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La loi du 17 mai 2017 « modifiant diverses lois en vue de compléter la procédure de dissolution des sociétés » : le législateur fait le choix de la dissolution judiciaire pour enrayer les abus de personne morale, R.D.C.-T.B.H., 2017/7, p. 665-682

La loi du 17 mai 2017 « modifiant diverses lois en vue de compléter la procédure de dissolution des sociétés »: le législateur fait le choix de la dissolution judiciaire pour enrayer les abus de personne morale

Jean-Philippe Lebeau [1]

TABLE DES MATIERES

A. Les objectifs de la loi et ses liens avec d'autres réformes

B. Effets collatéraux de la nouvelle compétence des chambres d'enquête

C. L'émergence de la notion d'abus de personne morale

D. Tribunaux de commerce et parquets: la répartition des tâches

E. Les nouveaux instruments légaux pour combattre les abus de personne morale

F. Dispositions résiduaires

G. Entrée en vigueur

H. Conclusions

RESUME
L'instrumentalisation de la société ou de l'association à des fins frauduleuses ou anti-concurrentielles est un phénomène connu des spécialistes depuis plusieurs années. On peut le synthétiser sous le concept d'abus de la personne morale. Il favorise la banalisation de pratiques qui neutralisent les sécurités voulues par le législateur pour cadrer l'activité d'entreprise, qui attentent à la concurrence entre opérateurs économiques ou nuisent au fonctionnement de l'Etat de droit.
Pour faire face à ces dérèglements, la loi du 17 mai 2017 a pris l'option de faciliter la dissolution judiciaire des sociétés qui couvrent de tels agissements. Dans cette optique le législateur a remanié en profondeur l'article 182 du Code des sociétés qui figurait sous un Chapitre II intitulé: « De la dissolution judiciaire des sociétés qui ne sont plus actives ». Dorénavant, l'article 182 comprend quatre causes de dissolution judiciaire au lieu d'une, et la loi y ajoute trois autres articles: 182/1 à 182/3 qui reconnaissent au liquidateur judiciaire des compétences contraignantes dont il ne disposait pas jusqu'ici.
Enfin, la chambre d'enquête se voit pourvue d'une compétence procédurale novatrice: elle peut, s'il ressort de son examen que la dissolution de la société peut être prononcée conformément au Code des sociétés, saisir directement le tribunal par une décision motivée, à charge pour la chambre de fond de statuer sur la dissolution aux termes d'un débat contradictoire.
SAMENVATTING
Het gebruik van de rechtspersoon met bedriegelijke bedoelingen of nog om de mededingingsregels te omzeilen, is een welbekend recept. Kort samengevat spreekt men van misbruik van de rechtspersoon. Al wat de wetgever doet om de ondernemingsactiviteit te reguleren, om de mededinging tussen ondernemingen te handhaven of de goede werking van de rechtsstaat te vrijwaren, wordt aldus routinematig tegengewerkt.
De wet van 17 mei 2017 komt hiertegen op dankzij een vereenvoudiging van de methodes om vennootschappen gerechtelijk te ontbinden. De wetgever heeft aldus artikel 182 van het Wetboek van Vennootschappen grondig onder handen genomen (Hoofdstuk II, De gerechtelijke ontbinding van niet meer actieve vennootschappen). Thans zijn er vier gronden tot ontbinding in plaats van één. Daarenboven voegde de wetgever nog drie artikelen toe die aan de gerechtelijke vereffenaar dwingende bevoegdheden toekennen die hij tot nu toe niet bezat.
Ten slotte krijgt de kamer voor handelsonderzoek een nieuwe en uitdagende bevoegdheid. Zij kan, indien uit het onderzoek blijkt dat de ontbinding in toepassing van het Wetboek van Vennootschappen kan worden uitgesproken, rechtstreeks de zaak verwijzen naar een gewone kamer van de rechtbank van koophandel om uitspraak te horen doen, na een tegensprekelijk debat, over de ontbinding.
A. Les objectifs de la loi et ses liens avec d'autres réformes

1.Buts de la loi - La loi du 17 mai 2017 [2] poursuit un objectif plus ambitieux que ne le laisse supposer son intitulé. Selon son résumé, la proposition 54-1940 dont elle est issue, visait la promotion d'une procédure efficace de dissolution des sociétés qui ne sont plus actives ou dont le siège est fictif, ou des sociétés dont les responsables ne disposent pas des connaissances de gestion de base ou de la compétence professionnelle imposées pour l'exercice de leur activité par la loi, le décret ou l'ordonnance [3].

Le texte de la proposition a évolué lors des travaux parlementaires sans s'écarter des objectifs initiaux. La loi qui a finalement été adoptée, fournit aux tribunaux de commerce un corpus d'instruments dont la mise en oeuvre permettra de juguler les phénomènes d'utilisation de la personne morale, nocifs aux entreprises concurrentes, aux stakeholders ou à l'Etat de droit.

La loi comporte trois axes principaux:

    • elle modifie le Code des sociétés pour établir de nouveaux motifs de dissolution; celle-ci pourra être prononcée (1) pour non-dépôt des comptes annuels relatifs à un seul exercice, (2) lorsque la société est radiée à la Banque-Carrefour des Entreprises, (3) lorsque la société ne comparaît pas devant la chambre d'enquête (en particulier parce que son siège est fictif) ou (4) pour défaut des compétences fondamentales en matière de gestion ou des qualifications professionnelles imposées par une norme (voir commentaires infra, nos 14 et s.);
    • elle attribue à la chambre d'enquête, future « chambre des entreprises en difficulté » [4], la compétence de saisir le tribunal par une décision motivée s'il ressort de son examen que la dissolution de la société peut être prononcée conformément au Code des sociétés [5] (modification de la loi relative à la continuité des entreprise, art. 12; voir commentaires infra, nos 20 et s.);
    • elle précise la manière dont les liquidateurs judiciaires, désignés en application de l'article 182 du Code des sociétés, doivent procéder à l'égard des organes de gestion de la société dissoute et leur fournit certains instruments de contrainte (art. 182/1, /2 et /3, C. soc.; voir commentaires infra, n° 25).

    2.La loi du 17 mai 2017 et le Livre XX du Code de droit économique (C.D.E.) - La proposition à l'origine de la nouvelle loi du 17 mai 2017 s'est développée en parallèle et est en partie liée au projet de loi portant insertion du Livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le Code de droit économique (…), adopté depuis lors [6], qui concentre dans le Livre XX toutes les dispositions relatives notamment à la chambre des entreprises en difficulté, à la procédure de réorganisation judiciaire et à la faillite.

    Le lien entre les deux lois est double.

    Au 1er mai 2018, date d'entrée en vigueur du Livre XX C.D.E., le nombre d'entreprises ressortissant de la chambre des entreprises en difficulté et donc susceptibles de dissolution, s'accroîtra sensiblement. La définition de l'entreprise fournie à l'article XX.1 C.D.E. est en effet extensive:

      « § 1er. Pour l'application du présent livre sont entreprises:

      • toute personne physique qui exerce à titre indépendant une activité professionnelle;
      • toute personne morale;
      • toute autre organisation sans personnalité juridique.

        Pour l'application du présent livre, nonobstant ce qui est prévu à l'alinéa premier, ne sont pas des entreprises:

      • toute organisation sans personnalité juridique qui ne poursuit pas de but de distribution et qui en fait ne distribue pas d'avantages à ses membres ou à des personnes qui exercent une influence décisive sur la stratégie de l'organisation;
      • toute personne morale de droit public;
      • l'Etat fédéral, les régions, les communautés, les provinces, les zones d'aide, les pré-zones, l'Agglomération bruxelloise, les communes, les zones pluri-communales, les organes territoriaux intercommunaux, […] ».

      Il résulte de cette énumération que les opérateurs économiques les plus divers pourront faire l'objet d'un examen par la chambre des entreprises en difficulté, solliciter le bénéfice de la réorganisation judiciaire ou voir constater leur faillite. Pour l'instant, ne sont pas concernées par la loi du 17 mai 2017 les sociétés qui exercent une activité de profession libérale, les ASBL et les fondations ainsi que les personnes physiques qui ne détiennent pas la qualité de commerçant, à l'exception des agriculteurs [7]; ces opérateurs économiques ressortiront tous de l'insolvabilité des entreprises dès le 1er mai 2018.

      D'autre part, le Livre XX du Code de droit économique, article 29, § 2, alinéa 2, reproduit sous une forme à peine différente le mécanisme de renvoi direct de la chambre d'enquête vers le tribunal pour dissolution éventuelle, organisé à l'article 12 L.C.E. [8], et ce dans les termes suivants [9]: « (…) la chambre des entreprises en difficulté peut, si elle estime qu'il ressort du même examen que la dissolution de la personne morale peut être prononcée conformément au Code des sociétés ou à la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les fondations, les partis politiques européens et les fondations politiques européennes, communiquer le dossier au tribunal par une décision motivée en vue de statuer sur la dissolution, auquel cas la décision motivée est aussi communiquée au procureur du Roi ». Au 1er mai 2018 l'article 12 L.C.E. sera remplacé par cette disposition.

      3.La loi du 17 mai 2017 et le projet du Code des sociétés et associations - La nouvelle loi modifie par ailleurs le Code des sociétés puisqu'elle élargit significativement le champ de l'article 182, qu'elle insère de nouveaux articles 182/1 à 182/3 et qu'elle complète les articles 333, 432, 634, 666 et 835. Ces diverses modifications devraient se retrouver, peu ou prou, dans le futur Code des sociétés et associations.

      B. Effets collatéraux de la nouvelle compétence des chambres d'enquête

      4.Même s'il ne s'agit pas du but premier de la loi, le mécanisme qui vise à accélérer la disparition des sociétés nocives permettra aux tribunaux de commerce de mieux réguler l'augmentation de charge de travail qui résultera de l'entrée en vigueur du Livre XX C.D.E., et d'améliorer leur capacité à se focaliser sur la gestion des insolvabilités plus complexes.

      Chacun est conscient que l'extension ratione personae des procédures d'insolvabilité résultant de la loi du 11 août 2017 (voir supra), ne manquera pas d'agir sur un indicateur d'une grande visibilité médiatique: le nombre annuel de faillites, qui tendra inéluctablement vers la hausse. Quel sera le pourcentage d'augmentation découlant de ce que la notion d'entreprise aura, dans l'insolvabilité aussi, remplacé celle de commerçant? Le pronostic est malaisé mais il est une certitude: depuis 2014 [10], les tribunaux de commerce absorbent la plus grande partie du contentieux « ordinaire » de l'entreprise; dès le 1er mai 2018, toute l'insolvabilité des entreprises leur sera à son tour soumise, entraînant de manière prévisible une progression du nombre des dossiers, non seulement de faillites, mais également d'entreprises en difficulté et de réorganisations judiciaires.

      La nouvelle loi est dès lors un outil de régulation dans la maîtrise du contentieux de l'insolvabilité. Elle permet aux tribunaux de commerce de différencier les sociétés dont la discontinuité met fin à une activité effective - et dont il est utile pour l'ordre socioéconomique qu'elles soient liquidées selon des règles complexes - de celles qui depuis des années n'ont plus ni activités, ni actifs, ni salariés ou même n'en ont jamais eu, et qu'il y a lieu de faire disparaître avec un minimum de procédure et de coût pour l'Etat.

      C. L'émergence de la notion d'abus de personne morale [11]

      5.Origine de la loi du 17 mai 2017 - La loi du 17 mai 2017 ne sort pas du néant. Elle répond d'abord au constat du très grand nombre de sociétés en défaut de déposer leurs comptes annuels à la Banque Nationale. Le phénomène est en constante progression puisque selon le ministre de la Justice répondant à une question parlementaire, pas moins de 139.416 sociétés ne déposaient pas leurs comptes en 2013, pour 107.213 en 2010 [12]. Ces chiffres peuvent recouvrir toutes sortes de réalités. Mais leur dégradation suffit à éveiller l'attention et à justifier la recherche de réponses légales.

      La loi trouve ses racines également dans les travaux menés au sein du « Collège pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale » [13]. Le plan d'action 2008-2009 présenté le 2 juillet 2008 au parlement par le secrétaire d'Etat à la coordination de la lutte contre la fraude, cible « l'utilisation abusive, à des fins frauduleuses, de structures sociétaires dont les sociétés dormantes ». La société dormante est décrite comme « un instrument important dans l'organisation des schémas financiers de fraude ». En conséquence, « il convient de réfléchir à un projet de loi qui prévoit la dissolution de jure par le tribunal de sociétés qui, au cours d'une période donnée, n'exercent plus d'activités ou ne semblent plus correspondre à une réalité économique » [14].

      Le plan d'action 2012-2013 insiste à nouveau sur l'importance de « la lutte contre les abus commis par et avec des personnes morales, qui sont utilisées pour des constructions frauduleuses (n'ayant) pas grand-chose à voir avec l'activité économique. (…) Les variantes sont infinies: sociétés dormantes, sociétés fantômes, toutes sortes de formes de sociétés,… » [15].

      Enfin, depuis des années, les tribunaux de commerce, les parquets ainsi que les auditorats du travail, font le constat empirique d'une instrumentalisation plus fréquente de la personne morale et de la banalisation de pratiques visant à neutraliser les sécurités voulues par le législateur pour garantir l'exercice loyal et professionnel de l'activité entrepreneuriale.

      La construction, l'horeca, l'automobile d'occasion ou la petite distribution, sont ainsi des secteurs à risque pour ceux qui s'y aventurent avec les meilleures intentions du monde, et justifient une attention soutenue de la part des chambres des entreprises en difficulté.

      6.Notion de société dormante - En écho à ces constats, la société « dormante » est au centre de la loi du 17 mai 2017. Que signifie exactement cette notion, que l'on ne retrouve dans aucun texte juridique?

      Les plans d'action contre la fraude évoqués ci-dessus emploient l'expression sans la définir, au même titre que certains auteurs [16], dans l'idée sans doute que les termes se suffisent à eux-mêmes. Certaines définitions sont des quasi tautologies [17].

      Pour mieux appréhender le concept, on se référera à la classification proposée par un auteur de terrain [18]. Celui-ci systématise l'ensemble des phénomènes d'instrumentalisation de la personne morale sous l'appellation générique: « abus de personne morale », pour ensuite les répartir en trois catégories. L'on distingue ainsi:

        • les sociétés « écran », qui en apparence exercent une activité économique légale alors qu'elles servent totalement ou partiellement à dissimuler des activités illicites;
        • les sociétés « dormantes » qui, à leur constitution, ont fonctionné dans les règles, puis ont arrêté toute activité sans être liquidées avant d'être réactivées pour des objectifs les plus divers;
        • les sociétés « clé sur porte », sociétés souvent de droit étranger créées sans activité sociale précise mais dans l'objectif unique d'être revendues; elles se différencient de la catégorie précédente par l'esprit qui préside à leur création: la société clé sur porte est un véritable bien de consommation, destiné à la vente, sans égard pour l'activité concrète qui sera la sienne.

        Le premier type de société, la société « écran », relève plutôt de la sphère pénale puisqu'il reviendra au ministère public de démontrer le caractère illicite de certains agissements menés sous le couvert d'une activité en apparence régulière.

        En revanche, les sociétés « dormantes » et « clé sur porte » peuvent dissimuler des phénomènes d'abus de la personnalité morale dont le législateur a souhaité confier la régulation aux tribunaux de commerce à travers la loi du 17 mai 2017 [19].

        7.Portée du concept d'abus de personne morale - Ce que l'on vise sous cette notion doit s'entendre au sens large. La personne morale peut servir à toutes sortes de desseins illicites, au rang desquels l'on comptera certainement les comportements anti-concurrentiels ou nuisibles aux « parties prenantes » de l'entreprise: fournisseurs, clients, organismes de crédit, travailleurs, actionnaires, etc.

        Ne pas déposer de comptes annuels, faire le choix d'un siège fictif, ne pas disposer des accès à la profession pour exercer une activité réglementée, tous ces comportements procurent à la société des avantages dont ne bénéficient pas les entreprises qui s'attachent à respecter les prescriptions légales, et par ailleurs l'exposent à des dérèglements dont souffriront les parties prenantes.

        Le législateur est donc monté au créneau pour combattre la fraude - blanchiment, fraude financière, fraude sociale, trafic de drogues, d'armes, financement du terrorisme, etc. [20] -, mais également dans le souci de protéger les entreprises concurrentes aussi bien que l'ensemble des stakeholders.

        8.Quelques formes particulières d'abus - Le moins que l'on puisse dire est qu'il était temps de légiférer. Au quotidien, certains phénomènes observés par les praticiens des tribunaux de commerce sont notoires.

        Il en est ainsi de l'utilisation de la société limited de droit anglais [21]. Ce type de société organisée par le Companies Act se caractérise par les obligations minimales imposées à ses créateurs: pas de capital de départ, pas de plan financier, frais de constitution sensiblement moins élevés que ceux d'une SPRL, responsabilité juridique des dirigeants réduite en principe à la valeur des parts souscrites, tous avantages complaisamment vantés par certains sites web spécialisés.

        Selon la jurisprudence de la Cour de justice européenne, lorsqu'une société a été constituée conformément à la législation d'un Etat membre et vient s'établir dans un autre Etat membre en y déplaçant son établissement principal (arrêt Über-seering [22]) ou en y ouvrant une succursale (arrêts Centros et Inspire Art [23]), l'Etat d'accueil ne peut limiter la liberté de cette société de s'établir sur son territoire. Sont ainsi notamment condamnées toutes restrictions apportées par les Etats d'accueil à la liberté des sociétés d'ouvrir une succursale sur leur territoire.

        La Cour de justice précise toutefois que cette interprétation n'exclut pas que les autorités de l'Etat membre concerné puissent prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de cet Etat membre (arrêt Centros, considérant n° 38) [24].

        Des officines se sont spécialisées dans la constitution de limited de droit anglais, avec en parallèle l'ouverture immédiate d'une succursale en Belgique, pourvue d'un numéro de Banque-Carrefour. La seule activité exercée le sera sur le territoire national, mais sous le couvert d'une société de droit étranger. On notera pourtant que la succursale sera tenue à l'obligation du dépôt annuel de ses comptes à la Banque Nationale de Belgique aussi bien que la limited en Grande-Bretagne [25].

        La limited a donné naissance à un avatar considéré comme plus présentable car mettant au premier plan une société de droit belge: la société en commandite simple constituée « sous limited », en ce sens que le commandité et le commanditaire sont tous deux des sociétés de droit anglais. Ainsi, la personne physique à la source du montage se dissimule-t-elle derrière un double rideau de sociétés.

        La création de ces sociétés à la surface financière souvent « limitée » répond à deux souhaits. La limited permet d'abord de créer très rapidement une structure pour entreprendre, avec un apport de départ réduit voire nul. On ressent également chez certains opérateurs la volonté de se dématérialiser, d'escamoter le maître de l'affaire au profit d'une ou de plusieurs sociétés paravents qui sont censées éloigner les perspectives de responsabilité. L'activité d'entreprise doit si nécessaire pouvoir s'évaporer dans un nuage de fumée…

        Les limited ou SCS « sous limited » présentent un talon d'Achille; la limited est tenue de déposer ses comptes annuels en Grande-Bretagne et d'acquitter l'annual return [26]. Dans l'ignorance où sont certains opérateurs économiques de ces impositions, il n'est pas rare de voir une activité poursuivie sous le couvert d'une succursale, alors que la limited qui lui sert de support est elle-même radiée du registre des sociétés au Royaume-Uni et n'existe plus. Quelles sont les conséquences d'une telle situation?

        Même dans l'hypothèse où elle n'a qu'une existence formelle, la limited reste soumise au droit anglais tout en ayant - par les règles européennes - le droit d'opérer en Belgique via des succursales sans personnalité morale belge. Aussi, la dissolution de la limited ressort-elle en règle du droit anglais qui est la lex societatis. Selon la loi anglaise, la limited peut être radiée sans grande formalité mais cette possibilité est exclue lorsque des dettes subsistent (ce qui est notre hypothèse); des sanctions sont édictées à l'égard des dirigeants qui méconnaîtraient cette règle [27]. Dès lors, si des dettes subsistent, la limited doit être liquidée dans les formes et si ces dettes concernent la succursale belge, la liquidation impliquera un accord avec les créanciers situés en Belgique.

        La question se pose de savoir quel est le rôle du juge belge lorsque la radiation de la limited - par exemple pour non-paiement de l'annual return - est intervenue en fraude des droits des créanciers. Selon les termes du Companies Act, les créanciers belges pourraient agir en Angleterre contre les dirigeants, mais il est quasi exclu qu'ils y aient un intérêt pratique.

        Un recours leur est-il ouvert devant les juridictions belges? Nous pensons qu'en raison de la fraude à la loi anglaise, les créanciers belges peuvent, devant le juge belge, faire déclarer sans effet la radiation intervenue au Royaume-Uni et imposer une liquidation non pas de la succursale, qui est sans personnalité juridique, mais de la limited elle-même après avoir fait constaté que le siège réel est situé en Belgique et que les dirigeants ont agi en fraude des droits des créanciers.

        Il appartient alors au juge de relever (1) que la constitution de la limited est régulière au regard du droit anglais, (2) qu'en application de la loi anglaise, la radiation de la société est irrégulière du fait de l'existence de créanciers impayés, (3) que l'activité de la société est concentrée au siège de sa succursale, en Belgique, où se situe le siège réel de la société et (4) que dans ces conditions, la dissolution de la limited peut être prononcée en Belgique avec désignation d'un liquidateur.

        La doctrine autorisée se prononce dans le sens de l'acceptation de la dissolution judiciaire d'une limited, en Belgique, lorsque cette mesure constitue une sanction et qu'elle est « appropriée » [28].

        En effet, si la société étrangère reste une société constituée selon la législation de l'Etat d'origine et en règle régie par cette législation, il reste que: « dans un souci de protection des tiers, le droit belge peut lui interdire l'usage de certaines dénominations, prévoir qu'elle est liée par les actes de ses organes qui excèdent leurs pouvoirs, régir la responsabilité de ses gérants, prévoir sa dissolution dans certains cas et réglementer sa liquidation » [29].

        Dès lors, dans les conditions qui ont été précisées ci-dessus, et si elle constate la persistance de dettes impayées en Belgique, la chambre d'enquête sera autorisée à renvoyer le dossier d'une limited devant le tribunal par application de l'article 12 L.C.E. nouveau, pour entendre prononcer sa dissolution.

        La radiation d'une limited impacte également les sociétés en commandite simple « sous limited »: lorsque le commandité ou le commanditaire a disparu, le tribunal est autorisé immédiatement à en constater la dissolution par application de l'article 39, 3° du Code des sociétés [30].

        Ajoutons encore que par un arrêt du 16 novembre 2015 [31], la Cour de cassation a admis, dans des conditions bien déterminées, l'application du droit national à une société de droit étranger: « Il ne suffit pas qu'une société ait été constituée sur le territoire d'un autre Etat que la Belgique pour que le droit de cet Etat lui soit applicable, mais il faut que son établissement principal ait été situé sur le territoire de cet Etat dès sa constitution. Le juge détermine en fait le lieu de l'établissement principal d'une personne morale et doit, pour ce faire, tenir compte des critères énoncés à l'article 4, § 3, du Code de droit international privé. »

        L'arrêt critiqué devant la Cour avait jugé qu'une société constituée au Delaware devait, dans les circonstances de la cause, être soumise au droit belge. La Cour de cassation confirme cette décision. Il n'est cependant pas certain que la jurisprudence de la Cour de justice européenne permette d'appliquer le même raisonnement à une limited, société ressortant toujours - dans l'attente des suites du Brexit - du droit de l'Union européenne.

        9.La vente de sociétés dormantes - Le marché de la vente ou de la revente des sociétés est en expansion constante, répondant aux attentes d'opérateurs soucieux de s'épargner les formalités administratives de constitution et de démarrer au plus vite l'activité envisagée. On a parlé de ces officines qui créent systématiquement de nouvelles sociétés, aux structures souvent légères, dans le seul but de les revendre « clé sur porte ». En parallèle un véritable marché de la « vente d'occasion » de sociétés dormantes s'est développé, notamment sur Internet où l'achat d'une société se négocie pour quelques milliers d'euros en fonction de la structure plus ou moins « honorable » de la société [32].

        Or, la vente d'une société se réalise dans la discrétion, par une cession occulte des parts; un changement d'associés ne se décèle le plus souvent que par un acte modificatif déposé au greffe des personnes morales pour acter le remplacement du gérant, accompagné parfois de la délocalisation de la société dans un autre ressort. Il s'agit donc d'un phénomène difficile à appréhender par les autorités de contrôle.

        10.Les défauts d'accès à la profession - Le rachat d'une société « clé sur porte » ou « dormante » n'offre pas seulement l'avantage de la simplicité et de la rapidité pour débuter une activité; certains opérateurs peuvent apprécier dans ce processus l'absence de tout contrôle sur les accès à la profession requis dans le chef des petites et moyennes entreprises (PME) [33].

        L'exercice d'une activité professionnelle est en principe très réglementé depuis que le législateur, ayant fait le constat du nombre croissant de faillites attribuées à des problèmes de gestion, la loi-programme du 1er février 1998 [34] a édicté à charge des PME une série d'obligations reprises communément sous le terme « accès à la profession ».

        L'article 4, § 1er, de la loi-programme dispose d'abord que toute PME doit apporter la preuve qu'elle détient les connaissances de gestion de base. Il découle de cette exigence qu'en Belgique, le candidat entrepreneur qui souhaite démarrer une activité en personne physique ou en personne morale est tenu de disposer d'une attestation officielle prouvant qu'il dispose des connaissances requises, autrement dit qu'il est à même de gérer une entreprise. S'agissant d'une entreprise en personne morale, le législateur a prévu que la capacité de gestion doit être détenue par la personne physique qui exerce la gestion journalière [35].

        Dans le même sens, l'article 5, § 1er, de la loi-programme prévoit que toute PME qui exerce une activité professionnelle réglementée, doit prouver qu'elle dispose, en plus des connaissances de gestion de base, de la compétence professionnelle pour mener à bien cette activité. Par exemple dans la construction, une preuve de compétence professionnelle sera nécessaire pour des activités comme le gros-oeuvre, le plafonnage, le cimentage et la pose de chapes, la toiture et l'étanchéité, la menuiserie ou la vitrerie. Si le dirigeant de la société ne dispose pas de la compétence technique nécessaire, la preuve de celle-ci peut être fournie par une ou plusieurs personnes actives dans l'entreprise (conjoint aidant, membre du personnel, …) [36].

        Enfin, dans un souci de protection du consommateur, de santé publique ou de sécurité, l'exercice de certaines activités est soumis à l'obtention d'une autorisation préalable (ou licence, agrément, …) émanant des pouvoirs publics compétents. Sans cette autorisation préalable, l'activité envisagée ne pourra être entamée [37].

        Il appartient aux guichets d'entreprises de vérifier l'existence des connaissances de gestion de base et des compétences professionnelles dans le chef de la personne qui veut entreprendre.

        Dans la pratique, malgré ces impositions strictes, il n'est pas rare qu'une activité économique soit exercée alors même que fait défaut au sein de l'entreprise le minimum de connaissances requises pour que soient respectées les obligations mises à charge de toute entreprise (déclarations ONSS, TVA, fisc, etc.). Il est difficile d'évaluer si une part de responsabilité en incombe aux contrôles insuffisants de l'un ou l'autre guichet d'entreprise ou de déterminer le nombre de sociétés qui, ayant obtenu leur n° de BCE au greffe, entament leurs activités sans passer par un guichet d'entreprise et dès lors sans justifier des accès à la profession. Le fait est que la vente ou la revente de sociétés déjà constituées tend à multiplier les défauts d'accès à la profession. Il s'agit là d'une véritable distorsion de concurrence à l'égard des autres entreprises et d'un danger évident pour les stakeholders.

        11.Les sièges fictifs - La problématique des sièges fictifs est également bien connue des tribunaux de commerce: certaines sociétés en fin de parcours ou souhaitant « semer » créanciers et autorités de contrôle, prennent le parti de transférer leur siège en un lieu, parfois situé dans un autre ressort, où elles n'ont et n'auront jamais aucune activité. Ce phénomène doit être relié à celui des gérants « de paille » et des centres d'affaires abritant de nombreux sièges sociaux, dont certains fictifs, ainsi qu'aux domiciliations « sauvages » de sociétés chez des tiers non consentants.

        12.L'utilisation illicite de la forme de l'ASBL - On ne taira pas enfin l'emploi fréquent de la forme de l'association sans but lucratif à des fins parfaitement étrangères aux objectifs de ce type de personne morale. Sous le couvert d'un vague projet social, l'ASBL débute une activité d'entreprise sans capital de départ, sans surveillance de la chambre des entreprises en difficulté et soumise à un impôt bien plus faible que celui des sociétés. De vastes fraudes sociales se déroulent sous ce couvert à travers les « Kits sociaux » délivrés par de fausses ASBL (l'ASBL engage des pseudos travailleurs, qui ont alors accès aux avantages sociaux). L'ASBL est aussi un terreau fertile pour le développement de diverses activités illicites [38].

        La proximité plus étroite entre les sociétés et les associations au sein du Livre XX C.D.E. et du futur Code des sociétés et associations où elles seront soumises à des règles largement identiques, devrait freiner ces abus. En particulier l'article XX.29 C.D.E., étendra aux ASBL et fondations le mécanisme de renvoi par la chambre des entreprises en difficulté vers la chambre de fond pour dissolution (voir supra, n° 2).

        D. Tribunaux de commerce et parquets: la répartition des tâches

        13.Pour contrer ces divers phénomènes, les chambres d'enquête, futures chambres des entreprises en difficulté, sont à même d'alimenter les parquets en dossiers, sur des bases juridiquement identifiées, chaque fois qu'il paraît nécessaire de citer une entreprise en dissolution ou en faillite pour l'amener à s'expliquer devant le tribunal.

        L'arsenal de banques de données, de clignotants et de moyens légaux dont elles disposent aujourd'hui, qui est conséquent, n'a de sens que si les sections financières des parquets réservent suite à ce travail d'objectivation des difficultés des entreprises et de mise en oeuvre de la compétence de police économique propre aux tribunaux de commerce.

        Or le tableau est très contrasté, entre parquets proactifs et ceux dont la politique criminelle se concentre, pour toutes sortes d'excellentes raisons, sur d'autres priorités que l'écofin.

        Ce constat est devenu plus aigu encore depuis que le paysage judiciaire compte quatre tribunaux de commerce composés de « divisions » issues de la fusion de plusieurs anciens tribunaux, dont la compétence territoriale porte sur tout le ressort d'une cour d'appel (Anvers, Gand, Hainaut et Liège; les tribunaux de Bruxelles, Louvain, du Brabant wallon et d'Eupen ne comptent pas de divisions).

        Dès lors qu'un tribunal de commerce composé de plusieurs divisions fait face à plusieurs parquets, il peut être confronté sur un même ressort à des politiques criminelles qui divergent; tel parquet fera de l'écofin l'une de ses priorités, tel autre n'aura les moyens ou la volonté que d'y accorder une attention accessoire. Cette situation est insatisfaisante parce qu'un tribunal de commerce peut être lourdement handicapé dans son souci de mettre en oeuvre sa compétence de police économique s'il n'est pas suivi dans ses intentions par le parquet qui lui correspond.

        Par ailleurs, le ministère public s'est nettement recentré sur ses missions pénales depuis qu'en application de l'article 764 du Code judiciaire, sa présence devant les juridictions civiles ou commerciales n'est plus obligatoire qu'à de rares exceptions.

        A travers la loi du 17 mai 2017, le législateur a entendu répondre à ces évolutions [39]: « De l'avis unanime des institutions auditionnées, il faut une procédure rapide de dissolution de ces sociétés qui polluent l'activité économique et mettent en péril les sociétés de bonne foi. Ces procédures devaient être diligentées par le parquet qui avait d'autres priorités. Ce rôle appartiendra désormais à la chambre d'enquête commerciale, la mieux outillée à cette fin. »

        E. Les nouveaux instruments légaux pour combattre les abus de personne morale

        14.La démultiplication des motifs de dissolution - La loi du 17 mai 2017 crée de nouvelles causes de dissolution de la société. Jusqu'ici étaient surtout usitées la dissolution pour non-dépôt de 3 bilans consécutifs (art. 182 C. soc.) et la dissolution pour réduction de l'actif net en dessous du capital social minimum (art. 333, 432, 633). Désormais, l'article 182 contient 4 motifs de dissolution à lui seul.

        Le législateur tire d'abord les conséquences de ce que certains motifs de dissolution prévus à l'article 182 du Code des sociétés visent maintenant des sociétés qui, loin d'être « dormantes », poursuivent normalement leur activité sans cependant respecter certaines de leurs obligations légales (non-dépôt de comptes annuels, défaut d'accès à la profession, non-comparution en chambre d'enquête); la loi adapte ainsi l'intitulé du Chapitre II, Titre IX, Livre IV du Code des sociétés [40] en dessous duquel figurait le seul article 182 du Code des sociétés [41], pour retenir le libellé suivant: « De la dissolution judiciaire des sociétés ». Est ainsi supprimé la fin du titre « …qui ne sont plus actives ».

        Nous examinons ci-dessous les différentes causes de dissolution organisées par l'article 182 nouveau.

        15.La dissolution pour non-dépôt des comptes annuels (art. 182, § 1er, C. soc.) - La dissolution pour non dépôt de 3 exercices comptables était bien connue des praticiens de la société. Elle conférait une latitude à certaines PME, désireuses de s'éviter les frais de dépôt à la Banque Nationale.

        Le tour de vis donné par la nouvelle loi est spectaculaire: le législateur a pris le parti de permettre la dissolution de toute société en défaut de déposer un seul compte annuel.

        Concrètement comment les choses se présentent-elles? En vertu de l'article 98 du Code des sociétés, le dépôt des comptes a lieu dans les 30 jours de leur approbation et au plus tard 7 mois après la date de clôture de l'exercice. Traditionnellement, même si ce n'est pas une obligation, les sociétés font le choix d'une clôture de l'exercice au 31 décembre de chaque année. Suivant le nouvel article 182, § 1er [42], l'action en dissolution pourra être introduite dès l'expiration d'un délai de 7 mois suivant la date de clôture de l'exercice comptable. Dès lors, dans la majorité des cas, les comptes devront avoir été déposés au plus tard le 31 juillet, ce alors même que la Banque Nationale n'applique une augmentation des droits qu'un mois après le dépassement de la date ultime de dépôt.

        En principe donc, dès le 1er août, tout intéressé ou le ministère public est aujourd'hui autorisé à citer la société en défaut de déposer ses comptes et, dès cette date également, la chambre d'enquête est susceptible d'entamer un examen pouvant déboucher sur une décision de renvoi au tribunal pour dissolution.

        Le législateur a eu conscience de la radicalité de cette disposition et il a prévu des accommodements raisonnables:

          dans le cas où le dossier qui lui est soumis est généré par la chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté, le tribunal peut accorder un délai de régularisation (art. 182, § 1er, al. 2) [43].

          Si la société comparaît et souhaite régulariser sa situation, l'alternative est laissée au tribunal de conserver le dossier à l'audience ou de demander à la chambre d'enquête de le suivre pour son compte.

          Si la société fait défaut, le tribunal peut néanmoins décider de renvoyer le dossier en chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté, pour s'informer de manière plus complète. Mais rien ne l'empêche de prononcer immédiatement la dissolution. Notons que le texte ne fixe pas de délai maximum pour le retour du dossier à la chambre de fond; il sera dès lors utile que le tribunal précise le laps de temps dans lequel le dossier devra lui être ré-adressé;

          en revanche, lorsqu'il est saisi par un tiers intéressé ou par le parquet agissant sur citation, le tribunal est tenu par le texte de l'article 182, § 1er, alinéa 3, d'accorder un délai de régularisation de 3 mois au moins à la société et pour ce faire de renvoyer le dossier à la chambre d'enquête [44]. Après l'expiration de ce délai, le tribunal statue sur le rapport de la chambre d'enquête. Il résulte bien du texte que cette disposition s'applique même en cas de défaut de la société. Encore personne ne comparaîtrait-il pour la partie citée, le tribunal ne pourrait faire droit à la demande de dissolution avant que la chambre d'enquête ne lui ait fait rapport dans les 3 mois. Ayant reçu le dossier du tribunal, la chambre d'enquête tentera d'établir le contact avec la société défaillante pour l'inciter à comparaître et, à défaut, collationnera les informations disponibles avant d'envoyer son rapport au tribunal; celui-ci statuera alors en connaissance de cause.

        16.La dissolution pour cause de radiation par la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE) (art. 182, § 2, 1°, C. soc.) - Jusqu'ici, la radiation d'une société par la BCE n'était pas en soi un motif de dissolution. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2017, une société radiée à la BCE est par le fait même en situation d'être dissoute.

        La radiation est une mesure administrative prise par application de l'article III.42, § 1er, du Code de droit économique; le service de gestion de la Banque-Carrefour peut y procéder sans frais et sans procédure particulière lorsque certaines conditions sont remplies.

        Cette mesure entraîne des conséquences limitées. Elle ne signifie pas la dissolution de la société. Celle-ci maintient son existence et reste soumise à ses obligations juridiques, comptables, fiscales et sociales. La radiation est publiée aux annexes du Moniteur belge et a pour conséquence unique mais majeure, que l'activité de la société ne peut concrètement plus être exercée à défaut d'un numéro d'immatriculation à la Banque-Carrefour et à la TVA.

        La plupart des sociétés radiées sont celles qui n'ont pas respecté l'obligation de dépôt de leurs comptes annuels pour au moins 3 exercices comptables consécutifs [45]. Mais la radiation peut également intervenir dans le chef de sociétés qui répondent aux divers critères cumulatifs énumérés à l'article III.42, § 1er, 5°, C.D.E. [46].

        Dans l'ancien système légal, pour qu'il soit mis fin à l'existence d'une société radiée, celle-ci devait faire l'objet d'une citation en dissolution ou en faillite par le parquet ou par tout intéressé. Il n'était pas rare que le non-dépôt de 3 exercices comptables consécutifs entraîne d'abord la radiation du numéro de Banque-Carrefour puis, sur la base du même motif, la dissolution de la société mais après l'introduction d'une procédure en justice par le parquet ou un tiers intéressé.

        Aujourd'hui, le seul fait qu'une société ait été radiée de la BCE est un fondement suffisant pour qu'elle soit dissoute, si et seulement si son dossier a fait l'objet d'un renvoi par la chambre d'enquête au tribunal en application de l'article 12 L.C.E. A contrario ni le tiers intéressé, ni le parquet ne sont susceptibles d'obtenir la dissolution d'une société du seul fait de sa radiation par la BCE [47].

        Dans le cadre d'une mise en oeuvre efficiente et systématique de cette nouvelle cause de dissolution, les chambres d'enquêtes, futures chambres des entreprises en difficulté, pourront se baser sur les listes de sociétés radiées à la Banque-Carrefour dont la faillite ou la dissolution n'aurait pas encore été prononcée.

        Et dans cette hypothèse également, l'option appartiendra au tribunal de dissoudre immédiatement ou de laisser le bénéfice d'un délai de régularisation à la société, avec renvoi du dossier à la chambre d'enquête [48].

        17.La dissolution pour non comparution en chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté (art. 182, § 2, 2°, C. soc.) - Il n'existe pas de définition légale de ce qu'est un siège fictif. Et il serait en réalité difficile de forger un concept satisfaisant. Par exemple, sur la base de quels éléments la domiciliation d'une société dans un centre d'affaires - usage largement répandu - doit-elle être regardée comme fictive?

        Conscient de cet obstacle, le législateur ne s'est pas engagé sur la voie incertaine d'une dissolution pour siège social fictif. La nouvelle cause de dissolution reposera sur un fait objectif: la société qui ne répond pas à deux convocations de la chambre d'enquête sera susceptible d'être dissoute.

        Sont bien entendu visées principalement les sociétés dont le siège paraît fictif puisque, recevant la convocation à un endroit où elles ne disposent d'aucune attache, elles ne pourront que rarement répondre à la convocation de la chambre d'enquête. Sur le constat du défaut à l'audience, le tribunal pourra prononcer leur dissolution.

        L'article 182, § 2, 2° du Code des sociétés [49] cadre les conditions dans lesquelles la société concernée doit être convoquée. Deux convocations à 30 jours d'intervalle lui sont adressées, la seconde par pli judiciaire. Si malgré tout la société n'a pas comparu en chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté, son dossier pourra faire l'objet d'un renvoi à la chambre de fond pour dissolution.

        En pratique comment les choses se présenteront-elles? La chambre d'enquête convoque la société par pli simple pour être entendue sur tel ou tel aspect de sa situation financière ou telle défaillance dans le respect d'une obligation sanctionnée par la dissolution (apparence de fictivité du siège, fonds propres inférieurs au capital minimum, non-dépôt des comptes annuels, etc.). A la date fixée, la société ne comparaît pas.

        Une seconde convocation, cette fois par pli judiciaire, lui est alors adressée en respectant un délai de 30 jours depuis la première convocation. Dans l'intervalle, rien n'empêche la chambre d'enquête, de tenter de contacter la société par tout moyen utile (appel téléphonique, mail, descente d'un juge rapporteur sur les lieux de l'établissement principal ou du siège social comme autorisé par l'art. 12, § 1er, dernier al., L.C.E., …).

        Si à la date fixée par la seconde convocation, la société n'a pas comparu, la chambre d'enquête est autorisée à prononcer une décision motivée de renvoi qui saisit le tribunal de la question de la dissolution.

        Le dossier est alors soumis au président du tribunal qui doit donner son « imprimatur » (infra, n° 21); si tel est le cas, la société est convoquée par pli judiciaire à l'audience publique. Comme précisé pour les autres motifs de dissolution de l'article 182, le tribunal aura toujours le choix de renvoyer le dossier en chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté.

        La société concernée aura donc fait l'objet de 3 convocations, dont 2 par pli judiciaire, avant que sa dissolution ne soit, le cas échéant, prononcée. Si l'on considère la chronologie d'un dossier [50], il faut compter que la société aura disposé d'un laps de temps d'au moins 2 mois pour réagir. Elle ne pourrait donc être surprise en raison par exemple de la période des vacances, ou d'un voyage à l'étranger de son dirigeant.

        18.La dissolution pour défaut, dans le chef des administrateurs ou gérants de la société, des compétences fondamentales en matière de gestion ou des qualifications professionnelles imposées pour l'exercice de son activité (art. 182, § 2, 3°, C. soc.) - Nous avons exposé plus haut (supra, n° 10) comment certaines activités réglementées étaient menées sans que la société dispose des accès à la profession requis.

        La loi du 17 mai 2017 réagit à cette situation; l'article 182, § 2, 3° du Code des sociétés prescrit que la dissolution d'une société peut être prononcée si les administrateurs ou gérants ne disposent pas « des compétences fondamentales en matière de gestion » ou « des qualifications professionnelles imposées pour l'exercice de son activité par la loi, le décret ou l'ordonnance ».

        Les conditions d'application sont semblables aux autres modes de dissolution visés par l'article 182, § 2: seule la chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté, peut soulever le motif et, si la société est défaillante, le tribunal disposera toujours du pouvoir de retourner le dossier à la chambre d'enquête pour des investigations complémentaires.

        En quoi consistent les « compétences fondamentales en matière de gestion » et « les qualifications professionnelles » dont l'absence de preuve placerait la société sous la menace de la dissolution?

        Toute PME doit pouvoir démontrer, à travers la personne physique en charge de la gestion journalière, qu'elle détient les connaissances de base en gestion conformément à l'arrêté royal du 21 octobre 1998 [51]. L'arrêté royal définit ce que comportent les connaissances en gestion (art. 6) [52] et quels sont les moyens de preuve suffisants pour en justifier (diplômes, certificats, etc.; art. 7 et 8). A défaut de rapporter cette preuve, la société est sous la menace d'être dissoute.

        Par ailleurs, en fonction du métier qu'elle entend exercer, la société doit aussi prouver qu'elle dispose des qualifications professionnelles nécessaires pour exercer valablement son activité [53]. La personne de référence doit présenter un diplôme adéquat ou faire preuve d'une expérience professionnelle suffisante ou réussir un examen devant le Jury central.

        Pour rappel, certaines professions sont soumises à un agrément spécial (p. ex.: émanant du gouverneur compétent pour le commerce des armes, de l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé pour la fabrication de médicaments, etc., voir supra, n° 10).

        Et enfin, les indépendants non-européens qui veulent exercer une activité d'entreprise doivent disposer d'une carte professionnelle pour ressortissant étranger.

        Notons que la matière a été régionalisée par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l'Etat [54]. Sont désormais de la compétence des régions: « Les conditions d'accès à la profession, à l'exception des conditions d'accès aux professions des soins de santé et aux professions intellectuelles prestataires de services » [55]. Il revient dès lors à chacune des régions de déterminer les compétences et qualifications que doivent détenir ceux qui souhaitent entreprendre sur leur territoire [56]. La matière étant de ce fait plus mouvante que jamais, le mieux est de suivre son évolution sur le site propre à chaque région, soit:

        pour la Région de Bruxelles-Capitale: www.be.brussels;

        pour la Région flamande: www.vlaio.be;

        pour la Région wallonne: www.Infos-Entreprises.be.

        La mise en oeuvre de l'article 182, § 2, 3° du Code des sociétés, requerra des chambres d'enquête, futures chambres des entreprises en difficulté, que soit tenu à jour l'ensemble des conditions d'accès à la profession, propres à la région dans laquelle se situe le tribunal de commerce concerné ou ressortant d'autres niveaux de pouvoir.

        Qu'en est-il du professionnel qui, ayant exercé dans une région où il disposait des accès à la profession, déplace son siège d'activité vers une autre région? Il conserve bien entendu son numéro de Banque-Carrefour et de TVA. Pourtant, il pourrait ne plus être en règle au regard de la législation particulière de la région où il se délocalise. Saisie de la problématique, la chambre d'enquête pourra laisser à la société un délai pour régulariser sa situation et, à défaut de résultat, renvoyer le dossier vers la chambre de fond.

        La dissolution pour défaut d'accès à la profession est, comme toutes les causes visées à l'article 182, § 2, réservée à la chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté [57].

        19.La clôture de la liquidation prononcée en application de l'article 182 C. soc. - L'article 182 met en place une procédure particulière de clôture. A la différence des liquidations prononcées sur la base d'autres dispositions où le liquidateur soumet la décision de clôture à l'assemblée générale puis publie cette décision (art. 333, 432, 633 C. soc., etc.), la procédure de clôture de l'article 182 se déroule devant le tribunal et la publication au Moniteur belge est le fait du greffe.

        Le § 5 nouveau de l'article 182 reprend tel quel l'ancien texte du § 3. Le tribunal peut soit prononcer la clôture immédiate de la liquidation, soit déterminer le mode de liquidation et désigner un ou plusieurs liquidateurs. Lorsque la liquidation est terminée, le liquidateur fait rapport au tribunal et, le cas échéant, lui soumet une situation des valeurs sociales et de leur emploi, après quoi le tribunal prononce la clôture.

        Cependant, la loi du 17 mai 2017 ajoute un § 6. Celui-ci prévoit d'abord que par dérogation au § 5, le tribunal peut décider de ne pas désigner un liquidateur si aucun intéressé ne le demande. Cette disposition ne paraît pas totalement claire. Elle semble sous-entendre a contrario que si un intéressé sollicite la désignation d'un liquidateur, le tribunal serait tenu de faire droit à la demande. Or le § 5 stipule bien que le tribunal a toujours le choix de désigner ou non un liquidateur. On se tiendra à cette disposition.

        Toujours suivant le § 6 nouveau (al. 2), tout intéressé peut - lorsqu'aucun liquidateur n'a été désigné - requérir du tribunal la désignation d'un liquidateur dans un délai d'un an à partir de la publication de la dissolution au Moniteur belge. Cette demande est introduite « conformément à l'article 184 » sans plus de précision. L'article 184 est une longue disposition, qui stipule comment le liquidateur est nommé par l'assemblée générale, puis confirmé dans ses fonctions par le président du tribunal, puis, le cas échéant, remplacé.

        Au § 2, alinéa 7, il y est précisé que la confirmation du liquidateur intervient sur requête unilatérale de la société, déposée conformément aux articles 1025 et s. du Code judiciaire. L'avant dernier alinéa traite quant à lui de l'hypothèse - rarissime - où la confirmation d'un liquidateur est demandée par requête du procureur du Roi ou de tout tiers intéressé. Dans ce cas, le président du tribunal est saisi conformément aux articles 1034bis et s. du Code judiciaire c'est-à-dire dans les formes de la requête contradictoire.

        De quelle procédure le législateur a-t-il souhaité s'inspirer? Celle, aurait-on tendance à penser, qui nécessite le dépôt d'une requête contradictoire puisque le § 6 de l'article 182 vise la demande en désignation d'un liquidateur à la requête de « tout tiers intéressé ». Il semble donc que la requête devra être notifiée aux anciens dirigeants, réputés liquidateurs en vertu de l'article 185, alinéa 2 [58].

        Même dans l'hypothèse d'une demande de désignation d'un liquidateur par un tiers intéressé, le président du tribunal conservera le choix de faire droit à la demande ou de ne pas ouvrir la liquidation.

        A défaut de requête dans le délai d'un an, les dettes de la société sont d'office considérées comme irrécouvrables, les actifs reviennent de plein droit à l'Etat et la liquidation est réputée clôturée. Cette dernière notation interpelle. Suivant le § 5, dernier alinéa, de l'article 182, le tribunal, s'il décide de ne pas désigner un liquidateur, prononce la clôture immédiate de la liquidation. Même si le texte ne le prévoit pas, cette clôture devra nécessairement être publiée au Moniteur belge par le greffe puisque selon l'article 182, § 6, alinéa 2, tout intéressé peut solliciter la désignation d'un liquidateur pendant un an à partir de la publication de la dissolution au Moniteur belge, qui en l'espèce sera concomitante à la clôture de la liquidation.

        Si, en application du § 5, le tribunal a prononcé la dissolution de la société avec clôture immédiate, dont la publication au Moniteur belge sera intervenue dans les jours qui suivent, comment concilier ce processus avec le prescrit du § 6 selon lequel - à défaut d'une requête contradictoire en désignation d'un liquidateur dans un délai d'un an - la liquidation sera réputée clôturée [59]?

        Pour harmoniser des dispositions à ce point antinomiques, nous considérons que la clôture immédiate intervenue par application de l'article 182, § 5, a lieu sous réserve d'une demande de réouverture de la liquidation formulée dans un délai maximal d'un an, sur requête de tout tiers intéressé au rang duquel le parquet [60]. Il s'agirait donc d'une sorte de tierce opposition aux effets limités, bénéficiant d'un délai allongé d'un an calculé à partir de la publication au Moniteur belge, et dont le mode d'introduction a été simplifié…

        L'article 182 se termine par un § 7 qui règle deux situations différentes:

          • « Les actifs apparaissant après la clôture de la liquidation sont consignés à la Caisse des Dépôts et Consignations », ce qui est un ajout par rapport à l'ancien article 182. Jusqu'ici, aucune disposition légale ne réglait la question des actifs omis lors de la clôture de la liquidation; le § 7 nouveau de l'article 182 stipule donc que ces actifs devront se retrouver, en liquide bien sûr, à la Caisse des Dépôts et Consignations. Il reste la question des actifs qui apparaissent en nature, après la clôture. La question n'est pas réglée dans le texte. Par analogie avec ce qui est prévu par la loi sur les faillites, seule la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de réaliser l'actif résiduaire et de déposer les fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations permet de résoudre la difficulté [61]. Dans un arrêt du 9 mars 2017, la Cour de cassation [62] a considéré en matière de faillite que la procédure de désignation d'un curateur ad hoc doit être contradictoire et dirigée contre les liquidateurs présumés en vertu de l'article 185 du Code des sociétés; l'on considérera qu'il en va de même dans l'hypothèse d'actifs apparus en nature après clôture de la liquidation;
          • ensuite, le § 7 stipule que le Roi détermine la procédure de consignation des actifs et le sort de ces actifs en cas d'apparition de nouveaux passifs, ce qui correspond à l'ancien texte du § 4 de l'article 182. Sur cette base, l'arrêté royal du 30 janvier 2001 [63], articles 192 et 193, a réglé le sort des sommes et valeurs revenant aux créanciers et aux associés, dont la remise n'aurait pu leur être faite à la clôture. Il s'agit donc ici de l'hypothèse différente des actifs n'ayant pu être distribués aux créanciers lorsque le liquidateur a clôturé la liquidation.

          Il semble que dans le cadre du nouveau § 7, qui globalise la question des actifs résiduaires, un arrêté royal futur devra régler aussi bien la question des actifs qui n'ont pu être distribués aux créanciers, que celle des actifs omis à la clôture et qui doivent être déposés à la Caisse des Dépôts et Consignations.

          Le § 7 prend fin sur un dernier ajout: si des actifs apparaissent plus de 5 ans après la décision de dissolution, ils reviennent de plein droit à l'Etat. On est interpellé par l'emploi du terme « dissolution » car, on l'a dit ci-dessus, le § 7 concerne notamment les actifs qui n'ont pu être répartis par le liquidateur à la clôture; cette disposition s'applique donc aussi aux cas de dissolution avec ouverture d'une liquidation, dont la procédure a pu s'étaler sur des années. Nous ne pensons pas que le législateur ait eu l'intention de réserver à l'Etat le bénéfice de tout actif apparu dans le cadre d'une liquidation plus de 5 ans après son ouverture. On peut présumer que l'hypothèse envisagée est celle d'actifs découverts plus de 5 ans après la clôture de la liquidation. Dans cette hypothèse, il s'agira d'abord de rendre l'actif liquide si nécessaire, à l'entremise d'un mandataire ad hoc (voir supra). Une fois le produit des réalisations déposé à la Caisse des Dépôts et Consignations, plus personne ne pourra le revendiquer, il sera acquis à l'Etat.

          20.Le mécanisme de renvoi direct de la chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté, vers la chambre de fond (art. 12, § 5, L.C.E.) - Dans la nouvelle loi, l'innovation qui retient sans doute le plus l'attention se situe à l'article 16 qui modifie l'article 12, § 5, LCE.

          Selon le texte, la chambre d'enquête peut - ainsi qu'il en était déjà - communiquer le dossier au procureur du Roi s'il ressort de son examen que le débiteur est en état de faillite. Il s'agit de l'unique voie disponible. Le passage par le parquet reste donc obligé, à charge pour celui-ci de citer en faillite s'il suit l'avis de la chambre d'enquête.

          Par contre, si la chambre d'enquête juge que la société concernée réunit les conditions d'une dissolution conformément au Code des sociétés, le dossier pourra être transféré directement au tribunal, par une décision motivée, afin qu'il soit statué sur la dissolution. Dans cette hypothèse, la chambre d'enquête n'est plus autorisée à renvoyer le dossier au parquet; lorsqu'elle identifie une cause de dissolution et décide de transmettre le dossier, la seule voie procédurale dont elle dispose est celle du transfert vers la chambre de fond.

          Notons qu'il s'agit d'une possibilité [64], aussi bien que pour la faillite. La chambre d'enquête n'a pas l'obligation de renvoyer le dossier au tribunal, même si la société remplit les conditions de la dissolution. Elle pourrait très bien décider de conserver le dossier, dans l'attente par exemple de vérifier si la société réserve suite à sa promesse de régulariser la situation.

          Par ailleurs, l'article 182, § 2, dernier alinéa, prévoit que la dissolution d'une société ne peut être prononcée aussi longtemps qu'une procédure de faillite, de réorganisation judiciaire ou de dissolution de la société est pendante. Un renvoi par la chambre d'enquête au tribunal serait dès lors sans objet tant que l'une de ces procédures est en cours contre la société.

          La chambre d'enquête dispose d'un autre type d'option: même lorsqu'elle constate la réunion des conditions de la faillite, rien ne l'empêche, plutôt que de saisir le parquet, de renvoyer le dossier devant le tribunal pour dissolution, sur un motif identifié: depuis son arrêt du 17 juin 1994 [65], la Cour de cassation a admis qu'une liquidation qui s'annonce déficitaire ne devait pas nécessairement aboutir à la faillite si une majorité de créanciers se satisfait de cette procédure. Si la chambre d'enquête estime la procédure de dissolution plus adaptée au cas d'espèce, elle pourra préférer le transfert du dossier directement au tribunal.

          Tous les motifs de dissolution ouverts par le Code des sociétés peuvent justifier une décision de renvoi vers la chambre de fond. La loi ne limite pas ce mécanisme aux quatre causes de dissolution énumérées par l'article 182 du Code des sociétés, mais vise aussi bien la dissolution pour perte des fonds propres (avant tout les art. 333, 432 et 633 C. soc.) que d'autres causes particulières de dissolution [66].

          On peut résumer les choses de la façon suivante: la chambre d'enquête tire de la loi, le droit qui est le sien de saisir le tribunal d'un motif de dissolution prévu par le Code des sociétés, au même titre que les « intéressés » et le ministère public - titulaires traditionnels du droit d'agir en dissolution - mais par un mécanisme procédural propre et sur des bases plus larges puisque les trois causes de dissolution de l'article 182, § 2, du Code des sociétés lui sont à elle seule accessibles.

          Pratiquement, comment la procédure pourrait-elle se dérouler en chambre d'enquête, future chambre des entreprises en difficulté?

          Lorsqu'une société paraît réunir les conditions de la dissolution, la chambre d'enquête la convoque pour l'une de ses audiences. En cas de défaut, elle peut prononcer une ordonnance de renvoi, à moins qu'une seconde convocation ne soit nécessaire dans l'hypothèse où la seule cause de dissolution pourrait être la non-comparution en chambre d'enquête (voir supra, n° 17). A ce stade, l'intervention de la chambre d'enquête se situe dans ce que l'on pourrait appeler le « circuit court ».

          Si la société se manifeste et comparaît, la chambre d'enquête procédera à son audition, après quoi elle pourra soit classer le dossier, soit le conserver pour suivre une éventuelle régularisation, soit procéder à la désignation d'un juge enquêteur (juge rapporteur dans le Livre XX CDE, art. XX.25). Dans ce dernier cas, on entre dans le circuit « long » qui est classique d'une enquête commerciale.

          La chambre d'enquête devra donc prévoir de consacrer une partie de son audience à l'audition des sociétés qui répondraient à la convocation.

          Le renvoi par une décision motivée: lorsqu'elle décide du renvoi au tribunal, la chambre d'enquête statue, dit le nouvel article 12 L.C.E., par une décision motivée. L'article XX.29, § 2, du Livre XX C.D.E. reprend la même terminologie. Il faut donc en déduire que la chambre d'enquête s'exprimera par une « décision ».

          L'article 12 L.C.E. prévoit que cette décision doit être motivée. La chambre d'enquête indiquera dans sa motivation quels éléments factuels ont été pris en compte, pour ensuite les relier à un motif de dissolution identifié.

          Soulignons que la mise en oeuvre du mécanisme de renvoi par une décision motivée de la chambre d'enquête ôte toute ambiguïté à la manière dont celle-ci doit être composée [67]; la « décision » peut être le fait uniquement d'une chambre dont la composition est conforme à l'article 84 du Code judiciaire:

          « Le tribunal de commerce comprend une ou plusieurs chambres. Chacune d'elle est présidée par un juge au tribunal de commerce et se compose en outre de deux juges consulaires. Chaque tribunal de commerce institue une ou plusieurs chambres d'enquête commerciale. »

          21.Traitement de l'affaire au fond - Le filtre présidentiel (art. 182, § 3, C. soc.): lorsque, par décision de la chambre d'enquête, le dossier a été communiqué au tribunal pour l'un des quatre motifs de dissolution prévus aux § 1 et 2 de l'article 182 du Code des sociétés, la loi a prévu (§ 3 [68]), que le président du tribunal agira comme filtre. Il lui appartient en effet de décider s'il y a lieu de réserver suite au transmis de la chambre d'enquête.

          La manière dont l'article 182, § 3, organise ce filtre présidentiel pose question. Il est certain que la chambre d'enquête est autorisée à envoyer le dossier vers le tribunal quel que soit le motif de dissolution si ce motif est prévu par le Code des sociétés. C'est ce que dit expressément l'article 12, § 5, nouveau L.C.E.: la chambre peut communiquer le dossier au tribunal s'il ressort de son examen « que la dissolution peut être prononcée conformément au Code des sociétés ». Or l'article 182, § 3 du Code des sociétés, limite l'intervention du président du tribunal aux quatre motifs prévus à l'article 182, § 1 et 2.

          Il est possible que le législateur ait souhaité soumettre au président du tribunal toutes les décisions de renvoi de la chambre d'enquête vers la chambre de fond, sans apercevoir la divergence des solutions selon que le dossier est renvoyé par application de l'article 182 du Code des sociétés ou qu'il l'est sur base des autres modes de dissolution prévus par le Code des sociétés. La justification de l'amendement n° 26 ayant abouti à la rédaction définitive du § 3 nouveau ne permet pas de le vérifier: « (…), le paragraphe 3 est modifié de sorte qu'il ressort plus clairement du texte que le président peut, après une communication par la chambre d'enquête commerciale en vertu du paragraphe 2, choisir de ne prendre aucune mesure sur cette communication » [69].

          Il reste que l'on ne distingue pas bien la justification d'un tel filtre qui d'une part affaiblit l'autorité de la chambre d'enquête aussi bien que de la chambre de fond, et d'autre part confie au président du tribunal une maîtrise absolue sur les décisions de la chambre d'enquête, sans contre-pouvoir puisque sa décision ne pourra en aucune façon être contestée.

          Quoiqu'il en soit, pour ne pas retrancher du texte ce qu'il prescrit expressément ou ne pas exagérer les pouvoirs du président, on admettra que l'intervention de ce dernier est requise dans l'hypothèse seulement où la chambre d'enquête conclut à un motif de dissolution visé par l'article 182 du Code des sociétés; pour parler plus crûment, l'article 182, § 3, habilite le président à bloquer le processus de l'article 12, § 5, L.C.E.

          Par contre, si le renvoi de la chambre d'enquête est fondé sur une autre cause de dissolution (actif net insuffisant p. ex.), le dossier est fixé à l'audience sans atermoiement, dès réception par le greffe de la décision de transmis et moyennant l'envoi d'un pli judiciaire à la société concernée.

          Ces distinctions subtiles ne faciliteront pas le travail du greffe.

          Fixation du dossier à l'audience de fond: lorsque le président a marqué son accord sur le renvoi au tribunal, ou directement si son accord n'est pas requis, le greffe crée un nouveau dossier qu'il répertorie en tant que dossier de fond. Le dossier de chambre d'enquête y est joint [70].

          La société concernée est alors convoquée pour l'audience de fond, par un pli judiciaire qui reprend le texte de l'ordonnance de renvoi et celui de l'article 182.

          Il va de soi que si le renvoi est fondé sur une cause non visée par l'article 182 (p. ex. l'art. 333 C. soc.), la société sera convoquée de la même manière, encore la loi ne le prévoit-elle pas explicitement.

          22.Information du parquet - La loi a prévu que la décision de renvoi de la chambre d'enquête vers le tribunal sera communiquée au parquet par le greffe (art. 12, § 5, al. 2, in fine, L.C.E.; art. XX.29, § 2, C.D.E.); il est possible en effet que, parallèlement à l'examen de la chambre d'enquête, le parquet ait diligenté sa propre information et qu'il envisage de citer la société en dissolution ou en faillite; l'office du procureur du Roi pourra dès lors adapter son attitude d'après l'ordonnance qui lui aura été transmise.

          Il est à noter que la décision de la chambre d'enquête ne figure pas parmi les décisions enregistrées dans le registre de la solvabilité 'REGSOL' et ne le sera sans doute pas à l'avenir. En matière de dissolution, l'ensemble des communications se dérouleront selon les méthodes anciennes.

          L'information du parquet ne se limite pas là. L'article 764, 9°, nouveau du Code judiciaire prévoit que lorsque le président du tribunal fait convoquer la société à l'audience sur renvoi de la chambre d'enquête pour dissolution judiciaire éventuelle, le ministère public en est avisé sous peine de nullité, mais uniquement si la dissolution est proposée sur la base des motifs de dissolution visés à l'article 182 du Code des sociétés [71]. Cette restriction n'est pas explicitée dans les travaux préparatoires.

          Une seconde modification touche l'article 769 du Code judiciaire, en son alinéa 4: lorsque le tribunal lui en fait la demande, le ministère public est tenu - en dérogation au caractère facultatif de l'avis du ministère public (art. 769, al. 3, C. jud.) - d'émettre un avis sur la demande en dissolution judiciaire d'une société dont le renvoi émane de la chambre d'enquête, ce une nouvelle fois dans la seule hypothèse de l'article 182 du Code des sociétés.

          23.Le mécanisme de renvoi direct organisé à l'article 12 LCE passe-t-il le filtre du procès équitable? - On relèvera d'abord que dans son avis du 13 février 2017 sur le projet « Livre XX C.D.E. », le Conseil d'Etat n'a pas formulé d'observation à propos du mécanisme de renvoi direct, qui figurait alors à l'article XX.30 [72].

          Par ailleurs, le commentaire de l'article XX.29 C.D.E. rappelle la garantie que confère le § 6 de l'actuel article 12 L.C.E., libellé comme suit: « Les membres de la chambre d'enquête commerciale qui ont procédé à l'examen de la situation du débiteur ne siègent pas dans le cadre d'une procédure de faillite, de réorganisation judiciaire ou de liquidation judiciaire qui concernerait ce débiteur. » Devant la chambre de fond, le dossier sera donc traité par une autorité indépendante de celle qui s'est prononcée en faveur du transfert du dossier pour dissolution éventuelle.

          Enfin, il faut constater que dans le système légal actuel, plusieurs mécanismes d'autosaisine sont déjà organisés en matière d'entreprise, sans que cela pose question. Ainsi la Banque-Carrefour des Entreprises se saisit d'elle-même du cas des sociétés en défaut d'avoir déposé un bilan pendant 3 années consécutives, et procède à leur radiation sans la moindre convocation ni débats. Cette manière de faire n'a jamais donné lieu à discussion alors que la radiation produit des effets juridiques non négligeables. Dans un contexte semblable, l'on relèvera que n'a pas donné lieu à censure par la Cour européenne des droits de l'homme le mécanisme de radiation automatique d'une limited par le Companies House (voir supra, n° 8) qui pourtant met fin à l'existence d'une société sans la moindre procédure, ni convocation.

          Pensons également à l'article 8 de la loi sur les faillites qui autorise le président du tribunal à dessaisir une société de la gestion de ses biens, d'office et sans convocation, lorsqu'il existe des indices graves, précis et concordants que les conditions de la faillite sont réunies.

          Le mécanisme de renvoi direct instauré par la loi du 17 mai 2017 paraît d'autant mieux proportionné si l'on prend en compte la multiplication des abus de personne morale auxquels les pouvoirs de l'Etat font face. Il a le mérite de restaurer l'équilibre entre nécessité d'une régulation efficiente de l'emploi de la personne morale et respect du droit de chacun à bénéficier des garanties d'un procès équitable.

          24.La reconnaissance légale du droit du ministère public d'agir en dissolution pour insuffisance des fonds propres (art. 333, 432, 633, 666 et 835 C. soc.) - La reconnaissance d'un droit propre du ministère public d'agir en dissolution était déjà inscrite dans le texte de l'article 182 du Code des sociétés. Ce n'était en revanche pas le cas s'agissant du droit d'agir en dissolution pour réduction de l'actif net à un montant inférieur au capital légal minimum (art. 333 et autres). Une grande partie de la doctrine et de la jurisprudence reconnaissait déjà au parquet le droit d'agir dans ce cadre [73]; la Cour de cassation a confirmé cette position par un arrêt du 17 octobre 2014 [74].

          Quoiqu'il en soit le législateur a souhaité mettre à profit la nouvelle loi pour en terminer avec les controverses. Le droit d'action du ministère public est dorénavant inscrit dans les aticles 333, 432, 634, 666 et 835 du Code des sociétés, libellés comme suit: « Lorsque l'actif net est réduit à un montant inférieur à 6.200 euros [SPRL, SC et société agricole], à 61.500 euros [SA], à 2.500 euros [la société à finalité sociale] tout intéressé ou le ministère public peut demander au tribunal la dissolution de la société. (…) » [75].

          Voilà donc une source de contestation éteinte.

          25.Les nouveaux instruments de contrainte mis à disposition du liquidateur judiciaire - Jusqu'ici les liquidateurs judiciaires ne disposaient pas de pouvoirs spécifiques sur les administrateurs ou gérants de la société en liquidation. Certains de ceux-ci se désintéressaient complètement du sort de la société, ce qui était source de problèmes pour les liquidateurs.

          Désormais:

            • les administrateurs et gérants de la société dissoute devront donner suite à toutes les convocations qui leur sont faites par le liquidateur et lui fournir tous les renseignements requis (art. 182/1, al. 1er);
            • ils sont tenus d'aviser les liquidateurs de tout changement d'adresse (art. 182/1, al. 2);
            • ils répondront à la convocation du liquidateur pour clore et arrêter les livres et écritures en leur présence (art. 182/2, al. 1er);
            • sans autorisation de quiconque, le liquidateur est autorisé à entendre les administrateurs ou les gérants, mais aussi les travailleurs de la société et toute autre personne sur les écritures comptables de même que sur les causes et circonstances qui ont entraîné la dissolution judiciaire (art. 182/3);
            • pour confectionner le bilan de la société, le liquidateur peut s'adjoindre le concours d'un expert-comptable (art. 182/2, al. 3); s'il ne dispose pas des fonds suffisants, il pourra, sur citation, s'adresser au tribunal pour obtenir la condamnation solidaire des administrateurs et gérants au paiement des frais de rectification et de confection du bilan (art. 182/2, al. 4).

            Des pouvoirs non négligeables sont donc conférés au liquidateur judiciaire et c'est très bien ainsi, mais les obligations mises à charge des gérants et administrateurs seraient de peu de poids si elles n'étaient pas assorties de sanctions.

            Le droit de citer en paiement des frais de confection ou de rectification de bilan est une première mesure utile car elle contraindra les dirigeants de la société à assumer l'éventuel déficience de la comptabilité.

            Par ailleurs, la loi du 17 mai 2017, article 2, a étendu le régime de l'interdiction judiciaire du failli, organisé par l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 [76], aux administrateurs et gérants d'une personne morale qui, en contravention à l'article 182/1 du Code des sociétés omettent de réserver suite aux convocations qui leur sont faites par le liquidateur ou ne lui fournissent pas tous les renseignements requis ou ne l'avisent pas de leur changement d'adresse.

            Si tel a été le cas, le tribunal de commerce qui a statué sur la dissolution judiciaire d'une personne morale peut, par un jugement motivé, interdire à ces personnes d'exercer, personnellement ou par interposition de personne, les fonctions d'administrateur, de commissaire ou de gérant d'une personne morale, toute fonction qui confère le pouvoir d'engager une personne morale, les fonctions de préposé à la gestion d'un établissement en Belgique visées à l'article 59 du Code des sociétés [77] ou la profession d'agent de change.

            La durée de l'interdiction ne peut excéder trois ans.

            Le tribunal statue sur l'interdiction en même temps qu'il statue sur la clôture de la liquidation. Comme on l'a vu (supra, n° 19), celle-ci n'intervient pas sur décision de l'assemblée générale de la société mais, en vertu de l'article 182, alinéa 5 du Code des sociétés, directement à la requête du liquidateur. Les administrateurs et gérants sont convoqués pour l'audience de clôture. On évitera de les surprendre en insérant dans la convocation le texte de l'article 3quater précité.

            F. Dispositions résiduaires

            26.L'article 1391, § 1er, alinéa 5, du Code judiciaire est complété comme suit (art. 4 de la loi du 17 mai 2017):

            « Les magistrats et greffiers des tribunaux de commerce et les juges consulaires peuvent, sous le contrôle du président, consulter le fichier des avis (de saisies) et d'autres sources d'informations désignées par le Roi, après avis de la Commission de la protection de la vie privée pour l'accomplissement de leurs missions légales, au moyen d'une recherche générale ou globale et selon les modalités et les paramètres déterminés par le Roi. »

            Auparavant seuls les présidents et greffiers des tribunaux de commerce étaient autorisés à consulter le fichier des avis de saisies et l'article 1391, § 1er, ne visait que la consultation de ce fichier. Le législateur a souhaité étendre ce droit aux magistrats professionnels ainsi qu'aux juges consulaires, et permettre la consultation de données issues d'autres sources d'information, qui devront être désignées par le Roi [78]. Le président du tribunal est chargé de déterminer qui, au sein des juges du tribunal, sera autorisé à consulter, et dans quelles conditions.

            Par ailleurs, le législateur a profité de la nouvelle loi pour abroger l'alinéa 3 de l'article 63 de la loi sur les faillites. Il s'agit d'un toilettage de texte, sans rapport avec les objectifs de la loi du 17 mai 2017. L'article 63, alinéa 3 de la loi sur les faillites prévoyait que la déclaration de créance « est signée par le créancier, ou en son nom par un fondé de pouvoir; dans ce cas, la procuration est annexée à la déclaration, et elle doit énoncer le montant de la créance ». Les modalités de dépôt des déclarations créances dans le registre sont dorénavant fixées par l'article 62 modifié [79] de la loi sur les faillites et, après l'introduction du Livre XX du Code de droit économique, le seront par l'article XX.158.

            G. Entrée en vigueur

            27.L'article 17 de la loi stipule que l'entrée en vigueur a lieu le jour de sa publication au Moniteur belge. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte du laps de temps de 10 jours prévu à l'article 4 de la loi du 31 mai 1961 [80]. La loi a été publiée au Moniteur belge le 12 juin 2017. Elle est entrée en vigueur le même jour.

            H. Conclusions

            28.Les phénomènes d'abus de personne morale ne ressortent pas du fantasme mais d'une réalité objectivée par les praticiens du droit et par les services de l'Etat, en prise avec la réalité socioéconomique. Installés aux premières loges, les tribunaux de commerce en faisaient l'observation dans une préoccupation croissante, déplorant de ne pas disposer d'instruments légaux adaptés pour en juguler les différentes manifestations.

            Il devenait pressant de réserver suite à ce que le plan d'action du « Collège pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale » appelait déjà de ses voeux en 2008: une action efficiente par le biais de la dissolution judiciaire.

            Aujourd'hui l'essai est transformé, les moyens légaux sont mis à disposition: nouveaux motifs de dissolution, renvoi direct de la société par la chambre d'enquête - future chambre des entreprises en difficulté - au tribunal, renforcement des pouvoirs du liquidateur judiciaire, la loi contient tout ce qui doit permettre aux tribunaux d'enrayer les dérèglements constatés et aux liquidateurs de responsabiliser les dirigeants de la société dissoute judiciairement.

            Les choses n'en resteront pas là puisque à partir du 1er mai 2018, le Livre XX du Code de droit économique étendra aux ASBL et fondations le mécanisme de renvoi direct et que le futur Code des sociétés et associations devrait, en limitant le nombre des sociétés, restreindre les possibilités de fraude.

            A travers l'ensemble de ces mesures, on discerne que le législateur a fait son choix: dans la mission de police économique qui incombe à l'ordre judiciaire, aux tribunaux de commerce de faire face en première ligne aux abus qui entachent l'utilisation de la personnalité morale, aux parquets d'intervenir lorsque la réponse aux phénomènes constatés nécessite des moyens d'investigation plus étendus, des procédures complexes et des sanctions plus rigoureuses.

            [1] Président du tribunal de commerce du Hainaut.
            [2] Loi du 17 mai 2017 modifiant diverses lois en vue de compléter la procédure de dissolution judiciaire des sociétés (M.B., 12 juin 2017).
            [3] Projet de loi modifiant diverses lois en vue de compléter la procédure de dissolution judiciaire des sociétés, Doc. parl., Ch., n° 54-1940/01, 1.
            [4] Nouvelle dénomination figurant dans la loi du 11 août 2017 « portant insertion du Livre XX 'Insolvabilité des entreprises', dans le Code de droit économique » (M.B., 11 septembre 2017); voir art. XX.25, § 1er C.D.E. et 84, alinéa 3, du C. jud.
            [5] Art. 16 loi du 17 mai 2017: « S'il ressort de l'examen de la situation du débiteur que ce dernier est en état de faillite, la chambre d'enquête commerciale peut communiquer le dossier au procureur du Roi.

            Sans préjudice de l'alinéa 1er, la chambre peut, si elle estime qu'il ressort du même examen que la dissolution de la société peut être prononcée conformément au Code des sociétés, communiquer le dossier au tribunal par une décision motivée afin qu'il soit statué sur la dissolution, auquel cas la décision motivée est aussi communiquée au Procureur du Roi. »
            [6] Loi du 11 août 2017 « portant insertion du Livre XX 'Insolvabilité des entreprises', dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au Livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre Ier du Code de droit économique » (M.B., 11 septembre 2017). Ci-après « Livre XX C.D.E. ». Voir aussi Doc. parl., Chambre, n° 54-2407/001-013.
            [7] En application de l'art. 3 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises (M.B., 1er avril 2009), ci-après L.C.E.
            [8] Art. 16 loi du 17 mai 2017, commenté infra, nos 20 et s.
            [9] Nous soulignons les modifications apportées à l'art. 12 L.C.E. par l'art. XX.29 C.D.E.
            [10] C.-à-d. depuis l'entrée en vigueur le 1er juillet 2014 de la loi dite « juge naturel » du 26 mars 2014 « modifiant le Code judiciaire et la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales en vue d'attribuer dans diverses matières la compétence au juge naturel » (M.B., 22 mai 2014).
            [11] Du fait de l'imminence de l'extension ratione personae du droit de l'insolvabilité, notre examen des mesures « anti-abus » concernera l'ensemble des personnes morales: les sociétés mais aussi les ASBL et les fondations.
            [12] Q. et R., Chambre, 2014-15, 11 mars 2015, n° 54-024, p. 174 (Q. n° 262, Barbara Pas).
            [13] Créé par A.R. du 29 avril 2008 « portant création du Collège pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale » (M.B., 8 mai 2008).
            [14] Collège pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale - plan d'action 2008-2009 présenté le 2 juillet 2008 par le secrétaire d'Etat à la coordination de la lutte contre la fraude, Enquête parlementaire, Chambre, 2008-09, n° 52-0034/004, 21.
            [15] Plan d'action 2012-2013, Chambre, 2011-12, n° 53-2271/001, 5.
            [16] J.-Cl. Delepierre et M. Penna, « La lutte contre l'argent du crime et les flux financiers du blanchiment d'argent », in D. Grisay (éd.), De la lutte contre la fraude à l'argent du crime: état des lieux, Bruxelles, Larcier, 2013, 130.
            [17] Ch. Hartman, « Synthèse du Plan d'action 2012-2013 du Collège pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale », in D. Grisay (éd.), o.c., 194: « Il s'agit de sociétés qui dorment pendant quelques années avant d'être réveillées pour être mobilisées à des fins de fraude. »
            [18] Voy. G. Delrue (commissaire à la police judiciaire fédérale), Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, Anvers, Maklu, 2014, p. 312, n° 884.
            [19] Une société sans activité n'est pas ipso facto une société dormante, car l'inactivité peut parfaitement résulter de raisons économiques. Il n'est pas rare que certaines sociétés soient maintenues en vie dans l'attente du redémarrage de l'activité initiale ou d'une autre activité. Si, dans ce laps de temps, les dirigeants assurent le respect des obligations légales qui s'imposent à la société, il n'y aura bien entendu rien à redire à leur attitude.
            [20] Sur la réalité de ces types de fraudes, voir M. Lemal, Manuel de la liquidation des sociétés commerciales, Waterloo, Kluwer, 2013, p. 83, n° 107.
            [21] Sur la limited, voir l'étude exhaustive de V. Simonart, « L'application du droit belge aux sociétés constituées dans un autre état de la communauté et, en particulier, aux limited », Rev. prat. soc., 2008, 111 et s.; Ch. Van Der Elst, « Commerce européen de sociétés: un marché en croissance? », Accountancy & Tax, 2007/2, 12-18.
            [22] C.J.U.E., 5 novembre 2002, Überseering, C-208/00.
            [23] C.J.U.E., 9 mars 1999, Centros, C-212/97; C.J.U.E., 30 septembre 2003, Inspire Art, C-167/01.
            [24] V. Simonart, « L'application du droit belge aux sociétés constituées dans un autre état de la communauté et, en particulier, aux limited », Rev. prat. soc., 2008, 155-161.
            [25] V. Simonart, o.c.; s'agissant de l'obligation de dépôt des comptes annuels en Belgique, voir pp. 184 et 185, n° 79, en Grande-Bretagne pp. 116 et 117, nos 6 et 7.
            [26] Ibid., p. 117, n° 7.
            [27] V. Simonart, « L'application du droit belge aux sociétés constituées dans un autre état de la communauté et, en particulier, aux limited », Rev. prat. soc., 2008, p. 118, n° 8.
            [28] Ibid., p. 195, n° 90, al. 3.
            [29] Ibid., p. 197, n° 96.
            [30] Le décès de l'associé commandité ou commanditaire entraîne la dissolution de la SCS; la même solution s'applique lorsque l'associé commandité est une personne morale à l'existence de laquelle il a été mis fin, car cette situation équivaut à la mort de la personne physique commanditée ou commanditaire - Voir Ch. Jassogne, « La société en commandite simple », in Ch. Jassogne (dir.), Traité pratique de droit commercial, t. 4, Les sociétés, vol. 1, Waterloo, Kluwer, 2013, n° 180, renvoyant au n° 159.
            [31] Cass., 16 novembre 2015, C.14.0303.F, Pas., 2015, p. 2600 et s.
            [32] Une SPRL vaut plus cher qu'une SCS.
            [33] La petite entreprise est celle dont l'effectif d'emploi compte au moins 10 travailleurs et moins de 50 travailleurs et dont soit le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 10.000.000 EUR, soit le total du bilan annuel n'excède pas 10.000.000 EUR. Par moyenne entreprise, il faut entendre une entreprise dont l'effectif d'emploi compte au moins 50 travailleurs et moins de 250 travailleurs et dont soit le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50.000.000 EUR, soit le total du bilan annuel n'excède pas 43.000.000 EUR.
            [34] Loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l'entreprise indépendante (M.B., 21 février 1998).
            [35] Sur ces notions, voir J.-P. Lebeau, « Introduction au droit commercial », in Ch. Jassogne (dir.), Traité pratique de droit commercial, Tome 1, Principes et contrats fondamentaux, Waterloo, Kluwer, 2009, nos 23 à 31, pp. 28 à 33.
            [36] O.c., n° 29, p. 32.
            [37] Citons à titre d'exemples: le commerce des armes (autorité compétente: le gouverneur), les agences matrimoniales (SPF Economie), la fabrication de médicaments (SPF Santé publique), etc.
            [38] Voir Chr. Lamfalussy, « Une centaine d'ASBL sous enquête à Molenbeek », La Libre, 4 mars 2017: « A Molenbeek (…), 102 ASBL sont épinglées, dont 51 pour soupçon de radicalisme, 17 pour drogue, 8 pour trafic d'armes et 26 pour d'autres faits supposés, en grande partie du trafic de faux documents. »; J. Van Horenbeek en B. Struys, « 51 Molenbeekse VZW's verdacht van terreurbanden », De Morgen, 20 mars 2017.
            [39] C.R.A., Ch., 2016-2017, séance du 4 mai 2017, n° 54-PLEN-166, p. 24; intervention de Mr. Clarinval, auteur principal de la proposition de loi.
            [40] « De la dissolution et de la liquidation ».
            [41] Auquel s'ajoutent désormais les art. 182/1, 182/2 et 182/3; voir le commentaire de ces art., infra, n° 25.
            [42] « § 1er. A la demande de tout intéressé ou du ministère public, ou après communication par la chambre d'enquête commerciale en vertu de l'article 12, § 5, de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, le tribunal peut prononcer la dissolution d'une société restée en défaut de satisfaire à l'obligation de déposer les comptes annuels conformément aux articles 98 et 100. Cette action est dirigée contre la société. »
            [43] « Dans le cas d'une communication par la chambre d'enquête commerciale, le tribunal peut soit accorder un délai de régularisation, et renvoyer le dossier à la chambre d'enquête commerciale afin qu'elle en assure le suivi, soit prononcer la dissolution. »
            [44]  « Dans le cas d'une demande introduite par un intéressé ou le ministère public, le tribunal accorde un délai de régularisation de trois mois au moins, et il renvoie le dossier à la chambre d'enquête commerciale qui en assure le suivi. Après l'expiration du délai, le tribunal statue sur rapport de la chambre d'enquête commerciale. » Voir les explications du représentant du ministre sur cette disposition lors de la discussion en commission: Doc. parl., Ch., n° 54-1940/007, p. 18, à partir du 5e al.
            [45] Art. III.42, § 1er, 4°, C.D.E.
            [46] Sont visées les sociétés qui ne disposent, depuis au moins 3 ans, ni de qualités, ni d'activités, ni d'unités d'établissement actives inscrites dans la Banque-Carrefour des Entreprises (1), qui sont inscrites dans la Banque-Carrefour des Entreprises comme ayant un statut actif (2), qui ne disposent pas de demandes d'autorisation ou de qualité, en cours, inscrites dans la Banque-Carrefour des Entreprises (3), qui n'ont effectué, depuis 7 ans, aucune modification relative aux données inscrites dans la Banque-Carrefour des Entreprises (4), qui n'ont effectué, depuis 7 ans, aucune publication, autre que celle des comptes annuels, dans les Annexes du Moniteur belge ou au sein du Moniteur belge.
            [47] Voir la formulation du § 2 de l'article 182: « Suite à la communication par la chambre d'enquête commerciale en vertu de l'article 12, § 5, LCE, le tribunal peut soit accorder un délai de régularisation, par lequel il renvoie le dossier à la chambre d'enquête commerciale qui en assure le suivi, soit prononcer la dissolution d'une société: 1° quand cette société a été radiée d'office en application de l'article III.42, § 1er, 5°, du Code de droit économique; (…) ».
            [48] Voir projet de loi modifiant diverses lois en vue de compléter la procédure de dissolution judiciaire des sociétés, Doc. parl., Ch., n° 54-1940/007, p. 21, avant-dernier alinéa: l'auteur principal de la proposition de loi précise que: « Il va de soi que le juge peut accorder un délai de régularisation pour quelque motif que ce soit. »
            [49] « § 2. Suite à la communication par la chambre d'enquête (…), le tribunal peut soit accorder un délai de régularisation, par lequel il renvoie le dossier à la chambre d'enquête commerciale qui en assure le suivi, soit prononcer la dissolution d'une société: (…)

            2° si malgré deux convocations à trente jours d'intervalle, la seconde par pli judiciaire, elle n'a pas comparu devant la chambre d'enquête commerciale; ».
            [50] Soit: un intervalle de un mois entre la première et la seconde convocation, le délai de comparution fixé par la seconde convocation, le délai nécessaire au prononcé de la décision par la chambre d'enquête puis à son transmis à la chambre de fond et enfin le délai de comparution fixé par la troisième convocation pour l'audience publique.
            [51] A.R. du 21 octobre 1998 portant exécution du Chapitre Ier du Titre II de la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l'entreprise indépendante (M.B., 19 novembre 1998).
            [52] Voir l'art. 6 de l'A.R. du 21 octobre 1998: les connaissances de gestion de base comprennent l'esprit d'entreprendre et les compétences de l'entrepreneur, ainsi que les connaissances élémentaires en droit, comptabilité, aspects financiers et fiscaux, gestion commerciale et législation spécifique.
            [53] Voir supra n° 10; à titre d'exemple, une qualification professionnelle spécifique est requise par les 3 régions pour exercer dans les secteurs suivants: construction, alimentaire, mécanique, chauffage central ou encore installateur frigoriste.
            [54] Loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat (M.B., 31 janvier 2014).
            [55] Art. 17 Loi spéciale du 6 janvier 1998.
            [56] Ainsi, au 1er janvier 2018, la Région flamande libéralisera une série de professions nécessitant jusqu'ici une qualification professionnelle.
            [57] « Suite à la communication par la chambre d'enquête commerciale en vertu de l'article 12, § 5, (LCE), le tribunal peut soit accorder un délai de régularisation, par lequel il renvoie le dossier à la chambre d'enquête commerciale qui en assure le suivi, soit prononcer la dissolution d'une société: (…) si les administrateurs ou gérants ne disposent pas des compétences fondamentales en matière de gestion ou ne disposent pas des qualifications professionnelles imposées pour l'exercice de son activité par la loi, le décret ou l'ordonnance; ».
            [58] Art. 185: « A défaut de nomination de liquidateurs, les associés gérants dans les sociétés en nom collectif ou en commandite, les membres du conseil d'administration ou les membres du conseil de direction dans une société européenne ou une société coopérative européenne et les administrateurs ou les gérants dans les sociétés anonymes, les sociétés privées à responsabilité limitée, les sociétés coopératives et les groupements d'intérêt économique, seront, à l'égard des tiers, considérés comme liquidateurs.

            Il en va de même en cas de clôture immédiate de la liquidation conformément à l'article 182. »
            [59] Les explications du représentant du ministre lors de la discussion en commission ne permettent pas d'être éclairé: voy., projet de loi modifiant diverses lois en vue de compléter la procédure de dissolution judiciaire des sociétés, Doc. parl., Ch., 2016-17, 19 avril 2017, n° 54-1940/007, p. 23, al. 1er.
            [60] Le parquet sera souvent le plus à même de mettre à jour l'existence d'un actif et d'agir.
            [61] Voir M. Lemal, « Le sort des actifs involontairement omis qui apparaissent après la clôture de la liquidation d'une société 'dormante' », note sous Comm. Charleroi, 23 septembre 2013, J.D.S.C., 2014, pp. 325 et s., plus spéc. p. 326, dernier al.
            [62] Cass., 9 mars 2017, C.16.0048.F.
            [63] A.R. du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés (M.B., 6 février 2001).
            [64] « (…) la chambre peut, si elle estime qu'il ressort du même examen que la dissolution de la société peut être prononcée conformément au Code des sociétés, communiquer le dossier au tribunal par une décision motivée afin qu'il soit statué sur la dissolution, (…) ».
            [65] Cass., 17 juin 1994, R.D.C., 1994, p. 876; I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Waterloo, Kluwer, 2011, p. 332.
            [66] Sur les causes de dissolution, voir M. Lemal, Manuel de la liquidation des sociétés commerciales, Waterloo, Kluwer, 2013, 73-112.
            [67] I. Verougstraete, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Waterloo, Kluwer, 2011, p. 2.2.3.4; l'auteur relève « un certain flou dans l'organisation des services d'enquêtes commerciales ».
            [68] « § 3. Après qu'un dossier de la chambre d'enquête commerciale est communiqué au tribunal comme prévu au § 1er, ou après qu'un dossier est communiqué comme prévu au § 2 et si le président du tribunal considère que le dossier doit être traité davantage, le président du tribunal demande au greffier de convoquer la société par un pli judiciaire qui contient la décision motivée de la chambre d'enquête commerciale et le texte du présent article. »
            [69] Voy. projet de loi modifiant diverses lois en vue de compléter la procédure de dissolution judiciaire des sociétés, Doc. parl., Ch., 2016-2017, 28 mars 2017, n° 54-1940/006, p. 6; le texte initial instaurant le filtre du président du tribunal a été introduit par un amendement n° 4 qui réécrit l'ensemble de l'article 182 C. soc.; il n'a alors donné lieu à aucun commentaire spécifique (Doc. parl., Ch., 2016-2017, 9 februari 2017, n° 54-1940/002, pp. 8 et 9) et était rédigé comme suit: « § 3. Quand la chambre d'enquête commerciale communique le dossier au tribunal, le président du tribunal peut demander au greffier de convoquer la société par pli judiciaire qui contient le texte du présent article. »
            [70] Pour juger en connaissance de cause, le tribunal doit disposer des éléments qui ont amené la chambre d'enquête à lui transférer le dossier, de la même manière que, si le tribunal connaît d'une citation en faillite du parquet, celui-ci déposera le dossier de la chambre d'enquête au dossier de fond.
            [71] Art. 3, a), de la loi du mai 2017: « sont, à peine de nullité, communiquées au ministère public: (…)

            9° les demandes et convocations par application de l'article 182, § 3, en dissolution judiciaire de sociétés visées à l'article 182 du Code des sociétés. »
            [72] Voir les pp. 20 et 21 de l'avis 60.760/2, « projet de loi portant insertion du Livre XX 'Insolvabilité des entreprises', dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au Livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre Ier du Code de droit économique », Doc. parl., Ch., 2016-2017, 20 avril 2017, n° 54-2407/001.
            [73] M. Lemal, Manuel de la liquidation des sociétés commerciales, Waterloo, Kluwer, 2013, n° 142, pp. 100 à 102.
            [74] Cass., 17 octobre 2014, C.13.0604.N: « En vertu de l'article 634 du Code des sociétés, lorsque l'actif net est réduit à un montant inférieur à 61.500 EUR, tout intéressé peut demander au tribunal la dissolution de la société. (…) Il ressort des travaux préparatoires de la loi qu'en faisant usage du terme 'tout intéressé' le législateur a visé aussi le ministère public. (…) ».
            [75] Ancien texte: « Lorsque l'actif net est réduit à un montant inférieur à 6.200 euro, tout intéressé peut demander au tribunal la dissolution de la société. (…) ».
            [76] A.R. n° 22 du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités (M.B., 27 octobre 1934). Cet arrêté royal est modifié en profondeur par le livre XX CDE et abrogé en partie. Les dispositions relatives à l'insolvabilité qui y sont contenues en seront extraites pour être introduites aux articles XX.229 et s., sous une forme légèrement adaptée. La possibilité d'une suspension du prononcé et d'une condamnation conditionnelle est prévue. A terme, une adaptation de l'arrêté royal sera sans doute nécessaire pour éviter une distorsion entre l'interdiction judicaire prononcée dans le cadre d'une faillite ou d'une dissolution.
            [77] C.-à-d. les personnes préposées à la gestion de la succursale belge d'une société étrangère.
            [78] Justification de l'amendement n° 22, Doc. parl., Ch., 2016-17, 14 mars 2017, n° 54-1940/005, p. 9.
            [79] Par la loi du 1er décembre 2016 « modifiant le Code judiciaire et la loi du 8 août 1997 sur les faillites en vue d'introduire le Registre Central de la Solvabilité » (M.B., 11 janvier 2017), entrée en vigueur le 1er avril 2017.
            [80] Loi du 31 mai 1961 relative à l'emploi des langues en matière législative, à la présentation, à la publication et à l'entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires (M.B., 21 juin 1961).