociaux, visent expressément le dirigeant de fait. Nous reviendrons sur ces infractions ultérieurement. [21]

    12.L'attention toute spéciale accordée dans la législation au dirigeant de fait ne doit pourtant pas masquer une réalité: sans son alter ego (l'homme de paille), le dirigeant de fait n'est rien et ces deux-là sont liés comme les doigts de la main.

    I.3. Raison d'être et (il)licéité du recours à des hommes de paille

    13.Le recours à un homme de paille répond en substance toujours à la même volonté: il s'agit d'occulter l'intervention du véritable maître de l'affaire dans la gestion de la société.

    La volonté du maître de l'affaire d'occulter son intervention peut, à son tour, poursuivre des objectifs divers:

      • assurer la discrétion de ses affaires (nombre de mandats exercés, patrimoine possédé ou contrôlé, influence exercée);
      • contourner une interdiction professionnelle (suivant une faillite ou une condamnation pénale), une incompatibilité professionnelle (p. ex. déontologique, académique ou politique) ou une incapacité (p. ex. la minorité);
      • contourner des dispositions de droit des sociétés (concernant la nomination d'administrateurs ou la durée de mandats);
      • faire échapper le patrimoine de la société à des mesures d'exécution forcée [22];
      • échapper à sa responsabilité civile pour faute de gestion, violation de la loi ou des statuts ou encore en cas de faillite;
      • échapper à sa responsabilité pénale du chef d'infractions commises par l'intermédiaire de la société.

      Parmi les objectifs précités, c'est évidemment le dernier qui retiendra toute notre attention dans la suite de cette contribution. Les exemples sont légion. On songe notamment à des infractions contre les biens (p. ex. escroquerie de type « carambouille », abus de biens sociaux), à des infractions à la législation fiscale (p. ex. carrousel à la TVA, fraude aux droits d'accises) ou à la législation sociale (p. ex. délocalisation fictive de main d'oeuvre vers des pays pratiquant le dumping social), à des infractions liées à l'état de faillite (p. ex. recours à des moyens ruineux, défaut de collaboration avec le juge-commissaire), etc.

      14.Aucune disposition légale ne condamne le recours à un homme de paille en tant que tel: le droit civil [23] et le droit des sociétés [24] régissent même certaines situations dans lesquelles la réalité des affaires est dissimulée. En théorie, on peut donc envisager des situations où la désignation d'un homme de paille ne pose aucun souci sur le plan de la légalité. Tel serait le cas d'un administrateur fictif qui, tout en obéissant aux injonctions de son donneur d'ordre, accomplirait tous les actes et assumerait les responsabilités inhérentes à sa fonction, dans le respect de la loi. [25]

      En pratique toutefois, les choses sont différentes. Dès lors que la fiction poursuit une intention frauduleuse, elle sera à tout le moins constitutive d'un faux en écritures. [26] En outre, comme le procédé vise le plus souvent à s'affranchir de contraintes légales, il sera souvent associé à la commission d'une ou plusieurs autres infractions. [27]

      Du point de vue de la justice répressive se pose alors un problème singulier: des infractions sont commises par l'intermédiaire d'une personne (l'homme de paille) pour le compte d'un tiers (le maître de l'affaire ou à tout le moins la société que ce dernier dirige de facto). Il convient alors d'examiner dans quelle mesure et selon quels critères l'homme de paille peut être tenu responsable pénalement des infractions qui ont été commises par son intermédiaire.

      II. Approche différenciée de la responsabilité pénale de l'homme de paille selon le type d'infraction concernée
      II.1. Présentation

      15.Nous avons analysé une vingtaine de décisions rendues par les juridictions répressives de fond de différents ressorts et arrondissements impliquant des hommes de paille pour tenter, ensuite, d'en systématiser les enseignements.

      A l'issue de cette analyse, nous proposons une approche différenciée de la responsabilité pénale de l'homme de paille selon le type d'infraction concernée. Le recours à un homme de paille peut mener à la commission d'infractions par gradation et il convient, à notre estime, d'appliquer des critères de responsabilité pénale distincts selon le grade. Schématiquement, l'on peut se référer à l'image de cercles concentriques que dessine une pierre jetée dans l'eau. Les infractions impliquant un homme de paille peuvent alors être réparties en trois cercles de taille croissante, avec les infractions relevant du noyau dur, celles relevant du cercle fonctionnel et enfin celles qui relèvent du cercle périphérique.

      16.La nomination d'un homme de paille peut en tant que telle être constitutive de certaines infractions. Ces infractions sont donc inhérentes à la nomination fictive: elles peuvent se réaliser même si l'homme de paille, le maître de l'affaire et la société concernée ne commettent aucune autre infraction par ailleurs. Il s'agit bien entendu du faux en écritures et de l'usage de faux, qui constituent le noyau dur des infractions imputables à l'homme de paille (II.2).

      17.La pratique révèle que le recours à un homme de paille constitue souvent un préalable à la commission d'autres infractions. Ces infractions viennent se superposer à celles commises à l'occasion de la nomination fictive. Parmi celles-ci, il convient alors de distinguer:

        • d'une part, les infractions qui découlent de la violation d'obligations inhérentes à la fonction d'administrateur: nous verrons que pour cette catégorie d'infractions qui appartiennent au cercle fonctionnel, la responsabilité pénale de l'homme de paille sera quasi systématiquement engagée, sans qu'il faille appliquer les règles de la participation criminelle (II.3);
        • d'autre part, toutes les autres infractions [28] impliquant un homme de paille: pour toutes ces infractions, qui appartiennent au cercle périphérique, la responsabilité pénale de l'homme de paille sera examinée à l'aune des règles de participation criminelle (II.4).
        II.2. Le noyau dur: les infractions inhérentes à l'acte de nomination de l'homme de paille (faux en écritures et usage de faux)

        18.Dès lors que les parties au procédé sont animées d'une intention frauduleuse, la nomination d'un homme de paille est constitutive d'un faux en écritures et d'un usage de faux (A). Dans ce cas, la responsabilité pénale de l'homme de paille peut, à notre estime, systématiquement être retenue à côté de celle du maître de l'affaire en tant que (co)auteur de l'infraction (B).

        A. Les éléments constitutifs des infractions de faux et d'usage de faux

        19.Si la personne nommée à la fonction d'administrateur n'a nullement l'intention d'en exercer les prérogatives et qu'un tiers (le dirigeant de fait) l'exerce de facto à sa place, la nomination constitue une altération de la vérité selon une des formes prévues la loi. L'altération porte en particulier sur l'identité de la personne qui de facto exerce une fonction dirigeante au sein de la société. Il s'agit d'un exemple classique de faux intellectuel. [29]

        Il en va de même de la démission de l'administrateur qui continuerait de facto à diriger la société.

        De manière plus atypique, l'absence de nomination à la fonction d'administrateur de celui qui de facto dirige la société a déjà été considérée comme constitutive de faux en écriture. [30] La démission d'un homme de paille pourrait également être qualifiée de faux, dès lors qu'elle vise à entretenir la fiction. [31]

        20.Les actes sociaux qui constatent la nomination d'un administrateur (à savoir l'acte constitutif et les statuts d'une société ou le procès-verbal de l'assemblée générale) constituent assurément des écrits protégés par la loi, au sens des articles 193 et s. du Code pénal. [32]

        21.En ce qui concerne la possibilité de préjudice, qui est un des éléments constitutifs de ces deux infractions, la Cour de cassation a dit pour droit que « la dissimulation, dans l'acte constitutif d'une société, de l'identité de son vrai gérant est, en soi, susceptible de porter préjudice aux tiers appelés à entrer en contact avec elle ». [33]

        22.La démonstration de l'intention frauduleuse ou le dessein de nuire, qui constitue l'élément moral de ces deux infractions, ne posera en général pas plus de difficultés.

        L'intention frauduleuse est l'intention de se procurer à soi-même ou à autrui un avantage ou profit quelconque qui n'aurait pas été obtenu si la vérité et la sincérité de l'écrit avaient été respectées. Or, la Cour de cassation a jugé que l'intention de dissimuler l'identité du véritable gérant de la société pouvait être qualifiée de frauduleuse. [34] En guise d'intention frauduleuse, les juges du fond relèvent le plus souvent l'intention d'échapper à sa responsabilité pénale ou sa responsabilité en vertu du droit des sociétés.

        Le dessein de nuire est la volonté de causer un préjudice matériel ou moral à une personne physique ou morale. Or, le recours à un homme de paille peut constituer un moyen, pour le dirigeant de fait, de commettre des infractions portant atteinte aux biens ou à l'intégrité physique d'autres personnes. L'hypothèse est assez rare en pratique.

        23.En ce qui concerne spécifiquement l'infraction d'usage de faux, il a été jugé que le fait d'administrer, au jour le jour, une société dont l'acte constitutif est entaché de faux, traduit un usage de faux. [35] Appliqué à l'hypothèse de l'homme de paille, l'on peut considérer que le dirigeant de fait qui administre une société, tout en se cachant derrière la nomination fictive d'un homme de paille, fait usage du faux par lequel ce dernier a été nommé.

        24.L'auteur d'un faux peut être le coauteur de son usage par un tiers. Ainsi, un homme de paille qui, en connaissance de cause, constitue une société dont il devient par ailleurs le dirigeant de droit, en vue de permettre au dirigeant de fait de commettre des infractions ou d'obtenir des avantages illicites, pourra être condamné en tant que coauteur ou complice de l'usage de faux par le dirigeant de fait. [36]

        B. Imputabilité des infractions à l'homme de paille et au maître de l'affaire

        25.Le faux en écritures peut-il être imputé à l'homme de paille faussement placé à la tête de la société? La réponse à cette question en apparence anodine est loin d'être évidente. Les pratiques du ministère public sont d'ailleurs fortement variables d'une affaire à l'autre sans que l'application du principe de l'opportunité des poursuites permette de les justifier. L'on ressent une hésitation dans le chef de la partie poursuivante à incriminer l'homme de paille pour de tels faits. [37]

        L'on rencontre, en substance, deux approches différentes:

          • d'une part, le ministère public peut choisir de poursuivre du chef de faux en écritures seulement le donneur d'ordre qui a fait établir l'acte de nomination fictive à son bénéfice. Cette première approche range l'homme de paille au rang des « victimes » des agissements du donneur d'ordre. Elle semble privilégiée lorsque le donneur d'ordre a pu être identifié et appréhendé et pourvu que l'homme de paille n'ait pas prêté son concours en connaissance de cause à la commission d'autres infractions;
          • d'autre part, le ministère public peut considérer que l'homme de paille faussement désigné doit également encourir une responsabilité pénale du chef de faux en écritures. Cette seconde approche voit l'homme de paille comme un auteur (ou coauteur) à part entière du faux. Elle semble surtout adoptée lorsque le donneur d'ordre n'a pas pu être appréhendé ou lorsque l'homme de paille ne s'est pas cantonné dans un rôle purement passif mais a, au contraire, contribué à la perpétration d'opérations illicites.

          A vrai dire, les pratiques actuelles sont source d'insécurité juridique, en ce que les mandataires fictifs ne sont pas systématiquement poursuivis du chef de faux en écritures et usage de faux. De notre expérience, c'est un peu par application de l'adage « faute de grives, on mange des merles » que l'on poursuit (ou non) l'homme de paille.

          26.Ceci étant, lorsque l'homme de paille est poursuivi, les juridictions répressives n'hésitent pas à le condamner en tant qu'auteur ou coauteur des infractions concernées, sans se livrer à de longues analyses. Les exemples sont légion.

          Dans un jugement du 9 novembre 2011, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné un homme de paille du chef de faux et d'usage de faux. Le premier faux résidait dans l'acte constitutif de la société attestant sa propre nomination à la fonction d'administrateur, laquelle cachait l'intervention du véritable maître de l'affaire. Le deuxième faux était le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de cette société attestant sa démission de ladite fonction. [38]

          La cour d'appel de Bruxelles a eu à connaître d'une affaire où un individu frappé d'une interdiction professionnelle avait nommé successivement plusieurs hommes et femmes de paille à la tête de ses sociétés, tout en se faisant engager sous les liens d'un contrat de travail par les sociétés qu'il continuait à gérer. Dans son arrêt du 19 février 2020, la cour condamne aussi bien les mandataires fictifs que l'individu en question, du chef de faux (procès-verbaux de démission et de nomination et contrats de travail) et de leur usage. [39]

          Dans un arrêt du 16 décembre 2019, la cour d'appel de Mons condamne aussi bien les deux dirigeants de fait que l'homme de paille du chef de faux et usage de faux. La cour relève qu'il est reproché aux trois prévenus d'avoir commis ou participé à la rédaction du procès-verbal d'assemblée générale désignant le troisième prévenu comme gérant, avant de décréter que « c'est frauduleusement, dans l'intention de ne pas apparaître aux yeux des tiers comme les gérants de droit de la société, que les [deux premiers prévenus] se sont entendus avec [le troisième prévenu] pour que ce dernier soit officiellement désigné à ce mandat ». [40]

          27.Cette jurisprudence doit être approuvée. Nous sommes en effet d'avis que l'homme de paille doit systématiquement être tenu pour (co)auteur du faux actant sa nomination et de son usage, pourvu qu'il soit certain qu'il ait accepté sa nomination - et qu'il ait pu prévoir l'usage qui en serait fait. A cet égard, dès lors qu'en général le maître de l'affaire associe l'homme de paille à ses agissements [41], l'on peut partir du postulat que ce dernier a accepté, en connaissance de cause, sa nomination, sauf pour lui à rendre vraisemblable l'allégation inverse.

          Tel serait le cas si, par exemple, on constatait que sa nomination a eu lieu après le vol de ses documents d'identité et le dépôt d'une plainte in tempore non suspecto, ou s'il devait apparaître que l'intéressé ne paraît pas en mesure de comprendre la portée d'une telle nomination (notamment en raison de son âge ou de troubles psychiques [42]).

          Partant, le fait que l'homme de paille n'ait ni échafaudé la fiction, ni même rédigé ou signé l'acte qui le nomme [43] n'est pas élisif de sa responsabilité pénale du chef de faux et d'usage de faux.

          C'est ce qu'a décidé le tribunal correctionnel de Liège dans un jugement du 26 juin 2018, dans une affaire visant le maître de l'affaire d'une société immobilière et son ex-femme qui avait accepté la fonction fictive de gérante:

          « Il importe peu que [la prévenue] ait ou non participé à la réalisation des faux puisqu'elle a fourni une aide indispensable à leur confection en acceptant ces fonctions fictives. Qu'elle soit elle-même visée dans les documents [la nommant] est également sans incidence par rapport à sa qualité de coauteur des faux dont il a été fait usage. » [44]

          A noter que ce raisonnement ne vaut que pour les infractions de faux et d'usage de faux. [45]

          28.Il n'est, selon nous, pas nécessaire de recourir aux règles de la participation criminelle pour établir la culpabilité de l'homme de paille. La majorité des décisions de justice que nous avons analysées n'emprunte pas ce détour. Elles précisent généralement que l'homme de paille est condamné « comme auteur ou coauteur » du faux et de son usage, sans approfondir le fondement de la culpabilité.

          Le ministère public et le juge répressif peuvent toutefois s'appuyer sur les règles de la participation criminelle au cas où certains éléments constitutifs de l'infraction feraient défaut dans le chef de l'homme de paille. En particulier, l'absence d'intention frauduleuse dans le chef de l'homme de paille ne fera pas obstacle à sa condamnation. En effet, selon une jurisprudence constante, « l'intention frauduleuse que le faux en écritures requiert, ne doit exister que dans le chef de l'auteur de l'infraction; à l'égard des coauteurs, il suffit qu'ils aient apporté à son exécution une aide nécessaire ou qu'ils l'aient directement provoquée, qu'ils aient eu une connaissance positive des éléments constituant le fait principal et qu'ils aient eu la volonté de s'associer de la façon prévue par la loi à la réalisation de l'infraction de faux ». [46]

          29.Exceptionnellement, l'homme de paille pourra échapper à une condamnation, s'il n'a pas eu conscience des agissements frauduleux auxquels il a été mêlé. Dans une affaire qui a donné lieu à un arrêt de la cour d'appel d'Anvers du 27 avril 2020, un jeune homme de 19 ans avait été nommé administrateur d'une société dont son père et sa belle-mère continuaient à assurer la gestion quotidienne. La fiction devait permettre à son père d'échapper à des mesures d'exécution sur son patrimoine personnel, et à la belle-mère d'effectuer des dépenses personnelles importantes grâce au compte bancaire de la société. La cour d'appel l'acquitte du chef de faux (et des autres infractions [47]) au motif que ses parents, dont il respectait l'autorité, l'ont malmené et mal informé. Elle estime qu'il n'est pas démontré que le jeune homme aurait agi avec une intention frauduleuse, ni qu'il aurait apporté en connaissance de cause une aide indispensable à la commission de l'infraction. Et de préciser que le simple fait que l'intéressé ait signé le procès-verbal relatif à sa propre nomination ne suffit pas à démontrer qu'il avait connaissance des machinations de ses aînés. [48]

          30.Il va sans dire que le maître de l'affaire sera systématiquement considéré comme l'auteur du faux (pour autant qu'il ait été identifié), même s'il a fait rédiger les actes de nomination par un ou plusieurs tiers, lesquels ne font qu'obéir aveuglément aux instructions reçues. [49]

          31.Une dernière précision s'impose. Bien que l'acte constitutif et les statuts d'une société constituent en principe des écritures authentiques, le régime répressif plus sévère frappant les écritures authentiques ou publiques en vertu des articles 194 et 195 du Code pénal ne sera pas applicable au maître de l'affaire ni à l'homme de paille impliqués dans la rédaction des actes mensongers. La qualité de l'écriture (authentique) ne suffit en effet pas pour faire application de ce régime plus sévère. [50] Encore faut-il que le faussaire ait la qualité de fonctionnaire ou d'officier public. A défaut, il ne peut être condamné sur la base des articles précités. Partant, l'homme de paille et le maître de l'affaire seront seulement reconnus coupables de faux en écritures de commerce ou de banque ou en écritures privées, sur pied de l'article 196 du Code pénal.

          Quant à savoir si un particulier, comparaissant à l'acte falsifié et agissant de concert avec un fonctionnaire ou un officier public, parfaitement au courant de la fiction, devient coauteur ou complice d'un faux en écritures authentiques ou publiques, les avis sont partagés. Dès lors que la qualité de l'auteur est un élément constitutif de l'infraction [51], nous sommes d'avis qu'il faut examiner cette qualité individuellement. [52] La jurisprudence et une partie de la doctrine ne partagent toutefois pas ce point de vue. [53]

          II.3. Le cercle fonctionnel: les infractions résultant de la violation d'obligations inhérentes à la fonction d'administrateur

          32.Pour une série d'infractions, la responsabilité de l'homme de paille pourra être retenue sans devoir faire application des conditions de la participation criminelle. Il s'agit d'infractions qui découlent de la violation de certaines obligations inhérentes à la fonction d'administrateur. Leur violation emporte la responsabilité pénale de l'administrateur fictif car, de par la simple acceptation de son mandat, celui-ci s'oblige à administrer la société et à exécuter une série d'obligations légales.

          Comme l'indique très justement le tribunal correctionnel de Liège dans son jugement du 26 juin 2018:

          « La fonction [d'administrateur (délégué)] implique des responsabilités dans le chef de celui qui s'engage à ce titre. Il représente la société vis-à-vis de l'extérieur et c'est lui qui peut engager la société par différents actes. Il ne s'agit pas d'un rôle de figurant mais d'un mandat à exercer. » [54]

          33.Quelles sont les obligations inhérentes à la fonction d'administrateur? Sans prétendre à l'exhaustivité, il nous semble pouvoir ranger dans cette catégorie les obligations suivantes:

            • l'obligation de tenir une comptabilité appropriée à la nature et à l'étendue des activités de la société [55];
            • l'obligation d'établir des comptes annuels (bilan, compte de résultats et l'annexe) [56] et de les déposer à la BNB [57];
            • l'obligation de faire aveu de faillite endéans le mois de la cessation de paiements [58], de même que l'obligation de se rendre à toutes les convocations du juge-commissaire ou du curateur, de leur fournir tous les renseignements requis et d'aviser le curateur de tout changement d'adresse (électronique). [59]

            L'examen de décisions rendues par les cours et tribunaux permettra d'illustrer utilement notre propos.

            A. Infractions comptables

            34.Dans un jugement du 26 juin 2018, le tribunal correctionnel de Liège retient la responsabilité pénale d'une « femme de paille », ex-épouse du maître de l'affaire, pour défaut de comptabilité appropriée. Le tribunal indique qu'en acceptant son mandat « elle savait que cela impliquait des obligations légales. [Bien qu'elle] ait choisi de laisser [son ex-mari] s'occuper de la gestion effective des sociétés, elle n'en demeure pas moins coupable du non-respect des obligations comptables qui lui incombaient en tant que gérante [de droit] ». [60]

            35.Le 15 octobre 2019, le même tribunal retient la responsabilité pénale d'administrateurs fictifs du chef de défaut de comptabilité appropriée au motif qu'« en leur qualité d'administrateurs-délégués de la [société, ils] étaient tenus de faire en sorte qu'une comptabilité soit tenue. Or, durant leur mandat, les prestations comptables ont été très limitées et largement insuffisantes ». [61] Notons au passage que le tribunal reconnaît tant les administrateurs fictifs que le dirigeant de fait coupables du défaut d'aveu de faillite.

            B. Infractions liées à l'établissement et au dépôt des comptes annuels

            36.Un prévenu qui, à la demande de son père, avait accepté d'occuper un poste d'administrateur dans une de ses sociétés a été reconnu coupable de faux dans les comptes annuels pour le seul exercice comptable au cours duquel il était administrateur-délégué de la société, en raison du fait qu'une partie du chiffre d'affaires et de la TVA y afférente n'y étaient pas comptabilisées. [62]

            C. Infractions liées à l'état de faillite

            37.Dans l'affaire susmentionnée dont a eu à connaître la cour d'appel de Mons, deux dirigeants de fait et un homme de paille étaient poursuivis d'une part pour avoir omis de faire aveu de faillite dans le délai prescrit et d'autre part pour avoir eu recours à des moyens ruineux en vue de retarder la faillite.

            Par arrêt du 16 décembre 2019, la cour impute chacune des préventions tant aux dirigeants de fait qu'à l'homme de paille. [63]

            Concernant la première prévention, la solution est fondée sur le libellé de l'article 489bis, 4°, du Code pénal. Les articles 489, 489bis et 489ter du Code pénal, qui incriminent les infractions relatives à l'état de faillite, permettent en effet d'imputer celles-ci tant aux dirigeants de droit qu'aux dirigeants de fait. [64] L'homme de paille, en acceptant ses fonctions, endosse donc certaines responsabilités, au rang desquelles l'obligation de faire aveu de faillite lorsque les conditions légales sont réunies. A défaut, il engage inexorablement sa responsabilité pénale.

            Concernant la deuxième prévention, la cour d'appel de Mons ne motive pas spécialement son imputation aux différents prévenus. On comprend néanmoins qu'elle considère que chacun d'eux a eu recours à des moyens ruineux « en n'honorant pas [les] dettes [de la société] notamment à l'égard de créanciers institutionnels, que sont l'ONSS et l'administration fiscale » alors qu'ils avaient « pleinement conscience du caractère inéluctable de la faillite qui devait s'ensuivre ». [65]

            Le recours à des moyens ruineux se caractérisait, en l'occurrence, par une omission consistant à ne pas honorer les dettes de la société. Dès lors que le manquement à une obligation positive d'agir constitue une infraction, l'administrateur de la société peut engager sa responsabilité pénale du chef de ce manquement, même s'il n'est qu'un homme de paille.

            38.La cour d'appel de Bruxelles tient un raisonnement identique dans son arrêt du 8 mai 2019 [66], à propos de l'omission d'aveu de faillite et du recours à des moyens ruineux (qui consistait également à ne pas s'être acquitté de ses dettes sociales et fiscales). Dans cette affaire, il était en outre reproché à l'homme de paille - et à lui seul [67] - de ne pas avoir satisfait à ses obligations d'information à l'égard du curateur. La cour d'appel le reconnaît donc coupable de l'infraction visée à l'article 489, 2°, du Code pénal, au motif que lesdites obligations pèsent sur l'administrateur de droit de la société faillie en vertu de l'article XX.146 du Code de droit économique.

            II.4. Le cercle périphérique: toutes les autres infractions commises par la société et le maître de l'affaire

            39.Pour toutes les autres infractions dans lesquelles l'homme de paille serait impliqué [68], les cours et tribunaux ont tendance à apprécier sa responsabilité pénale à l'aune des règles de la participation criminelle, en retenant typiquement la participation par abstention.

            40.Conformément aux articles 66 et 67 du Code pénal, la participation punissable à une infraction requiert dans le chef du participant la connaissance de ladite infraction et la volonté de s'associer à sa commission (ou à tout le moins d'en favoriser la préparation, l'exécution ou la commission) ainsi que l'accomplissement d'un des actes de participation prévus par ces articles.

            En principe, seul un acte positif peut donner lieu à une participation punissable. [69] Il est néanmoins admis qu'une abstention peut entraîner une participation punissable lorsque non seulement le participant a un devoir positif d'agir, mais aussi lorsque son abstention constitue un encouragement positif à la perpétration d'une infraction [70]: on parle alors d'abstention caractérisée (par opposition à la simple omission, non répréhensible).

            Le tribunal correctionnel de Liège décrit l'abstention caractérisée par laquelle l'homme de paille se rend coupable comme suit:

            « Le gérant de droit d'une personne morale - même s'il n'est pas gérant effectif et qu'il n'a pas commis d'acte positif personnel - peut être amené à répondre des infractions commises en son sein [et même] à son préjudice. S'il accepte consciemment d'être gérant de droit et s'il laisse volontairement un tiers gérer effectivement la société, cette omission d'agir peut constituer un acte de participation lorsque, sur base de circonstances propres au cas d'espèce, cette inaction consciente et volontaire constitue un encouragement à la commission d'infractions. » [71]

            Nous approuvons pleinement cette jurisprudence.

            41.L'application des règles de la participation criminelle à l'intervention de l'homme de paille produit des conséquences considérables sur le plan de sa responsabilité pénale. En acceptant sa fonction fantoche, l'homme de paille s'expose à des poursuites du chef d'infractions perpétrées par son entremise à l'initiative du maître de l'affaire.

            Ceci étant, à la différence des infractions qui sont le pendant d'une obligation inhérente à la fonction d'administrateur, la responsabilité pénale de l'homme de paille ne peut être déduite de sa seule qualité d'administrateur (fictif).

            Plusieurs décisions rendues par les juridictions de fond ont fait une application judicieuse de ces principes.

            42.Ainsi, le tribunal correctionnel de Liège a eu à connaître d'une affaire dans laquelle le fondateur d'une société anonyme exploitant une pizzeria avait décidé, au moment où les affaires tournaient mal, de nommer sa fille, son beau-fils et une étudiante travaillant pour la pizzeria aux fonctions d'administrateur(-délégué). Il s'agissait incontestablement de nominations fictives. Le fondateur et les administrateurs de paille étaient poursuivis ensemble du chef de diverses infractions telles que faux en écritures de commerce (fausses factures et fausses conventions), faux dans les comptes annuels, infractions liées à l'état de faillite, abus de biens sociaux, fraude fiscale, etc. Selon le ministère public, les administrateurs fictifs devaient systématiquement être considérés comme coauteurs des infractions dont le fondateur resté dirigeant de fait serait reconnu coupable, car ils en auraient permis la commission de par leur nomination fictive.

            Dans son jugement du 15 octobre 2019, le tribunal correctionnel de Liège examine la responsabilité pénale des administrateurs fictifs sous un prisme plus sélectif. Le tribunal correctionnel juge en effet que « pour pouvoir retenir leur responsabilité pénale, il convient de démontrer soit une participation positive et active à la commission de l'infraction soit [une] connaissance de la commission de l'infraction et [une omission volontaire d'agir] alors que leur fonction d'administrateur […] leur imposait d'intervenir pour mettre fin aux agissements frauduleux ». [72]

            Le tribunal acquitte les administrateurs de paille de la fraude fiscale et des diverses infractions liées aux détournements (abus de biens sociaux, abus de confiance, détournement d'actif) commises par le dirigeant de fait, étant donné que les premiers n'avaient pas connaissance de ces faits au moment de leur commission.

            Le tribunal les acquitte également du chef de certaines infractions liées à l'état de faillite (recours à des moyens ruineux, paiement d'un créancier au préjudice de la masse) au motif qu'il n'est pas démontré qu'ils auraient participé à la prise de décision ou qu'ils auraient eu connaissance de la problématique. Contrairement aux infractions liées à l'état de faillite dont question supra [73], il ne s'agissait pas ici d'un simple défaut de paiement, mais de mécanismes frauduleux plus sophistiqués.

            Par contre, le tribunal condamne deux administrateurs fictifs du chef du détournement d'actif commis par le biais d'une convention qu'ils ont signée, estimant qu'« en apposant leur signature sur la convention litigieuse en qualité [d'administrateur de la société, ils] doivent en supporter les conséquences ». [74] On peut supposer que, de cette manière, le tribunal correctionnel établit la participation requise dans le chef des hommes de paille.

            43.La cour d'appel de Liège applique un raisonnement similaire dans son arrêt du 14 décembre 2017, lorsqu'elle condamne plusieurs hommes de paille du chef de faux en écritures (fausses lettres de voiture et fausses factures), faux sociaux et usage de ces faux [75], conjointement aux maîtres de l'affaire qui en étaient les instigateurs.

            La cour d'appel constate qu'ils ont, en pleine connaissance de cause, permis la commission des infractions de faux reprochées. « En effet, alors qu'en sa qualité de gérant [le prévenu] devait intervenir dans la gestion de la société, [il] a volontairement renoncé à exercer son mandat en permettant [au maître de l'affaire] d'accomplir à sa place tous les actes relevant de la gestion de la société, tout en connaissant parfaitement le système frauduleux mis en place. [Ainsi,] il a favorisé la commission des faux dès lors que sans son abstention volontaire ces infractions n'auraient pu être commises. » [76]

            Nous retrouvons dans cette motivation les deux conditions requises pour établir la culpabilité de l'homme de paille qui n'a pas participé activement à la commission d'une infraction: il s'agit de la connaissance des infractions commises par le maître de l'affaire ou par la société et l'abstention volontaire d'exercer ses fonctions d'administrateur.

            Par ailleurs, la cour rencontre l'argument d'un prévenu désigné comme représentant temporaire (mais pas comme administrateur) de la société et qui se prévalait de son ignorance du système frauduleux, alors qu'il ressortait des auditions que ce représentant temporaire avait été choisi en raison de la confiance que lui témoignait le maître de l'affaire. Partant, la cour estime « qu'il ne peut se prévaloir d'une quelconque cause de justification dès lors qu'une personne normalement diligente et prudente n'aurait pas accepté d'être le représentant temporaire d'une société, dont il ne savait rien, pour lui permettre de signer des contrats relatifs à des chauffeurs qui lui étaient étrangers ». [77]

            44.Dans son jugement précité du 26 juin 2018, le tribunal correctionnel de Liège, après avoir retenu la responsabilité pénale d'une épouse du chef de faux (pour avoir accepté des mandats fictifs à la tête de diverses sociétés gérées de facto par son mari), l'acquitte du chef de faux et d'escroquerie en ce qui concerne des conventions de cession de parts qu'elle avait signées. Le tribunal relève que, même si l'intéressée a signé lesdites conventions, il subsiste un doute quant à la connaissance qu'elle avait du montage en question, et quant à son intention frauduleuse (qui ne se confond pas avec celle des autres prévenus). [78] Le tribunal suit un raisonnement identique en ce qui concerne la falsification des comptes annuels, observant que la connaissance de l'intéressée en matière de sociétés et de comptes annuels s'est avérée limitée [79] - ce qui, en l'occurrence, a joué en sa faveur.

            45.La cour d'appel de Liège retient la responsabilité pénale d'un homme de paille du chef de nombreuses et diverses infractions: faux en écritures de commerce (contrats de leasing, contrats de prêts à tempéraments entre la société et des tiers), escroquerie, blanchiment et défaut d'aveu de faillite. En l'occurrence, la décision de condamner le mandataire fictif sur toute la ligne a manifestement été guidée par les aveux de celui-ci et son appétit de lucre:

            « Le prévenu […] qui de son propre aveu a servi d'homme de paille, a agi volontairement et dans le but d'en retirer un profit personnel puisque, selon ses dires, 5.000 EUR 'à l'entrée puis à la sortie' lui avaient été promis. Il a, en outre, reconnu avoir tiré personnellement d'importants avantages illicites de l'exploitation des stations et de certains véhicules détournés ». [80]

            46.Dans l'affaire susmentionnée où un individu frappé d'une interdiction professionnelle avait nommé successivement plusieurs hommes et femmes de paille à la tête de ses sociétés pour contourner une interdiction professionnelle, la cour d'appel de Bruxelles les condamne tous du chef d'infraction à l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934, en relevant que « le premier [a] bénéficié de la participation des [derniers] afin de l'aider à contourner l'interdiction judiciaire qui lui était faite ». [81]

            47.En revanche, dans une affaire où une femme avait accepté de fonder une société, d'en devenir la gérante, et d'embaucher, sous les liens d'un contrat de travail, son compagnon menacé d'une interdiction professionnelle imminente, le tribunal correctionnel de Bruxelles n'a pas reconnu la prévention de faux en écritures établie (ni à charge de la femme ni à charge de son compagnon). Le tribunal considère qu'il s'agissait de l'anticipation d'un événement incertain. Il relève en outre qu'il n'était pas certain que le contrat de travail fictif ait entraîné ou soit de nature à entraîner un préjudice pour autrui. [82]

            Il convient de rappeler que les dispositions légales permettant d'imposer une interdiction professionnelle à certains condamnés (A.R. n° 22 du 24 octobre 1934 [83]) ou à d'anciens faillis et aux personnes y assimilées (art. XX.229 CDE) disposent que les activités et fonctions interdites ne pourront être exercées ni personnellement ni par interposition de personne. Bien que la loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « interposition de personne », l'on comprend que cette notion vise à sanctionner celui qui exerce en fait des fonctions interdites, sous le couvert d'une autre personne officiellement investie de ces fonctions. [84] Ajoutons également que l'application des règles de la participation criminelle à la violation d'interdictions professionnelles procède de la volonté expresse du législateur. [85]

            48.Dans l'affaire susmentionnée où un individu frappé d'une interdiction professionnelle avait nommé successivement plusieurs hommes et femmes de paille à la tête de ses sociétés pour contourner une interdiction professionnelle, la cour d'appel de Bruxelles les condamne tous du chef d'infraction à l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934, en relevant que « le premier [a] bénéficié de la participation des [derniers] afin de l'aider à contourner l'interdiction judiciaire qui lui était faite ». [86]

            49.Notons enfin que des règles d'imputabilité légale de certaines infractions, notamment en droit pénal social, pourraient désigner comme seule personne pénalement responsable le dirigeant de droit, et faire obstacle aux règles de la participation criminelle dans certaines circonstances. Nous renvoyons le lecteur à d'autres ouvrages dédiés à ces questions (controversées). [87]

            III. Aspects temporels de la responsabilité pénale de l'homme de paille

            50.Ayant balisé les contours de la responsabilité pénale de l'homme de paille, il nous faut maintenant la délimiter dans le temps. Cette question est moins évidente qu'il ne paraît a priori: dans la mesure où le procédé repose sur une fiction, qui peut produire des effets dans le temps, il convient de se demander durant quelle période l'homme de paille peut être tenu responsable des effets de sa désignation.

            III.1. A partir de quand la responsabilité pénale de l'homme de paille peut-elle être engagée?

            51.Avant de déterminer le point de départ, il est utile de rappeler que la nomination d'un administrateur de société par son assemblée générale [88] s'opère schématiquement en trois temps. Il y a tout d'abord la nomination du mandataire dans le procès-verbal de l'assemblée générale en question, ensuite le dépôt d'un extrait du procès-verbal au greffe du tribunal de l'entreprise et enfin la publication de cette nomination aux annexes du Moniteur belge.

            52.Commençons par une évidence: tant qu'il n'est pas nommé, l'homme de paille n'engage pas sa responsabilité pénale. Autrement dit, sa responsabilité ne peut être engagée pour des faits qui seraient antérieurs à sa nomination. Ceci a conduit le tribunal correctionnel de Liège à acquitter deux mandataires fictifs qui avaient été nommés après l'expiration de la période infractionnelle retenue par le tribunal. [89]

            Lorsqu'on détermine le moment où prend naissance la responsabilité pénale du mandataire fictif, la première date qui vient à l'esprit est donc celle du procès-verbal de l'assemblée générale qui le désigne pour exercer ses fonctions.

            La date indiquée dans le procès-verbal actant la nomination est toutefois sujette à caution. Le maître de l'affaire pourrait en effet avoir intérêt à faire remonter la fausse nomination plus loin dans le passé, à un moment où l'homme de paille n'avait même pas encore été approché. Dès lors, si la date de la tenue de l'assemblée générale ne peut être établie avec certitude, il paraît plus prudent de retenir comme point de départ la date du dépôt du procès-verbal d'assemblée générale au greffe du tribunal de l'entreprise, puisque ce dépôt confère en quelque sorte date certaine à la nomination. Tel sera le cas lorsque l'homme de paille affirme que sa nomination est intervenue plus tard (que la date mentionnée dans l'écrit actant sa nomination) et que cette affirmation n'est pas dénuée de crédibilité.

            53.Si l'on peut donc admettre que le mandataire fictif voit sa responsabilité pénale engagée à partir de la date de sa nomination ou du dépôt du procès-verbal actant sa nomination au greffe du tribunal de l'entreprise, ne faut-il pas cependant nuancer le propos en fonction du type d'infraction considérée? La réponse nous paraît négative dans tous les cas.

            Pour le faux en écriture consubstantiel à l'acte de société qui le désigne pour exercer les fonctions de représentation de la société, la question ne se pose pas. Il est généralement admis que la commission du faux en écritures a lieu le jour où le faux acte est rédigé (indépendamment de la prise d'effet de la nomination). [90] L'usage de faux prend également cours à ce moment.

            Il en va de même, à notre estime, pour les infractions qui sont inhérentes à l'acceptation de la fonction d'administrateur vu que ces obligations naissent dès le moment où la nomination du mandataire est effective. Le mandataire fictif pourrait-il exciper du fait que sa nomination n'a pas été publiée au Moniteur belge pour échapper à toute responsabilité pénale? Nous ne le pensons pas: la responsabilité pénale du mandataire fictif ne peut dépendre de l'accomplissement de formalités de publicité mais de la réunion des éléments constitutifs des infractions qui lui sont reprochées.

            Le même raisonnement vaut pour toutes les autres infractions qui pourraient être reprochées au mandataire fictif et pour lesquelles, comme nous l'avons vu, les règles de la participation criminelle délimitent de manière stricte la mise en cause de sa responsabilité pénale.

            54.L'examen de dossiers dans lesquels des poursuites ont été dirigées contre des mandataires fictifs semble corroborer notre analyse. Dans la majorité des cas, c'est la date de la tenue de l'assemblée générale qui a pourvu à la nomination de l'homme de paille qui est retenue comme début de la période infractionnelle.

            Parfois, ce moment est fixé au jour du dépôt au greffe du tribunal de l'entreprise dudit procès-verbal de l'assemblée générale.

            Il arrive même que le ministère public fasse un « panachage » en retenant dans un même dossier comme date de la commission du faux a) pour une première société, une date indéterminée entre la date de l'assemblée générale et celle du dépôt au greffe puis b) pour une seconde société, la date du dépôt au greffe du procès-verbal d'assemblée générale et encore c) pour une troisième société, la date de publication au Moniteur belge.

            55.En conclusion, il nous semble que la date du dépôt du procès-verbal d'assemblée générale au greffe du tribunal de l'entreprise doit être privilégiée comme point de départ de responsabilité pénale du mandataire fictif, puisqu'elle ne peut donner lieu à aucune contestation possible et qu'elle cliche de manière certaine le moment où cette responsabilité pourra être mise en cause. C'est en quelque sorte le filet de sécurité. Toutefois la date de la nomination en tant que telle pourra être retenue si elle présente, en fonction des éléments du dossier, le même degré de certitude.

            III.2. Jusqu'à quand la responsabilité pénale de l'homme de paille peut-elle être engagée?

            56.Il n'est pas inintéressant de s'interroger sur la manière dont le mandataire fictif, après avoir accepté sa nomination en connaissance de cause, est en mesure de limiter sa responsabilité pénale dans le temps. D'autant que cette question a un impact immédiat sur le point de départ de la prescription de l'action publique concernant les faits qui peuvent lui être personnellement reprochés.

            57.Si l'on admet que la responsabilité pénale du mandataire fictif naît en principe au moment où il est nommé, il est logique de considérer que la démission du mandataire fictif met un terme à la mise en cause de sa responsabilité pénale.

            Sur base d'un raisonnement analogue à celui relatif au point de départ de la responsabilité pénale, et en tenant compte de ce que le doute doit profiter au prévenu, nous estimons que la date du procès-verbal de l'assemblée générale actant la démission du mandataire fictif pourra être retenue, sauf pour la partie poursuivante à démontrer que cet acte renferme une altération de la vérité. Dans ce cas, la responsabilité pénale de l'homme de paille pourrait s'étendre, tout au plus jusqu'à la date du dépôt du procès-verbal actant sa démission au greffe du tribunal de l'entreprise.

            58.Il convient néanmoins d'apporter deux nuances à nos dires.

            D'une part, lorsque le mandataire fictif est désigné, précisément, pour retarder la faillite ou pour permettre la commission d'infractions liées à l'état de faillite, il devra répondre de ses actes conjointement avec le maître de l'affaire, sans pouvoir exciper d'une limitation de sa responsabilité dans le temps et ce pour autant que les conditions de la faillite étaient réunies avant sa démission. A ce propos, l'on rappellera qu'à l'exception de la constatation de l'état de faillite dans les circonstances visées à l'article 489quater du Code pénal, une décision du tribunal de l'entreprise n'a pas autorité de chose jugée en matière répressive. Le juge pénal peut, dès lors, fixer l'époque de la cessation des paiements à une date antérieure à celle que le tribunal de commerce a déterminée. [91]

            Un exemple permettra de mieux nous faire comprendre: une société anonyme fait aveu de faillite le 8 juillet 2020. Le juge pénal retient cependant comme date de cessation de paiement la date du 11 janvier 2020 et déclare la prévention de défaut d'aveu de faillite établie à charge de deux administrateurs fictifs, dont les mandats ont couru respectivement jusqu'au 31 mars 2020 et (ensuite) jusqu'au jour du jugement de faillite prononcé le 8 juillet 2020. Par contre, le juge pénal acquitte un autre mandataire fictif qui avait occupé les fonctions d'administrateur jusqu'au 5 janvier 2020 puisque l'aveu de faillite aurait dû intervenir le 11 février 2020 (dans le mois de la cessation de paiement), soit à une date où cet administrateur n'exerçait plus ses fonctions.

            59.D'autre part, en ce qui concerne les infractions de faux et d'usage de faux liées à l'acte de nomination de l'homme de paille, seule doit être prise en compte la date de la publication de la démission au Moniteur belge, sur base de la théorie de l'effet utile du faux.

            La cour d'appel de Liège justifie cette solution de manière convaincante dans un arrêt rendu le 31 octobre 2019. Concernant l'effet utile du faux, la cour considère que lorsque c'est la qualité fictive d'administrateur qui est reprochée à une prévenue, cet effet utile disparaît au moment où la prévenue démissionne de ses fonctions et n'a de la sorte plus le moindre pouvoir dans les sociétés concernées. Elle poursuit tout de même son raisonnement en vérifiant si les faux litigieux ont poursuivi leur effet utile, sans fait nouveau de la part de la prévenue. Etant donné qu'il n'est pas démontré que les faux litigieux contiendraient d'autres altérations de la vérité (que la qualité d'administrateur de la prévenue) ou qu'ils seraient susceptibles d'occasionner un préjudice aux tiers, ceux-ci cessent de produire leur effet utile. Plus aucun tiers ne peut en effet être trompé sur la qualité attribuée à la prévenue. En bref, la cour d'appel fixe le point de départ de la prescription au jour de la publication des décisions de démission de la prévenue au Moniteur belge[92]

            Bien entendu, si le faux en écriture et son usage constituent, avec les autres faits infractionnels, la manifestation continue et successive d'une même intention délictueuse, la prescription commencera à courir pour l'ensemble de ces faits, à compter du dernier d'entre eux. [93]

            60.Il faut reconnaître que l'examen de la pratique de différents parquets crée à nouveau la confusion. Souvent les autorités de poursuite retiennent comme fin de la période infractionnelle la date à laquelle le mandataire fictif a démissionné de ses fonctions, sans que l'on puisse déterminer s'il s'agit de la date du procès-verbal de l'assemblée générale, celle du dépôt dudit procès-verbal au greffe du tribunal de l'entreprise voire celle de la publication au Moniteur belge. Ce qui amène donc régulièrement les juridictions à considérer la date de démission actée par l'assemblée générale comme la fin de la période infractionnelle.

            IV. Conclusions

            61.Les dossiers de droit pénal des affaires font régulièrement apparaître un ou plusieurs individus désigné(s) comme administrateur(s) de société mais exerçant ce mandat pour le compte d'un tiers, sans volonté de s'impliquer réellement dans la gestion effective de ladite société. Ces hommes et femmes de paille sont utilisés par le véritable maître de l'affaire qui, pour l'une ou l'autre raison, continue à diriger la société dans les coulisses. Une de ces raisons tient à la volonté du maître de l'affaire de commettre des infractions par l'intermédiaire de la société ou de ses hommes de paille en tentant d'échapper à sa responsabilité pénale. Ceci pose notamment la question (qui aura retenu toute notre attention dans le cadre de la présente contribution) de la responsabilité pénale de l'homme de paille pour les infractions qui sont commises par son entremise.

            Cette question n'est pas que théorique. Les autorités judiciaires qui sont confrontées à des délits impliquant des hommes et femmes de pailles doivent déterminer l'orientation des poursuites et cibler adéquatement ceux et celles dont la responsabilité pénale mérite d'être retenue. Or, la réponse apportée par ces autorités à cette problématique ne brille pas toujours par sa cohérence. Nous avons donc tenté d'établir un cadre de réflexion objectif permettant de répondre à cette question, au départ d'une analyse approfondie de plusieurs jugements et arrêts rendus par des juridictions répressives des quatre coins du Royaume, dont nous avons systématisé les enseignements.

            62.A l'issue de cette analyse, nous proposons une approche différenciée de la responsabilité pénale de l'homme de paille selon le type d'infraction concernée - nous avons d'ailleurs eu recours à l'image de cercles concentriques pour illustrer cette démarche.

            Le noyau dur de notre canevas est composé des deux infractions inhérentes à l'acte de nomination de l'homme de paille, à savoir le faux en écritures et l'usage de ce faux. Ces deux infractions doivent être retenues dans tous les cas où il est fait recours à un homme de paille. Celui-ci doit donc être considéré comme (co)auteur du faux actant sa nomination et de son usage, pourvu qu'il soit certain qu'il ait accepté sa nomination et qu'il ait pu prévoir l'usage qui en serait fait. Selon nous, ces deux dernières conditions seront d'office remplies, sauf pour l'homme de paille à rendre vraisemblable l'allégation inverse.

            Le cercle fonctionnel de notre schéma inclut une série d'infractions qui découlent de la violation d'obligations inhérentes à la fonction d'administrateur, relatives notamment à la comptabilité et aux comptes annuels, ainsi qu'à l'état de faillite. La violation de ces obligations emporte la responsabilité pénale de l'homme de paille dès lors qu'en acceptant son mandat, il s'est obligé à administrer la société et à exécuter une série d'obligations légales. Il ne peut donc exciper du caractère fictif de son rôle.

            Reste enfin le cercle périphérique de notre canevas: pour toutes les autres infractions, la responsabilité pénale de l'homme de paille sera gouvernée par application des règles de la participation criminelle. En acceptant sa fonction fantoche, l'homme de paille s'expose ainsi à des poursuites du chef d'innombrables infractions perpétrées par son entremise à l'initiative du maître de l'affaire. L'acceptation de son mandat fictif pourra donc s'avérer lourde de conséquences sur le plan pénal.

            63.Nous nous sommes par ailleurs intéressés à la période durant laquelle l'homme de paille doit répondre des infractions qui peuvent lui être imputées. En principe - et abstraction faite du cas particulier du faux en écritures et de son usage - la date de sa nomination et la date de sa démission, qui sont mentionnées dans le procès-verbal d'assemblée générale, peuvent être prises en compte respectivement comme point de départ et comme point ultime de la période infractionnelle. Ces dates sont toutefois sujettes à caution puisqu'elles figurent par hypothèse dans un faux intellectuel. En fonction des circonstances, le moment du dépôt de ces procès-verbaux au greffe du tribunal de l'entreprise sera pris en compte comme date certaine.

            64.Nous terminerons cet exposé en demandant au lecteur de faire preuve d'indulgence. La responsabilité pénale de l'homme de paille n'a, à notre connaissance, jamais fait l'objet d'une étude systématique. Comme nous sommes en quelque sorte les premiers à ouvrir la voie, il se peut que certaines réalités nous aient échappé. Notre ambition est en tout cas de susciter la réflexion et d'ouvrir le débat tant pour affiner les contours de cette responsabilité que pour rendre plus cohérente et plus prévisible la manière dont les poursuites à l'égard des mandataires fictifs sont organisées.

            Toutefois nous ne pensons pas nous être totalement fourvoyés. Un réquisitoire tracé par le parquet fédéral dans un dossier non encore jugé et dont nous avons pu prendre connaissance, nous semble anticipativement faire la synthèse de ce que nous avons expliqué ci-dessus. Dans le dossier en question, un père nommé comme administrateur de paille dans une société constituée par son propre fils est en effet poursuivi, en tant qu'auteur, coauteur ou complice, du chef de diverses infractions survenues durant la période où il exerçait son mandat fictif, à savoir:

              • faux et usage de faux, pour avoir fait établir un faux acte de constitution d'une société commerciale et un faux procès-verbal d'assemblée générale le nommant comme administrateur alors qu'il n'a jamais eu l'intention d'exercer les fonctions et qu'il ne les a jamais exercées, dans l'intention frauduleuse de permettre à des tiers (ne disposant pas d'accès à la gestion) de gérer en fait ladite société;
              • infractions comptables, pour ne pas avoir satisfait aux obligations comptables et à la tenue régulière de la comptabilité de la société, ainsi que non-approbation et non-dépôt des comptes annuels;
              • abus de biens sociaux.
              [1] Avocat associé (Iuxta Legal), assistant ULiège.
              [2] Avocat (Iuxta Legal), assistant ULB.
              [3] Même si l'on sait qu'elle n'est pas élisive de la responsabilité pénale.
              [4] Par facilité, nous utiliserons le terme « homme de paille » pour viser aussi bien les hommes que les femmes fait(e)s de paille.
              [5] Dictionnaire de l'Académie française, 8e éd.
              [6] Wiktionnaire, le dictionnaire libre, www.fr.wiktionary.org/wiki/homme_de_paille (consulté le 17 mars 2020).
              [7] Larousse, Dictionnaire de la langue française, www.larousse.fr/dictionnaires/francais/paille/57264 (consulté le 17 mars 2020).
              [8] P. Van Ommeslaghe, « La simulation en droit des obligations », in P.-A. Foriers (dir.), Les obligations contractuelles, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau, 2000, p. 195; voy. aussi Cass., 15 janvier 1982, Pas., 1982, I, 602 qui définit la convention de prête-nom comme « un contrat par lequel une personne accomplit un contrat en son nom propre mais pour le compte d'un mandant dont le nom n'apparaît pas à l'égard de tiers ».
              [9] Nous utiliserons indifféremment les termes « administrateur » et « gérant », bien que le Code des sociétés et des associations ne connaisse plus que la fonction d'administrateur.
              [10] Liège (6e ch.), 17 octobre 2019, 2018/CO/692, inédit.
              [11] Ces deux dernières caractéristiques sont citées dans: Corr. Bruxelles (89e ch.), 3 juin 2019, inédit.
              [12] Définition inspirée de J. Aspar et A. De Smeth, « La notion de gérant de fait », J.T., 1984, 645-648. Voy. aussi: Comm. Bruxelles, 30 mars 1981, J.T., 1981, p. 524.
              [13] J. Aspar et A. De Smeth, o.c., p. 645.
              [14] O.c.
              [15] Liège, 1er décembre 1969, Rev. prat. soc., 1971, p. 280; Bruxelles, 12 février 1992, Rev. prat. soc., 1992, p. 256.
              [16] J.-F. Goffin, O. Ralet et G. de Sauvage, Responsabilités des dirigeants de sociétés, 3e éd., Bruxelles, Larcier, 2012, p. 78.
              [17] A l'inverse, si le travailleur exerce des fonctions excédant celles décrites dans son contrat de travail, au point de s'affranchir de tout lien de subordination et de se substituer à l'organe d'administration formellement désigné, il pourra être considéré comme un dirigeant de fait. Pour un cas d'application, voy. Mons (3e ch.), 16 décembre 2019, n° 2019/696, inédit, p. 10.
              [18] J.-F. Goffin, O. Ralet et G. de Sauvage, o.c., p. 78.
              [19] Voy. not. Th. Afschrift et V.-A. de Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Bruxelles, Kluwer, 2001, p. 118; pour une application de certains critère, voy. not. Liège (6e ch.), 10 octobre 2019, 2018/SO/5, pp. 10 et 11, inédit.
              [20] I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Waterloo, Kluwer, 2011, p. 790; M. Coipel et M. Davagle, « Associations sans but lucratif », Rép. not., t. XII, Le droit commercial et économique, Livre 8, Bruxelles, Larcier, 2017, n° 925.
              [21] Cf. infra, II.3.
              [22] Dans cette hypothèse, le maître de l'affaire, en plus de nommer un administrateur fictif, transfère également des parts sociales à ce dernier, afin de le rendre fictivement associé (propriétaire) de la société en question. De cette manière, le maître de l'affaire fait fictivement sortir des biens de son patrimoine. Pour un cas d'application, voy. Anvers (1e ch. corr.), 27 avril 2020, inédit.
              [23] La théorie civiliste de la simulation démontre que tout écrit juridique qui n'est pas le reflet de la réalité n'est pas illicite en soi. Pour rappel, la simulation (régie par l'art. 1321 C. civ.), suppose l'existence de deux actes contemporains - l'accord apparent et l'accord secret - dont le second a pour effet, dans l'esprit des parties contractantes, de détruire ou de modifier la nature ou certains effets du premier (P. Wéry, Droit des obligations, t. 1, Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 876-877). La simulation implique donc nécessairement une altération de la vérité. En droit civil, la simulation est en principe licite. Néanmoins, elle devient illicite lorsqu'elle est ourdie pour échapper à une disposition légale impérative ou d'ordre public, ou lorsqu'elle est destinée à frauder les droits des tiers (P. Wéry, o.c., p. 877). Il n'y a donc pas d'obligation de sincérité en droit civil: la doctrine admet que des raisons honnêtes peuvent pousser à cacher aux tiers la véritable nature d'une opération ou l'état de ses affaires, sans volonté de tromper ou de frauder (J. Spreutels, F. Roggen et E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 209).
              [24] L'art. 1:16 CSA définit la notion de « personne servant d'intermédiaire » et régit la manière dont cette personne doit être prise en compte dans la détermination du contrôle d'une société.
              [25] Voy. à ce sujet K. Geens, « Over veinzing, stromannen en tussenpersonen », TFR, 2003, 241, pp. 407-414, spéc. 413.
              [26] Cf. infra, II.2.
              [27] Cf. infra, II.3 et II.4.
              [28] A savoir, toutes les infractions qui ne relèvent pas des deux premiers cercles, et dont la variété ne connaît a priori pas de limites.
              [29] F. Lugentz, « Faux en écritures authentiques et publiques », in M.-A. Beernaert et al., Les infractions contre les biens, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2016, p. 57; Bruxelles (11e ch.), 21 décembre 2010, n° 530/BC/2008, inédit.
              [30] Liège (6e ch.), 17 octobre 2019, inédit, [prévention A.1].
              [31] Plus précisément, cette démission pourrait être frauduleuse si elle a pour effet de constater ou de confirmer l'exercice prétendu de la fonction d'administrateur précédemment à l'acte. Il faut en tout cas que l'acte de démission soit lui-même révélateur de l'intention frauduleuse requise. S'il s'agit seulement, par cette démission, de rétablir la vérité, l'acte ne devrait pas être incriminé. Pour un cas d'application, voy. Anvers (1re ch. corr.), 27 avril 2020, inédit, p. 24.
              [32] Un écrit protégé par la loi est un écrit pouvant faire preuve dans une certaine mesure, c.-à-d. qui s'impose à la confiance publique, de sorte que l'autorité ou les particuliers qui en prennent connaissance ou auxquels il est présenté peuvent se convaincre de la réalité de l'acte ou du fait juridique constaté par cet écrit ou sont en droit de lui accorder foi (Cass., 22 janvier 2013, R.G. P.12.0625.N).
              [33] Cass. 14 novembre 2012, RG P.12.1042.F, Dr. pén. entr., 2013/4, p. 91.
              [34] Cass., 15 novembre 2006, P.06.0308.F; Cass., 14 novembre 2012, R.G. P.12.1042.F, Dr. pén. entr., 2013/4, p. 91.
              [35] Cass., 6 février 1979, Pas., 1979, I, p. 641.
              [36] F. Lugentz, o.c., pp. 146-147.
              [37] Dans un dossier impliquant plusieurs nominations fictives, l'épouse du maître de l'affaire était poursuivie à ses côtés en raison des nominations fictives la concernant, tandis que la mère de celui-ci n'était pas inquiétée. Nous n'avons toutefois pas identifié de raison expliquant différence de traitement (Corr. Liège (18e ch.), 26 juin 2018, inédit, en particulier prévention B.d.12 et B.h.24).
              [38] Corr. Bruxelles (49e ch.), 9 novembre 2011, inédit.
              [39] Bruxelles (11e ch.), 19 février 2020, inédit.
              [40] Mons (3e ch.), 16 décembre 2019, inédit, p. 12.
              [41] Même si l'homme de paille n'est habituellement pas le rédacteur de l'acte qui le désigne fictivement, son accord est indispensable et consubstantiel à sa nomination. Dans les faits, nous n'avons pas recensé de cas de figure où un parfait inconnu avait été nommé administrateur d'une société à son insu.
              [42] Pour certains montages frauduleux du type fraude à la TVA, faillites organisées, les hommes de paille sont des sans-abris gravement alcooliques, recrutés en échange de quelques billets et dont l'état mental permet de douter de l'existence de tout élément moral.
              [43] Un administrateur ne signe généralement pas l'acte constitutif de la société ou le procès-verbal d'assemblée générale qui le désignent (à moins d'être également fondateur respectivement actionnaire de la société).
              [44] Corr. Liège (18e ch.), 26 juin 2018, inédit, p. 33.
              [45] Comparer la solution retenue pour les autres préventions par ce même jugement; cf. infra, II.3 et II.4.
              [46] Cass. (ch. réun.), 5 avril 1996, Rev. dr. pén., 1996, pp. 634 et s. note H.-D. Bosly.
              [47] Cf. infra, II.4.
              [48] Anvers (1re ch. corr.), 27 avril 2020, inédit, pp. 28-32.
              [49] Celui qui utilise un tiers comme simple instrument pour faire commettre une infraction est lui-même l'exécutant de cette infraction au sens de l'art. 66, al. 2, C.pén., et non le [co]auteur moral par provocation, au sens de l'art. 66, al. 4, C. pén. (Cass., 22 janvier 2013, R.G. P.12.0625.N).
              [50] L'art. 196 C. pén. vise en effet « les autres personnes qui auront commis un faux en écritures authentiques et publiques ».
              [51] A. Masset, « Le droit pénal de la fonction publique », in Y. Brulard et al., Droit pénal financier - Dirigeants d'entreprise, responsables publics et professionnels du conseil face à la fraude, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2008, p. 251; F. Lugentz, o.c., p. 90. La solution serait identique si l'on considérait la qualité de l'auteur du faux comme une circonstance aggravante. Une circonstance aggravante personnelle ne peut, par essence, jamais se transférer entre participants (Th. Moreau et D. Vandermeersch, Eléments de droit pénal, Bruxelles, la Charte, 2018, p. 124.
              [52] F. Lugentz, o.c., pp. 88-89.
              [53] A. Masset, « Le droit pénal de la fonction publique », o.c., pp. 257 et 266; Cass., 20 janvier 1976, Pas., 1976, I, pp. 571-572; Anvers, 3 décembre 1993, R.W., 1994-1995, p. 437, note B. Spriet.
              [54] Corr. Liège (18e ch.), 26 juin 2018, inédit, p. 32.
              [55] Imposée par l'art. III.82 CDE et sanctionnée pénalement (à défaut d'intention frauduleuse) par l'art. XV.75, al. 1er, 2°, CDE.
              [56] Imposée par l'art. 3:1, § 1er, al. 1er, CSA et sanctionnée pénalement (à défaut d'intention frauduleuse) par l'art. 3:43, § 1er, al. 1er, CSA.
              [57] Imposée par l'art. 3:10 CSAet sanctionnée pénalement (à défaut d'intention frauduleuse) par l'art. 3:43, § 1er, al. 1er, CSA.
              [58] Imposée par l'art. XX.102 CDE et sanctionnée pénalement (pourvu qu'il y ait intention de retarder la déclaration de faillite) par l'art. 489bis, 4°, C. pén.
              [59] Imposée par l'art. XX.146 CDE et sanctionnée pénalement par l'art. 489, 2°, C. pén.
              [60] Corr. Liège (18e ch.), 26 juin 2018, inédit, p. 54.
              [61] Corr. Liège (18e ch.), 15 octobre 2019, n° 2019/2556, inédit, p. 64.
              [62] Corr. Liège (18e ch.), 17 avril 2018, inédit.
              [63] Mons (3e ch.), 16 décembre 2019, n° 2019/696, inédit, p. 15.
              [64] En ce qui concerne la responsabilité pénale du dirigeant de fait du chef de cette infraction, voy. Cass. (2e ch.), 9 janvier 2018, R.G. P.17.0856.N, Dr. pén. entr., 2019/2, p. 135: « L'article 489bis, 4°, du Code pénal impute explicitement l'infraction qui y est visée aux dirigeants de fait des sociétés commerciales [en état de faillite]; il s'ensuit que lorsqu'une société commerciale est en réalité dirigée par un gérant de fait, ce dernier est tenu de faire le nécessaire pour que l'aveu de la faillite de cette société intervienne en temps utile; la seule circonstance que ce gérant n'ait pas qualité personnelle pour faire cette déclaration, n'exclut donc pas qu'une peine puisse lui être infligée en vertu de l'article 489bis, 4°, du Code pénal. »
              [65] Mons (3e ch.), 16 décembre 2019, n° 2019/696, inédit, p. 15.
              [66] Bruxelles (11e ch.), 8 mai 2019, inédit, p. 21.
              [67] Pour une autre affaire où seul l'administrateur de droit (homme de paille) était poursuivi - et a finalement été condamné - du chef d'infraction à l'art. 489, 2°, C. pén., voy. Corr. Bruxelles (89e ch.), 13 juin 2016, inédit.
              [68] Il s'agit des infractions qui ne sont ni inhérentes à l'acte de nomination de l'homme de paille ni le pendant d'une obligation inhérente à la fonction d'administrateur.
              [69] Th. Moreau et D. Vandermeersch, Eléments de droit pénal, Bruxelles, la Charte, 2018, p. 131.
              [70] Pour une application à l'hypothèse d'un homme de paille, voy. not. Corr. Liège (ch. cons.), 9 octobre 2018, inédit.
              [71] Corr. Liège (18e ch.), 26 juin 2018, inédit, p. 32.
              [72] Corr. Liège (18e ch.), 15 octobre 2019, inédit, p. 45.
              [73] Cf. supra, II.3.C.
              [74] Corr. Liège (18e ch.), 15 octobre 2019, inédit, p. 70.
              [75] Liège (6e ch.), 14 décembre 2017, inédit.
              [76] Ibid., pp. 54-56.
              [77] Ibid., p. 69.
              [78] Corr. Liège (18e ch.), 26 juin 2018, inédit, p. 36 (nous rajoutons la précision entre parenthèses).
              [79] Ibid., p. 51.
              [80] Liège (6e ch.), 17 octobre 2019, inédit, p. 54.
              [81] Bruxelles (11e ch.), 19 février 2020, inédit, p. 25.
              [82] Corr. Bruxelles (59e ch.), 26 juin 2014, inédit.
              [83] Arrêté royal du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités. Contrairement à ce que son intitulé suggère, cet arrêté royal ne régit plus les interdictions professionnelles pouvant être prononcées à charge d'anciens faillis. Notons encore qu'un grand nombre de législations particulières prévoient des interdictions professionnelles spécifiques à certains secteurs d'activité ou professions, qui découlent pour la plupart automatiquement d'une condamnation du chef de certaines infractions (p. ex. dans le secteur des assurances, des établissements de crédit, des réviseurs d'entreprises, etc.). Pour un recensement de ces législations sectorielles, voy. F. Lugentz,« Les vols et les extorsions », in M.-A. Beernaert et al., Les infractions contre les biens, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 163-169.
              [84] J.-F. Goffin, O. Ralet et G. de Sauvage, o.c., p. 580.
              [85] Art. 4, al 2, de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934; art. XX.234, al. 2, CDE.
              [86] Bruxelles (11e ch.), 19 février 2020, inédit, p. 25.
              [87] Voy. not. Ch.-E. Clesse, Droit pénal social, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 287-292.
              [88] Nous nous concentrons dans cette section sur la nomination d'un administrateur par une décision d'assemblée générale. Néanmoins, les principes que nous développons s'appliquent mutatis mudandis à la nomination d'un administrateur dans l'acte constitutif de la société.
              [89] Corr. Liège (18e ch.), 15 octobre 2019, n° 2019/2556, inédit, p. 59.
              [90] Bruxelles (11e ch.), 19 février 2020, inédit.
              [91] Cass., 21 février 2012, P.11.1368.N., Pas., 2012, I, p. 124.
              [92] Liège (6e ch.), 31 octobre 2019, inédit, p. 18.
              [93] Cass., 31 mai 2005, P.05.0536.N.