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Le nouveau régime des marques de certification de l'Union européenne : la fin des circonvolutions juridiques mises en lumière dans l'arrêt « Fleur de coton » de la C.J.U.E. ?, R.D.C.-T.B.H., 2018/8, p. 851-858

DROITS INTELLECTUELS
Marque - Marque de l'Union européenne - Marque individuelle « fleur de coton » utilisée en tant que marque de certification sous le règlement n° 207/2009 - Déchéance pour défaut d'usage sérieux en tant que marque individuelle - Fonction essentielle d'indication d'origine - Nouvelle marque de certification de l'Union européenne sous le règlement n° 2017/1001
L'apposition d'une marque individuelle de l'Union européenne sur des produits en tant que label de qualité n'est pas un usage relevant de la notion d'« usage sérieux ». L'apposition de ladite marque constitue toutefois un tel usage sérieux si elle garantit, aussi et simultanément, aux consommateurs que ces produits proviennent d'une entreprise unique sous le contrôle de laquelle lesdits produits sont fabriqués et à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité.
Une marque individuelle ne saurait être déclarée nulle en raison du fait que le titulaire de la marque ne garantit pas, par des contrôles de qualité réguliers auprès de ses preneurs de licence, la conformité des attentes quant à la qualité que le public associe à cette marque.
Le règlement no 207/2009 doit être interprété en ce sens que ses dispositions relatives aux marques collectives de l'Union européenne ne peuvent pas, mutatis mutandis, être appliquées aux marques individuelles de l'Union européenne.
INTELLECTUELE RECHTEN
Merk - Uniemerk - Individueel merk “bloem van de katoenplant” gebruikt als certificeringsmerk onder de verordening nr. 207/2009 - Vervallenverklaring wegens ontbreken van “normaal gebruik” als individueel merk - Wezenlijke functie van herkomstaanduiding - Nieuw Uniecertificeringsmerk onder de verordening nr. 2017/1001
Het aanbrengen van een individueel Uniemerk op waren als keurmerk kan niet worden beschouwd als een gebruik daarvan als merk dat onder het begrip “normaal gebruik” valt. Het aanbrengen van dat merk levert evenwel een dergelijk normaal gebruik op indien daardoor tevens en tegelijkertijd de consument de waarborg wordt geboden dat de betrokken waren afkomstig zijn van eenzelfde onderneming en dat deze waren zijn vervaardigd onder controle van deze onderneming die kan worden geacht in te staan voor de kwaliteit ervan.
Een individueel merk niet nietig kan worden verklaard - door deze bepalingen samen toe te passen - op grond dat de merkhouder niet door regelmatige kwaliteitscontroles bij zijn licentienemers waarborgt dat de kwaliteitsverwachtingen die het publiek aan dit teken verbindt, juist zijn.
Verordening nr. 207/2009 moet aldus worden uitgelegd dat de bepalingen ervan betreffende de collectieve Uniemerken niet mutatis mutandis kunnen worden toegepast op de individuele Uniemerken.
Le nouveau régime des marques de certification de l'Union européenne:
la fin des circonvolutions juridiques mises en lumière dans l'arrêt « 
Fleur de coton » de la C.J.U.E.?
Andrée Puttemans [1]
I. Introduction

1.La massification, la mondialisation et la numérisation de la consommation ont, entre autres phénomènes et pour le pire ou le meilleur, rendu quantité de produits et de services plus aisément accessibles, géographiquement et financièrement. Elles en ont aussi renchéri, ou fait disparaître, beaucoup d'autres. Ces évolutions particulièrement rapides des modes et sources de consommation ont été favorisées par un bouleversement des modes de communication. Aux publicités « traditionnelles » par voie de presse et d'affichage, se sont ajoutées voire substituées de nombreuses formes nouvelles de communication promotionnelle qui se caractérisent bien souvent par un (fort) estompement de la distinction entre publicité et information [2]. Un consommateur même raisonnablement averti et normalement prudent peut y perdre son latin, qu'il n'a plus guère l'occasion, en plus, d'apprendre convenablement à l'école. Le droit de la consommation a, entre autres, pour objectif de protéger le consommateur des affirmations ou omissions trompeuses de la publicité [3]. Toutefois, l'expérience montre combien ce droit est peu effectif, en d'autres mots, combien le fossé est grand entre les textes normatifs en vigueur et la situation réelle et quotidienne des consommateurs [4]. Cet écart considérable entre les objectifs de la loi et ses résultats sur le terrain porte également préjudice aux fabricants et vendeurs de produits de qualité, ce qui a pour effet de fausser la concurrence (loyale). A cet égard, si la marque (individuelle) a longtemps été considérée, au moins par les juristes, comme « la base de la plus grande partie de la concurrence sur le marché » [5], et « un élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité (aujourd'hui: le TFUE) entend établir » [6], l'arrêt annoté, et les derniers développements du droit de la marque de l'Union européenne, incitent à se demander s'il n'y a pas lieu d'axer davantage que ce ne fut le cas jusqu'à présent le droit des marques sur son aspect collectif, et en particulier sur les marques de certification. En effet, celles-ci pourraient répondre en partie au souhait des consommateurs d'avoir la garantie que les produits qu'ils achètent répondent à certaines normes environnementales, de qualité, éthiques, sanitaires, etc. [7]. Nous verrons, après avoir examiné les faits de l'affaire et le raisonnement de la Cour, que rebondit ainsi, une nouvelle fois, la délicate question des fonctions de la marque voire celle (et la répétition à venir est volontaire) des fonctions des fonctions de la marque …

2.L'association Verein Bremer Baumwollbörse (ci-après: le VBB) est une association allemande qui défend les intérêts d'entreprises du secteur du textile en coton. Dans ce but, elle a fait enregistrer en 2008, pour des textiles notamment, une marque figurative et individuelle de l'Union européenne [8] représentant ce dessin, en noir et blanc, d'une fleur de coton (ci-après: la marque fleur de coton):

Le VBB octroie des licences d'usage de cette marque aux entreprises du secteur qui répondent à certains standards de qualité, dont elle contrôle en principe le respect [9]. Il investit les moyens financiers tirés de la concession des licences sur sa marque dans des activités de promotion du coton, édite du matériel éducatif sur le coton et organise des séminaires sur ce thème, agit en qualité de tribunal arbitral et exerce une fonction publique en participant à la fixation du « prix CIF Bremen » (valeur de référence du coton sur le marché) [10].

3.Or, une société, Gözze, se met à commercialiser des serviettes de toilette sur lesquelles elle appose, sans l'autorisation du VBB, des étiquettes volantes dont le verso, habituellement imprimé en vert et blanc, comprend différents signes, parmi lesquels la marque figurative « fleur de coton » du VBB:

Le VBB s'en émeut et saisit le Landgericht de Düsseldorf afin de faire cesser cet usage. Reconventionnellement, Gözze demande l'annulation de la marque fleur de coton pour défaut de caractère distinctif et, subsidiairement, la déchéance de cette marque pour non-usage. Le tribunal rejette la demande reconventionnelle et donne gain de cause au VBB, estimant que la marque fleur de coton peut servir d'indication d'origine et que l'étiquette utilisée par Gözze crée avec elle un risque de confusion dans l'esprit du public concerné.

En degré d'appel, l'Oberlandesgericht de Düsseldorf considère, au contraire, que le public voit avant tout, dans les deux signes en présence, un « label de qualité », sans message quant à l'origine des produits marqués. Sur cette base, il pose donc deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après: C.J.U.E.), dont seule la première retiendra notre attention [11] (infra, sous II.): l'utilisation, en tant que label de qualité, d'une marque individuelle peut-elle être considérée comme un usage (sérieux) de celle-ci en tant que marque? Le litige à l'origine de cette affaire était encore régi par l'ancien règlement n° 207/2009 sur la marque communautaire [12]. Depuis lors, l'importante réforme du droit des marques adoptée fin 2015 en droit de l'Union européenne est, en majeure partie, entrée en application ou en voie de l'être [13]. Je m'attacherai donc à examiner aussi l'incidence en la matière d'une importante innovation du nouveau règlement n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne [14]: la marque de certification (infra, sous III.).

II. L'usage d'un signe comme label de qualité peut-il être qualifié d'usage (sérieux) d'une marque individuelle?

4.Cette question concerne l'usage du signe tant par le prétendu contrefacteur que par le titulaire de la marque (dans ce dernier cas, afin d'éviter la déchéance pour défaut d'usage sérieux). La présente affaire est d'autant plus intéressante qu'elle met clairement en lumière la différence d'approche de ces deux aspects de la question par la C.J.U.E.

Dans un premier temps, la Cour évacue rapidement la question de l'usage contrefaisant: dès lors que la juridiction de renvoi a constaté, en fait, le haut degré de similitude entre le signe fleur de coton apposé sur les textiles en coton mis en vente par Gözze et la marque fleur de coton apposée sur ceux mis en vente par les licenciés du VBB, un risque de confusion entre les signes en présence est établi puisque le public concerné peut être amené à croire que les produits désignés respectivement par le signe de Gözze et par la marque de VBB proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement [15]. Par voie de conséquence, VBB pourra obtenir l'interdiction de l'usage du signe de Gözze, pour autant que sa marque fleur de coton soit toujours valide (points 34 à 36 de l'arrêt). Aucune référence n'est faite sur ce point à la question des fonctions de la marque, et moins encore à la fonction essentielle de celle-ci.

Pourtant, à lire le juge à la C.J.U.E. Marko Ilei, « il est, dans ce cas de figure, indispensable d'établir un risque de confusion qui affecte nécessairement la fonction d'indication d'origine » [16]. L'atteinte à la fonction d'indication d'origine découlerait donc automatiquement de la preuve d'un risque de confusion, comme la Cour semble, du reste, l'avoir énoncé dans son arrêt O2 Holdings: « (L'usage critiqué) doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public. » [17]. Mais alors comment expliquer le second temps du raisonnement de la Cour dans la présente affaire?

5.Dans un second temps, la C.J.U.E. se penche sur la question de la validité de la marque fleur de coton, laquelle suppose, selon l'article 15, 1., du règlement n° 207/2009 [18] que cette marque individuelle ait fait l'objet (par son titulaire ou avec l'accord de celui-ci) d'un usage sérieux, indispensable pour échapper à la sanction de la déchéance pour non-usage.

C'est par son arrêt Ansul, en 2003 [19], que la C.J.U.E. a énoncé pour la première fois qu'il ne peut y avoir usage sérieux, au sens des dispositions du droit UE des marques relatives à la déchéance pour non-usage [20], que si cet usage est conforme à la fonction essentielle de la marque (point 36). On sait que, selon la jurisprudence constante de la Cour (issue à l'origine de son interprétation de l'art. 36 de l'actuel TFUE), la fonction essentielle d'une marque individuelle consiste à garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance: « pour que la marque puisse jouer son rôle d'élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu'elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité » (point 41 de l'arrêt annoté, et les références).

A cet égard, il ne suffit pas, comme l'avait fait le VBB, d'établir que la marque en cause est utilisée en vue de créer ou de conserver des débouchés pour les produits marqués. La Cour l'avait déjà précisé précédemment, notamment en 2012, dans son arrêt Onel [21]: « Il appartient à (la juridiction de renvoi) d'apprécier si la marque en cause est utilisée conformément à sa fonction essentielle et en vue de créer ou de conserver des parts de marché pour les produits ou les services protégés » (point 56 ; soulignement de l'auteur). Les conditions de finalité (créer ou conserver un débouché pour les produits marqués) et de conformité à la fonction essentielle de la marque (garantir l'identité d'origine des produits marqués) sont deux conditions distinctes qui doivent être établies cumulativement. La seconde ne peut pas simplement être déduite de la première.

Or, poursuit la Cour, s'il apparaît que l'apposition par les licenciés de VBB de la marque fleur de coton sur leurs produits s'inscrit dans l'objectif de créer ou de conserver un débouché pour ces produits (point 38), cette circonstance ne suffit pas à caractériser l'usage (sérieux): « il est tout autant indispensable que cette utilisation de la marque soit faite conformément à la fonction essentielle de la marque » (point 40). Même si la marque peut remplir d'autres fonctions, son usage ne pourra être qualifié de « sérieux » au sens de la disposition précitée, que s'il est (aussi) conforme à sa fonction essentielle (point 39). Un usage conforme à une autre fonction, non essentielle, de la marque n'est pas suffisant pour éviter la déchéance et, par voie de conséquence, la radiation de l'enregistrement de la marque.

Parmi les autres fonctions, non essentielles, de la marque [22], la C.J.U.E. a, de longue date, consacré celle consistant à garantir la qualité du produit ou du service marqué [23]. On comprend, en lisant entre les lignes de l'arrêt annoté (en particulier aux points 43 à 45), que la Cour estime qu'un label de qualité peut répondre à cette fonction de garantie de qualité. Mais l'usage d'une marque individuelle en tant que label de qualité ne suffit donc pas: « lorsque l'usage d'une marque individuelle, tout en certifiant la composition ou la qualité des produits ou des services, ne garantit pas aux consommateurs que ces produits ou ces services proviennent d'une entreprise unique sous le contrôle de laquelle ils sont fabriqués ou fournis et à laquelle, par conséquent, peut être attribuée la responsabilité de la qualité desdits produits ou services, un tel usage n'est pas fait conformément à la fonction d'indication d'origine » (point 45). Si l'unique fonction pour laquelle la marque a été apposée sur les produits consiste à garantir aux consommateurs de ceux-ci un certain standard de qualité, l'utilisation de cette marque ne peut être qualifiée d'usage de celle-ci en tant que marque (individuelle).

Ainsi, la Cour n'a-t-elle pas suivi la suggestion de la juridiction de renvoi selon laquelle l'usage d'une marque individuelle en tant que label de qualité serait conforme à sa fonction essentielle consistant à indiquer que le produit provient d'une entreprise soumise à une « assurance qualité » lorsque le public lie à cette marque l'attente d'un contrôle de qualité effectué par le titulaire (suggestion exposée aux points 26 et 27 des conclusions de l'avocat général).

Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les éléments de la cause permettent de considérer que l'apposition de la marque fleur de coton du VBB par les licenciés de cette association sur leurs produits garantit aux consommateurs que ces produits proviennent d'une entreprise unique, à savoir le VBB constitué de ses affiliés, sous le contrôle duquel lesdits produits sont fabriqués et auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (point 49), « dans leur état fini à la suite du processus de fabrication » (point 50 in fine).

Le fait que les contrats de licence habilitent le VBB à vérifier que les licenciés utilisent exclusivement des fibres de coton de bonne qualité ne suffit pas à établir un usage conforme à la fonction essentielle d'une marque individuelle (point 50) [24] mais pourrait suffire pour établir un usage conforme à la fonction essentielle d'une marque collective ou d'une marque de certification. Pourtant, précise la Cour de manière surprenante, la fonction essentielle de ces deux types de marques non individuelles ne diffère pas de la fonction essentielle de la marque individuelle: dans tous les cas, il s'agit de la fonction d'indication de provenance (point 50). Nous y reviendrons ci-dessous.

III. La nouvelle marque de certification de l'Union européenne permet-elle de surmonter les difficultés mises en lumière dans l'affaire Fleur de coton?

6.Depuis le 1er octobre 2017, date de l'entrée en vigueur du règlement n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, il est possible de faire enregistrer par l'EUIPO [25] des marques de certification de l'Union européenne [26]. Une marque de certification de l'Union européenne « est une marque de l'Union européenne ainsi désignée lors du dépôt et propre à distinguer les produits ou services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d'autres caractéristiques, à l'exception de la provenance géographique, sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou services qui ne bénéficient pas d'une telle certification » (règlement n° 2017/1001, art. 83).

Si un certain nombre d'Etats membres connaissaient déjà cette catégorie de marques nationales [27], il n'existait pas, jusque-là, de possibilité d'obtenir une marque de certification unitaire dans l'Union européenne [28].

La « marque de certification » n'est donc pas une marque individuelle mais plutôt, au sens général de l'expression, un droit de propriété intellectuelle collective, qu'il convient toutefois de ne pas confondre avec la « marque collective », laquelle relève d'une autre catégorie de marque non individuelle [29]. Ce danger de confusion est d'autant plus grand au Benelux qu'à l'heure actuelle, et jusqu'à la toute prochaine modification de la Convention Benelux sur la propriété intellectuelle (marques et dessins et modèles) (ci-après: la CBPI), destinée à transposer la directive n° 2015/2436 sur les marques, le droit Benelux utilise l'expression « marque collective » pour englober à la fois ce que le droit de l'Union européenne dénomme désormais marque collective, d'une part, et marque de certification, de l'autre [30]. Après l'entrée en vigueur de cette prochaine modification, ces deux catégories de marques non individuelles (la marque collective et la marque de certification) pourront être enregistrées également auprès de l'Office Benelux mais répondront alors chacune à une définition propre, conformément aux définitions imposées par la directive n° 2015/2436 et similaires à celles du règlement n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne [31].

C'est pour compléter les dispositions existantes relatives aux marques communautaires collectives et pour corriger le déséquilibre qui existait entre les systèmes nationaux et le système de la marque de l'Union européenne que de nouvelles dispositions, relatives à la marque de certification, ont été introduites dans le nouveau règlement sur la marque de l'Union européenne [32]. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2017.

Le 27e considérant du règlement modificatif n° 2015/2424 précise que les marques de certification ont pour objet de permettre à un institut ou organisme de certification d'autoriser les adhérents aux systèmes de certification à utiliser la marque en tant que signe pour des produits ou services satisfaisant aux critères de certification. Elles sont régies par la Section 2 du Chapitre VIII du règlement n° 2017/1001 (art. 83 à 93).

7.La définition de la marque de garantie ou de certification par la directive n° 2015/2436 ne diffère de la définition de la marque de certification par le règlement n° 2017/1001 qu'en ce qui concerne l'indication d'une provenance géographique. En effet, alors que la marque de certification de l'Union européenne ne peut avoir pour objet de certifier la provenance géographique d'un produit ou d'un service, la nouvelle directive sur les marques laisse aux Etats membres la possibilité d'enregistrer des marques de garantie ou de certification nationales relatives à la provenance géographique d'un produit ou d'un service [33]. Et pour éviter que la validité d'une telle marque puisse être remise en cause pour défaut de caractère distinctif, l'article 28, 4., de la directive dispose que: « Par dérogation à l'article 4, paragraphe 1, point c), les Etats membres peuvent prévoir que les signes ou indications susceptibles de servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits ou des services peuvent constituer des marques de garantie ou de certification. »

Le protocole modifiant la CBPI en ce qui concerne la mise en oeuvre de la directive n° 2015/2436 ne fait pas usage de cette faculté [34]. Une marque de certification Benelux ne pourra donc, pas plus qu'une marque de certification de l'Union européenne, porter sur l'origine géographique des produits ou services couverts. Dans son avis de juin 2016 relatif à ce projet de protocole [35], le Conseil Benelux de la propriété intellectuelle s'était montré nuancé. D'un côté, il avait souligné qu'une autre voie existe pour protéger collectivement les indications géographiques (AOP et IGP) [36] et qu'il n'est pas souhaitable d'ouvrir la voie supplémentaire du droit des marques dans ce domaine mais, de l'autre côté, il avait admis que cette protection spécifique est fort peu utilisée au Benelux en raison de la lourdeur et de la lenteur de la procédure administrative qu'elle suppose. A titre personnel, il me paraît regrettable que le législateur Benelux n'ait pas saisi l'occasion d'organiser ce moyen simple et peu coûteux [37] de faire connaître des produits ou services locaux à l'heure où une telle demande émane manifestement d'un nombre croissant de consommateurs mais où l'utilisation anarchique de labels se référant à des indications d'origine ne fait, en pratique, l'objet d'aucun contrôle [38]. La culture des appellations d'origine et autres systèmes sui generis de protection des indications géographiques n'a jamais pu véritablement s'implanter dans les Etats du Benelux alors qu'elle a toujours été florissante en France (où elle est politiquement défendue avec vigueur, notamment lors des négociations des traités de libre-échange) ou en Italie, par exemple. Au contraire, le Benelux connaît, depuis des décennies maintenant, un droit des marques particulièrement développé et efficace. Une communication adéquate sur les possibilités de recourir à une marque de certification relative à une provenance géographique aurait peut-être pu permettre à celle-ci de prospérer, dans l'intérêt commun des producteurs et des consommateurs du Benelux.

8.Même si le nouveau règlement sur la marque de l'Union européenne (le règlement n° 2017/1001) n'était pas applicable au litige en cause dans l'arrêt annoté, la C.J.U.E. y fait une allusion expresse, qui est loin d'être anodine et qui en constitue même, déjà, une interprétation. Nous avons vu ci-dessus que, pour la Cour, le fait que le VBB certifie la qualité de la matière première utilisée ne suffit pas à démontrer un usage de sa marque individuelle fleur de coton qui soit conforme à sa fonction essentielle d'indication de provenance. En revanche, poursuit la Cour en se référant aux nouvelles définitions des marques collectives et de certification de l'Union européenne, « une telle certification peut, le cas échéant, suffire pour considérer qu'une marque autre qu'individuelle remplit sa fonction d'indication d'origine » (point 50). Et la Cour de déduire, comme si c'était une évidence, des définitions de la marque collective et de la marque de certification par le règlement que ces marques remplissent leur fonction d'indication d'origine lorsqu'elles distinguent, respectivement « les produits ou les services des membres de l'association qui en est le titulaire de ceux d'autres entreprises » (marque collective) [39] ou « les produits ou les services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d'autres caractéristiques [...] sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou services qui ne bénéficient pas d'une telle certification » (marque de certification) [40].

Selon la Cour (toujours au point 50 de l'arrêt annoté), la fonction essentielle d'une marque de certification ne diffère pas, dans son principe et son énoncé, de la fonction essentielle d'une marque individuelle: dans les deux cas, tout comme du reste dans celui de la marque collective [41], cette fonction essentielle consiste à garantir l'origine commerciale des produits ou services marqués.

Pareille affirmation a de quoi étonner, à tout le moins en ce qui concerne la marque de certification [42].

Que la fonction essentielle d'une catégorie de marque (individuelle, collective ou de certification) puisse être déduite de sa définition légale, soit. C'est logique et c'est ce que la Cour a toujours fait à propos de la marque individuelle. Mais comment la suivre lorsqu'elle déclare dans la même foulée, sans la moindre explication et à propos d'un règlement qui n'était pas applicable dans l'affaire a quo et sur lequel elle n'était donc pas interrogée, que la fonction essentielle de toutes ces catégories de marques est la même: garantir l'origine commerciale des produits ou services marqués? Ceci alors que la marque de certification a pour objet de garantir que les produits ou services marqués possèdent telles ou telles qualités ou caractéristiques et que toutes les entreprises offrant des produits ou services présentant ces qualités ou caractéristiques doivent être autorisées à faire usage de la marque de certification tandis que le titulaire de celle-ci a l'interdiction absolue de commercialiser lui-même ces produits ou services et donc de faire lui-même usage de la marque de certification pour ceux-ci [43]?

La raison d'être et les modes d'usage d'une marque individuelle, d'une part, et d'une marque de certification, de l'autre, sont profondément différents. La Cour le reconnaît lorsqu'elle énonce que l'usage d'une marque individuelle comme label de qualité ne répond pas à la fonction essentielle de celle-ci mais peut correspondre à la fonction essentielle d'une marque de certification. Et pourtant elle colle sur ces différentes fonctions essentielles la même étiquette de fonction d'indication de provenance commerciale … Comment s'y retrouver dans cette question, déjà si peu claire, des fonctions de la marque [44]?

9.On ajoutera que cette pétition de principe de la Cour ne trouve aucun appui dans les opinions les plus avisées et expertes exprimées précédemment à ce sujet. Au contraire, l'avocat général Mengozzi s'était prononcé, une semaine plus tôt à peine, en sens différent, dans une affaire concernant la marque Darjeeling où la Cour était saisie sur pourvoi [45]. Se basant, lui aussi, sur la définition de la marque de certification portée par le nouveau règlement sur la marque de l'Union européenne, il estime de son côté que la fonction des marques de certification y est décrite autrement que celle des marques individuelles et que « la fonction distinctive de ces marques (de certification) porte donc non pas sur l'origine commerciale des produits ou des services mais sur leur certification ». C'est aussi l'avis de M. Repas et T. Kereste qui, se référant sur ce point non seulement au droit américain [46] mais aussi, à leur tour, aux définitions respectives de la marque individuelle et de la marque de certification par le règlement n° 2017/1001, considèrent que les marques de certification forment une catégorie spécifique de marques dont les fonctions sont différentes de celles des marques ordinaires puisqu'elles tendent à garantir aux consommateurs que les produits ou services certifiés rencontrent les conditions énumérées dans un règlement d'usage [47]; ils ajoutent que les marques de certification n'indiquent pas l'origine des produits ou services mais bien leur qualité ou d'autres de leurs caractéristiques. Les mêmes auteurs semblent, logiquement, faire découler de cette fonction essentielle de la marque de certification la règle fondamentale selon laquelle le titulaire d'une marque de certification ne peut en aucun cas faire usage de celle-ci [48] ainsi que la nécessité d'interpréter en partie différemment la condition du caractère distinctif de la marque [49]. A. Braun et E. Cornu s'exprimaient déjà en sens en 2009: « La fonction de la marque individuelle n'est pas la garantie de la qualité, si ce n'est indirectement par la garantie de l'origine du produit, qui fait présumer une constance de la qualité du produit. Toute autre est la fonction de la marque de certification, qui a pour objet de garantir la qualité de l'objet marqué. » [50]. Toujours en ce sens, la chambre d'appel de l'EUIPO a eu l'occasion d'énoncer que la fonction essentielle d'une marque de certification est différente de celle d'une marque individuelle et consiste à certifier que les produits ou services répondent à certaines normes établies et possèdent des caractéristiques particulières [51].

Conclusions

10.L'arrêt annoté a le mérite de mettre en lumière la nécessité de recourir à l'enregistrement d'une marque de certification lorsque l'usage envisagé pour cette marque est celui d'un label de qualité. Le nouveau règlement n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, tout comme la CBPI lorsque celle-ci aura été modifiée par le protocole destiné à la conformer à la directive n° 2015/2436, permettent l'enregistrement de telles marques de certification sauf, nous l'avons vu et regretté [52], lorsqu'il s'agit de certifier la provenance géographique de produits ou services.

Il convient de souligner, par ailleurs, la confusion suscitée par cet arrêt dans le domaine des fonctions des marques. Sa lecture fait apparaître, d'une part, et sans que ceci soit expliqué, que la fonction essentielle d'une marque individuelle, consistant en l'indication de la provenance commerciale des produits ou services marqués, ne paraît pas devoir être appréciée de la même manière lorsqu'il est question de l'usage sérieux de cette marque par son titulaire ou de l'usage par un tiers d'un signe ressemblant à cette marque et prêtant à confusion dans l'esprit du public. D'autre part, et toujours sans explications, si la Cour admet que la fonction essentielle d'une marque de certification consiste à distinguer les produits ou services pour lesquels certaines caractéristiques sont ainsi certifiées des autres produits ou services, elle qualifie néanmoins cette fonction essentielle de fonction d'indication d'origine alors même que le titulaire d'une marque de certification ne peut commercialiser lesdits produits ou services et que l'origine commerciale de ceux-ci lui est donc toujours, obligatoirement, étrangère.

La notion de fonction (essentielle) de la marque est une création de la Cour, destinée initialement à résoudre, par un mécanisme d'épuisement du droit intellectuel, la difficile question du conflit entre les principes de libre circulation des marchandises et de protection de la propriété intellectuelle (TFUE, art. 36). La Cour s'était ainsi astreinte à rechercher l'objet spécifique de chaque droit intellectuel, recherche qui la mena, dans le domaine des marques, à identifier, pour la première fois en 1976 par son arrêt Terrapin / Terranova, la fonction essentielle de la marque, à savoir sa fonction de garantie d'origine au profit des consommateurs [53]. Par la suite, la Cour recourut à ce concept de fonction essentielle de la marque pour appréhender d'autres questions que celle relative à l'épuisement du droit. Plusieurs indices avaient déjà montré les limites de ce concept et ses failles méthodologiques [54]. Mais l'arrêt annoté va plus loin lorsqu'il s'aventure dans l'apposition, sur toutes les catégories de marques, d'un label « fonction essentielle de garantie de provenance commerciale » devenu label de fantaisie, privé de signification. On ne peut qu'espérer que, sur ce point, l'obiter dictum du point 50 de l'arrêt Fleur de coton restera isolé et que la Cour clarifiera bientôt les choses.

[1] Professeure à l'ULB (directrice de l'Unité de droit économique) et professeure invitée à la KULeuven (LLM IP-IT).
[2] Voy. à propos de ce phénomène D. Scott, The New Rules of Marketing and PR: How to Use Social Media, Online Video, Mobile Applications, Blogs, News Releases, and Viral Marketing to Reach Buyers Directly, New York, John Wiley & Sons, 2017; M. Lizotte, « Evolution de la communication promotionnelle des organisations de gestion de la destination à l'ère des nouvelles technologies de la communication: le cas de Tourisme Montréal », Sciences de l'information et de la communication. Université de Grenoble, 2012 (consultable ici: ww.tel.archives-ouvertes.fr/tel-01558464/document). Observons à cette occasion que, dans le monde du marketing, le terme utilisé le plus couramment en anglais pour désigner une marque n'est pas le terme juridique « trademark » mais bien le mot « brand ». Dans l'ouvrage de D. Scott cité ci-dessus, on trouvera ainsi un petit passage fort intéressant, concernant la marque Boeing, intitulé « Brand journalism at Boeing » et qui nous apprend que chez Boeing, beaucoup de « communicateurs » sont d'anciens journalistes (p. 238).
[3] En droit de l'UE, ceci fait l'objet, en particulier, de la directive n° 2005/29 relative aux pratiques déloyales envers les consommateurs.
[4] Sur ce phénomène, voy. le remarquable rapport général présenté à l'Université d'Ottawa le 1er juin 2018 par S. Amrani-Mekki, sur le thème « Vulnérabilité et accès à la justice » (à paraître in Journées internationales Henri Capitant canadiennes 2018 - La vulnérabilité, LB2V et Bruylant, 2019).
[5] Concl. Av. gén. Jacobs dans l'affaire Hag II, C.J.C.E., C-10/89.
[6] C.J.C.E., 17 octobre 1990, C-10/89, Hag II.
[7] En ce sens égal.: M. Repas et T. Kereste, « The Certification Mark as a New EU-Wide Industrial Property Right »,  IIC, 2018, p. 301.
[8] A l'époque, c.-à-d. avant le 23 mars 2016, date de l'entrée en vigueur sur ce point du règlement n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, la marque de l'Union européenne était dénommée « marque communautaire ».
[9] Selon la juridiction de renvoi, en pratique, toutefois, le VBB ne se livrerait qu'exceptionnellement au contrôle de la qualité des produits mis en vente par ses licenciés (cf.le point 30 de l'arrêt de la C.J.U.E.).
[10] Ces éléments de fait relatifs au VBB sont relatés au point 47 de l'arrêt et résultent de l'exposé fait par son conseil à l'audience devant la C.J.U.E.
[11] Pour un commentaire de la partie de l'arrêt consacrée à la notion d'usage sérieux de la marque, voy. A.P. Ringelhann, « CJEU clarifies that EU individual marks cannot be used exclusively as labels of quality », Journal of Intellectual Property Law & Practice, Volume 12, Issue 9, 2017, pp. 724-726.
[12] Règlement n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire (version codifiée).
[13] Voy. le règlement n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, applicable depuis le 1er octobre 2017 et la directive n° 2015/2436 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (refonte), dont la plupart des dispositions devront avoir été transposées en droit national au plus tard le 14 janvier 2019.
[14] Règlement n° 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne. En ce qui concerne l'historique législatif de ce nouveau règlement, il est utile de souligner que, dans un premier temps, l'ancien règlement n° 207/2009 sur la marque communautaire avait été modifié par le règlement n° 2015/2424. La lecture de ce (très long) règlement ainsi modifié étant devenue particulièrement fastidieuse, il fut heureusement remplacé par une version codifiée: le règlement n° 2017/1001.
[15] Relevons, avec A. Ringelhann, que la Cour s'approprie sur ce point l'appréciation du risque de confusion par la juridiction de renvoi alors qu'au contraire, son avocat général estimait que cette appréciation relevait exclusivement de la compétence de la juridiction de renvoi (A. Ringelhann, « CJEU clarifies that EU individual marks cannot be used exclusively as labels of quality », Journal of Intellectual Property Law & Practice, 2017, p. 725).
[16] « Les fonctions de la marque dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne », in Liber Amicorum Vassilios Skouris, Bruylant, 2015, p. 245.
[17] C.J.U.E., 12 juin 2008, C 533/06, O2 Holdings, point 57; voy. aussi en ce sens: Y. Bassire, « Le risque de confusion en droit des marques: entre extension et évolution », LEGICOM, 2014/2, p. 109.
[18] Correspondant à l'actuel art. 18, 1., du règlement n° 2017/1001.
[19] C.J.U.E., 11 mars 2003, C-40/01, Ansul. La jurisprudence de la Cour est restée constante sur ce point: C.J.U.E., 11 mai 2006, C-416/04, Sunrider / OHMI, point 70; 9 décembre 2008, C-442/07, Radetzky-Orden, point 13; 15 janvier 2009, C-495/07, Silberquelle, point 17; 19 décembre 2012, C-149/11, Leno Merken, point 29.
[20] Dans l'affaire Ansul, la question portait sur l'interprétation de l'art. 12, 1., de la directive n° 89/104 sur les marques, correspondant à l'actuel art. 16, 1., de la directive n° 2015/2436.
[21] C.J.U.E., 19 décembre 2012, C-149/11, Leno Merken.
[22] A ce sujet, voy. E. Cornu, « L'arrêt “L'Oréal / Bellure » de la Cour de justice: la protection de la marque renommée, la conjonction entre le droit des marques et le droit de la publicité et la consécration des fonctions économiques de la marque », R.D.C., 2009, pp. 797 et s.
[23] Voy. à ce sujet Concl. Av. gén. Jabobs avant l'arrêt Hag II (C.J.U.E., C-10/89, conclusions présentées le 13 mars 1990, point 72): « On entend dire parfois que la fonction essentielle de la marque consiste à jouer le rôle d'une garantie d'origine, mais pas d'une garantie de qualité. Cela est exact dans la stricte mesure où le fabricant n'a pas l'obligation de garantir que toutes les marchandises vendues sous une marque donnée sont de la même qualité. Toutefois, (…) l'importance de la fonction de la marque en tant que garantie d'origine réside néanmoins dans le fait que la marque donne aux consommateurs une certaine idée de la qualité des produits marqués. Ce n'est pas la simple curiosité qui pousse le consommateur à s'intéresser à l'origine commerciale des marchandises; son intérêt est fondé sur l'idée que les marchandises ayant la même origine seront de même qualité. »
[24] On le voit, la C.J.U.E. laisse peu d'espoir au VBB puisqu'elle souligne également que « L'objet de cette association, ainsi exposé par le VBB devant la Cour, laisse entendre que cette association est externe à la fabrication des produits de ses licenciés et n'est pas non plus responsable pour ces produits. » (point 48).
[25] Acronyme de « European Union Intellectual Property Office » (en français: Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle. Toutefois, seul l'acronyme anglais est utilisé). Avant le 23 mars 2016, cet office était dénommé OHMI (pour « Office de l'harmonisation dans le marché intérieur de l'Union européenne »). Il est chargé, notamment, d'enregistrer les marques de l'Union européenne.
[26] Voy. à ce sujet: J. Belson, Certification and Collective Marks: Law and Practice, Elgar Publishing, 2017 et M. Repas et T. Kereste, « The Certification Mark as a New EU-Wide Industrial Property Right », IIC, 2018, p. 299. Voy. aussi le règlement d'exécution n° 2018/626 du 5 mars 2018 établissant les modalités d'application de certaines dispositions du règlement n° 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, et abrogeant le règlement d'exécution n° 2017/143, ainsi que les lignes directrices de l'EUIPO (www.pp.euipo.europa.eu/ohimportal/fr/trade-mark-guidelines).
[27] Selon M. Repas et T. Kereste, o.c., p. 300, c'était le cas en France (l'une des marques françaises de certification les plus connues est sans aucun doute la marque « Label rouge » certifiant la qualité supérieure de certaines denrées alimentaires et de produits agricoles non alimentaires et non transformés), en Suède et au Royaume-Uni. La nouvelle directive n° 2015/2436 sur les marques comprend, en ses art. 27 et s., des dispositions d'harmonisation relatives aux marques de garantie ou de certification (les Etats membres ont le choix entre ces deux dénominations alors que le règlement sur la marque de l'Union européenne retient uniquement l'expression « marque de certification ») mais si les Etats membres ont, comme précédemment, l'obligation de prévoir l'enregistrement de marques collectives, l'enregistrement de marque de garantie ou de certification ne constitue pour eux qu'une simple faculté. En dehors de l'Union européenne, il est possible d'obtenir l'enregistrement de marques de certification aux Etats-Unis, au Canada, en Australie (pensons à l'une des marques de certification les plus connues au monde: Woolmark, qui appartient à une association australienne d'éleveurs de moutons), en Nouvelle-Zélande, en Chine ou encore en Israël (M. Repas et T. Kereste, o.c.).
[28] Rappelons qu'une marque de l'Union européenne est une marque unitaire en ce sens qu'elle produit les mêmes effets dans l'ensemble de l'Union: « Elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l'objet d'une renonciation, d'une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit, que pour l'ensemble de l'Union. » (règlement n° 2017/1001, art. 1er, 2.).
[29] Selon l'art. 74 du règlement n° 2017/1001: « 1. Peuvent constituer des marques collectives de l'Union européenne les marques de l'Union européenne ainsi désignées lors du dépôt et propres à distinguer les produits ou les services des membres de l'association qui en est le titulaire de ceux d'autres entreprises. Peuvent déposer des marques collectives de l'Union européenne les associations de fabricants, de producteurs, de prestataires de services ou de commerçants, qui, aux termes de la législation qui leur est applicable, ont la capacité, en leur propre nom, d'être titulaires de droits et d'obligations de toute nature, de passer des contrats ou d'accomplir d'autres actes juridiques et d'ester en justice, de même que les personnes morales relevant du droit public. 2. Par dérogation à l'article 7, paragraphe 1, point c), peuvent constituer des marques collectives de l'Union européenne au sens du paragraphe 1 des signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner la provenance géographique des produits ou des services. »
[30] A. Braun et E. Cornu, Précis des marques, 5e éd., Larcier, 2009, p. 626, nos 540 et s., qui observaient déjà que: « De lege ferenda, il y aurait avantage à opérer une distinction entre la marque collective et la marque de certification, ainsi que l'a exprimé la résolution adoptée le 24 avril 1982 par le comité exécutif de l'AIPPI réuni à Moscou, sur la base de l'excellent rapport de synthèse de G. Gaultier ». Voy. aussi sur le droit Benelux: E. De Gryse, « Het collectief merk als label », Cah. jur., 1/2010, p. 1 et les réf. citées.
[31] Voy. le protocole du 11 décembre 2017 portant modification de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), en ce qui concerne la mise en oeuvre de la directive (UE) n° 2015/2436, Bull. Benelux, 2018/1 (consultable également sur le site de l'Organisation Benelux: www.benelux.int/fr/volet-juridique). S'il a été décidé par les Etats du Benelux, de manière générale, de ne pas reprendre dans la CBPI les dispositions simplement optionnelles de la directive n° 2015/2436, une exception à ce principe a été prévue en ce qui concerne les marques de certification. L'exposé des motifs du protocole précité justifie ainsi ce choix: « La définition actuelle des marques collectives au sein de la CBPI (art. 2.34) est en effet très large et comprend tant les marques collectives définies par la directive que les marques de certification. L'absence de mise en oeuvre limiterait dès lors les possibilités de protection. La mise en oeuvre de ce régime se rapproche autant que possible du régime analogue aux articles 83 à 92 du règlement sur la marque de l'Union européenne. » Une période transitoire est prévue, permettant au titulaire d'une marque collective, au sens du texte de la CBPI antérieur à la transposition de la directive, de préciser lequel des deux régimes (marque collective ou marque de certification) s'applique à sa marque. Il devra faire ce choix au plus tard au moment du renouvellement de l'enregistrement de sa marque et au plus tôt 3 mois après l'entrée en vigueur du protocole précité.
[32] Voy. en ce sens le considérant 27 du règlement n° 2015/2424 du 16 décembre 2015 modifiant le règlement n° 207/2009 sur la marque communautaire.
[33] Selon l'art. 27, sous a), de la directive n° 2015/2436, est une marque de garantie ou de certification, une marque ainsi désignée lors du dépôt de la demande et propre à distinguer les produits ou les services qui sont certifiés par le titulaire de la marque en ce qui concerne la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation de services, la qualité, la précision ou d'autres caractéristiques par rapport aux produits ou services qui ne sont pas certifiés de la sorte.
[34] Voy. le futur art. 2.35bis, 1., de la CBPI telle que celle-ci sera modifiée par ce protocole: « Une marque de certification est une marque ainsi désignée lors du dépôt de la demande et propre à distinguer les produits ou services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d'autres caractéristiques, à l'exception de la provenance géographique, sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou services qui ne bénéficient pas d'une telle certification. »
[35] www.boip.int/uploads/inline/Advies_TM_Package%2Bdef%2BFR.pdf.
[36] Règlement n° 510/2006 du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires.
[37] La taxe d'enregistrement d'une marque de certification de l'Union européenne s'élève à 1.500 EUR si la demande est déposée par voie électronique (elle s'élève à 840 EUR pour une marque individuelle).
[38] Voy., p. ex., le reportage sur les allégations « Made in Belgium », in Questions à la Une, RTBF, 17 septembre 2014.
[39] Art. 66 du règlement n° 207/2009 tel que modifié par le règlement n° 2015/2424 (devenu l'art. 74 du règlement n° 2017/1001, lequel comprend, in fine, un tableau de concordance avec le règlement n° 207/2009).
[40] Art. 74bis du règlement n° 207/2009 tel que modifié par le règlement n° 2015/2424 (devenu l'art. 83 du règlement n° 2017/1001, lequel comprend, in fine, un tableau de concordance avec le règlement n° 207/2009).
[41] Voy. la confirmation de cette jurisprudence, du moins en ce qui concerne la marque collective, par un arrêt prononcé sur pourvoi, dans une affaire Darjeeling: C.J.U.E., 20 septembre 2017, C-673/15 P à C-676/15 P, The Tea Board / EUIPO. La Cour y énonce qu'est erroné le postulat selon lequel la fonction essentielle des marques collectives de l'Union européenne serait différente de celle des marques individuelles de l'Union européenne. Dans les deux cas, la fonction essentielle de la marque est de garantir l'origine commerciale des produits ou services vendus sous cette marque. Dans le cas d'une marque collective, il s'agit de garantir l'origine commerciale collective de ces produits ou services (point 57).
[42] Elle semble moins contestable en ce qui concerne la marque collective mais cette question mérite réflexion et ne sera pas approfondie ici car elle ne concerne pas le cas de figure au coeur de la présente affaire et de la présente contribution.
[43] Règlement n° 2017/1001, art. 83, 2.: « Toute personne physique ou morale, y compris les institutions, autorités et organismes de droit public, peut déposer une marque de certification de l'Union européenne pourvu que cette personne n'exerce pas une activité ayant trait à la fourniture de produits ou de services du type certifié. » A ce sujet, voy. M. Repas et T. Kereste, o.c., p. 300: les deux caractéristiques qui distinguent la marque de certification de la marque individuelle et de la marque collective sont, d'une part, que la marque de certification ne peut être utilisée que conformément aux standards certifiés et, d'autre part, qu'elle doit être utilisée pour désigner les produits ou les services d'une ou de plusieurs personnes autres que le titulaire de la marque.
[44] A ce propos, voy. A. Kur, « Trade Marks Function, Don't They? CJEU Jurisprudence and Unfair Competition Principles », IIC, 2014, p. 434; M. Ilei, « Les fonctions de la marque dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne », in Liber Amicorum Vassilios Skouris, Bruylant, 2015, p. 243.
[45] The Tea Board / EUIPO, conclusions présentées le 31 mai 2017, C-673/15 P à C-676/15 P, note de bas de page 21.
[46] M.R. Barren, « Creating consumer confidence or confusion? The role of product certification marks in the market today », Marquette Intellect Prop. Law Rev., 2007, 11:413-442, lui-même citant l'ouvrage de référence en droit américain des marques J. Thomas McCarthy, McCarthy on trademarks and unfair competition, 2005, § 19:91.
[47] O.c., p. 301. Ces auteurs ne commentent toutefois pas l'arrêt annoté, auquel ils ne se réfèrent pas dans leur article.
[48] O.c., p. 302.
[49] « This is due to the differences in functions that both trade marks perform. The essential function of the ordinary mark is its distinguishing function. This means that it must be capable of distinguishing between the goods and services of one particular undertaking from those of other undertakings. This is not the case with certification mark since this type of mark must be capable of distinguishing between goods which are certified from those that are not. » (o.c., p. 305).
[50] Précis des marques, 5e éd., Larcier, 2009, p. 17, n° 19.
[51] Décision du 16 août 2011, R 87/2010 - 2, DVC Digital Video Calling / DVB Digital Video Broadcasting, point 26.
[52] Voy. le même regret, en droit allemand, et le puissant plaidoyer de K.-H. Fezer, « Rechtsnatur und Rechtssystematik der unionsrechtlichen Konzeption einer Gewährleistungsmarke », GRUR, 2017, p. 1191.
[53] C.J.U.E., 22 juin 1976, C-119/75, point 6.
[54] A. Kur, « Trade Marks Function, Don't They? CJEU Jurisprudence and Unfair Competition Principles », IIC, 2014, p. 434.