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La société à responsabilité limitée : au-delà de la suppression du capital, R.D.C.-T.B.H., 2018/9, p. 984-1012

La société à responsabilité limitée: au-delà de la suppression du capital

Didier Willermain [1]

TABLE DES MATIERES

I. Introduction

II. Constitution

III. Les titres et leur transfert A. Présentation générale

B. Forme des titres

C. Les actions et les droits y attachés

D. Emission de nouvelles actions

E. Transfert de titres

F. Cotation en bourse et offre publique de titres

IV. Gouvernance A. Administration 1. Principes

2. Statut des administrateurs

3. Fonctionnement (y compris les conflits d'intérêts)

4. Pouvoirs

5. Gestion journalière

B. Assemblée générale des actionnaires

V. Possibilité de démission et d'exclusion à charge du patrimoine social

VI. En guise de conclusion

RESUME
La suppression du capital est généralement perçue comme la principale nouveauté apportée par la réforme du droit des sociétés au régime de la SPRL. Si cet aspect de la réforme est sans conteste important, l'absence de capital dans les SRL n'est pas la seule innovation et n'est sans doute pas la plus importante. Elle est en effet contrebalancée par le maintien (voire le renforcement) de règles relatives à la protection du patrimoine social directement inspirées de celles applicables à la constitution et au maintien du capital dans les SA.
D'autres innovations tout aussi fondamentales sont introduites par le CSA pour faire de la SRL la « forme naturelle de société ». Elles constituent autant d'évolutions majeures sinon de révolutions au regard des principes traditionnels qui caractérisaient la SPRL. Relevons en particulier:
    • La « flexibilisation » du régime des titres par (i) la suppression du « numerus clausus », qui a pour conséquence qu'une SRL pourra émettre toute catégorie de titres (y compris des titres innommés) et plus uniquement des actions et des obligations, (ii) la modification du régime des restrictions au transfert de titres qui devient optionnel de sorte qu'une SRL pourra être une société très « ouverte » ou très « fermée » et que ses titres pourront être cotés et (iii) l'introduction des actions à droit de vote multiple (dans les SRL non cotées).
    • La reconnaissance des apports en industrie comme forme particulière d'apports en nature pouvant être rémunérés par des actions conférant le droit de vote (multiple le cas échéant).
    • En parallèle à la suppression du capital et à la libéralisation du régime de cession des actions, les règles relatives à l'émission de nouvelles actions sont modernisées (notamment par l'introduction d'une procédure analogue à celle du capital autorisé dans les SA) et renforcées dans un souci de protection des actionnaires.
    • La gouvernance de la SRL est clarifiée et modernisée, notamment en lui rendant applicable des règles qui étaient antérieurement réservées à la SA. Tel est le cas, par exemple, de la reconnaissance de la délégation journalière ou de la possibilité pour l'organe d'administration de distribuer un acompte sur dividendes.
    • Enfin, le régime de démission et d'exclusion à charge du patrimoine social - qui caractérise la société coopérative - devient possible dans la SRL si les statuts le prévoient.
    La présente contribution est consacrée à une première analyse de ces innovations.
    SAMENVATTING
    De afschaffing van het kapitaal wordt algemeen aanzien als de voornaamste nieuwigheid gebracht aan het regime van de BVBA door de hervorming van het vennootschapsrecht. Hoewel dit aspect van de hervorming ongetwijfeld van belang is, is de afwezigheid van kapitaal binnen de BV niet de enige innovatie en waarschijnlijk niet de belangrijkste. Het wordt immers gecompenseerd door de handhaving (of zelfs de versterking) van de regels inzake de bescherming van het maatschappelijk vermogen, rechtstreeks geïnspireerd door de regels die van toepassing zijn op de oprichting en op de handhaving van het kapitaal binnen de NV.
    Andere even fundamentele innovaties werden ingevoerd door het WVV om van de BV de “natuurlijke vorm” van vennootschappen te maken. Het zijn even zovele grote evoluties dan wel revoluties naar het licht van de traditionele principes die de BV karakteriseerden. In het bijzonder kan het volgende opgemerkt worden:
      • De “flexibilisering” van het regime van de effecten d.m.v. (i) de afschaffing van de “numerus clausus”, ten gevolge waarvan een BV eender welke categorie van effecten (met inbegrip van onbenoemde effecten) zal mogen uitgeven en niet meer alleen aandelen en obligaties, (ii) de wijziging van het regime van de beperkingen aan de overdracht van effecten dat optioneel wordt zodat een BV een zeer “open” of zeer “gesloten” vennootschap zal mogen zijn en haar effecten (beurs)genoteerd zullen mogen zijn en (iii) de invoering van de aandelen met meervoudig stemrecht (in de niet-genoteerde BV).
      • De erkenning van de inbreng in nijverheid als bijzondere vorm van inbreng in natura die mag worden betaald d.m.v. (desgevallend meervoudig) stemrechtverlenende aandelen.
      • Parallel aan de afschaffing van het kapitaal en aan de liberalisering van het regime van de aandelenoverdracht, worden de regels inzake de uitgifte van nieuwe aandelen gemoderniseerd (namelijk door de invoering van een procedure die vergelijkbaar is met die van het toegestane kapitaal in de NV) en versterkt met het oog op een betere bescherming van de aandeelhouders.
      • Het bestuur van de BV wordt verduidelijkt en gemoderniseerd, onder meer door regels op haar toepasselijk te maken die voorheen aan de NV voorbehouden waren. Dit is bijvoorbeeld het geval voor de erkenning van de volmacht voor het dagelijks bestuur of van de mogelijkheid voor het bestuursorgaan interimdividenden uit te keren.
      • Tenslotte wordt het regime van ontslag en uitsluiting ten laste van het maatschappelijk vermogen - dat de coöperatieve vennootschap karakteriseert - mogelijk in de BV indien de statuten het voorzien.
      Huidige bijdrage geeft een eerste analyse van deze innovaties.
      I. Introduction

      1.La nouvelle « forme naturelle » de société. Une réforme du droit des sociétés aussi ambitieuse que celle voulue par les auteurs du Code des sociétés et des associations (« CSA ») ne pouvait se réaliser pleinement dans le cadre de la société anonyme (« SA »). Cette forme sociale est en effet soumise aux directives européennes en matière de sociétés (désormais codifiées dans la directive relative à certains aspects du droit des sociétés du 14 juin 2017) et les contraintes résultant du droit européen ont été considérées comme laissant (trop) peu de marges de manoeuvre au législateur belge pour concevoir un droit des sociétés plus attractif et « compétitif » que celui des autres Etats membres.

      L'attention s'est dès lors tournée vers la société privée à responsabilité limitée (« SPRL »), qui, si elle s'est vue volontairement appliquée au fil du temps par le législateur belge les normes européennes, n'y est pas soumise en vertu des directives européennes. La SPRL est ainsi devenue la société à responsabilité limitée (SRL) perdant en français le « P » de privée, caractéristique sur laquelle la dénomination en néerlandais met pourtant l'accent (« besloten vennootschap ») [2]. Cette dernière dénomination renvoie à la « besloten vennootschap » de droit néerlandais (à laquelle les auteurs du projet se sont référés) mais, au-delà du principe d'une société « flexible », cette forme de société n'a pas servi de modèle au législateur belge et le droit néerlandais ne peut donc être utilisé comme source d'interprétation des dispositions du CSA relatives à la SRL [3].

      Dans le cadre de la refonte des formes de sociétés, la SRL a été conçue comme « la forme naturelle » pour tous ceux qui entendent constituer une société et bénéficier de la responsabilité limitée [4], et ce tant pour les petites que les grandes entreprises. La SA doit retrouver sa « particularité historique, à savoir rassembler suffisamment de capitaux pour développer une entreprise d'une certaine envergure, où l'identité des coactionnaires est d'un intérêt accessoire ». La SPRL est la forme sociale la plus utilisée mais, dans certaines situations, l'absence de libre cessibilité de ses titres et la rigidité de certaines règles prévues par le Code des sociétés (« C. soc. ») empêchent d'y avoir recours. La forme de la SA lui est alors préférée. L'objectif de faire de la SRL la « société de base » impliquait donc de modifier les règles de la SPRL pour les simplifier et y introduire davantage de flexibilité, conformément à un des grands axes de la réforme.

      2.Principales innovations par rapport à la SPRL. La simplification du régime de la SPRL passe, en premier lieu, par la suppression du capital et son remplacement par d'autres règles - inspirées de celles relatives à la constitution et au maintien du capital - protectrices des créanciers. La contribution du professeur Culot est consacrée à cet aspect de la réforme et nous n'y reviendrons pas ici de manière spécifique.

      Mais, si la suppression du capital est présentée comme la principale réforme de la SPRL, elle n'est pas la seule, loin s'en faut. Cinq autres grandes innovations - qui constituent autant d'évolutions majeures sinon de révolutions au regard des principes traditionnels qui caractérisaient la SPRL - peuvent être identifiées:

        • La « flexibilisation » du régime des titres par i) la suppression du « numerus clausus », qui a pour conséquence qu'une SRL pourra émettre toute catégorie de titres (y compris des titres innommés) et plus uniquement des actions ou des obligations; ii) la modification du régime des restrictions au transfert de titres qui devient optionnel de sorte qu'une SRL pourra être une société très « ouverte » ou très « fermée » et que les titres d'une SRL pourront être cotés et iii) l'introduction des actions à droit de vote multiple (dans les SRL non cotées).
        • La reconnaissance des apports en industrie comme forme particulière d'apports en nature pouvant être rémunérés par des actions conférant le droit de vote (multiple le cas échéant).
        • En parallèle à la suppression du capital et à la libéralisation du régime de cession des actions, les règles relatives à l'émission de nouvelles actions sont modernisées (notamment par l'introduction d'une procédure analogue à celle du capital autorisé dans les SA) et renforcées dans un souci de protection des actionnaires.
        • La gouvernance de la SRL est modernisée en lui rendant applicable des règles qui étaient antérieurement réservées à la SA. Tel est le cas, notamment, de la reconnaissance de la délégation journalière ou de la possibilité pour l'organe d'administration de distribuer un acompte sur dividendes.
        • Enfin, le régime de démission et d'exclusion à charge du patrimoine social - qui caractérise la société coopérative (SC) - devient possible dans la SRL (la forme de la SC étant désormais réservée aux sociétés dont le but est réellement coopératif).

        Afin d'éviter que cette « nouvelle liberté de choix » offerte aux fondateurs et actionnaires d'une SRL ne débouche sur des lacunes « lorsque les fondateurs oublient de régler certaines questions dans les statuts » et ne soit source d'insécurité juridique, le CSA « comporte généralement une réglementation supplétive claire qui s'appliquera lorsque rien d'autre n'a été prévu, de sorte que les entrepreneurs débutants se verront proposer un cadre légal s'ils estiment qu'il n'est pas utile d'élaborer (ou de faire élaborer) une disposition sur mesure ou s'ils ont perdu de vue l'un ou l'autre aspect de l'organisation de leur société » [5]. Par ailleurs, le texte indique généralement lorsqu'une disposition est supplétive (en précisant qu'elle s'applique « sauf disposition statutaire contraire ») ou impérative (en précisant qu'elle vaut « nonobstant toute disposition statutaire contraire »).

        3.Evolutions terminologiques traduisant un changement de la nature de la SRL. Rapprochement entre SRL et SA. Ces modifications s'accompagnent d'une évolution tout aussi radicale de la terminologie: il n'est désormais plus question d'associés et de gérants mais d'actionnaires et d'administrateurs, comme dans la SA. Les parts deviennent des actions.

        Cette évolution traduit l'idée que la SRL n'est plus (nécessairement) une société fermée (ou « hybride » [6]) dans laquelle l'intuitu personae domine mais peut également être une société « ouverte » (ou « de capitaux ») dans laquelle la personnalité des apporteurs de fonds est moins importante que les fonds qu'ils apportent. Elle reflète aussi l'idée que les titres émis par la SRL sont des valeurs mobilières [7] et que la SRL devient une société par actions.

        De manière générale, le régime de la SRL et celui de la SA se rapprochent en ce qui concerne tant les titres que la gouvernance et il en résulte une harmonisation du régime des sociétés par actions. Ce rapprochement est dû à l'extension à la SRL de règles antérieurement applicables uniquement à la SA (celle-ci jouant, comme par le passé, son rôle de « modèle » pour les autres formes de société) [8] et à l'harmonisation de certaines règles applicables à ces deux formes de sociétés. Il est dû également au fait que la SA connaît désormais un système de gestion à administrateur unique (art. 7:101 à 7:103 CSA) et au caractère désormais supplétif de la révocabilité ad nutum des administrateurs (art. 7:85, § 3 CSA), deux caractéristiques jusqu'ici propres à la SPRL (et à la société en commandite par actions).

        Trois différences essentielles subsistent néanmoins entre la SA et la SRL: 1° l'existence d'un capital minimum et les règles protectrices de ce capital dans la SA; 2° la possibilité désormais offerte à la SA de se doter d'un véritable système dualiste composé d'un conseil de surveillance et d'un conseil de direction (on peut d'ailleurs s'interroger sur le motif pour lequel cette possibilité n'a pas été étendue à la SRL) et 3° la possibilité d'introduire dans la SRL, par le biais d'une clause statutaire, un régime de démission et d'exclusion à charge du patrimoine social. On ajoutera également la possibilité pour les SRL d'émettre des actions en rémunération d'apports en industrie (infra, n° 9).

        4.Objet de la présente contribution. L'objet de la présente contribution est de procéder à une première analyse générale du régime de la SRL et des principales nouveautés qu'il comporte en comparaison avec la SPRL. Quatre thèmes seront plus particulièrement abordés: 1° la constitution de la société (infra, nos 6 à 9); 2° le régime des titres et de leur transfert (infra, nos 10 à 25); 3° la gouvernance (administration, gestion journalière et assemblée générale) (infra, nos 26 à 39) et 4° la faculté de démission ou d'exclusion à charge du patrimoine social (infra, nos 40 à 42).

        Conformément à la répartition des matières convenues avec le professeur Culot, nous n'aborderons pas spécifiquement la question de la suppression du capital et de ses conséquences, en ce compris le régime du patrimoine social et des distributions (Titre V du Livre 5 du CSA). Les dispositions du Livre 2 relatif « aux personnes morales régies par le présent code » (formalités de publicité, langue des actes, règles de délibération, nullité, responsabilité, règlement d'ordre intérieur, résolution des conflits, etc.) ne seront pas non plus spécifiquement analysées.

        5.Avertissement. Se lancer dans un des premiers commentaires [9] d'une loi nouvelle est un exercice périlleux. Il en est d'autant plus ainsi quand le texte est ambitieux, pour ne pas dire révolutionnaire sur certains aspects. Les innovations apportées par le CSA en ce qui concerne la SRL sont nombreuses et parfois radicales. Certaines questions ont déjà été identifiées, d'autres apparaîtront avec la pratique, d'autres enfin seront identifiées par la jurisprudence et la doctrine. L'exercice est d'autant plus délicat que, si les questions et les nouveautés ne manquent pas, les pages et le temps sont par contre comptés.

        Nous sommes dès lors conscients que tout ne sera pas écrit, que des questions resteront ouvertes, que d'autres ne seront pas abordées et que nous serons sans doute amenés à préciser, sinon à revoir, notre première opinion sur certains sujets. L'objectif est avant tout de donner aux lecteurs un premier aperçu général de la matière et de prendre la (juste) mesure des innovations introduites par le CSA.

        II. Constitution

        6.Généralisation de la possibilité de constituer une société par un fondateur unique. Une première modification fondamentale est apportée par le CSA en ce qui concerne la constitution des sociétés: toute société (sauf la SC, la société simple, la société en nom collectif et la société en commandite simple) peut désormais être constituée par un seul fondateur et une société n'est plus constituée par un contrat mais par un « acte juridique » (cf. art. 1:1 CSA) [10].

        Le principe s'applique naturellement à la SRL et n'est pas sans impact par rapport à ce qui était prévu par le Code des sociétés pour les SPRL. Certes, depuis l'introduction en 1987 de la SPRL unipersonnelle, l'exigence de deux associés à la constitution ne s'appliquait plus à la SPRL (art. 211 C. soc.). Mais les SPRL« -starters » ne pouvaient être constituées que par des personnes physiques (art. 211bis C. soc.) et le fondateur-personne morale d'une SPRLU ne bénéficiait pas de la responsabilité limitée (art. 213, § 2, C. soc.). Ces contraintes sont inapplicables à la SRL.

        7.Conditions de forme. D'un point de vue formel, les règles relatives à la constitution d'une SRL sont globalement les mêmes que celles applicables à la SPRL:

          • Un acte authentique demeure requis (art. 2:5, § 1er, al. 2 et art. 5:11 CSA) [11]. Compte tenu de la très grande flexibilité accordée par le CSA aux constituants d'une SRL et des nombreuses options qui en résultent pour ceux-ci, tant en ce qui concerne le régime des titres que la gouvernance, la rédaction des premiers statuts méritera une attention particulière. Il est cependant probable que, dans la grande majorité des cas, les statuts standards ou « par défaut » d'une SRL seront proches de ceux d'une SPRL (sous réserve des dispositions de l'acte relatives au capital).
          • Les éléments à mentionner dans l'acte constitutif sont maintenus mais adaptés aux modifications apportées par le CSA (art. 2:8, § 2 et art. 5:12 CSA). On relèvera que le montant des capitaux propres ne doit pas être mentionné dans les statuts. Par ailleurs, il est désormais expressément admis qu'une société peut avoir « à côté d'un objet lucratif classique, un objet désintéressé auquel elle affecte une partie de ses profits » [12] et la définition de la société, telle qu'amendée au cours des discussions en Commission [13], énonce expressément qu'« un de ses buts » est de distribuer ou de procurer à ses associés un avantage patrimonial direct ou indirect (art. 1:1 CSA). En conséquence, les statuts mentionnent « le cas échéant, la description précise du ou des buts qu'elle poursuit en plus du but de distribuer ou procurer à ses associés un avantage patrimonial direct ou indirect » (art. 2:8, § 2, CSA) [14].
          • Le CSA introduit à propos de la SRL la possibilité - déjà prévue pour les SA (art. 450 C. soc.) - de distinguer entre « fondateurs » (tenus aux garanties et responsabilités des art. 5:15 et 5:17 CSA) et « simples souscripteurs »: un ou plusieurs actionnaire(s) détenant (ensemble) au moins un tiers des actions peuvent être désignés par l'acte constitutif comme fondateur(s). Dans ce cas, « les autres comparants [à l'acte] qui se bornent à souscrire des actions contre un apport en numéraire, sans bénéficier, directement ou indirectement, d'un quelconque avantage particulier sont tenus pour de simples souscripteurs » [15].
          • L'obligation de rédiger un plan financier est maintenue et renforcée (art. 5:4, § 1er, CSA) [16]. Les fondateurs doivent justifier dans ce plan financier « le montant des capitaux propres de départ à la lumière de l'activité projetée de la société pendant une période d'au moins deux ans ». Le contenu minimum du plan financier est désormais fixé par le code (art. 5:4, § 2, CSA). L'assistance d'un expert externe (qui avait été imposée pour les « SPRL-Starters ») n'est pas obligatoire. Le plan financier est conservé par le notaire.

          8.Maintien de certaines règles de fond inspirées du régime du capital. Pour le surplus, si la SRL est une société « sans capital », diverses règles, inspirées du régime de la protection du capital dans la SA (et anciennement dans la SPRL), s'appliquent néanmoins à la constitution de la SRL:

            • La société ne doit évidemment pas avoir de capital minimum mais les fondateurs doivent veiller à ce qu'elle « dispose lors de sa constitution de capitaux propres qui, compte tenu des autres sources de financement [17], sont suffisants à la lumière de l'activité projetée » (art. 5:3 CSA), ce qui doit être établi par le plan financier. Selon l'exposé des motifs, cette exigence « confirme explicitement ce qui peut déjà être admis sur la base du devoir général de prudence »: « Celui qui participe à la constitution d'une société à responsabilité limitée commet une faute s'il est clair dès le début que la société ne disposera pas de moyens suffisants pour financer les activités prévues. » [18]. En cas de faillite dans les 3 ans, la responsabilité des fondateurs est susceptible d'être engagée si ces capitaux propres étaient « manifestement insuffisants » « pour assurer l'exercice normal de l'activité pendant une période de deux ans au moins » (art. 5:16, 2°, CSA). Le système est directement inspiré de celui applicable aux SPRL.
            • En dépit de la suppression du capital, le double contrôle des apports en nature est maintenu mais le contenu de ces rapports est adapté (art. 5:7 CSA) [19]. Les fondateurs doivent établir un rapport exposant la description de l'apport en nature, l'intérêt qu'il présente pour la société, son évaluation motivée et la rémunération attribuée en contrepartie de l'apport [20]. Un réviseur d'entreprise doit établir un rapport sur le rapport des fondateurs dans lequel il apprécie l'évaluation et les modes d'évaluation et indique « si les valeurs auxquelles conduisent ces modes d'évaluation correspondent au moins à la valeur de l'apport mentionné dans l'acte » ainsi que « la rémunération réelle attribuée en contrepartie de l'apport ». Nous renvoyons pour le surplus à la contribution du professeur Culot  [21].
            • Les actions émises doivent être intégralement et inconditionnellement souscrites (art. 5:5 CSA), la société ne pouvant souscrire, ni directement ni indirectement, à ses propres actions (art. 5:6 CSA).
            • Toute action doit être émise en contrepartie d'un apport (art. 5:40 CSA). Tout apport doit en principe être intégralement libéré à la constitution mais il est permis de déroger à cette règle dans l'acte constitutif (art. 5:8 CSA) [22]. Celui-ci peut donner à l'organe d'administration le pouvoir d'appeler les apports non libérés au fur et à mesure des besoins de la société. Le CSA n'impose aucune libération minimale à la constitution.
            • En cas d'apport en numéraire, l'exigence de dépôt des fonds à libérer lors de la passation de l'acte sur un compte spécial bloqué est maintenue (art. 5:9 CSA) [23]. Le délai à l'expiration duquel le montant déposé doit être remis à la disposition des déposants en cas de non constitution de la société est ramené de 2 mois à 15 jours [24].
            • Le contrôle des quasi-apports (art. 220 à 222 C. soc.) est en revanche supprimé, le législateur ayant estimé que: « Les règles relatives aux conflits d'intérêts en la matière offrent les garanties nécessaires. » [25].
            • La prohibition des pactes léonins (art. 228 C. soc. qui renvoie à l'art. 32) est maintenue mais assouplie (art. 5:14 CSA): seules les « vraies » clauses léonines attribuant la totalité des bénéfices à l'un des actionnaires ou excluant un ou plusieurs actionnaires de la participation aux bénéfices sont réputées non écrites.

            Dernière précision importante: dans la SRL, les apports peuvent en principe faire l'objet d'une distribution (par une décisioni de l'assemblée générale adoptée à la majorité simple et sans qu'il n'en résulte une modification des statuts) [26]. Corrélativement, en vertu du test dit de l'« actif net », aucune distribution ne peut être faite « si l'actif net de la société est négatif ou le deviendrait à la suite d'une telle distribution » (art. 5:142 CSA). Le montant de la distribution se détermine donc en fonction du montant de l'actif net (sans déduire de celui-ci le montant des « capitaux propres » repris au passif du bilan). Il est néanmoins possible de déroger à cette règle et de rendre les capitaux propres statutairement indisponibles. Nous renvoyons pour le surplus à l'exposé du professeur Culot.

            9.Apports en industrie. Le CSA introduit la possibilité, dans les SRL, de rémunérer des apports en industrie par des actions, tant lors de la constitution qu'en cours de vie sociale. L'apport en industrie « est l'engagement d'effectuer des travaux ou des prestations de services » (art. 1:8, § 2, CSA). Il porte sur un travail ou une prestation à exécuter dans le futur par l'apporteur, ce qui n'exclut pas que des services déjà rendus puissent faire l'objet d'un apport [27]. La notion de services doit s'entendre largement [28].

            Si les apports en industrie ont toujours été reconnus comme un des trois types d'apports possibles (à côté des apports en numéraire et des apports en nature) [29], la difficulté de les valoriser avait conduit le législateur à prévoir qu'ils ne contribuent pas à la constitution du capital et ne peuvent être rémunérés par des titres représentatifs de capital, que ce soit dans les SA (art. 443 C. soc.) ou, par extension, dans les SPRL (art. 218 C. soc.). Dans les SA, de tels apports peuvent cependant être rémunérés par des parts bénéficiaires [30], mais de telles parts sont interdites dans les SPRL.

            Le principe demeure le même dans les SA mais est modifié dans les SRL: désormais, les apports en industrie sont considérés comme une « forme d'apport en nature » (art. 1:8, § 2, CSA) [31] et sont soumis aux règles d'évaluation de tels apports (supra, n° 8). Ils peuvent être rémunérés par des actions et entrer dans la composition des capitaux propres. Le CSA permet ainsi de valoriser le « capital humain », notamment dans les start-ups [32], ce qui, avec la possibilité d'émettre des actions à droit de vote multiple (infra, n° 13), permettra d'organiser plus facilement que dans la SPRL et dans la SA les rapports entre les investisseurs (« bailleurs de fonds ») et les autres actionnaires, comme les promoteurs d'un projet. Des règles supplétives sont prévues en cas d'inexécution (fortuite ou fautive) par le débiteur d'un apport en industrie (art. 5:10 CSA) [33]. Nous renvoyons pour le surplus à la contribution du professeur Culot.

            III. Les titres et leur transfert
            A. Présentation générale

            10.Un nouveau paradigme. Catégorie de titres pouvant être émis par les SRL. Pour des raisons historiques, liées au caractère « fermé » de cette forme de société, le régime des titres de la SPRL se caractérise par une certaine rigidité. La SPRL ne peut émettre que des parts représentatives du capital (art. 232, al. 1er et art. 238 C. soc.) qui confèrent en principe des droits identiques et la cessibilité de ces parts fait l'objet de restrictions impératives (art. 249 à 252 C. soc.). La SPRL peut émettre des obligations mais pas des obligations convertibles, ni des droits de souscription (warrants), ni des parts bénéficiaires (art. 232, al. 2, C. soc.). La SPRL ne peut faire publiquement appel à l'épargne (art. 210 C. soc.).

            Faisant table rase du passé, le CSA modifie radicalement ce régime, conformément à l'objectif général de « flexibilisation poussée ». La réforme du régime des titres s'imposait pour faire de la SRL la « société de base » offrant un maximum de possibilités à ses fondateurs et actionnaires (supra, n° 1).

            Comme les SA, les SRL peuvent émettre « tous les titres qui ne sont pas interdits par la loi ou en vertu de celle-ci » (art. 5:18 CSA). Quatre catégories de titres sont expressément réglementées: les actions (art. 5:40 à 5:48 CSA), les certificats se rapportant aux actions (art. 5:49 CSA), les obligations (art. 5:50 à 5:52 CSA), y compris les obligations convertibles (art. 5:53 et 5:54 CSA) et les droits de souscription (art. 5:55 à 5:60 CSA). Le régime des obligations et celui des droits de souscription est largement inspiré de celui de la SA. La possibilité pour une SRL d'émettre des parts bénéficiaires a fait l'objet de discussions au cours des travaux préparatoires dont il résulte que la volonté a été de traiter comme des actions tout titre conférant des droits de vote ou un droit au bénéfice (infra, n° 12), ce qui exclut l'émission par une SRL de parts bénéficiaires [34].

            Autre nouveauté fondamentale: à l'instar de ce qui prévaut aux Pays-Bas et aux Etats-Unis, une très grande liberté est laissée aux statuts pour définir les droits attachés aux actions, y compris les droits de vote. L'égalité entre les titulaires d'actions n'est plus une règle impérative mais supplétive que les statuts peuvent aménager tant en ce qui concerne les droits de vote que les droits au bénéfice.

            Enfin, dernier changement tout aussi radical: comme sa nouvelle dénomination (en français) l'indique, la SRL n'est plus nécessairement une société « fermée », les statuts pouvant déroger aux restrictions à la libre cessibilité des actions prévues (par défaut) par le CSA (art. 5:63 CSA). Ses actions (et ses autres titres) peuvent être offerts publiquement et la société peut être cotée en bourse (infra, n° 25). Ces titres sont des valeurs mobilières (supra, n° 3). Les actions et les titres donnant accès au droit de vote d'une SRL peuvent faire l'objet d'une offre de reprise (art. 5:69 CSA).

            B. Forme des titres

            11.Titres nominatifs ou dématérialisés. Les actions sont en principe nominatives mais, si la société est cotée, elles peuvent être dématérialisées si la société est cotée en bourse. Les autres titres sont nominatifs ou dématérialisés si les statuts le permettent (art. 5:18 CSA). La réglementation des titres dématérialisés est calquée sur celle de la SA (art. 5:30 à 5:39 CSA).

            Un registre des titres nominatifs doit être prévu pour chaque catégorie de titres que la société a émis (art. 5:24 CSA). Se fondant sur une ancienne jurisprudence de la Cour de cassation [35], le CSA prévoit que le titre nominatif, qui est représenté en principe par une inscription dans le registre des titres nominatifs, « peut aussi être établi par la mention du nom de son titulaire dans l'acte d'émission » (art. 5:23 CSA) [36]. En outre, le CSA donne désormais expressément à chaque titulaire de titres le droit de consulter l'ensemble du registre relatif à la catégorie de titres qu'il détient sans que les statuts puissent limiter ce droit de consultation ou le subordonner à des conditions (art. 5:24 CSA). La possibilité pour une SRL de tenir un registre des actions électronique est désormais prévue (art. 5:24 CSA).

            Le contenu du registre des actions est actualisé et complété (art. 5:25 CSA). Il est désormais obligatoire d'y mentionner le nombre total des actions émises (le cas échéant par classe), les droits de vote, aux bénéfices et dans la liquidation attachés à chaque action ainsi que les restrictions statutaires (et, si une des parties le demande, conventionnelles) à la cessibilité des actions.

            C. Les actions et les droits y attachés

            12.Régime supplétif. La règle supplétive est simple: des droits identiques pour toutes les actions. Sauf disposition contraire des statuts, chaque action donne droit à une part égale du bénéfice et du solde de liquidation (art. 5:41 CSA) et dispose d'une voix (art. 5:42 CSA).

            Cette règle supplétive nouvelle ne correspond pas à la règle (impérative) applicable dans les SPRL selon laquelle: « Le capital se divise en parts égales. » (art. 238 C. soc.), chacune d'elle conférant « un droit égal dans la répartition des bénéfices et des produits de la liquidation » (art. 239 C. soc.). Elle n'implique en soi aucune égalité entre les actionnaires. Le capital ayant été supprimé et les actions d'une SRL pouvant être émises en contrepartie d'apports de valeurs différentes, il n'y a en effet plus de lien nécessaire entre la valeur de l'apport et les droits attachés à l'action [37]. Des actions émises en rémunération d'apports différents peuvent donc conférer des droits identiques [38].

            13.Liberté statutaire quasi-totale. Mesures d'information des actionnaires. Les statuts peuvent déroger à cette égalité apparente « de manière quasiment illimitée » et « sur tous les plans » [39]. Cette liberté, qui s'exerce à la constitution de la société ou en cours de vie sociale (infra, n° 16), connaît néanmoins trois limites (très relatives): 1° la société doit émettre au moins une action et au moins une action doit avoir le droit de vote (art. 5:40 CSA); 2° si des actions sans droit de vote sont possibles, toute action doit conférer des droits patrimoniaux [40] (étant précisé qu'une action peut conférer un droit au bénéfice ou un droit au solde de liquidation sans qu'elle doive nécessairement conférer cumulativement ces deux droits) [41]; 3° la prohibition des « vrais » pactes léonins qui implique que les clauses organisant la répartition des bénéfices entre les classes d'actions ne peuvent aboutir à attribuer « la totalité des bénéfices à l'un des actionnaires » ou à exclure « un ou plusieurs des actionnaires de la participation aux bénéfices » (art. 5:14 CSA) (supra, n° 8). En outre, comme on l'a déjà relevé ci-avant (supra, n° 10), seules les actions peuvent conférer un droit de vote.

            Sous ces réserves (et celle d'un éventuel abus), le principe est caveat emptor (« que l'acheteur soit vigilant »): « l'actionnaire doit décider s'il souscrit des actions au prix proposé et si en tant qu'actionnaire existant il approuve une émission des actions » [42]. Cette liberté permet aux SRL (non cotées) [43] d'émettre des actions à droit de vote multiple (sans limitation quant au multiple) [44], des actions sans droit de vote (qui ne sont désormais plus limitées en nombre et ne doivent plus nécessairement conférer un droit privilégié au dividende) [45], des actions à droit de vote conditionnel ou encore des actions conférant un dividende privilégié ou un droit privilégié en cas de liquidation (« exit preference » selon la terminologie en usage). Il est aussi permis de créer des actions conférant uniquement un droit au dividende ou au solde de liquidation. La SRL permet ainsi une dissociation complète entre détention du pouvoir et détention du capital.

            Pour « encadrer » cette liberté quasi-absolue, « les actionnaires doivent être clairement informés des droits attachés aux actions » [46]. Sans préjudice du droit commun, quatre mesures d'information sont prévues par le CSA. La première source d'information est évidemment les statuts qui doivent organiser les droits attachés aux titres [47]. Le registre des actionnaires - qui doit désormais mentionner les droits attachés aux actions et le nombre total d'actions émises par catégorie (supra, n° 11) - constitue une deuxième source d'information. En troisième lieu, en cas d'émission de nouvelles actions, l'organe d'administration est désormais tenu de justifier spécialement le prix d'émission des actions nouvelles et décrire « les conséquences de l'opération sur les droits patrimoniaux et les droits sociaux des actionnaires ». Si un commissaire a été nommé, il doit également rédiger un rapport dans lequel il évalue si les données financières et comptables contenues dans le rapport de l'organe d'administration « sont fidèles et suffisantes dans tous leurs aspects significatifs pour éclairer l'assemblée générale » (art. 5:121 CSA) (infra, n° 17). Cette obligation d'information est cependant destinée aux actionnaires existants (qui peuvent d'ailleurs y renoncer à l'unanimité) et non aux nouveaux investisseurs et aucune information similaire n'est prévue lors de la constitution de la société. Enfin, on rappellera que le contrôle de la consistance des apports en nature via un double rapport a été maintenu dans un souci notamment de protection des actionnaires existants (supra, n° 8).

            Le CSA opte ainsi pour l'application pleine et entière aux sociétés du principe de la liberté contractuelle. C'est en quelque sorte l'application de la « disclosure rule » [48] consacrée par le droit financier depuis 1930 mais l'information à fournir aux fondateurs et actionnaires est à vrai dire fort réduite si on la compare à ce que prévoit actuellement la réglementation financière.

            14.Réglementation des « classes d'actions ». Le CSA réglemente les « classes d'actions » dans les SRL et les modifications des droits y attachés, en reprenant une procédure inspirée de l'article 288 C. soc., qu'il élargit et précise fort opportunément sur divers points. On peut néanmoins anticiper que ces précisions ne régleront pas toutes les difficultés et en susciteront de nouvelles. Le mécanisme est le même que celui prévu dans les SA (cf. art. 7:60 et 7:155 CSA).

            La notion de « classe d'actions » [49] est définie simplement par rapport aux droits spécifiques attachés à une action ou à une série d'actions: « Lorsqu'il est attaché à une action ou à une série d'actions d'autres droits que ceux attachés à d'autres actions émises par la même société, chacune de ces séries constitue une classe à l'égard des autres séries d'actions. » (art. 5:48 CSA) [50]. Des actions avec droit de vote différent ou sans droit de vote constituent des classes distinctes [51], de même que des actions conférant un droit de vote privilégié. Si toutes les actions ont les mêmes droits, il n'y a en revanche pas de classe d'actions mais, comme on le verra ci-après, cela n'exclut pas nécessairement l'application de la procédure.

            Le CSA confirme ensuite que l'assemblée générale peut, nonobstant toute disposition statutaire contraire, (i) émettre de nouvelles classes d'actions, (ii) supprimer une ou plusieurs classes, (iii) unifier les droits attachés à une classe d'actions et ceux attachés à une autre classe et (iv) modifier, directement ou indirectement [52], les droits attachés à une classe (art. 5:102, al. 1er, CSA). En outre, « L'émission de nouvelles actions qui ne s'effectue pas proportionnellement au nombre d'actions émis dans chaque classe, constitue une modification des droits attachés à chacune des classes. » (art. 5:102, al. 1erin fine CSA). Ainsi, une émission d'actions dans une seule classe d'actions implique une modification des droits attachés aux classes d'actions [53]. Il en est de même de l'émission d'une nouvelle classe d'actions en tout cas en présence d'au moins deux classes d'actions préexistantes [54].

            Toutes ces décisions doivent faire l'objet d'une procédure d'information, plus lourde que celle prévue par l'article 288 C. soc. L'organe d'administration doit justifier, dans un rapport spécial, « les modifications proposées et leurs conséquences sur les droits des classes existantes ». En outre, « si des données financières et comptables sous-tendent également le rapport de l'organe d'administration », le commissaire ou, lorsqu'il n'y a pas de commissaire, un réviseur d'entreprises ou un expert-comptable externe désigné par l'organe d'administration, « évalue si ces données financières et comptables figurant dans le rapport de l'organe d'administration sont fidèles et suffisantes dans tous leurs aspects significatifs pour éclairer l'assemblée générale appelée à voter sur cette proposition ». Les deux rapports sont annoncés dans l'ordre du jour et mis à la disposition des titulaires d'actions (et d'éventuels autres titres). Aucune possibilité de renonciation à ces rapports n'est prévue.

            La seconde partie de la procédure vise la « modification des droits attachés à une ou plusieurs classes ». Il est prévu (i) qu'une telle modification « nécessite une modification des statuts » (ce qui est logique) et (ii) que la décision de modifier les statuts « doit être prise dans chaque classe dans le respect des conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts » (vote « par classe »). Chaque classe (même semble-t-il celles qui ne sont pas affectées par la modification) [55] dispose ainsi d'une sorte de droit de veto. L'assemblée générale ne peut déléguer à l'organe d'administration le pouvoir d'émettre une nouvelle classe d'actions (art. 5:136, 4°, CSA (infra, n° 21)) [56]. La liberté statuaire laissée aux actionnaires risque d'aboutir à une multiplication des classes d'actions et donc à des règles de majorité très complexes lors de chaque émission de nouvelles actions.

            15.Convention de vote et usufruit. Comme dans la SPRL, l'exercice du droit de vote (le cas échéant double ou multiple) attaché aux actions d'une SRL « peut faire l'objet de conventions » (art. 5:46 CSA). La réglementation de tels engagements de vote est clarifiée.

            En particulier, il n'est plus requis qu'elles soient justifiées par l'intérêt social « à tout moment » (comp. art. 281, § 1er, al. 2, C. soc.). La validité de la convention s'apprécie donc au moment de sa conclusion et il suffit en outre qu'elle « ne soit pas contraire à l'intérêt social, sans qu'elle doive promouvoir de manière active cet intérêt » (art. 5:56, § 1er[57]. En revanche, conformément au droit commun, le vote exprimé en assemblée générale en exécution d'une convention de vote devra lui toujours être conforme à l'intérêt social, sauf à admettre la nature « ambivalente » du droit de vote de l'actionnaire [58]. Les autres conditions de validité des conventions de vote demeurent inchangées. Elles doivent être « limitées dans le temps » [59] et l'actionnaire ne peut s'engager à voter conformément aux directives données par la société, ses filiales ou leurs organes ou à approuver les propositions émanant des organes de la société.

            Par ailleurs, en cas d'usufruit sur les actions (et les autres titres), le CSA opte pour la solution selon laquelle, sauf disposition contraire, c'est l'usufruitier qui exerce tous les droits attachés aux actions et autres titres (art. 5:22 CSA). Cette règle spécifique aux titres faisant l'objet d'un usufruit l'emporte sur celle, plus générale, de l'article 5:20 CSA en vertu de laquelle si plusieurs personnes ont des droits réels sur une même action, quelle que soit l'origine juridique de cette situation [60], la société peut suspendre l'exercice du droit de vote jusqu'à ce qu'une seule personne ait été désignée comme titulaire à son égard du droit de vote.

            D. Emission de nouvelles actions [61]

            16.Principes et principales innovations. Le capital ayant été supprimé, il n'est évidemment plus question d'augmentation de capital mais d'« apports supplémentaires et d'émissions de nouvelles actions » (Chapitre 1er du Titre 5 du Livre 5). Pour le même motif, il n'est plus non plus question de prime d'émission [62]. Les règles applicables à de telles opérations sont sensiblement renforcées, par rapport aux quelques dispositions consacrées par le Code des sociétés aux augmentations de capital dans les SPRL (art. 302 à 315 C. soc.).

            Le CSA comporte deux nouveautés majeures: d'une part, l'obligation, déjà mentionnée (supra, n° 13), pour l'organe d'administration de justifier, dans un rapport spécial, le prix d'émission (et pour le commissaire, s'il y en a un, d'évaluer, dans son propre rapport, les chiffres donnés par l'organe d'administration) (infra, n° 17); d'autre part, la possibilité pour l'assemblée générale de déléguer à l'organe d'administration le pouvoir d'émettre de nouvelles actions (équivalent du « capital autorisé » pour une société sans capital) (infra, n° 21).

            Pour le surplus, le dispositif actuel - en vertu duquel les actionnaires existants ont un droit de préférence en cas d'apport en numéraire - est modernisé et complété, sur la base notamment de règles déjà applicables aux SA (infra, n° 18). La possibilité de limiter ou de supprimer ce droit de préférence est introduite (infra, n° 19).

            17.Formalités communes à toute émission d'actions nouvelles. Justification du prix par l'organe d'administration. L'émission de nouvelles actions implique en principe une modification des statuts (et donc un acte authentique) [63] (art. 5:120, § 1er, CSA) qui, sauf émission décidée par l'organe d'administration (infra, n° 21), requiert une majorité des trois quarts des voix exprimées (et, lors de la première assemblée générale, un quorum de la moitié du nombre total des actions émises). En outre, si les droits attachés aux classes d'actions sont modifiés, la procédure particulière prévue par l'article 5:102 CSA devra être appliquée (supra, n° 14 et infra, n° 18). Enfin, il est expressément prévu que « Chaque action est émise en contrepartie d'un apport » (art. 5:40 CSA) au sens de l'article 1:8 CSA.

            Consacrant une pratique existante, le CSA prévoit que l'assemblée générale peut accepter des apports nouveaux sans émission d'actions nouvelles. Pareille décision ne comporte pas de modification des statuts (le montant des apports et des capitaux propres n'étant pas mentionné dans les statuts, à la différence du montant du capital) et se prend à la majorité simple des voix exprimées mais elle doit néanmoins être constatée par acte authentique (art. 5:120, § 2, CSA). Cette opération se traduit par une augmentation des capitaux propres et de la valeur des actions existantes sans modification des équilibres entre les actionnaires.

            De même que lors de la constitution (supra, n° 8), les actions nouvelles doivent être intégralement et inconditionnellement souscrites (art. 5:120, § 1er, CSA). Elles doivent être intégralement libérées à leur émission, sauf disposition contraire des statuts ou des conditions d'émission (art. 5:125 CSA). Seules les personnes qui répondent aux conditions légales ou statutaires pour devenir actionnaires peuvent souscrire à des actions nouvelles (art. 5:123 CSA).

            Comme évoqué ci-dessus (supra, nos 13 et 16), le CSA impose désormais à l'organe d'administration d'une SRL (de même qu'à celui d'une SA) d'établir un rapport « qui justifie spécialement le prix d'émission et décrit les conséquences de l'opération sur les droits patrimoniaux et les droits sociaux des actionnaires » (art. 5:121 CSA) [64]. En outre, si un commissaire a été désigné, celui-ci doit également rédiger « un rapport dans lequel il évalue si les données financières et comptables contenues dans le rapport de l'organe d'administration sont fidèles et suffisantes dans tous leurs aspects significatifs pour éclairer l'assemblée générale appelée à voter sur cette proposition » [65]. Si aucun commissaire n'a été nommé, ce second rapport n'est pas requis dans les SRL [66]. L'absence de ces rapports est sanctionnée par la nullité de la décision de l'assemblée générale (et, par analogie, de l'organe d'administration si c'est ce dernier qui procède à l'émission des actions). Pareille obligation de justifier le prix d'émission dans un rapport spécial n'existait pas dans les SPRL [67].

            Cette obligation de justifier le prix d'émission s'applique désormais à toute émission d'actions [68] contre des apports en numéraire ou en nature, qu'elle soit décidée par l'assemblée générale ou le conseil d'administration (cf. art. 5:137, § 1er, CSA (infra, n° 21)). Si les nouvelles actions sont émises sur décision de l'assemblée générale contre des apports en numéraire, l'assemblée à laquelle tous les actionnaires sont présents ou représentés peut y renoncer à l'unanimité [69]. Conformément aux principes généralement admis, il n'est pas interdit à l'assemblée générale de s'écarter du prix proposé par l'organe d'administration.

            18.Apport en numéraire - Droit de préférence. Comme c'est déjà le cas dans les SPRL (art. 309 C. soc.), les actions à souscrire en numéraire doivent être offertes par préférence aux actionnaires existants, proportionnellement au nombre d'actions qu'ils détiennent (art. 5:128 CSA). Le droit de préférence est désormais également applicable en cas d'émission d'obligations convertibles et de droits de souscription. Sa période d'exercice est de minimum 15 jours (art. 5:129, al. 1er, CSA).

            En présence de classes d'actions, il faut combiner les règles de l'article 5:128 CSA relatives au droit de préférence et celles de l'article 5:102 concernant la modification des droits attachés aux classes d'actions (supra, n° 14). Deux principes en résultent: 1° le droit de préférence s'exerce « par classe » et il « ne revient alors qu'aux titulaires d'actions de la classe à émettre » (art. 5:128 CSA) [70]; 2° l'émission de nouvelles actions qui ne s'effectuent pas « proportionnellement au nombre d'actions émis dans chaque classe constitue une modification des droits attachés à chacune des classes » (art. 5:102, al. 1er, CSA). Il en résulte qu'en cas d'émission d'actions d'une seule des classes existantes, les titulaires d'actions de la même classe que les actions émises ont seuls un droit de préférence et la procédure prévue par l'article 5:102 CSA est applicable.

            La combinaison de ces règles nous paraît pouvoir être illustrée comme il suit en présence de deux classes d'actions pour simplifier (A et B) [71]: i) si de nouvelles actions A sont émises, seules les titulaires d'actions A disposent d'un droit de préférence et il y a lieu d'appliquer l'article 5:102 CSA; ii) si des actions A et des actions B sont émises proportionnellement aux actions A et B existantes, tant les actionnaires A que les actionnaires B ont un droit de préférence et il ne faut pas appliquer l'article 5:102 CSA; iii) si une nouvelle classe d'actions C est créée, les actionnaires A et les actionnaires B ont un droit de préférence et l'article 5:102 CSA s'applique.

            19.Droit de préférence (suite) - Limitation, suppression et renonciation. Le CSA introduit la possibilité pour l'assemblée générale (et pour l'organe d'administration dans le cadre de la délégation de pouvoir d'émettre des actions nouvelles (infra, n° 21)) de limiter ou de supprimer le droit de préférence à l'occasion de l'émission d'actions nouvelles, d'obligations convertibles ou de droits de souscription, en s'inspirant de ce qui est prévu pour les SA (art. 595 à 599 C. soc.). Cette application à la SRL de règles jusque-là réservées à la SA se justifie par le fait que la SRL n'est plus désormais nécessairement une société « fermée ».

            Comme pour les SA, la décision de limiter ou de supprimer le droit de préférence doit être prise par l'assemblée générale (ou l'organe d'administration) « dans l'intérêt social », dans le respect des conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts (art. 5:130, § 3, CSA). L'organe d'administration doit justifier, dans le rapport spécial qu'il doit établir pour justifier du prix d'émission (supra, n° 17), « les raisons de la limitation ou de la suppression du droit de préférence » et indiquer « quelles en sont les conséquences sur les droits patrimoniaux et les droits sociaux des actionnaires ». Le commissaire (ou, à défaut de commissaire, un réviseur d'entreprise ou un expert-comptable externe) doit évaluer si les données financières et comptables contenues dans le rapport de l'organe d'administration « sont fidèles et suffisantes dans tous leurs aspects significatifs pour éclairer l'assemblée générale appelée à voter sur cette proposition ».

            Des règles plus strictes - similaires à celles applicables dans les SA - sont prévues lorsque le droit de préférence est limité ou supprimé en faveur d'une ou de plusieurs personnes déterminées qui ne sont pas membres du personnel (art. 5:131 CSA), cette notion étant désormais définie largement [72]. Dans ce cas, i) « l'identité du ou des bénéficiaires de la limitation ou de la suppression du droit de préférence doit être mentionnée dans le rapport établi par l'organe d'administration ainsi que dans la convocation »; ii) le rapport de l'organe d'administration doit justifier « en détail » « l'opération et le prix d'émission au regard de l'intérêt social, en tenant compte en particulier de la situation financière de la société, de l'identité des bénéficiaires et de la nature et l'ampleur de leur apport » et iii) le commissaire (ou, en l'absence de commissaire, un réviseur d'entreprise ou un expert-comptable externe désigné par l'organe d'administration) doit émettre « une évaluation circonstanciée de la justification du prix d'émission » [73]. Il ne peut être renoncé à ces rapports dont l'absence entraîne la nullité de la décision de l'assemblée.

            Autre innovation importante: si un des bénéficiaires de la suppression ou de la limitation du droit de préférence détient (seul ou avec des personnes liées, des personnes agissant de concert ou des personnes agissant pour son compte) des titres de la société auxquels sont attachés plus de 10% des droits de vote, « il ne peut participer au vote lors de l'assemblée générale qui se prononce sur l'opération » (art. 5:135, 2°). Voici donc une première application à l'assemblée générale de l'obligation d'abstention en cas de conflit d'intérêts. Elle ne réflète pas un principe général qui imposerait à un actionnaire en situation de conflit d'intérêt de s'abstenir.

            Enfin, consacrant une pratique existante largement répandue, le CSA confirme qu'il n'y a pas suppression ou limitation du droit de préférence lorsque chaque actionnaire renonce à son droit de préférence « lors de la décision de l'assemblée générale d'émettre des actions nouvelles » [74], et ce à condition que tous les actionnaires soient présents ou représentés [75] à cette assemblée (art. 5:130, § 2, CSA). Cette possibilité existe aussi lorsque la renonciation intervient en faveur d'une ou de plusieurs personnes déterminées.

            20.Apport en nature (renvoi). En cas d'émission de nouvelles actions en cours de vie sociale en rémunération d'apports en nature, une procédure d'information par l'organe d'administration et de contrôle par le commissaire (ou, en l'absence de commissaire, par un réviseur d'entreprise), similaire à ce qui est prévu au moment de la constitution (supra, n° 7), s'applique (art. 5:133 CSA qui reprend mutatis mutandis les dispositions relatives aux apports en nature lors de la constitution).

            Cette information et ce contrôle se font au travers des rapports qui doivent être émis par l'organe d'administration et le commissaire (ou le réviseur d'entreprise) pour justifier le prix d'émission des actions nouvelles (supra, n° 17). Il ne peut y être renoncé.

            21.Délégation à l'organe d'administration. Transposant aux SRL le système du capital autorisé consacré légalement depuis 1984 pour la SA (art. 603 et 607 C. soc. et art. 7:198 et 7:203 CSA) [76], le CSA introduit la possibilité pour les statuts de conférer à l'organe d'administration [77], lors de la constitution ou en cours de vie sociale, « le pouvoir d'émettre des actions nouvelles, des obligations convertibles ou des droits de souscription » (art. 5:134 CSA). Comme c'est le cas dans les SA, cette autorisation est valable pendant 5 ans mais peut être renouvelée par une décision prise selon les règles applicables à la modification des statuts, le cas échéant, en application de l'article 5:102 CSA (supra, n° 14). En outre, un rapport spécial (des fondateurs ou de l'organe d'administration) doit indiquer les circonstances particulières dans lesquelles ce pouvoir peut être exercé et les objectifs visés.

            Des conditions et limitations à l'usage de ce pouvoir sont prévues, comme pour les SA. Certaines émissions ne sont possibles que si l'autorisation le prévoit expressément (art. 5:135 CSA): 1° les émissions d'actions, d'obligations convertibles ou de droits de souscription avec limitation ou suppression du droit de préférence [78] et 2° les émissions d'actions, d'obligations convertibles ou de droits de souscription à l'occasion desquelles le droit de préférence des actionnaires est limité ou supprimé en faveur d'une ou de plusieurs personnes déterminées, autres que les membres du personnel [79]. Le pouvoir d'émettre des actions nouvelles ne peut pas être utilisé par l'organe d'administration (art. 5:136 CSA) pour: 1° l'émission de droits de souscription réservée à titre principal à une ou plusieurs personnes déterminées autres que des membres du personnel; 2° l'émission d'actions à droit de vote multiple ou de titres donnant droit à l'émission de (ou à la conversion) en actions à droit de vote multiple; 3° les émissions d'actions ou d'obligations convertibles à réaliser principalement par des apports en nature réservées exclusivement à un actionnaire de la société détenant (seuls ou avec des personnes liées, des personnes agissant de concert ou des personnes agissant pour son compte) des titres de cette société auxquelles sont attachés plus de 10% des droits de vote et 4° l'émission d'une nouvelle classe d'actions (supra, n° 14).

            En ce qui concerne la procédure à suivre par l'organe d'administration, le Livre 5 du CSA reproduit également très largement les dispositions applicables aux SA (art. 5:137 CSA): 1° les règles applicables aux émissions de titres par l'assemblée générale (supra, nos 16 à 20) s'appliquent; 2° l'émission des actions nouvelles et la modification des statuts qui en résultent sont constatées par un acte authentique reçu à la requête de l'organe d'administration soit immédiatement, soit, si les statuts le prévoient, à la fin de chaque exercice et 3° le conseil d'administration doit faire rapport de l'usage qu'il a fait du pouvoir d'émettre des titres lors de la première assemblée générale qui suit.

            E. Transfert de titres

            22.Nouvelle approche: libre cessibilité optionnelle des actions. Un des principaux obstacles à l'utilisation de la SPRL résidait dans les dispositions du Code des sociétés restreignant la cessibilité des parts (supra, n° 1): en vertu de ce code, une telle cession était soumise à l'agrément des associés sauf dans les cas prévus dans la loi ou les statuts, lesquels pouvaient renforcer mais pas assouplir les restrictions légales. La SPRL était ainsi conçue comme une société fermée, par opposition à la SA dont les actions sont librement cessibles mais dont la cessibilité peut être limitée par des clauses statutaires ou conventionnelles.

            Le CSA est fondé sur une autre approche: les statuts « peuvent régler librement la cessibilité des actions de la SRL » [80]. Le régime supplétif prévu par le CSA (art. 5:63), soumettant la cession à l'agrément des associés (infra, n° 23), ne s'applique que « Sauf disposition contraire des statuts », ces dispositions contraires pouvant soit renforcer les restrictions, soit les limiter ou les supprimer. Les actionnaires peuvent donc faire de la SRL une société « très fermée mais également très ouverte » [81].

            Les statuts pourraient ainsi non seulement prévoir que les actions sont librement cessibles, mais ils pourraient aussi soumettre les cessions d'actions à toutes sortes de restrictions que l'on trouve fréquemment dans les accords entre actionnaires dans les SA [82]: clause d'inaliénabilité, d'agrément (selon des modalités différentes de celles prévues par l'art. 5:83 CSA), droit de préemption, droit de suite, obligation de suite, etc. De telles restrictions à la cessibilité des actions peuvent également être prévues par des conventions (ou des engagements unilatéraux). Le régime de ces restrictions conventionnelles est simple (et n'est pas identique à celui prévu par l'art. 7:78 CSA applicable aux SA): elles « ne peuvent assouplir les conditions légales ou statutaires applicables » à la cessibilité des actions (art. 5:67 CSA) [83]. Une convention ne pourrait pas déroger au régime supplétif de la loi si celui-ci est applicable. Si une convention prévoit un régime plus strict que le régime statutaire ou légal, les deux régimes seront d'application cumulative entre les parties à la convention.

            Le Livre 5 du CSA ne prévoit pas de disposition, équivalente à l'article 7:78 applicable aux SA (art. 510 C. soc.), réglementant la validité des clauses statutaires d'inaliénabilité, de préemption et d'agrément. C'est donc au regard du droit commun que la validité de telles clauses devra être appréciée, comme c'était le cas dans la SA avant la réglementation de ces clauses par une loi de 1991 [84].

            23.Régime supplétif.- Recours en cas de refus d'agrément. Le régime qui s'applique à défaut de disposition statutaire contraire correspond au régime impératif dans la SPRL [85]: tout transfert d'actions [86] à titre particulier ou à titre universel, à titre onéreux ou à titre gratuit, entre vifs ou à cause de mort [87] « est soumis à l'agrément d'au moins la moitié des actionnaires possédant les trois quarts au moins des actions, déduction faite des actions dont la cession est proposée », sauf si les actions sont cédées ou transmises 1° à un actionnaire; 2° au conjoint du cédant ou 3° à des ascendants ou descendants du cédant en ligne directe (art. 5:63, 1er, CSA). Le CSA précise que l'agrément « doit être établi par écrit ». Il peut s'agir du « procès-verbal d'une assemblée générale » ou d'un autre « document signé par les actionnaires qui doivent donner leur autorisation ». Une « assemblée des actionnaires n'est donc pas nécessairement requise » [88].

            La procédure de recours en cas de refus d'agrément d'une cession entre vifs (art. 251 C. soc.) est maintenue mais simplifiée. Les « parties à la cession » [89] peuvent s'opposer au refus d'agrément devant le président du tribunal de l'entreprise « siégeant comme en référé » et, si le refus est jugé arbitraire, « le jugement vaudra agrément » « à moins que l'acheteur ne retire son offre dans un délai de deux mois suivant la signification du jugement » (art. 5:64 CSA) [90]. En cas de cession pour cause de mort, les héritiers et les légataires qui ne peuvent devenir actionnaires parce qu'ils n'ont pas été agréés ont droit à la valeur des actions transmises [91] à charge des actionnaires ou de la société « qui se sont opposés à la cession » (art. 5:65 CSA) [92].

            24.Autres nouveautés: renvoi au droit commun, cession d'actions non entièrement libérées et régime des sanctions. Le CSA apporte diverses autres précisions ou modifications au régime du transfert des titres dans les SRL.

            L'article 5:61 CSA précise que: « Le transfert de titres s'opère selon les règles du droit commun » (en particulier le droit commun des contrats et la règle selon laquelle le transfert de propriété s'opère solo consensu entre parties). Le CSA distingue classiquement [93] entre transfert de propriété entre parties et opposabilité de la cession à la société et aux tiers laquelle requiert, si les titres sont nominatifs [94], « une déclaration de transfert inscrite dans le registre relatif à ces titres, datée et signée par le cédant et le cessionnaire ou par leurs mandataires en cas de cession entre vifs, et par un membre de l'organe d'administration et les bénéficiaires ou par leurs mandataires en cas de transmission à cause de mort ». Comme dans la SPRL (art. 254 C. soc.), l'organe d'administration « peut reconnaître et inscrire un transfert dans le registre sur la base de pièces qui établissent l'accord du cédant et du cessionnaire » [95].

            D'autre part, le SCA met fin aux controverses actuelles relatives aux cessions de parts non entièrement libérées. Aucune disposition spécifique du Code des sociétés ne règlerait le sort de l'obligation de libération des parts dans une telle hypothèse, alors que cette situation était réglée pour les SA (art. 506 et 507 C. soc.), ce qui a donné lieu dans la jurisprudence et dans la doctrine aux solutions les plus diverses. Au niveau de l'obligation à la dette, le principe est désormais celui de la solidarité entre cédant et cessionnaire: « En cas de cession d'une action non libérée [96], le cédant et le cessionnaire [97] sont, nonobstant toute disposition contraire, tenus solidairement de la libération envers la société et les tiers. » Sur le plan de la contribution à la dette, le CSA prévoit que le cédant auquel la libération est demandée dispose, sauf convention contraire, d'un recours contre le cessionnaire pour ce qu'il a payé (art. 5:66 CSA) [98]. Le CSA s'écarte ainsi de la solution consacrée par la Cour de cassation [99].

            Enfin, le régime des sanctions du non-respect d'une restriction légale ou statutaire à la cessibilité des actions est aménagé [100]: une telle cession est inopposable à la société et aux tiers, et ce indépendamment de la bonne ou de la mauvaise foi du cessionnaire (art. 5:63, § 2, CSA) [101]. Un régime similaire est prévu en cas de non-respect des restrictions statutaires (ou résultant des conditions d'émission) des titres autres que des actions ou des titres y donnant accès (5:68, § 2, CSA).

            F. Cotation en bourse et offre publique de titres

            25.Renvoi aux SA. Les titres d'une SRL pouvant être rendus librement cessibles (infra, n° 22), une SRL « pourra désormais se financer à travers une émission publique de titres » [102]. Elle pourra également être cotée, au sens de l'article 1:11 du CSA, c'est-à-dire que ses actions (ou des certificats se rapportant à ses actions) pourront être admises à la négociation sur un marché réglementé. C'est là une autre révolution que comporte le CSA: l'article 210 du Code des sociétés interdisait en effet aux SPRL de faire publiquement appel à l'épargne. La cotation d'une SRL devrait cependant rester exceptionnelle [103] et nous n'aborderons donc que très brièvement cette question. Une SRL pourra également émettre publiquement des actions ou d'autres titres (sans cotation de ceux-ci) ou faire coter d'autres titres que des actions (des obligations, p. ex.). De telles opérations ne feront pas de la SRL une société cotée au sens du CSA.

            En cas de cotation d'une SRL, les dispositions applicables à la SA cotée sont rendues applicables « par analogie » à la SRL cotée [104]. Ce renvoi aux règles de la SA cotée est susceptible de soulever certaines difficultés. L'une d'entre elle est expressément réglée par le CSA en énonçant que, lorsqu'une disposition fait référence à une fraction ou à un pourcentage du capital, « cette disposition doit être lue comme une fraction ou un pourcentage du nombre d'actions émises » (art. 5:2, al. 2, CSA). De même, il est expressément prévu que si la SRL est cotée, « chaque action ne peut avoir qu'une voix » (art. 5:2 CSA) [105]. Le système du « double droit de vote » de fidélité (art. 7:53 CSA) est néanmoins applicable par analogie à une SRL cotée.

            Par contre, rien n'est prévu en ce qui concerne la gouvernance d'une SRL cotée. L'article 7:101 CSA - énonçant que, dans une SA cotée, « l'administrateur unique doit être une société anonyme (…) avec une administration collégiale » et que, dans ce cas, les dispositions relatives à l'administration moniste, « s'appliquent par analogie tant à son administrateur unique qu'à son organe d'administration et aux membres de celui-ci » - n'a pas été rendu applicable aux SRL cotées. Le système et la pratique antérieure paraissent cependant impliquer qu'une SRL cotée doit être administrée par un organe collégial (ou par une société anonyme disposant d'un conseil d'administration).

            IV. Gouvernance
            A. Administration
            1. Principes

            26.Trois modes d'administration: administration unique, administration plurielle individuelle ou administration collégiale. Le CSA ne modifie pas fondamentalement les principes en ce qui concerne le statut, les pouvoirs et le mode de fonctionnement de l'organe d'administration dans la SRL par rapport à ce que prévoyait le Code des sociétés pour les SPRL [106], sous réserve des règles en matière de conflit d'intérêts (infra, n° 32) et de la reconnaissance de la gestion journalière (infra, n° 36). Selon l'exposé des motifs: « Les articles relatifs à l'administration ont tout d'abord été réorganisés de manière logique et pour le reste essentiellement complétés. » [107].

            La SRL offre le choix entre un système d'administration unique ou plural: la SRL est administrée « par un ou plusieurs administrateurs, qui sont des personnes physiques ou morales » (art. 5:70, § 1er, al. 1er, CSA). Si plusieurs administrateurs sont nommés, chaque administrateur dispose d'un pouvoir de gestion individuel [108], sauf si les statuts prévoient qu'ils forment un « organe d'administration collégial » [109]. Trois systèmes de gouvernance sont donc possibles, comme c'est le cas dans les SPRL [110]: administration unique, administration plurale avec pouvoir individuel (système par défaut en cas d'administration plurale) ou administration collégiale.

            Le Livre 5 ne prévoit pas la possibilité pour les SRL d'opter pour un véritable système dualiste (conseil de direction et conseil de surveillance) comme celui désormais prévu pour les SA. Conformément au droit commun, l'organe d'administration pourrait néanmoins déléguer une partie de ses pouvoirs à un comité exécutif [111].

            2. Statut des administrateurs

            27.Nomination. Administrateurs non statutaires et statutaires. Faculté de cooptation. Le CSA maintient la distinction entre administrateurs « non statutaires » et « statutaires », en apportant certaines clarifications et précisions, ainsi que les possibilités d'aménager leur régime de révocation (infra, n° 29). Le CSA permet ainsi aux statuts d'organiser très librement la situation (notamment en ce qui concerne la « stabilité » de la gestion) en fonction des besoins propres de chaque société, ce que permettait déjà le Code des sociétés [112].

            Les administrateurs « non statutaires » sont nommés par l'assemblée générale (et, pour la première fois, dans l'acte constitutif) pour une durée déterminée ou indéterminée. Le CSA précise désormais que, sauf décision contraire des statuts ou si l'assemblée générale en décide autrement lors de la nomination, « le mandat d'un administrateur nommé pour une durée déterminée court de l'assemblée générale qui l'a nommé jusqu'à l'assemblée générale ordinaire ayant lieu dans l'année comptable durant laquelle son mandat prend fin selon la décision de nomination » (art. 5:70, § 2, CSA).

            Une possibilité de cooptation en cas de vacance d'un mandat d'administrateur dans un organe collégial, similaire à celle prévue dans la SA, a été introduite: dans ce cas, les administrateurs restants ont le droit de pourvoir provisoirement à la vacance jusqu'à la plus prochaine assemblée générale qui suit (art. 5:71 CSA) [113]. Si cette assemblée générale confirme le mandat de l'administrateur coopté, celui-ci termine le mandat de son prédécesseur, sauf si l'assemblée générale en décide autrement. A défaut de confirmation, le mandat de l'administrateur coopté prend fin après l'assemblée générale « sans que cela ne porte préjudice à la régularité de la composition de l'organe d'administration jusqu'à cette date ».

            Comme c'est le cas dans les SPRL (et désormais dans les SA avec administrateur unique: art. 7:101 CSA), les administrateurs peuvent aussi être nommés « dans les statuts » (art. 5:70, § 2, CSA) (gérants dits « statutaires » [114]). Les statuts pourraient désigner un ou plusieurs administrateurs pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée. Comme dans les SPRL, ils pourraient également prévoir un successeur ou un suppléant à un administrateur statutaire si sa fonction devait prendre fin (par suite de son décès p. ex.) [115].

            Les statuts pourraient aussi organiser des clauses dites de « présentation » ou de « représentation proportionnelle » permettant à certains actionnaires de présenter des candidats administrateurs (en particulier si les administrateurs forment un collège de gestion). De telles clauses sont fréquentes dans les SA où le droit de présentation est généralement attaché à une classe d'actions [116]. Elles étaient déjà admises dans les SPRL.

            28.Statut proprement dit: confirmation de certaines solutions traditionnelles. Le CSA confirme certaines solutions traditionnelles en ce qui concerne le statut proprement dit de l'administrateur. Les administrateurs peuvent être des personnes physiques ou morales. Ils sont toujours qualifiés de « mandataires » de la société et le CSA continue à viser le « mandat d'un administrateur » (cf. art. 5:70, § 2 et art. 2:50 CSA, p. ex.), en dépit des réserves qu'appelle selon nous cette qualification [117].

            D'autre part, il est expressément énoncé que « les administrateurs ne peuvent en cette qualité être liés par un contrat de travail ». La solution s'explique par le régime de responsabilité des travailleurs salariés et des administrateurs (même si le CSA comporte un certain rapprochement entre les deux régimes [118]) ainsi que par l'indépendance dont doivent faire preuve les administrateurs, qui ne sont pas dans les liens de subordination à l'égard de la société administrée [119]. Elle était déjà consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation en ce qui concerne les administrateurs de sociétés anonymes. Même si certaines hésitations apparaissent parfois, elles s'imposaient également, par analogie de motifs, aux gérants des SPRL [120]. En revanche, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, il est possible de cumuler les fonctions d'administrateur avec un contrat de travail si le contrat de travail a pour objet d'autres activités, de nature technique, commerciale ou administrative, et qu'un lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, existe entre l'administrateur et la société pour l'exercice de ces activités distinctes. A cet égard, l'exigence d'un lien de subordination nous paraît exclure qu'un administrateur unique prétende à la qualité de salarié, même si la société compte plusieurs associés.

            Enfin, le CSA confirme également le principe admis actuellement selon lequel, à moins que les statuts ou l'assemblée générale n'en décide autrement lors de leur nomination, « les administrateurs sont rémunérés pour l'exercice de leur mandat » (art. 5:72 CSA). La présomption de gratuité du mandat n'est en effet pas applicable aux administrateurs de sociétés. Cette rémunération et, plus généralement, les « conditions notamment financières auxquelles le mandat d'un membre de l'organe d'administration est octroyé et exercé, de même que les conditions dans lesquelles il est mis fin à ce mandat » sont fixées par l'assemblée générale (art. 2:50 CSA).

            29.Fin des fonctions. Révocation. Les règles relatives à la révocation des administrateurs sont quelque peu modifiées. Les administrateurs « non statutaires » sont en règle révocables par l'assemblée générale à tout moment « avec effet immédiat et sans motif » (art. 5:70, al. 2, CSA). Sauf disposition statutaire contraire, la décision de révocation se prend à la majorité simple (aucun quorum n'étant exigé).

            Comme dans le Code des sociétés, la révocabilité ad nutum est cependant supplétive et peut être exclue dans les statuts ou par la décision de nomination. Les statuts peuvent ainsi prévoir une majorité renforcée (voire l'unanimité) [121]. Si l'administrateur est aussi actionnaire et dispose d'un droit de véto statutaire sur les décisions de révocation (ou, s'il est un administrateur statutaire, sur la clause relative à l'administrateur statutaire), il pourrait s'opposer à sa propre révocation, sous réserve d'un éventuel abus de droit ou d'abus ou détournement de pouvoir, selon la nouvelle terminologie relative à la nullité des décisions sociales (art. 2:41 CSA). Les statuts (ou l'acte de nomination) pourraient également prévoir que les administrateurs ne sont révocables que pour de justes motifs (ou pour d'autres motifs), moyennant préavis ou indemnité.

            Les mêmes principes s'appliquent aux administrateurs statutaires dont le CSA ne prévoit plus qu'ils ne sont révocables que pour « motifs graves » (comp. art. 256 C. soc.) mais les modalités de la révocation sont différentes: un administrateur désigné dans les statuts ne peut être révoqué que par une modification des statuts (art. 5:70, § 3, al. 1er, CSA). Une majorité de 3/4 des voix est donc nécessaire [122]. Comme pour les administrateurs « non statutaires », les statuts pourraient renforcer cette majorité ou stipuler que les administrateurs ne sont révocables que pour de justes motifs (ou pour d'autres motifs), moyennant préavis ou indemnité.

            L'assemblée générale [123] peut « en tout hypothèse » mettre fin au mandat d'un administrateur pour de « justes motifs » sans indemnité ni préavis (art. 5:70, § 3, CSA) [124]. Un administrateur statutaire peut donc toujours être révoqué « pour de justes motifs » [125]. Le texte ne précise pas à quelle majorité l'assemblée doit se prononcer mais, selon l'exposé des motifs, il s'agit d'une majorité simple, ce qui s'écarte de la solution admise sous l'empire du Code des sociétés [126]. Le système paraît impliquer que les statuts ne pourraient prévoir une majorité renforcée [127]. Les statuts pourraient en revanche assouplir les conditions de révocation d'un administrateur statutaire [128]. La faculté de révocation pour « justes motifs » vaut également pour les administrateurs non statutaires [129].

            L'administrateur révoqué peut contester sa révocation en justice en agissant en annulation de la décision et, le cas échant, en référé en vue d'obtenir sa suspension. La solution est classique [130]. Si le juge n'accepte pas les justes motifs, « il lui appartient de décider s'il est opportun de maintenir l'administrateur dans ses fonctions ou de l'indemniser pour sa révocation » [131].

            Enfin, sauf disposition statutaire contraire, l'assemblée générale peut, « dans tous les cas », au moment de la révocation, « moduler sa décision » [132], par exemple en accordant un préavis ou une indemnité de départ. Comme déjà évoqué (supra, n° 27), les statuts (ou la décision de nomination) pourraient aussi prévoir qu'en cas de révocation, même sans motif, un préavis doit être respecté ou qu'une indemnité de départ est due à l'administrateur [133].

            30.Fin des fonctions (suite). Démission. La démission d'un administrateur est désormais expressément réglementée mais dans des termes qui peuvent prêter à discussion. Selon l'article 5:70, § 4, CSA, la démission requiert une « simple notification à l'organe d'administration » et l'exposé des motifs précise qu'elle ne doit pas être acceptée par la société. Il semble que cette disposition s'applique à « tout administrateur », même donc à l'administrateur individuel qui devra alors se notifier sa propre décision.

            La même disposition énonce que l'administrateur démissionnaire « reste en fonction jusqu'à ce que la société puisse raisonnablement pourvoir à son remplacement ». En apparence, le CSA consacre ainsi un principe classique, déjà reconnu par la Cour de cassation [134]. Il s'écarte néanmoins de la solution traditionnelle en précisant que l'administrateur doit rester en fonction « à la demande de la société » (ce qui peut soulever des difficultés si la démission émane d'un administrateur unique) et non parce que le maintien en fonction est objectivement requis pour assurer le bon fonctionnement de la société. Le CSA s'écarte également de la jurisprudence de la Cour de cassation en limitant la durée du maintien en fonction de l'administrateur démissionnaire au délai raisonnable pour qu'il puisse être pourvu à son remplacement [135].

            Cette obligation de rester en fonction n'est expressément prévue par le CSA qu'en cas de démission d'un administrateur mais elle vaut également dans l'hypothèse de la révocation [136] ou si ses fonctions prennent fin par l'échéance du terme [137].

            Enfin, il est désormais expressément prévu que l'administrateur démissionnaire « peut lui-même faire tout ce qui est nécessaire pour rendre la fin de son mandat opposable aux tiers » en procédant au dépôt et à la publication de sa démission (art. 5:70, § 4, CSA).

            3. Fonctionnement (y compris les conflits d'intérêts)

            31.Procès-verbal, présidence, droit de vote et décisions écrites. Quelques précisions sont apportées en ce qui concerne le fonctionnement de l'organe d'administration. Comme dans les SA, il est désormais prévu que: « Le procès-verbal des réunions d'un organe d'administration collégial est signé par le président et les administrateurs qui le souhaitent; les copies à délivrer aux tiers sont signées par un ou plusieurs administrateurs ayant le pouvoir de représentation. » (art. 5:75 CSA).

            Cette disposition confirme une pratique généralement suivie dans les statuts, tout en consacrant (implicitement) la nécessité de nommer un président d'un organe collégial dans les SRL. On relèvera cependant qu'à la différence de ce qui est prévu dans les SA (art. 7:85, § 1er, CSA), les dispositions relatives aux SRL ne mentionnent pas que le président (ou un autre membre de l'organe d'administration) dispose d'une voix prépondérante en cas de parité des voix. Il nous semble néanmoins qu'une disposition statutaire pourrait valablement le prévoir. Plus généralement, si le CSA autorise désormais les droits de vote multiples au niveau de l'assemblée générale des SRL (et des SA) non cotées (supra, n° 13), il ne prévoit pas la possibilité d'attribuer des droits de vote multiples aux administrateurs [138]. Les statuts peuvent, à notre avis, organiser l'octroi à certains administrateurs d'un droit de vote double [139].

            Le CSA supplée à une autre lacune du Code des sociétés - qui n'organise la possibilité de prendre des décisions par écrit dans les SPRL qu'au niveau de l'assemblée générale (art. 278 C. soc.) et non de l'organe d'administration alors que celui-ci peut être collégial - en prévoyant que « Les décisions d'un organe d'administration collégial peuvent être prises par consentement unanime de l'ensemble des membres, exprimé par écrit, à l'exception des décisions pour lesquelles les statuts excluent cette possibilité. » (art. 5:75 CSA). Comme dans les SA, les conditions du recours à la procédure écrite au niveau de l'organe d'administration sont allégées: il suffit que la décision soit prise par consentement unanime de tous les membres de l'organe d'administration. Une disposition statuaire n'est pas requise (mais les statuts peuvent en revanche exclure le recours à la procédure pour certaines décisions), pas plus que l'urgence ou la justification au regard de l'intérêt social.

            32.Conflits d'intérêts au sein de l'organe d'administration. Champ d'application inchangé mais obligation d'abstention. Le champ d'application ratio materiae de la procédure relative aux conflits d'intérêts n'est pas modifié.

            Comme c'était le cas en vertu du Code des sociétés (art. 259) [140], la procédure s'applique dès lors qu'un administrateur « a un intérêt direct ou indirect de nature patrimoniale qui est opposé à l'intérêt de la société » (art. 5:76 CSA) [141]. Seules les décisions relevant de la compétence de l'organe d'administration demeurent visées. Plus précisément, la procédure est désormais applicable « [l]orsque l'organe d'administration est appelé à prendre une décision ou à se prononcer sur une opération relevant de sa compétence » [142]. La procédure reste donc inapplicable si la décision finale relève de la compétence de l'assemblée générale des actionnaires [143] ou du délégué à la gestion journalière (sauf s'il est aussi administrateur) [144]. Les exceptions relatives aux « sociétés liées » et aux « opérations habituelles » sont également maintenues [145].

            La procédure comporte une importante modification: le CSA impose en effet désormais à l'administrateur l'obligation de s'abstenir de participer à la délibération et au vote concernant la décision à propos de laquelle il a un intérêt opposé, comme le faisaient les lois coordonnées sur les sociétés commerciales entre 1991 et 1995 pour les administrateurs en situation de « dualité d'intérêts » dans la SA. Sur ce point également, le régime de la SRL est aligné sur celui de la SA (art. 7:96, § 1er, dernier al. et art. 7:102 CSA).

            L'exposé des motifs ne s'explique pas véritablement sur les raisons de ce retour à l' « ancien système » ni sur sa généralisation à toutes les sociétés par actions (et aux associations sans but lucratif) alors que l'obligation d'abstention imposée ente 1991 et 1995 dans la SA avait soulevé des difficultés et des critiques, eu égard notamment aux risques de blocage et au manque de « représentativité » des administrateurs appelés à prendre la décision (l'obligation d'abstention pouvant conduire à un renversement de majorité au sein de l'organe d'administration). Le CSA règle (partiellement) le premier inconvénient en prévoyant un système de renvoi à l'assemblée générale mais pas le second.

            33.Conflits d'intérêts (suite). Procédure. Pour le surplus, la procédure est globalement inchangée. Trois hypothèses doivent être distinguées dans la SRL:

              • en présence d'un organe d'administration composé de plusieurs administrateurs disposant d'un pouvoir individuel de gestion, si un administrateur est en situation de conflit d'intérêts, « les autres administrateurs peuvent prendre la décision ou réaliser l'opération » (art. 5:76, § 1er, CSA). Il semble donc que la décision doive être prise collectivement par les autres administrateurs (en dépit du fait qu'ils disposent d'un pouvoir individuel) [146]. Si tous les administrateurs sont « conflictés », la décision est renvoyée à l'assemblée générale. Si celle-ci « approuve » la décision, l'organe d'administration peut l'exécuter [147];
              • en présence d'un organe d'administration collégial, la décision est prise ou l'opération accomplie par l'organe d'administration moyennant l'abstention de l'administrateur « conflicté », qui ne peut participer ni aux délibérations ni au vote (art. 5:76, § 2, CSA). Dans ce cas également, si tous les administrateurs ont un conflit d'intérêts, la décision ou l'opération est soumise à l'assemblée générale. Que se passe-t-il si en raison de l'abstention d'un administrateur, le quorum ne peut être atteint? Rien n'est prévu, mais la logique voudrait que la décision soit renvoyée à l'assemblée générale;
              • s'il n'y a qu'un administrateur et qu'il a un conflit d'intérêts, il soumet la décision ou l'opération à l'assemblée générale (art. 5:76, § 3, CSA). Si l'administrateur unique est également l'actionnaire unique, il peut prendre la décision ou accomplir l'opération lui-même (art. 5:76, § 4, CSA).

              34.Conflits d'intérêts (suite). Information et sanctions. Dans tous les cas, l'organe qui prend la décision (les autres administrateurs, l'assemblée générale ou l'administrateur unique qui est également l'actionnaire unique) est tenu à des obligations renforcées d'information et de motivation (art. 5:77 CSA).

              Sur le fond, le contenu de ces obligations n'est pas modifié mais il est désormais applicable dans les trois modèles d'administration. L'organe doit décrire, dans le procès-verbal ou, en cas d'administrateur unique, dans un rapport spécial, la « nature de la décision ou de l'opération » ainsi que les « conséquences patrimoniales de celle-ci pour la société » et justifier la décision qui a été prise. En outre, lorsque l'administrateur est aussi l'actionnaire unique, il inscrit également dans son rapport spécial les contrats conclus entre lui et la société. Cette « partie du procès-verbal » ou ce rapport spécial doit être repris dans le rapport de gestion ou « dans une pièce qui est déposée en même temps que les comptes annuels » (si la société n'est pas tenue d'établir un rapport de gestion). Lorsque la société a nommé un commissaire, le procès-verbal ou le rapport spécial lui est communiqué et le commissaire évalue, dans une section séparée de son rapport annuel, « les conséquences patrimoniales pour la société de la décision ».

              Le non-respect des règles en matière de conflits d'intérêts est susceptible d'une double sanction, comme par le passé. D'une part, la nullité de la décision ou de l'opération. Cette nullité peut être demandée par la société « si l'autre partie à ces décisions ou opérations avait ou devait avoir connaissance de cette violation » (art. 5:77, § 2) [148]. Littéralement, toute violation, fût-elle minime et purement formelle, de la procédure prévue par les articles 5:76 et 5:77 est susceptible d'entrainer la nullité de la décision ou de l'opération, même si la violation n'a eu aucune incidence sur celle-ci [149]. Le CSA introduit une nouveauté: l'action en nullité est désormais ouverte à toute « personne qui a un intérêt au respect de la règle de droit méconnue » (art. 2:44 CSA auquel renvoie l'art. 5:77 CSA) [150]. Les conditions auxquelles une telle action est subordonnée sont susceptibles de discussion [151]. D'autre part, les administrateurs sont en outre susceptibles de voir leur responsabilité engagée (art. 5:78 et 2:56 CSA).

              4. Pouvoirs

              35.Pouvoirs de gestion et de représentation inchangés mais nouveaux pouvoirs spécifiques. Le pouvoir général de gestion de l'organe d'administration demeure inchangé: il a le pouvoir d'accomplir « tous les actes nécessaires ou utiles à la réalisation de l'objet de la société », à l'exception de ceux que la loi ou les statuts réservent à l'assemblée générale (art. 5:73, § 1er, CSA). Comme indiqué ci-avant (supra, n° 26), si plusieurs administrateurs sont nommés, chacun dispose en principe individuellement de ce pouvoir, sauf si les statuts prévoient que ces administrateurs forment un organe d'administration collégial. En pareille hypothèse, dans l'ordre interne, les décisions doivent être prises collégialement par cet organe. Les restrictions statutaires aux pouvoirs de l'organe d'administration demeurent inopposables aux tiers (de bonne foi) [152].

              S'agissant du pouvoir de représentation, la situation est simple en cas d'administrateur unique ou de pluralités d'administrateurs disposant chacun d'un pouvoir individuel (situation par défaut: supra, n° 26). Dans ce cas, chaque administrateur représente la société à l'égard des tiers (art. 5:73, § 2, CSA). Si plusieurs administrateurs forment un organe d'administration collégial, « l'organe d'administration représente la société à l'égard des tiers » [153]. Il en résulte que l'instauration d'un organe d'administration collégial fait perdre aux administrateurs leur pouvoir individuel de représentation et cette perte du pouvoir individuel de représentation est opposable aux tiers [154]. Les statuts peuvent prévoir que « la société est représentée par un ou plusieurs administrateurs désignés à cet effet, ou par plusieurs administrateurs agissant conjointement » (clause dite de simple ou de double signature). Une telle clause est opposable aux tiers moyennant publication (cf. art. 2:18 CSA). Les restrictions apportées par les statuts au pouvoir de représentation ne sont pas opposables aux tiers [155].

              Par ailleurs, comme on le verra ci-après (supra, n° 37), le délégué à la gestion journalière dispose aussi d'un pouvoir de représentation dans les limites de ses compétences.

              Si le pouvoir général de l'organe d'administration n'est pas modifié, de nouveaux pouvoirs particuliers peuvent lui être octroyés en vertu d'une disposition statutaire. D'une part, comme on l'a déjà vu, les statuts peuvent octroyer à l'organe de gestion le pouvoir d'émettre de nouvelles actions (supra, n° 21). D'autre part, sur le modèle de ce qui est prévu dans les SA, les statuts peuvent également déléguer à l'organe d'administration le pouvoir de procéder à des distributions provenant « du bénéfice de l'exercice en cours ou du bénéfice de l'exercice précédent tant que les comptes annuels de cet exercice n'ont pas été approuvés, le cas échéant réduit de la perte reportée ou majoré du bénéfice reporté » (art. 5:141 CSA). Comme les distributions par l'assemblée générale, la distribution d'un tel dividende intérimaire est soumise au double test de l'actif net ou de solvabilité (art. 5:142 CSA) et de liquidité (art. 5:143 CSA). Nous renvoyons sur ce point à la contribution du professeur Culot.

              5. Gestion journalière

              36.Instauration d'un organe (facultatif) de gestion journalière. Pouvoirs. Répondant à un besoin de la pratique, le CSA instaure un organe (facultatif) de gestion journalière dans les SRL, sur le modèle de ce qui est prévu, de longue date, dans les SA [156]: « L'organe d'administration peut charger une ou plusieurs personnes, qui agissent chacune individuellement, conjointement ou collégialement de la gestion journalière de la société, ainsi que de la représentation de la société en ce qui concerne cette gestion. » (art. 5:79, al. 1 CSA). Le texte précise que « leur nomination, leur révocation et leurs pouvoirs sont déterminés par les statuts » [157] et que « l'organe d'administration qui a désigné l'organe de gestion journalière est chargé de la surveillance de celui-ci ». La gestion journalière peut ainsi être confiée soit à une personne, soit à plusieurs personnes. Dans ce dernier cas, les personnes nommées à la gestion journalière disposent soit du pouvoir d'agir individuellement (régime par défaut, selon nous), soit elles agissent conjointement (c.-à-d. ensemble), soit elles forment un collège.

              Sur le modèle également de ce qui est désormais prévu pour les SA, la gestion journalière dans les SRL est définie largement comme comprenant « aussi bien les actes et les décisions qui n'excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de la société que les actes et les décisions qui, soit en raison de leur intérêt mineur qu'ils représentent, soit en raison de leur caractère urgent, ne justifient pas l'intervention de l'organe d'administration » (art. 5:79, al. 2). Relèvent donc de la gestion journalière les actes et les décisions qui i) soit n'excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de la société, ii) soit représentent un intérêt mineur, iii) soit ont un caractère urgent, les critères de l'« intérêt mineur » et de l'« urgence » n'étant plus cumulatifs, contrairement à ce qu'exigeait la jurisprudence de la Cour de cassation [158]. Le délégué à la gestion journalière a également le pouvoir d'exécuter les décisions du conseil [159]. Il n'y a pas lieu de distinguer « selon la nature de l'acte ou de la décision » avec pour conséquence que « la décision de soumissionner à un marché public ou d'intenter une procédure d'annulation devant la Cour constitutionnelle ou le Conseil d'Etat peuvent relever de la gestion journalière » [160].

              Comme dans les SA, il est, en outre, possible de déterminer dans les statuts, un règlement d'ordre intérieur ou la décision désignant le délégué à la gestion journalière, ce que la société entend par cette notion et les pouvoirs du délégué [161]. De même, il est possible de compléter la gestion journalière par des mandats spéciaux.

              La disposition selon laquelle la gestion journalière est confiée à une ou plusieurs personne(s) agissant individuellement, conjointement ou collégialement est opposable aux tiers lorsqu'elle est publiée (cf. art. 2:18 CSA). Les restrictions apportées au pouvoir de représentation de l'organe chargé de la gestion journalière ne sont toutefois pas opposables aux tiers, même si elles sont publiées. La gestion journalière constitue une limitation légale aux pouvoirs de représentation du délégué et est dons, comme telle, opposable aux tiers qui peuvent s'en prévaloir.

              B. Assemblée générale des actionnaires

              37.Pas de modification fondamentale. Critère d'exercice des droits. Les dispositions relatives à l'assemblée générale des actionnaires s'inscrivent dans la continuité de celles applicables à la SPRL. C'est ainsi en particulier que l'assemblée générale a uniquement les pouvoirs que lui confère le CSA (art. 5:81 CSA) [162] et que la liste de ces pouvoirs n'est pas modifiée. Le CSA précise que ces pouvoirs peuvent être étendus statutairement, ce qui est déjà admis dans les SPRL. Une telle extension (et la limitation qu'elle implique des pouvoirs de l'organe d'administration) ne sont pas opposables aux tiers de bonne foi.

              Les délais et modalités de convocation demeurent également globalement inchangés (voy. néanmoins ce qui est mentionné infra, n° 38, iii) et iv)): l'assemblée est convoquée par l'organe d'administration ou, le cas échéant, le commissaire, les convocations contenant l'ordre du jour et les sujets à traiter doivent toujours être envoyées, par courrier ordinaire ou, le cas échéant par courrier électronique (cf. art. 2:31 CSA), au moins 15 jours avant l'assemblée générale (art. 5:83 CSA) [163].

              La suppression du capital social et l'introduction des actions à droits de vote multiple ont rendu nécessaire l'introduction d'un nouveau critère pour déterminer le seuil d'exercice de certains droits (comme p. ex. celui de demander la convocation d'une assemblée générale) ainsi que le calcul du quorum: sauf exception, c'est le critère du nombre d'actions émises et détenues qui a été retenu, quel que soit le nombre de droits de vote qui y sont attachés.

              38.Modernisation et clarification de certaines règles. Pour le surplus, les dispositions relatives à l'assemblée générale des actionnaires sont modernisées, clarifiées et complétées, en intégrant notamment certaines règles applicables à la SA. C'est ainsi en particulier que:

                • le principe selon lequel « [d]ans l'application du présent chapitre » - c'est-à-dire du chapitre 2 relatif à l'assemblée générale des actionnaires - « la société veille à assurer l'égalité de traitement de tous les actionnaires qui se trouvent dans une situation identique » est désormais expressément consacré à propos des SRL (alors que, dans le C. soc., il n'était énoncé qu'à propos de la SA). Selon nous, il n'en résulte pas un principe général d'égalité des actionnaires, ce que le texte confirme en limitant son application aux dispositions relatives à l'assemblée générale et aux actionnaires se trouvant dans une situation identique [164].
                • le seuil à partir duquel les actionnaires peuvent solliciter de l'organe d'administration ou du commissaire la convocation d'une assemblée générale a été abaissé de 20 à 10% du total des actions émises (art. 5:83, § 1er, CSA), comme dans les SA (art. 7:126 CSA). L'obligation de convoquer l'assemblée générale dans les 3 semaines reste impérative mais n'est plus sanctionnée pénalement;
                • les simples obligataires ne doivent plus être convoqués aux assemblées générales des actionnaires et n'ont plus le droit d'assister à cette assemblée générale (comp. art. 268, § 1er et 271 C. soc.). Ce droit est limité aux titulaires de titres qui donnent accès à des actions (obligations convertibles et droits de souscriptions) ou qui représentent des actions (certificats émis en collaboration avec la société) (art. 5:86 CSA), dont les porteurs doivent être convoqués (5:83, dernier al., CSA). Les membres de l'organe d'administration et, le cas échéant, le commissaire doivent également être convoqués, comme c'est déjà le cas actuellement;
                • les conventions sont adressées aux actionnaires, titulaires d'obligations convertibles, de droits de souscriptions et de certificats ainsi qu'aux membres de l'organe d'administration et, le cas échéant, au commissaire conformément à l'article 2:32 CSA, c'est-à-dire soit par courrier électronique à l'adresse électronique communiquée par le destinataire à la société, soit, à défaut d'une telle adresse électronique, par courrier ordinaire [165];
                • l'obligation de tenir une liste de présence pour chaque assemblée générale est maintenue (art. 5:90 CSA). Il est cependant précisé que cette liste ne peut être consultée par ceux qui ont assisté à l'assemblée générale que si les statuts le prévoient;
                • l'obligation pour les membres de l'organe d'administration et le commissaire de répondre aux questions des actionnaires est étendue aux questions des titulaires d'obligations convertibles, de droits de souscription et de certificats, et aménagée (art. 5:91 CSA) sur la base des règles applicables aux SA. Les conditions dans lesquelles les membres de l'organe d'administration peuvent refuser de répondre aux questions sont précisées: ils peuvent le faire « dans l'intérêt de la société » « lorsque la communication de certaines données ou de certains faits peut porter préjudice à la société ou qu'elle viole les engagements de confidentialité souscrits par eux ou par la société »;
                • la possibilité de prendre toutes les décisions relevant de la compétence de l'assemblée générale par écrit (à l'exception de celles devant être constatées par acte authentique) est maintenue (art. 5:85 CSA). Le texte précise désormais expressément que, dans ce cas, « les formalités de convocation ne doivent pas être remplies ».

                39.Assemblées générales extraordinaires. Comme déjà mentionné ci-avant (supra, n° 37), le quorum pour les assemblées générales extraordinaires se calcule en fonction du nombre d'actions (et non de droits de vote y attachés): lors d'une première assemblée générale appelée à délibérer sur une modification des statuts (art. 5:100 CSA), de l'objet de la société ou de ses buts [166] (art. 5:101 CSA), les actionnaires présents ou représentés doivent représenter « la moitié au moins du nombre total des actions émises ».

                La majorité des 3/4 (pour la modification des statuts et désormais également pour l'autorisation de rachat d'actions propres: art. 5:145, 1°, CSA) et de 4/5 (pour la modification de l'objet et des buts) se calcule par rapport aux voix exprimées. Le CSA précise désormais expressément qu'il n'est pas « tenu compte des abstentions dans le numérateur ou dans le dénominateur » [167]. En cas de modification des droits attachés à une ou plusieurs classes d'actions, un quorum de la moitié et une majorité de 3/4 des voix sont requis, dans chaque classe d'actions (art. 5:102 CSA) (voy. égal. supra, n° 14).

                Autre assouplissement qui facilitera la vie des sociétés et des praticiens: si, comme on vient de le voir, la modification de l'objet (et des buts) requiert toujours une majorité renforcée de 4/5 des voix ainsi qu'un rapport spécial de l'organe d'administration, une situation active et passive de la société et un rapport du commissaire sur cet état ne sont plus requis.

                Enfin, comme on l'a vu ci-avant (supra, n°19), une obligation d'abstention à l'assemblée générale a été introduite en cas de suppression ou de limitation du droit de préférence: en vertu de l'article 5:131, si un bénéficiaire de la suppression ou de la limitation du droit de préférence détient (seul ou avec des personnes liées, des personnes agissant de concert ou des personnes agissant pour son compte) des titres de la société auxquels sont attachés plus de 10% des droits de vote, « il ne peut participer au vote lors de l'assemblée générale qui se prononce sur l'opération ».

                V. Possibilité de démission et d'exclusion à charge du patrimoine social

                40.Principe. Dans le Code des sociétés, issu des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, seule la SC est dotée d'un capital variable permettant l'entrée (par l'admission) de nouveaux associés et la sortie (par la démission ou l'exclusion) d'associés existants sans modification du capital et des statuts. Cette variabilité du capital est traditionnellement une caractéristique propre des sociétés coopératives (que l'on retrouve également dans la SC européenne) qui trouve son origine dans les spécificités du mouvement coopératif. Le régime souple et flexible de la SC rend cette forme de société attrayante non seulement pour les sociétés du secteur coopératif traditionnel mais également pour d'autres secteurs, comme par exemple les professions libérales.

                Le CSA a fait choix de réserver la SC aux « vrais coopératives » qui ont, notamment, « pour but principal la satisfaction des besoins et/ou le développement des activités économiques et/ou sociales de ses actionnaires ou bien de tiers intéressés notamment par la conclusion d'accords avec ceux-ci en vue de la fourniture de biens ou de services ou de l'exécution de travaux dans le cadre de l'activité que la société coopérative exerce ou fait exercer » (art. 6:1 CSA). En parallèle, le régime de démission et d'exclusion à charge du patrimoine social devient possible dans la SRL, via une disposition statutaire (art. 5:154 et 5:155 CSA). Le régime des admissions de nouveaux actionnaires, tel qu'il fonctionne dans les SC, n'est pas introduit dans les SRL mais, selon l'exposé des motifs, l'entrée de nouveaux actionnaires y est « un peu plus simple via le capital autorisé » (sic) (supra, n° 21) « et la renonciation au droit de préférence » [168] (supra, n° 19).

                La SRL est ainsi conçue également comme la forme naturelle pour les sociétés professionnelles regroupant (notamment) des titulaires de profession libérale dans lesquelles l'intuitu personae est un élément essentiel pour les actionnaires qui souhaitent pouvoir démissionner ou exclure un des leurs à charge du patrimoine social sans recourir aux procédures judiciaires de retrait et d'exclusion.

                41.Faculté statutaire de démission. Le régime de la démission organisé par le CSA (art. 5:154) est inspiré de celui de la SC [169] et « reprend une grande partie de la flexibilité de l'actuelle SC, tout en veillant suffisamment aux intérêts des créanciers dans un environnement sans capital » [170]. Le CSA fixe les règles de base en précisant celles qui sont impératives et celles auxquelles il peut être dérogé. Les grands traits du régime de démission sont les suivants:

                  • la faculté de démissionner de la société doit être prévue par les statuts. La démission n'est donc pas de droit dans les SRL. Les modalités de la démission sont fixées dans les statuts dans le respect des dispositions légales impératives. La clause statutaire peut être prévue lors de la constitution de la société ou introduite en cours de vie sociale par une modification statutaire en appliquant, le cas échéant, les dispositions relatives à la modification des droits attachés aux classes d'actions (supra, n° 14). Il n'est pas requis que ce droit soit nécessairement ouvert à toutes les classes d'actions ni que les modalités de la démission soient les mêmes pour toutes les classes d'actions [171];
                  • pour les fondateurs, la démission n'est pas possible au cours des 3 premiers exercices qui suivent la constitution. Cette limitation - qui visait dans le projet de loi initial tous les actionnaires - a été justifiée, dans l'exposé des motifs, par le fait que « la responsabilité des fondateurs court en effet durant cette période » et qu'« il n'est pas opportun qu'un actionnaire quitte déjà de cette manière la société ». Le texte a été modifié au cours des débats parlementaires pour ne viser que les fondateurs [172]. Les statuts pourraient prévoir un délai plus long (mais pas plus court) ou rendre le délai applicable à tous les actionnaires;
                  • la démission n'est en principe possible que pendant les 6 premiers mois de l'exercice social, comme c'est le cas actuellement dans les SC mais cette règle devient supplétive;
                  • la démission est en principe totale: un actionnaire démissionne donc pour l'ensemble de ses actions sauf si les statuts en disposent autrement. La règle est donc supplétive et les statuts pourraient prévoir un système de retrait d'actions similaire à celui prévu par le Code des sociétés pour les SC (art. 367);
                  • sauf disposition statutaire contraire, la démission prend effet le dernier jour du sixième mois de l'exercice (ce qui correspond à la fin de la période pendant laquelle la démission est permise) et la valeur de la « part de retrait » doit être payée dans le mois qui suit cette prise d'effet. Plusieurs « fenêtres de retrait » pourraient être prévues par les statuts [173];
                  • la démission donne droit au paiement de « la part de retrait » pour les actions pour lesquelles l'actionnaire demande sa démission. Le montant de cette part est déterminé par les statuts. A défaut de disposition statutaire (dérogatoire), la valeur de la part de retrait est égale au montant de l'apport réellement libéré et non remboursé des actions concernées par le retrait sans que ce montant puisse être supérieur à la valeur d'actif net comptable de ces actions [174], tel qu'il ressort des derniers comptes annuels approuvés. Le paiement par la société de la part de retrait constitue une distribution soumise au test de l'actif net (art. 5:142 CSA) et de liquidité (art. 5:143 CSA). Le droit au paiement de la part de retrait est, le cas échéant, suspendu jusqu'au moment où il redevient possible de procéder à des distributions. Le paiement de la part de retrait, le cas échéant au pro rata, doit être effectué avant toute autre distribution. Aucun intérêt n'est dû sur le montant encore à payer.

                  Un système (facultatif) de « démission de plein droit », similaire a celui prévu pour les SC, a été introduit au cours des débats parlementaires [175]. Les statuts peuvent ainsi prévoir qu'en cas de décès, de faillite, de déconfiture, de liquidation ou d'interdiction d'un actionnaire, celui-ci est réputé démissionnaire de plein droit (art. 5:156 CSA). Ils peuvent également prévoir que l'actionnaire qui ne répond plus aux exigences statutaires pour devenir actionnaire est à ce moment réputé démissionnaire de plein droit.

                  L'organe d'administration fait rapport à l'assemblée générale des demandes de démission intervenues au cours de l'exercice précédent. Ce rapport contient au moins l'identité des actionnaires démissionnaires, le nombre et la classe d'actions pour lesquelles ils ont démissionné, le montant versé et les autres modalités éventuelles, le nombre de demandes rejetées et le motif du refus. L'organe d'administration met à jour le registre des actions en y mentionnant les démissions d'actionnaires, la date à laquelle elles sont intervenues ainsi que le montant versé aux actionnaires concernés (art. 5:154, § 2, CSA). Les démissions et les modifications statutaires qui en découlent sont établies, avant la fin de chaque exercice, par un acte authentique reçu à la demande de l'organe d'administration (art. 5:154, § 3, CSA)  [176].

                  42.Faculté statutaire d'exclusion. Le SCA permet également aux statuts de prévoir un régime statutaire d'exclusion des actionnaires dans la SRL (art. 5:155 CSA) inspiré de celui existant dans la SC (art. 370 C. soc. et art. 6:123 CSA). Comme pour la démission, une clause statutaire est requise mais les deux régimes ne sont pas liés: il serait donc possible de prévoir une faculté d'exclusion sans prévoir simultanément une faculté de démission (et vice-versa).

                  La procédure d'exclusion est encadrée par le CSA, les statuts pouvant déterminer les modalités d'application. L'exclusion peut être prononcée « pour justes motifs ou pour tout autre motif indiqué dans les statuts ». La proposition motivée d'exclusion doit être communiquée à l'actionnaire concerné par courrier recommandé ou par courrier électronique si l'actionnaire a fait choix de communiquer avec la société par courrier électronique (cf. art. 2:31 CSA). Seule l'assemblée générale est compétente pour prononcer une exclusion. L'actionnaire dont l'exclusion est demandée doit être invité à faire connaître ses observations par écrit à l'assemblée générale, dans le mois de la communication de la proposition d'exclusion. L'actionnaire doit être entendu à sa demande. Toute décision d'exclusion est motivée. Sauf disposition statutaire contraire, l'actionnaire exclu a droit à la valeur de sa part de retrait qui s'établit comme en cas de démission (supra, n° 41). Les actions de l'actionnaire exclu sont annulées.

                  L'organe d'administration communique dans les 15 jours à l'actionnaire concerné la décision motivée d'exclusion et inscrit l'exclusion dans le registre des actions. Il met à jour le registre des actions en mentionnant les exclusions d'actionnaires, la date à laquelle elles sont intervenues ainsi que le montant versé aux actionnaires concernés (art. 5:155, § 4, CSA). Les exclusions et les modifications statutaires qui en découlent sont établies, avant la fin de chaque exercice, par un acte authentique reçu à la demande de l'organe d'administration (art. 5:155, § 5, CSA).

                  VI. En guise de conclusion

                  43.Une (r)évolution au-delà de la suppression du capital. La suppression du capital est généralement présentée ou perçue comme la principale innovation apportée par la réforme du droit des sociétés au régime de la SPRL. Il ressort d'une analyse du Livre 5 du CSA que si cette innovation est sans conteste importante, elle n'est pas la seule nouveauté et, en définitive, elle n'est sans doute pas la plus importante. La suppression du capital est en effet contrebalancée par le maintien (voire le renforcement) de règles relatives à la protection du patrimoine social directement inspirées de celles applicables à la constitution et au maintien du capital: existence d'un patrimoine de départ suffisant, contrôle des apports en nature et nouvelles règles applicables aux distributions, en particulier.

                  La révolution est (aussi) ailleurs, notamment dans le régime des titres de la SRL (supra, nos 10 à 25). Elle est reflétée par la nouvelle terminologie utilisée par le CSA: les associés deviennent des actionnaires, les parts des actions et les gérants des administrateurs. Cette évolution terminologique traduit l'idée que la SRL n'est plus (nécessairement) une société fermée (ou « hybride ») dans laquelle l'intuitu personae domine mais peut également être une société « ouverte » (ou « de capitaux »). Elle implique un rapprochement entre le régime de la SRL et celui de la SA et une uniformisation du régime des sociétés par actions, en ce qui concerne le régime des titres et la gouvernance en particulier.

                  Conformément à la volonté de « flexibilisation poussée » qui constitue l'un des trois grands axes de la réforme de notre droit des sociétés, le CSA laisse une très grande liberté aux fondateurs et aux actionnaires des SRL, notamment en ce qui concerne les droits attachés aux actions. L'autonomie de la volonté et la liberté contractuelle (ou statutaire) retrouvent ainsi toute leur vigueur en droit des sociétés. On peut anticiper que, dans la majorité des cas, les fondateurs et actionnaires d'une SRL opteront pour des statuts simples, proches de ceux d'une SPRL (sous réserve bien évidemment de la suppression du capital). L'avenir dira si, dans les autres cas, les entrepreneurs et les praticiens du droit sauront faire bon usage de cette liberté nouvelle que leur laisse le CSA.

                  [1] Avocat au barreau de Bruxelles. Maître de conférences à l'Université Libre de Bruxelles.
                  [2] Le gouvernement a estimé que cette dénomination « reste adéquate dans la mesure où dans la grande majorité des cas, les SRL ne seront pas cotées » et, dans les quelques SRL cotées, « l'information des tiers sera assurée adéquatement par la réglementation relative à l'information à fournir par les sociétés cotées » (exposé des motifs, p. 126) (Doc. parl., Ch., n° 54-3119/1 - ci-après l'« exposé des motifs »).
                  [3] L'exposé des motifs cite la « besloten vennootschap » de droit néerlandais uniquement comme exemple de forme sociale développée aux Pays-Bas pour échapper aux contraintes du droit européen en soulignant qu'« Il en résulte une société très flexible qui est devenue particulièrement populaire » (exposé des motifs, o.c., p. 6). Les travaux préparatoires ne se réfèrent cependant pas à cette forme de société pour expliquer ou justifier les règles applicables à la SRL.
                  [4] O.c., p. 11.
                  [5] Exposé des motifs, o.c., p. 13.
                  [6] La distinction entre société « de personnes » et sociétés « de capitaux » est certes traditionnelle et a été qualifiée de « division essentielle » (J. Van Ryn, Principes de droit commercial, t. 1er, Bruxelles, Bruylant, 1954, p. 209, n° 304) mais, antérieurement au CSA, elle était imprécise et ne présentait guère d'utilité (T. Tilquin et V. Simonart, Traité des sociétés, t. 1 er, Kluwer, Belgique, 1996, p. 276, n° 343), si ce n'est l'explication de certaines règles comme le régime de la cessibilité des titres. Les SPRL ont toujours été difficiles à classer dans l'une ou l'autre de ces catégories et considérées comme des sociétés « d'une nature hybride » (J. Van Ryn, o.c.). Dans le CSA, la distinction entre sociétés de personnes et sociétés par actions est nette.
                  [7] Sur la question de savoir si les parts d'une SPRL pouvaient être qualifiées de valeurs mobilières au sens de la réglementation financière, voy. X. Dieux et D. Willermain, Offres publiques, Bruxelles, Bruylant, 2016, p. 83, n° 55, note 186.
                  [8] Voy. à cet égard X. Dieux, « De la société anonyme comme 'modèle' et de la société cotée comme 'prototype' », in Droit, morale et marché, Larcier, 2013, p. 275.
                  [9] Preuve de l'importance de la réforme, de très nombreux colloques et séminaires ont déjà été consacrés au CSA avant même son adoption mais la plupart n'ont pas fait l'objet de rapports écrits. Sur la SRL, on relèvera néanmoins les contributions suivantes: P. De Wolf, « La suppression du capital dans la SRL et la protection des tiers dans le projet de Code des sociétés et des associations », in Le nouveau Code des sociétés et des associations, Séminaire Vanham & Vanham, 26 avril 2018; R. Aydogdu, « La nouvelle société à responsabilité limitée: gouvernance et droits des actionnaires plus flexibles », in Le nouveau Code des sociétés et des associations, Séminaire Vanham & Vanham, 26 avril 2018; D. Bruloot et H. Culot, « De kapitaalloze BV - La SRL sans capital », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, Larcier, 2018, p. 93; H. De Wulf, « Uitgifte en overdracht van aandelen bij BV en NV », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, p. 183; R. Aydogdu et L. Nickels, « La société à responsabilité limitée et les autres formes de sociétés », in Le Code des sociétés et des associations, Introduction à la réforme du droit des sociétés, C.U.P., vol. 186, Limal, Anthemis, 2018, p. 64; voy. égal.: P.-A. Foriers et M. Wyckaert, « Le projet de Code des sociétés et des associations: nouveautés en matière de gouvernance dans les sociétés et les associations - Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen: wat verandert in de 'governance' van vennootschappen en verenigingen? », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, p. 119.
                  [10] Le CSA ne fait donc plus référence au caractère « contractuel » de la société (comp. art. 1er C. soc.). L'exposé des motifs indique à cet égard que le Code se veut « pragmatique » et que ses auteurs n'ont pas pris parti « sur un débat doctrinal largement théorique relatif au caractère contractuel ou institutionnel des sociétés », en précisant que « Ceci n'exclut évidemment pas que le droit commun des obligations contractuelles, qui dépasse d'ailleurs le simple droit des contrats, continue à jouer son rôle notamment en cas de lacune de la loi » (exposé des motifs, o.c., p. 24).
                  [11] Une proposition visant à permettre la constitution d'une SRL (et d'une SA) par un acte d'avocat a récemment été élaborée par « avocats.be » (voy.: R. Aydogdu, « L'amendement: la constitution de sociétés et la modification de statuts par acte d'avocat », T.R.V.-R.P.S., 2018, p. 600).
                  [12] Exposé des motifs, o.c., p. 9.
                  [13] Amendement n° 331, Doc. parl., Ch., n° 54-3119/8, p. 190.
                  [14] Faut-il déduire du texte qu'une disposition statutaire est nécessairement requise pour permettre à une société et à ses dirigeants de poursuivre un ou des buts autres que la distribution d'un avantage patrimonial aux associés? La nouvelle définition de la société ne le requiert pas. La justification de l'amendement à l'origine du texte ne va pas non plus en ce sens. Selon son auteur, « l'inscription des buts potentiellement multiples dans les statuts de la société donne une protection légale aux directeurs [sic] qui considèrent des intérêts non-financiers dans leurs décisions » (Doc. parl., Ch., n° 54-3119/8, p. 192).
                  [15] Sur les conditions d'application de cette disposition (et notamment celles liées à l'absence d'« avantage particulier »), voy. O. Caprasse, « La responsabilité des fondateurs en cas de capital insuffisant », in La constitution de sociétés et la phase de démarrage d'entreprises, Bruxelles, la Charte, 2003, p. 579, nos  9 et s.; J.-F. Goffin, Responsabilités des dirigeants de sociétés, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 32, n° 19.
                  [16] Sur les raisons de ce renforcement et les objectifs du plan financier, voy. exposé de motifs, o.c., p. 128. On relèvera que le renforcement de l'obligation d'établir un plan financier n'est pas lié à la suppression du capital puisqu'il est également prévu pour la SA (art. 7:3, § 2, CSA).
                  [17] Cette précision est nouvelle mais il était déjà admis, dans le système du C. soc., que la suffisance du capital pouvait s'apprécier en tenant compte d'autres sources de financement (D. Willermain, « Le maintien du capital social: principes et évolutions récentes (apports en nature, rachat d'actions propres et assistance financière) », in 10 ans d'entrée en vigueur du Code des sociétés, Bruxelles, Kluwer, 2011, p. 266, n° 5, note 5). Il peut s'agir notamment d'emprunts subordonnés ou de prêts d'actionnaires. Ces autres sources de financement doivent être mentionnées dans le plan financier (art. 5:3, § 2, 2°, CSA).
                  [18] Exposé des motifs, o.c., p. 128.
                  [19] Le maintien d'un système de contrôle des apports en nature a été critiqué par le Conseil d'Etat dans son premier avis n° 61.988/2 du 9 octobre 2017 (Doc. parl., Ch., 3119/02 (ci-après le « Premier Avis CE »), p. 57). En réponse à ces critiques, l'exposé des motifs (p. 130) indique que: « Bien que le capital soit supprimé, il reste important pour les actionnaires, en particulier les actionnaires minoritaires, que les éléments patrimoniaux apportés, qui constituent le patrimoine de la société, soient correctement évalués. En outre, le contrôle de cette évaluation est utile pour la détermination du montant des capitaux propres suffisants visés à l'article 5:3. Enfin, le contrôle contribue à assurer l'image fidèle des comptes annuels. » La suggestion formulée par le Conseil d'Etat de permettre aux fondateurs de renoncer à l'unanimité à ces rapports n'a donc pas été retenue.
                  [20] Les fondateurs devront également mentionner dans leur rapport les raisons pour lesquelles ils s'écartent, le cas échéant, des conclusions du rapport du réviseur. Comme c'est le cas actuellement, les deux rapports seront donc élaborés en parallèle, même si le texte de l'art. 5:7 CSA inverse l'ordre des rapports (le rapport des fondateurs étant mentionné en premier lieu).
                  [21] Voy. également: D. Bruloot et H. Culot, « De kapitaalloze BV - La SRL sans capital », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, p. 100, nos 14 et s.
                  [22] Rien n'est prévu si la société est déclarée en faillite avant la date prévue par l'acte constitutif pour la libération d'un apport mais il est admis que les clauses statutaires fixant les dates de libération des apports sont opposables au curateur (H. Culot, « La libération du capital: examen de quelques difficultés pratiques », in Droit des affaires et sociétés. Actualités et nouveaux enjeux, Limal, Anthemis, 2013, p. 113).
                  [23] Dès lors qu'aucune libération minimale n'est requise à la constitution (supra, n° 8), il devient aisé d'éviter le recours au compte spécial en prévoyant dans l'acte constitutif que les apports en numéraires ne doivent être libérés qu'après la constitution.
                  [24] En outre, il est désormais prévu qu'une « preuve » (et non une « attestation ») de ce dépôt doit être remise au notaire instrumentant, ce qui semble laisser un peu plus de marge d'appréciation au notaire.
                  [25] Exposé des motifs, o.c., p. 131.
                  [26] Voy. néanmoins le régime transitoire prévu pour les SPRL existantes par l'art. 39, § 2, de la loi introduisant le CSA qui énonce que, à compter du 1er janvier 2020, la partie libérée du capital et la réserve légale des SPRL seront converties de plein droit « en un compte de capitaux propres statutairement indisponibles ».
                  [27] L'exposé des motifs le confirme en citant comme exemple d'apport en nature l'apport de « services rendus » (p. 32). Cette analyse est conforme à celle de la doctrine majoritaire (voy. T. Tilquin et V. Simonart, o.c., Traité des sociétés, t. Ier, p. 379, n° 506 et réf. cit.). Les apports de services rendus ont parfois été considérés comme des apports en nature mais cette assimilation est critiquable (J. Van Ryn, o.c., Principes de droit commercial, n° 331, p. 232).
                  [28] Il peut s'agir, p. ex., de recherches, de démarches, d'un travail manuel ou intellectuel (D. Van Gerven, Handboek Vennootschappen. Algemeen deel, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 139, n° 79).
                  [29] Sur la notion d'apport en industrie et son régime, voy. T. Tilquin et V. Simonart, o.c., Traité des sociétés, t. Ier, p. 376, nos 503 et s.; D. Van Gerven, o.c., Handboek Vennootschappen. Algemeen deel, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 139, n° 79.
                  [30] Voy. not. sur cette possibilité: D. Willermain, « Commentaire de l'article 483 du Code des sociétés (parts bénéficiaires) », Commentaire systématique du Code des sociétés, Bruxelles, Kluwer, 2012, n° 4.
                  [31] Le Conseil d'Etat a suggéré de définir l'apport en industrie comme « l'engagement d'effectuer des travaux ou des prestations de services » et de ne pas en faire une sous-catégorie d'apport en nature (Premier Avis CE, p. 31) mais cette suggestion, pourtant conforme à la doctrine traditionnelle qui distingue les apports en industrie des apports en nature (voy. réf. cit. à la note 29), n'a pas été retenue.
                  [32] Sur la notion de « capital humain » et ses techniques de valorisation dans les start-ups, voy. X. Dieux et D. Willermain, « Questions spéciales concernant la restructuration du capital de la société anonyme », in Liber Amicorum François Glansdorff et Pierrre Legros, Bruylant, 2013, p. 127, n° 21; X. Dieux et N. Vanderstappen, « 'Start Up' - Aspects relevant du droit des sociétés », in Les joint ventures: questions choisies de droit belge et international, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 59.
                  [33] Cette disposition prévoit, d'une part, la « caducité » des actions émises en échange d'un apport en industrie en cas de décès, d'incapacité ou d'autre cause étrangère rendant définitivement impossible l'exécution de ses obligations par l'apporteur en industrie et, d'autre part, la suspension des droits attachés à de telles actions en cas d'impossibilité temporaire d'exécution des obligations pour une durée de plus de 3 mois en raison d'une cause étrangère. Ces règles sont supplétives. Il se recommande de préciser et de compléter ces règles dans les statuts (ou dans une convention d'apport à conclure entre la société et l'apporteur) en organisant notamment les modalités de libération des apports en industrie et les sanctions applicables en cas d'inexécution (fautive) des obligations de l'apporteur.
                  [34] Selon l'exposé des motifs, « une distinction entre parts bénéficiaires et actions du capital n'a de sens que dans les sociétés où l'on distingue le capital d'autres éléments de fonds propres, alors que dans le présent projet la SRL est dépourvue de capital » (o.c., p. 134). Cet argument n'épuise pas le sujet. Les parts bénéficiaires, en raison de leur régime extrêmement souple (voy. D. Willermain, o.c., « Commentaire de l'article 483 du Code des sociétés (parts bénéficiaires) », Commentaire systématique du Code des sociétés, n° 1) sont susceptibles de présenter une utilité dans les SRL également. Certes, des actions peuvent être émises en contrepartie d'un apport en industrie (supra, n° 9) et il n'est donc pas nécessaire d'émettre des parts bénéficiaires dans ce cas, comme on le fait dans les SA. De même, des actions à droit de vote multiple peuvent être émises par une SRL (infra, n° 13) et il n'est donc pas nécessaire de recourir à des parts bénéficiaires pour équilibrer les rapports entre des « bailleurs de fonds » et d'autres actionnaires. Mais, dans les SA, les parts bénéficiaires sont également utilisées pour éviter les contraintes applicables aux actions sans droit de vote (en particulier le fait que de telles actions doivent conférer un dividende préférentiel). Elles permettent également de rémunérer des apports de services rendus ou de services futurs de manière souple sans devoir procéder à l'établissement de rapports sur les apports en nature (contrainte désormais applicable aux apports en industrie). Le principe de la liberté de création de « tous les titres qui ne sont pas interdits par la loi ou en vertu de celle-ci » que consacre le SCA aurait donc dû conduire à admettre la licéité de parts bénéficiaires dans les SRL sans néanmoins pouvoir leur conférer un droit de vote en raison de l'art. 5:41, al. 2, introduit par un amendement (n° 241) déposé au cours des travaux préparatoires (Doc. parl., Ch., n° 54-3119/8, p. 97), qui énonce que de tels droits de vote ne peuvent être attachés qu'aux actions (infra, n° 13). Les parts bénéficiaires étaient d'ailleurs expressément énumérées parmi les titres d'une SRL par l'art. 5:20 CSA tel qu'il était libellé dans le projet de loi initiale. Cette mention a cependant été supprimée au cours des débats parlementaires et il résulte des amendements qui ont été déposés à cette occasion que la volonté a été, non seulement de réserver les droits de vote aux actions, mais également de traiter les titres conférant un droit au bénéfice ou au solde de la liquidation comme des actions (outre l'amendement n° 241 précité; voy. égal. l'amendement n° 389: Doc. parl., Ch., n° 54-3119/13, p. 5).
                  [35] Cass., 25 mars 1909, Pas., 1909, I, p. 188. Cet arrêt concernait l'existence et la validité d'une souscription d'actions d'une SA. L'exposé des motifs précise que l'art. 5:23 CSA «  ne concerne que l'existence et la forme des titres nominatifs » (o.c., p. 136). La question de la propriété des titres nominatifs est régie par le droit commun (o.c., p. 139), l'art. 5:29 CSA prévoyant que la personne qui est inscrite dans le registre des titres nominatifs en qualité de titulaire d'un titre est présumée, jusqu'à preuve du contraire (laquelle peut être apportée par toutes voies de droit), être titulaire des titres pour lesquels elle est inscrite.
                  [36] Sur la preuve de la qualité d'actionnaire, voy. G. Stevens, « La preuve d'un concept juridique polymorphe: la qualité d'associé », in Preuve et information en droit des sociétés, Bruxelles, Larcier, CJB, 2010, pp. 141 et s.
                  [37] R. Aydogdu, o.c., « La nouvelle société à responsabilité limitée: gouvernance et droits des actionnaires plus flexibles », in Le nouveau Code des sociétés et des associations, p. 8, n° 31.
                  [38] Exposé des motifs, o.c., p. 141. Inversement, des droits différents peuvent être attachés à des actions émises en contrepartie d'un même apport. L'exposé des motifs souligne également qu'« Il n'y a pas davantage de lien entre la valeur historique de l'apport d'une action et les droits attachés à ces actions. » La notion de valeur nominale n'a plus de sens non plus et il est désormais interdit d'y faire référence dans les SRL.
                  [39] O.c., p. 141.
                  [40] O.c., p. 141.
                  [41] Suite au dépôt et à l'adoption de l'amendement n° 241 précité, le mot « et » a été remplacé par le mot « ou » dans la première phrase de l'art. 5:41 CSA qui définit les droits attachés aux actions. La justification de l'amendement précise qu'une SRL « peut donc émettre des titres qui ne participent qu'au bénéfice et non au solde de la liquidation ou vice versa » (Doc. parl., Ch., n° 54-3119/8, p. 97). La justification de l'amendement précise en outre qu' « [i] l est souhaitable de traiter ces titres comme des actions en sorte qu'ils soient soumis à toutes les dispositions impératives applicables aux actions, telles que la règle selon laquelle dans la société à responsabilité limitée cotée chaque action ne peut avoir qu'une voix (art. 5:2, al. 3) ».
                  [42] Exposé des motifs, o.c., p. 142.
                  [43] Comme on le verra ci-après (supra, n° 25), les SRL cotées ne peuvent émettre des actions à droit de vote multiple.
                  [44] Selon nous, eu égard à la flexibilité du nouveau système, le multiple pourrait varier selon le type de décision à prendre. Il serait ainsi possible de prévoir un multiple plus (ou moins) élevé en cas de modifications statutaires, p. ex.
                  [45] Comp. avec l'art. 240 C. soc. L'art. 5:47 CSA prévoit que les actions sans droit de vote ont néanmoins un droit de vote, à raison d'au moins une voix par action (ou plus si les statuts le prévoient), si les droits attachés à la classe d'actions à laquelle elles appartiennent sont modifiés (situation visée par l'art. 5:102 CSA) ou si la société subit un « changement structurel à ce point fondamental que les actionnaires se retrouvent, en fait, dans un autre type de société: transformation; fusion ou scission; déplacement transfrontalier du siège statutaire » (exposé des motifs, o.c., p. 143). Les actions sans droit de vote ont également un droit de vote si elles bénéficient d'un dividende privilégié et que celui-ci n'est pas payé durant 2 exercices successifs. Ce droit de vote « cesse à nouveau » lorsque l'arriéré total de dividendes privilégiés est payé.
                  [46] Exposé des motifs, o.c., p. 142.
                  [47] D'un point de vue pratique, le CSA prévoit que la version coordonnée des statuts sera conservée « dans un système de base de données électronique » qui sera consultable publiquement (art. 2:7, § 2, CSA). Les (futurs) actionnaires et les tiers devraient ainsi (enfin) avoir accès en ligne à la version coordonnée des statuts des sociétés.
                  [48] Sur cette règle, voy. X. Dieux et D. Willermain, o.c., Offres publiques, p. 18, n° 4.
                  [49] La notion de « classe d'actions » (« class of shares », selon la terminologie anglo-saxonne) remplace celle de « catégorie d'actions ». La notion de « catégorie de titres » est désormais utilisée pour viser les différents types de titres pouvant être émis par une société (supra, n° 10).
                  [50] La valeur des apports en contrepartie desquels les actions ont été émises ou le prix d'émission des actions est donc indifférent: des actions ayant été émises à des prix d'émission différents mais conférant des droits identiques ne constituent donc pas des classes d'actions différentes (H. De Wulf, « Uitgifte en overdracht van aandelen bij BV en NV », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, p. 192).
                  [51] Des actions disposant de droits de vote double « de loyauté » ne constituent en revanche pas une classe d'action distincte. Ce droit de vote double est en effet considéré comme lié au titulaire de l'action et non à l'action (exposé des motifs, o.c., p. 210).
                  [52] La notion de « modification indirecte » vise l'hypothèse où une décision ne modifie pas formellement les droits attachés à une classe d'action mais affecte économiquement ces droits. Selon une partie de la doctrine (M. Wyckaert, Kapitaal in N.V. en B.V.B.A., Kalmthout, Biblio, 1995, n. 792, p. 548; Y. De Cordt, L'égalité entre actionnaires, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 548), l'art. 560 C. soc., relatif à la modification des droits respectifs attachés aux catégories d'action dans les SA, s'appliquait également dans cette hypothèse. Le CSA se rallie à cette analyse en précisant expressément que l'émission de nouvelles actions - qui n'implique pas en soi la modification des droits attachés aux actions - constitue une modification des droits attachés à chacune des classes, si elle ne s'effectue pas proportionnellement, dans chaque classe.
                  [53] Comme on le verra ci-après (infra, n° 19), la réglementation du droit de préférence tient également compte de l'existence de classes d'actions et la combinaison des deux types de règles est loin d'être évidente.
                  [54] L'application de la procédure en présence d'une seule classe d'actions si de nouvelles actions sont émises conférant des droits différents de celles des actions existantes (p. ex. l'émission d'actions bénéficiant de droits de vote multiples alors que les actions existantes n'ont qu'un droit de vote) est discutée. P. Lambrecht considère que les actions existantes constituent par hypothèse une première classe (ce qui est exact) et que l'émission d'actions conférant des droits différents implique une modification de la règle supplétive de l'égalité qui doit se faire dans le respect de l'art. 5:102 CSA (P. Lambrecht, « Titres de sociétés », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, p. 160, n° 35, note 74). Le texte de l'art. 5:102, al. 1er, CSA qui vise l'émission de nouvelles classes d'actions peut être invoqué à l'appui de cette interprétation. H. De Wulf est d'un avis contraire, estimant que s'il n'existe qu'une seule classe d'actions, il ne saurait être question d'un vote « par classe » comme le prévoit l'art. 5:102 CSA (H. De Wulf, « Uitgifte en overdracht van aandelen bij BV en NV », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, p. 192). Une solution médiane consisterait à n'appliquer que la procédure d'information (le vote « par classe » étant par hypothèse impossible). Il n'est en revanche pas contestable que l'ensemble de la procédure s'applique en présence de deux classes d'actions si une troisième classe est émise.
                  [55] P. ex., une classe « senior » (ou d'un rang supérieure) à celle dont les droits sont affectés.
                  [56] On peut s'interroger sur le bien-fondé d'une interdiction aussi générale. Il était admis, dans la pratique du C. soc. dans les SA, que l'assemblée générale peut prédéfinir les droits attachés à une nouvelle classe d'actions et donner à l'organe d'administration le pouvoir de les émettre (voy. M. Wyckaert, op.cit., Kapitaal in N.V. en B.V.B.A., n° 818, p. 567). Dans ce cas en effet, c'est l'assemblée générale qui prend la décision de définir les droits attachés à la nouvelle classe d'actions. Si des classes d'actions existent déjà, l'organe d'administration peut se voir déléguer le pouvoir d'émettre de nouvelles actions des classes existantes (infra, nos 21 et 35).
                  [57] Exposé des motifs, o.c., p. 143; sur les conditions de validité des conventions de vote, voy. D. Willermain, « Les pactes d'actionnaires: principes fondamentaux et clauses relatives à l'exercice du pouvoir », Legal Tracks I - Essays on contemporary corporate and finance law, Bruylant, 2003, p. 205; O. Caprasse et R. Aydogdu, « Contrôle et pactes d'associés », in Contrôle, stabilité et structure de l'actionnariat, Larcier, CJB, 2009, pp. 120 et s.; A. Coibion, Les conventions d'actionnaires en pratique, Larcier, 2010, pp. 78 et s.
                  [58] Sur cette question, voy. X. Dieux, « Nouvelles observations sur l'abus de majorité ou de minorité dans les personnes morales fonctionnant selon le principe majoritaire », in Legal Tracks I - Essays on contemporary corporate and finance law, Bruylant, 2003, p. 463.
                  [59] La limitation dans le temps constitue donc toujours une condition de validité de la convention de vote dont le défaut est sanctionné par la nullité. On peut regretter que le CSA n'en revienne pas sur ce point au droit commun de la résiliation à tout moment des engagements à durée déterminée.
                  [60] Le texte reprend celui de l'art. 263 C. soc. en clarifiant qu'il s'applique « à tous les cas où plusieurs personnes possèdent tout ou partie du droit de propriété sur les actions: indivision, usufruit, nue-propriété, actions qui appartiennent au patrimoine matrimonial commun. Il porte également sur les (sûretés) réelles comme le gage » (exposé des motifs, p. 135).
                  [61] Faute de place (et de temps), nous n'avons pas la possibilité de traiter en détail, dans le cadre de la présente contribution, de l'émission d'autres titres que les actions. En (très) résumé, le régime de l'émission des obligations (qui existe déjà dans les SPRL: art. 243 à 248 C. soc.) est modernisé et assoupli (art. 5:50 à 5:54 CSA). Le régime des obligations convertibles (art. 5:53 et 5:54 CSA) et celui des droits de souscription (art. 5:55 à 5:60 CSA) sont nouveaux et calqués sur ceux de la SA. Pour un premier commentaire de ces questions, voy. P. Lambrecht, Titres de sociétés, op.cit., pp. 149 et s.
                  [62] Le « droit d'entrée » des nouveaux actionnaires en cas d'augmentation du patrimoine social depuis la constitution ou la dernière augmentation de capital se traduit simplement par une valorisation plus élevée des actions nouvelles. L'ensemble des apports nouveaux est comptabilisé comme capitaux propres.
                  [63] Le CSA maintient la possibilité d'une émission d'actions nouvelles en deux actes (art. 5:126 CSA qui reprend le texte de l'art. 308 C. soc. moyennant certaines modifications d'ordre technique résultant de la suppression du capital).
                  [64] Selon l'exposé des motifs, l'organe d'administration « doit justifier le prix à la lumière des droits attachés aux actions. Il doit indiquer plus particulièrement l'impact de l'émission sur les droits patrimoniaux, à savoir le droit au bénéfice et le droit sur le boni de liquidation, et sur les droits sociaux, en particulier le droit de vote, des autres actionnaires » (exposé des motifs, p. 171). Sur ces rapports, voy. H. De Wulf, « Uitgifte en overdracht van aandelen bij BV en NV », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, p. 188.
                  [65] Ces rapports sont déposés et publiés conformément aux art. 2:8 et 2:14, 4°, CSA. Ils sont annoncés dans l'ordre du jour. Une copie peut en être obtenue conformément à l'art. 5:84 CSA.
                  [66] La règle est différente dans les SA: s'il n'y a pas de commissaire, un rapport doit être établi par un réviseur d'entreprise ou un expert-comptable désigné par l'organe d'administration (art. 7:179, § 1er, CSA).
                  [67] Dans les SA, l'art. 582 du C. soc. impose au conseil d'administration d'établir un « rapport détaillé » « portant notamment sur le prix d'émission et sur les conséquences financières pour les actionnaires » mais uniquement en cas d'émission d'actions en dessous du pair comptable. Une justification du prix d'émission était également prévue en cas de suppression ou de limitation du droit de préférence en faveur d'une ou plusieurs personnes déterminée(s) (art. 592 et 596 C. soc.)
                  [68] Une obligation similaire est prévue en cas d'émission d'obligations convertibles ou de droit de souscription: art. 5:122 CSA. Dans ce cas, le rapport spécial doit également justifier l'opération elle-même, eu égard à sa nature particulière et il ne peut y être renoncé.
                  [69] Une telle possibilité de renonciation n'est donc pas prévue en cas d'apport en nature, ce qui s'explique sans doute par le fait que, dans ce cas, l'organe d'administration devra également établir un rapport portant sur la consistance de l'apport en nature (infra, n° 20).
                  [70] Pour une analyse plus détaillée des règles nouvelles, voy. H. De Wulf, « Uitgifte en overdracht van aandelen bij BV en NV », in Het ontwerp Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen - Le projet de Code des sociétés et des associations, pp. 191 et s.
                  [71] Si aucune classe d'action n'existe parce que toutes les actions existantes confèrent les mêmes droits, en cas de création d'actions bénéficiant de droits différents (p. ex. des droits de vote multiples alors que les actions existantes n'ont qu'un droit de vote), tous les actionnaires existants bénéficient d'un droit de préférence. Sur la question de l'application dans cette hypothèse de l'art. 5:102 CSA, voy. supra, n° 14.
                  [72] Mettant fin à une controverse quant à la notion de « membres du personnel », le CSA opte pour une conception large de cette notion incluant, outre les personnes physiques engagées dans les liens d'un contrat de travail avec la société et/ou sa/ses filiale(s), i) les personnes physiques engagées dans les liens d'un « contrat de management ou d'un contrat similaire avec la société ou sa/ses filiales »; ii) toute personne morale engagée dans les liens de tels contrats avec la société et/ou sa/ses filiales, « en vertu duquel cette personne morale n'est représentée que par une seule personne physique qui en est également l'associé ou actionnaire de contrat » (hypothèse des sociétés de management) et iii) « les membres de l'organe d'administration de la société ou de sa/ses filiales, en ce compris les personnes morales dont le représentant permanent est également l'associé ou l'actionnaire de contrôle » (art. 1:127 CSA).
                  [73] Par rapport aux règles prévues par le C. soc. pour les SA (art. 598), le CSA n'impose donc plus que les actions nouvelles soient émises à un prix au moins égal à leur « valeur intrinsèque » (ou à leur cours de bourse) mais renforce substantiellement les obligations d'information et de justification du prix.
                  [74] Fort curieusement, l'exposé des motifs indique que la disposition similaire prévue pour les SA (art. 7:192 CSA) « exclut la possibilité de renoncer au droit de préférence pour des augmentations de capital dans le cadre du capital autorisé » (exposé des motifs, o.c., p. 260). Cette analyse ne nous paraît cependant pas pouvoir être suivie et n'est pas confirmée par le texte de l'art. 5:137, § 1er, CSA qui rend applicable l'art. 5:130 (y compris le § 2 relatif à la renonciation au droit de préférence) en cas d'émission d'actions par l'organe d'administration. Comme le confirme, à propos de la même disposition, l'exposé des motifs, la possibilité de renoncer au droit de préférence est déjà admise par la pratique actuelle. Une renonciation n'est pas une suppression ou une limitation. On n'aperçoit pas pourquoi une telle renonciation ne pourrait pas intervenir valablement si les actions sont émises par l'organe d'administration (pour autant que tous les actionnaires marquent accord sur cette renonciation).
                  [75] Les actionnaires représentés doivent renoncer à ce droit de préférence dans la procuration. La renonciation au droit de préférence de chacun des actionnaires est actée dans l'acte authentique relatif à la décision d'émission.
                  [76] Sur le capital autorisé dans les SA, voy.: P. Hainaut-Hamende, Les sociétés anonymes, 2e partie, Opérations sur le Capital, Emissions publiques, Transformation, Fusion et scission, Larcier, 2009, p. 153, nos 644 et s.; R.P.D.B., Société anonyme, Y. De Cordt (coord.), Bruylant, 2014, p. 512, nos 691 et s.; H. Braeckmans et R. Houben, Handboek vennootschapsrecht, Intersentia, 2012, p. 565 et réf. cit.
                  [77] Si la société est gérée par plusieurs administrateurs pouvant agir séparément (infra, n° 26), « l'autorisation statutaire précise expressément s'ils ne peuvent user de leur pouvoir que par une décision prise conjointement ou à la majorité » (exposé des motifs, p. 175).
                  [78] Sur la renonciation au droit de préférence en cas d'émission d'actions par l'organe d'administration, voy. supra, n° 19.
                  [79] Le CSA introduit une nouveauté par rapport à ce qui était prévu dans le C. soc. pour les SA: si des administrateurs représentent en fait le bénéficiaire de l'« exclusion » du droit de préférence ou une personne liée au bénéficiaire, ces administrateurs ne peuvent participer au vote. Le CSA consacre ainsi la notion de « représentant en fait » d'un administrateur (déjà consacrée par la réglementation en matière d'offre publique d'acquisition: art. 28 de l'arrêté royal du 27 avril 2007) et réintroduit le « conflit d'intérêt fonctionnel » avec obligation d'abstention qui s'appliquait suite à la réforme des lois coordonnées de 1991 (ancien art. 60). Aucune obligation d'abstention n'est prévue par la disposition si des administrateurs bénéficient eux-mêmes de l'exclusion du droit de préférence mais l'obligation d'abstention résulte alors des règles en matière de conflits d'intérêts (infra, n° 32).
                  [80] Exposé des motifs, o.c., p. 150.
                  [81] O.c., p. 150.
                  [82] Sur ces clauses, voy. A. Coibion, Les conventions d'actionnaires en pratique, Larcier, 2010, pp. 37 et s.
                  [83] La même règle s'applique aux droits de souscription et à « tous les autres titres donnant accès à des actions » (art. 5:67 CSA). S'agissant des titres autres que des actions, des droits de souscription et des titres donnant accès à des actions, le CSA prévoit que les statuts et les conditions d'émission de ces autres titres peuvent en « limiter la cessibilité entre vifs ou pour cause de mort » (art. 5:68, § 1er, CSA). On suppose que, conformément au droit commun, pareille restriction peut également résulter d'une convention, même si le CSA ne le prévoit pas expressément.
                  [84] Sur le régime de droit commun applicable, voy. P. Van Ommeslaghe, « Les conventions d'actionnaires en droit belge », Rev. prat. soc., 1989, p. 289.
                  [85] Sur ce régime, voy. M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, Larcier, 2008, p. 362, nos 198 et s.
                  [86] On relèvera que le transfert de droits de souscriptions et d'obligations convertibles n'est pas expressément visé.
                  [87] Le texte confirme que la notion de transfert doit s'interpréter de manière large. Néanmoins, l'exposé des motifs précise que: « La constitution d'une sûreté réelle sur une action d'une SRL (p. ex., la prise en gage) n'est toutefois pas considérée comme un transfert. Par contre, lorsque la sûreté est mise en oeuvre (p. ex., lorsque le gage est réalisé), les règles de l'article 5:61 doivent être respectées. » (o.c., p. 151).
                  [88] O.c., p. 151.
                  [89] Il semble que l'action peut être introduite par le cédant et/ou le cessionnaire, étant précisé que la société, l'autre partie à la cession si l'action n'est introduite que par une d'entre elles et les actionnaires qui se sont opposés à la cession « sont appelées à la cause » (art. 5:64, al. 2, CSA).
                  [90] On peut en effet concevoir que le cessionnaire ne souhaite pas devenir actionnaire d'une société dont tout ou partie des actionnaires ont indiqué qu'ils ne voulaient pas de lui en refusant l'agrément. L'intérêt d'introduire une action sur pied de l'art. 5:64 CSA paraît alors résider dans le fait que le cédant pourrait se prévaloir d'un refus d'agrément jugé arbitraire dans le cadre d'une action en retrait ou éventuellement en exclusion.
                  [91] A défaut d'accord entre les parties ou de dispositions statutaires, les « prix et conditions de rachat seront déterminés par le président du tribunal de l'entreprise siégeant comme en référé, à la requête de la partie la plus diligente » (art. 5:65 CSA).
                  [92] Le rachat peut être demandé à la société p. ex. dans le cas où, par dérogation à l'art. 5:63 CSA, l'agrément doit être donnée par l'organe d'administration et a été refusé par celui-ci. La possibilité pour les héritiers et légataires de demander la dissolution de la société si le rachat n'a pas été effectué (art. 252, dernier al., C. soc.) a été supprimée.
                  [93] J. Van Ryn, op.cit., Principes de droit commercial, n° 535, p. 359.
                  [94] Un transfert d'un titre dématérialisé « ne peut être opposable à la société et aux tiers que par l'inscription d'un compte-titres à un autre » (art. 5:62 CSA).
                  [95] L'exposé des motifs (o.c., p. 149) ajoute qu'« Il va de soi qu'une décision judiciaire peut constater que le registre des actions n'est pas correct ou que, même sans mention dans le registre des actions, la société a connaissance de la cession. En pareil cas, la cession sera opposable à la société dès que la décision judiciaire lui sera opposable. C'est à ce point évident que, malgré la suggestion du Conseil d'Etat, il n'est pas nécessaire d'inscrire ce principe dans la loi. »
                  [96] La cohérence du système implique que la disposition vise aussi l'hypothèse de la cession d'une action non entièrement libérée.
                  [97] En cas de cessions successives, tous les cessionnaires consécutifs sont tenus solidairement.
                  [98] Ce recours s'explique par le fait que, dans la pratique, « en cas de cession d'actions non libérées, le prix est réduit parce que l'on considère que la charge de la libération sera finalement supportée par le cessionnaire » (exposé des motifs, o.c., p. 153).
                  [99] Cass., 9 mars 2017, J.L.M.B., 2018, p. 292, note R. Aydogdu et T.R.V.-R.P.S., 2017, p. 932, note D. Lambrecht.
                  [100] Sur les sanctions résultant du droit commun, voy. O. Caprasse et R. Aydogdu, « Contrôle et pactes d'associés », in Contrôle, stabilité et structure de l'actionnariat, p. 198, nos 141 et s.
                  [101] Selon l'exposé des motifs (o.c., p. 151): « Une telle sanction paraît plus appropriée, l'objectif n'étant pas que les dispositions (légales ou statutaires) relevant du droit des sociétés concernant les restrictions en matière de cessibilité portent atteinte à la validité d'une cession qui serait valable selon le droit civil (selon les dispositions du droit des contrats, du droit en matière de donation, du droit successoral,...). Le code en projet entend uniquement régler les effets sur le plan du droit des sociétés d'une violation des dispositions en matière de cessibilité du § 2, et ces effets se limitent donc à l'inopposabilité de la cession. Afin d'éviter tout doute, l'article en projet précise expressément que cette règle s'applique également dans l'hypothèse où la restriction statutaire méconnue ne figurerait pas dans le registre des actions alors qu'une telle mention deviendra désormais obligatoire. »
                  [102] Exposé des motifs, o.c., p. 125.
                  [103] Comme l'a fait observer le Conseil d'Etat, « la différence principale qui subsistera entre une SRL cotée et une SA a trait à l'existence d'un capital et aux règles qui en découlent. Mais l'on ne comprend guère l'intérêt concret que peut présenter l'absence de capital (ou l'inconvénient résultant de l'obligation d'un capital minimum de 61.500 EUR) dans une société cotée » (Premier Avis CE, p. 12).
                  [104] Ce système a été préféré à celui consistant à reproduire dans le Livre 5 les dispositions du Livre 7 applicable à la SA cotée. Le Conseil d'Etat a fait observer que « D'un point de vue logistique, la technique consistant à rendre applicable, 'par analogie', un grand nombre d'articles qui n'ont pas été rédigés en vue de s'appliquer à la SRL rend la réglementation applicable particulièrement difficile à comprendre et risque de poser des problèmes d'interprétation et de compatibilité lorsqu'il s'agira de combiner les dispositions du Livre 5 et celles du Livre 7 applicables 'par analogie'. » (Premier Avis CE, p. 11). Le Conseil d'Etat a également fait observer que si l'art. 5:2 CSA rend applicables à la SRL cotée une série de dispositions en principes applicables à la SA cotée, « il ne dit rien, par contre, des dispositions relatives à la SRL qui ne s'appliqueraient plus lorsque la SA [lire SRL] est cotée ».
                  [105] La cotation a en effet été jugée « incompatible avec le droit de vote multiple » (exposé des motifs, o.c., p. 127).
                  [106] Sur l'administration des SPRL, voy. M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, p. 429, nos 256 et s.; J. Malherbe, Y. De Cordt, P. Lambrecht et P. Malherbe, Droit des sociétés. Précis, Bruxelles, Bruylant, 4e éd., p. 953, nos 1364 et s.; G. Horsmans, La société privée à responsabilité limitée (SPRL), Traité pratique de droit commercial, t. 4, vol. 1, Waterloo, Kluwer, 2012, p. 219, nos 281 et s.
                  [107] Exposé des motifs, o.c., p. 155.
                  [108] Dans ce cas, comme dans la SPRL: « Chaque administrateur a le pouvoir d'accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la réalisation de l'objet de la société, à l'exception de ceux que la loi réserve à l'assemblée générale. » (art. 5:73, § 1er, CSA).
                  [109] Le CSA qualifie expressément d'« organe d'administration collégial » les administrateurs qui forment un collège en vertu des statuts. Sous l'empire du C. soc., certains auteurs estimaient que le « collège de gestion d'une SPRL » n'était pas un « organe de gestion » (voy. en particulier M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, p. 450, n° 81-1.
                  [110] D. Willermain, « Le fonctionnement des organes et la représentation des sociétés. Questions spéciales », in Droit des affaires et des sociétés. Actualités et nouveaux enjeux, Anthemis, 2013, p. 156, n° 26.
                  [111] De tels comités se rencontrent fréquemment en pratique dans les SA, en tout cas d'une certaine taille. La nécessité de confier des tâches exécutives à un comité distinct de l'organe d'administration a été mise en lumière par les réflexions en matière de corporate governance. Les comités exécutifs ont été légalement reconnus et organisés par une loi du 2 août 2002 dans les SA sous l'appellation de « comité de direction ». Le CSA a cependant supprimé le comité de direction des organes de la SA au profit d'un système véritablement dualiste. En l'absence d'un régime légal spécifique, la nature juridique de ces comités dépend des tâches qui lui sont confiées (voy. T. Tilquin et V. Simonart, Traité des sociétés, t. Ier, n° 989, p. 745). Une première formule - qui pourrait trouver un regain d'intérêt avec la nouvelle définition de la gestion journalière (supra, n° 35) - consiste à investir le comité (ou plus précisément ses membres) de cette gestion journalière. Dans ce cas, le comité a le statut d'organe. Alternativement, l'instauration d'un tel comité procède d'une délégation de pouvoirs par l'organe d'administration, le bénéficiaire de la délégation n'ayant pas la qualité d'organe. Aucune autorisation statutaire n'est requise. Pareille délégation est valable moyennant le respect d'une double limitation: d'une part, l'organe d'administration ne peut déléguer au comité les pouvoirs qui lui sont expressément réservés par la loi (comme p. ex. la convocation de l'assemblée générale); d'autre part, le caractère intuitu personae de la désignation de l'organe et l'organisation légale de ses pouvoirs interdisent à un organe de déléguer l'ensemble de ceux-ci. La limite exacte des pouvoirs susceptibles d'être délégués fait l'objet de certaines hésitations (voy. not. l'étude classique de P. Van Ommeslaghe et L. Simont, « La notion de l'organe statutaire et la répartition des pouvoirs par le conseil d'administration des sociétés anonymes », R.C.J.B., 1964, p. 91, n° 16). Selon la conception qui nous paraît la plus exacte, l'organe d'administration ne peut déléguer ses compétences essentielles, à savoir la définition de la stratégie de la société et le contrôle qu'il doit exercer sur les affaires sociales. Le recours au droit commun du mandat permet également de donner à un tel comité le pouvoir d'engager la société à l'égard des tiers.
                  [112] P. Van Ommeslaghe, « La cessation des fonctions des administrateurs, des gérants et des membres du comité de direction », in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, Ed. du Jeune Barreau de Bruxelles, 2004, n° 23, p. 118.
                  [113] Sur la cooptation dans les SA, voy.: B. Tilleman, L'administrateur de sociétés, Bruxelles, la Charte, 2005, p. 165, nos 264 et s.
                  [114] Le terme « statuts » remplace celui d'« acte de sociétés » utilisé par l'art. 256 C. soc. Un administrateur « statutaire » est celui désigné dans le corps même des statuts lors de la constitution (M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, p. 438, n° 270) et non dans les « autres dispositions de l'acte constitutif » (selon la distinction désormais prévue par l'art. 2:5, § 1er, CSA). Il peut également être nommé en cours de vie sociale par modification des statuts.
                  [115] Le CSA n'organise pas expressément cette possibilité à propos des SRL (comp. art.7:101 CSA à propos des SA) mais on ne voit pas pourquoi cette solution qui était admise dans le C. soc. à propos des SPRL ne le serait pas dans le CSA pour les SRL.
                  [116] Sur les conditions de validité de ces clauses, voy. D. Willermain, « Le statut de l'administrateur de sociétés anonymes: principes, questions et réflexions », Rev. prat. soc., 2008, p. 2018, nos 6 et s.
                  [117] Sur les critiques qu'appelle l'assimilation de l'administrateur de société à un « mandataire », voy. D. Willermain, « Le statut de l'administrateur de sociétés anonymes: principes, questions et réflexions », Rev. prat. soc., 2008, p. 2018, p. 228, n° 11.
                  [118] Comme on le sait, le CSA instaure en effet un « plafond de responsabilité » en faveur des membres des organes d'administration et délégués à la gestion journalière (art. 2:57 CSA). Ce plafond a notamment été justifié par la nécessité de mettre fin à la différence de traitement entre la responsabilité illimitée des membres de l'organe d'administration et la responsabilité limitée des hauts dirigeants qui ne sont pas des membres de l'organe d'administration mais qui ont le statut de travailleur (exposé des motifs, o.c., p. 64). Un amendement (n° 536) a été déposé à la fin du processus parlementaire afin de limiter « le champ d'application du plafond pour les administrateurs, de manière à ce que les administrateurs ne jouissent pas d'une limitation de responsabilité plus large que les travailleurs » (Doc. parl., Ch., n° 54-3119/19, p. 3). Suite au dépôt de cet amendement, le « plafond » de responsabilité est inapplicable, non seulement « en cas d'intention frauduleuse ou à dessin de nuire dans le chef de la personne responsable » mais également « en cas de faute légère présentant dans leur chef un caractère habituel plutôt qu'accidentel » et « de faute grave » (art. 2:57, § 3, 1°, CSA).
                  [119] Voy. les explications du ministre de la Justice au cours des débats en Commission de droit économique et commercial de la Chambre: Doc. parl., Ch., n° 54-3119/011, p. 96.
                  [120] Voy. X. Dieux, P. Lambrecht et O. Caprasse (coords.), « Examen de jurisprudence. Les sociétés commerciales (2010-2013) », R.C.J.B., 2016, p. 123, n° 31.
                  [121] Exposé des motifs, o.c., p. 156.
                  [122] Il n'est plus prévu qu'un administrateur statutaire puisse être révoqué par « accord unanime des associés » sans modification des statuts (comp. art. 256 C. soc.).
                  [123] On relèvera à cet égard qu'à la différence de ce qui est prévu dans les SA (art. 7:101, § 4, CSA), le CSA n'organise pas, pour les SRL, un mécanisme d'« action minoritaire » permettant à des titulaires d'actions avec droit de vote représentant au moins 10% du capital (3% dans les sociétés cotées) d'une SA avec administrateur unique statutaire de désigner un mandataire spécial chargé d'introduire une demande de révocation de l'administrateur unique pour de justes motifs. La doctrine, qui excluait le principe d'une action individuelle des associés pour obtenir en justice la révocation d'un gérant statutaire dans une SPRL (P. Van Ommeslaghe, « La cessation des fonctions des administrateurs, des gérants et des membres du comité de direction », in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, n° 23, p. 120: comp. B. Tilleman, L'administrateur de sociétés, p. 341, n° 556), demeure applicable dans le cadre d'une SRL.
                  [124] Selon l'exposé des motifs, « Si le juge n'accepte pas les justes motifs, il lui appartient de décider s'il est opportun de maintenir l'administrateur dans ses fonctions ou de l'indemniser pour sa révocation. » (o.c., p. 156).
                  [125] Le C. soc. exigeait des « motifs graves » mais il était généralement considéré que cette expression, empruntée à la matière du contrat de travail, n'était pas à distinguer de la notion de « justes motifs » ou de « cause légitime » (P. Van Ommeslaghe, « La cessation des fonctions des administrateurs, des gérants et des membres du comité de direction », in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, n° 23, p. 119; B. Tilleman, L'administrateur de sociétés, p. 343, n° 560). Le CSA confirme ainsi qu'il n'est pas requis que l'administrateur ait commis une faute. On peut aussi avoir égard à l'incompétence ou l'incapacité de l'administrateur, p. ex. (voy. les autres exemples de justes motifs cités par P. Van Ommeslaghe et B. Tilleman).
                  [126] Exposé des motifs, o.c., p. 156. En ce sens égal.: A.-P. Andre-Dumont, « La gestion dans les sociétés coopératives: évolution découlant du Code des sociétés et des associations », in La société coopérative: nouvelles évolutions, Bruxelles, Larcier, CJB, 2018, p. 55, n° 16. Sous l'empire du C. soc., la doctrine considérait que la révocation « pour motif grave » d'un gérant statutaire d'une SPRL impliquait une modification des statuts qui ne pouvait être valablement votée qu'aux conditions de quorum et de majorité prévue pour une telle modification (B. Tilleman, L'administrateur de sociétés, p. 339, n° 553).
                  [127] La doctrine admettait également que ces exigences de quorum et de majorité pouvaient être renforcées. B. Tilleman, L'administrateur de sociétés, p. 342, n° 558.
                  [128] La solution était admise dans les SPRL: M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, p. 471, n° 308; P. Van Ommeslaghe, « La cessation des fonctions des administrateurs, des gérants et des membres du comité de direction », in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, n° 23, p. 120.
                  [129] Cf. le texte de l'art. 5:70, § 3, dernier al., CSA qui vise les administrateurs « nommés ou non dans les statuts ».
                  [130] Voy. B. Tilleman, L'administrateur de sociétés, p. 359, nos 588 et s.
                  [131] Exposé des motifs, o.c., p. 156. Sous l'empire du C. soc., la doctrine admettait déjà qu'en cas d'annulation de la décision de révocation, le gérant devait être « réintégré » (M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, p. 474, n° 312; B. Tilleman, L'administrateur de sociétés, p. 360, n° 591).
                  [132] Exposé des motifs, o.c., p. 156.
                  [133] Exposé des motifs, o.c., p. 156.
                  [134] Cass., 12 mai 2014 et 27 juin 2014, R.D.C.B., 2015, p. 414, note D. Willermain,« La poursuite des fonctions des administrateurs et gérants de sociétés après la fin de leur 'mandat' » (voy. égal. les observations de W. David, « Les pouvoirs du conseil d'administration lorsque le mandat de tous ses membres est venu à échéance », J.D.S.C., 2014, p. 118).
                  [135] Dans son arrêt du 27 juin 2014 (R.D.C.B., 2015, p. 422), la Cour de cassation avait considéré qu'il ne résultait pas des dispositions du CS et du Code civil relatives au mandat que « les fonctions d'un administrateur dont le mandat a pris fin ne se poursuivraient que pendant le temps raisonnablement nécessaire à l'assemblée générale pour se réunir en vue de pourvoir à son remplacement ». La Cour avait par conséquent cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles qui avait décidé que le maintien en fonction d'un administrateur ne s'étendait pas au-delà du temps qui est raisonnablement nécessaire à l'assemblée générale pour le remplacer (solution traditionnellement admise jusque-là et désormais consacrée par le CSA).
                  [136] B. Tilleman, o.c., p. 387, n° 642. La solution ne s'impose cependant pas spontanément au regard du droit du mandat et du fondement de l'obligation qu'a le mandataire de poursuivre sa mission après la fin de son mandat.
                  [137] Cass., 12 mai 2014, Pas., 2014/5, p. 1107 et R.D.C., 2015, p. 418.
                  [138] Nous avions formulé une proposition en ce sens: « L'Amendement: quelques suggestions pour améliorer le statut des administrateurs de sociétés anonymes », T.R.V.-R.P.S., 2016, p. 1164.
                  [139] Voy. notre étude, « Les pactes d'actionnaires: principes fondamentaux - clauses relatives à l'exercice du pouvoir », in Legal Tracks I - Essays on Contemporary Corporate and Finance Law, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 239, nos 46 et s.; voy. égal. en faveur de cette possibilité: K. D'Hulst, « Is meervoudig stemrecht mogelijk in de raad van bestuur van een N.V.? », T.R.V., 2003, 555; P. Kileste et C. Staudt, « Le statut des administrateurs et les pactes d'actionnaires », in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, Bruxelles, Ed. du Jeune Barreau de Bruxelles, 2004, p. 62, n° 89.
                  [140] Sur les conditions d'application de la procédure dans le C. soc., voy. M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, p. 458, n° 286-1; H. Braeckmans et R. Houben, Handboek vennootschapsrecht, Intersentia, p. 305 et réf. cit.; A.-P. Andre-Dumont, o.c., « La gestion dans les sociétés coopératives: évolution découlant du Code des sociétés et des associations », in La société coopérative: nouvelles évolutions, p. 61, nos 32 et s.
                  [141] Même si le texte ne le précise pas expressément, l'intérêt doit en outre être susceptible d'influencer l'appréciation et la décision d'un administrateur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Un intérêt marginal ou purement hypothétique ne suffit pas (D. Willermain, « Le fonctionnement des organes et la représentation des sociétés. Questions spéciales », in Droit des affaires et des sociétés. Actualités et nouveaux enjeux, n° 12, p. 136).
                  [142] Le libellé n'est pas absolument identique à celui de l'art. 259 et de l'art. 523 C. soc. Le nouveau texte pourrait laisser penser que la procédure n'est pas applicable si l'organe d'administration a délégué le pouvoir de prendre la décision à propos de laquelle un administrateur se trouve en situation de conflit d'intérêts. Telle n'était généralement pas la solution retenue sous l'empire du C. soc. A propos de la SA, l'art. 7:96, § 1er, CSA énonce expressément que « le conseil d'administration ne peut déléguer sa décision ». (voy. également à cet égard l'Exposé des motifs (o.c., p. 229) qui précise que « les auteurs du projet ont choisi de consacrer dans le code la position admise par la doctrine, à savoir qu'en cas de conflit d'intérêts le conseil d'administration doit prendre la décision lui-même » et qu'« Il ne peut pas la déléguer afin d'éviter que la procédure soit éludée »).Cette précision n'est pas prévue à propos de la SRL mais elle nous paraît s'imposer néanmoins. L'Exposé des motifs (ibid.) ajoute que « si un conflit d'intérêts apparaît dans le cadre d'une décision antérieurement déléguée » (…) « la décision doit alors être renvoyée au conseil d'administration ».
                  [143] Comme on l'a relevé ci-avant (supra, n°19), le CSA introduit, pour la première fois, une obligation d'abstention à l'assemblée générale en cas de conflit d'intérêts, et ce en cas de suppression ou de limitation du droit de préférence (art. 5:135, 2°).
                  [144] La doctrine et la jurisprudence étaient fixées en cens sens dans le cadre du CS (D. Willermain, o.c., « Le fonctionnement des organes et la représentation des sociétés - Questions spéciales », in Droit des affaires et des sociétés, Actualités et nouveaux enjeux, n°13, p. 134 et les références citées ; R.P.D.B., Société anonyme, Y. De Cordt (coord.), Bruylant, Bruxelles, 2014, p. 378, n°508). L'Exposé des motifs (o.c., p. 229) paraît confirmer cette solution: « En matière de gestion journalière, un tel renvoi [à l'organe d'administration] n'est pas requis mais il peut être fait volontairement (p. ex. dans le cas d'une décision urgente donnant lieu à un conflit d'intérêts) ».
                  [145] La procédure n'est pas applicable 1° lorsque les décisions ou opérations ont été conclues entre sociétés dont l'une détient directement ou indirectement 95% au moins des voix attachées à l'ensemble des titres émis par l'autre ou entre sociétés dont 95% au moins des voix attachées à l'ensemble des titres émis par chacune d'elles sont détenus par une autre société et 2° lorsque les décisions de l'organe d'administration concernent des opérations habituelles conclues dans des conditions et sous les garanties normales du marché pour des opérations de même nature (art. 5:76, § 5, CSA).
                  [146] A.-P. Andre-Dumont, « La gestion dans les sociétés coopératives: évolution découlant du Code des sociétés et des associations », in La société coopérative: nouvelles évolutions, p. 64, n° 35.
                  [147] L'assemblée générale prend donc elle-même la décision sans devoir désigner un mandataire ad hoc comme le prévoyait l'art. 260 C. soc.
                  [148] L'initiative d'une telle action appartient en principe à l'organe d'administration lui-même (ou au curateur en cas de faillite), à défaut de disposition octroyant un tel pouvoir à l'assemblée générale.
                  [149] La jurisprudence a fait une application raisonnable de cette sanction, qui figurait déjà dans le CS (voy. X. Dieux, P. Lambrecht et O. Caprasse (coord), « Examen de jurisprudence : les sociétés commerciales (2010-2013) », o.c., RCJB, 2016, p. 294, n° 35).
                  [150] Selon l'exposé des motifs (o.c., p. 54), sont visés en premier lieu « les associés, actionnaires, obligataires et membres des sociétés ou associations, mais aussi les membres des organes d'administration ». En revanche, « les tiers, tels que les créanciers ou les membres du personnel, n'ont pas intérêt au respect des règles de droit relatives à la forme des résolutions des personnes morales ». Il est en effet généralement admis que les irrégularités dans le processus de décision interne ne peuvent, en principe, être opposées par la société aux tiers ni invoquées par ces derniers à l'encontre de la société (M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, n° 279-5, p. 447; D. Willermain, « Le fonctionnement des organes et la représentation des sociétés. Questions spéciales », in Droit des affaires et sociétés, Actualités et nouveaux enjeux, n° 24; S. Hirsch, « Le pouvoir de représentation et la preuve », in Preuve et information dans la vie des sociétés, Ed. du Jeune Barreau de Bruxelles, Larcier, 2010, p. 81, n° 7). La Cour de cassation a confirmé ce principe, implicitement au moins, par un arrêt du 26 janvier 2009 (Cass., 26 janvier 2009, Pas., 2009, I, p. 222 et J.D.S.C., 2010, p. 70, note M. Coipel).
                  [151] On peut en particulier se demander si la nullité requiert uniquement la preuve de l'irrégularité ou s'il s'agit d'une irrégularité de forme qui implique que le tiers devra prouver qu'elle a eu une influence sur la décision prise, conformément à l'article 2:42, 1°.
                  [152] La formulation de la règle concernant les conséquences de la méconnaissance par un organe d'administration des restrictions statutaires de pouvoirs n'a pas été modifiée et il n'est donc pas précisé que si le tiers est de mauvaise foi, la société peut lui opposer ces restrictions (comp. avec l'art. 5:81 CSA à propos de la connaissance par le tiers de l'extension des pouvoirs de l'assemblée générale). L'exposé des motifs (o.c., p. 157) précise cependant que: « Il n'en demeure pas moins que, conformément au droit commun, les règles de la tierce complicité restent applicables. Dans la ligne de l'arrêt de cassation du 22 avril 1983, il est généralement admis que le tiers est de mauvaise foi lorsqu'il participe consciemment à l'excès de pouvoir. La seule publication des statuts ou la simple connaissance de la restriction statutaire ne suffisent pas à démontrer la mauvaise foi. »
                  [153] La question de savoir si un collège de gestion avait, de plein droit, le pouvoir général de représentation était discutée sous l'empire du C. soc. M. Coipel, qui déniait la qualité d'organe de gestion au collège de gestion, estimait ainsi qu'une clause statutaire était nécessaire à cette fin, M. Coipel, Droit des sociétés. Les sociétés privées à responsabilité limitée, p. 450, n° 281-1.
                  [154] En ce sens sous l'empire du C. soc., voy. X. Dieux et Y. De Cordt, « Examen de jurisprudence. Les sociétés commerciales », R.C.J.B., 2008, p. 493, n° 36.
                  [155] La question de savoir si la restriction au pouvoir individuel de représentation résultant d'une clause de « double signature » prévoyant, dans une SRL gérée par plusieurs administrateurs disposant d'un pouvoir individuel de gestion est opposable aux tiers est susceptible de discussion. Elle appelle, selon nous, une réponse négative. Le cas de figure nous semble néanmoins théorique.
                  [156] Sur la délégation à la gestion journalière dans les SA en vertu du C. soc., voy. not. V. Simonart, « Le délégué à la gestion journalière et le chief executive officer et les administrateurs exécutifs », Rev. prat. soc. , 2011, p. 313.
                  [157] En dépit de ce texte, inspiré de ce que prévoit le Livre 7 pour les SA, dans les SRL comme dans les SA, un délégué à la gestion journalière peut être nommé par l'organe d'administration même en l'absence d'habilitation statutaire expresse (voy. X. Dieux et D. Willermain, Corporate Governance. La loi du 2 août 2002, Larcier, 2004, p. 15, n° 4). L'organe d'administration tire de la loi elle-même le pouvoir de désigner un délégué à la gestion journalière. Ses pouvoirs sont également fixés par la loi.
                  [158] Cass., 17 septembre 1968, Pas., 1969, I, p. 61; Cass., 26 février 2009, T.R.V., 2009, p. 444, note C. Clottens, « De omvang van het dagelijks bestuur van de NV bij vertegenwoordiging in rechte » (T.R.V., 2009, p. 444).
                  [159] J. Van Ryn, Principes de droit commercial, n° 649; J. Malherbe, Y. De Cordt, P. Lambrecht et P. Malherbe, Droit des sociétés. Précis, n° 97, p. 627.
                  [160] Exposé des motifs, o.c., p. 241.
                  [161] A cet égard, il est généralement admis qu'en cas de contestation, le juge n'est pas lié par pareille définition des pouvoirs du délégué à la gestion journalière. Cette affirmation, résultant du caractère légal de la notion de gestion journalière, est exacte du moins si la clause a pour objet de limiter la notion de gestion journalière, pareille limitation n'étant pas opposable aux tiers. En revanche, si la clause a pour effet d'étendre la mission du délégué à la gestion journalière, l'on pourrait y voir en fonction des circonstances, soit une délégation spéciale de pouvoir au délégué allant au-delà de ses compétences légales, soit la preuve d'un mandat apparent. Dans une telle interprétation, le juge devrait considérer que la société est liée dans les limites de la délégation.
                  [162] L'art. 266 C. soc., qui énonce que « l'assemblée générale des associés a les pouvoirs les plus étendus pour faire ou ratifier les actes qui intéressent la société », n'est plus repris. Il était en effet très largement admis que cette disposition ne se justifiait plus depuis que, suite à la loi de 1973 transposant la première directive société, l'organe d'administration dispose des pouvoirs résiduaires.
                  [163] L'art. 1:32 CSA règle désormais le calcul des délais en reprenant les art. 52, al. 1er et 53 C. jud.: les délais se calculent donc de minuit à minuit depuis le lendemain du jour de l'acte ou de l'événement qui y donne cours (l'envoi de la convocation) et le jour de l'échéance (l'assemblée générale) est compris dans le délai.
                  [164] Voy. à cet égard : D. Willermain, « Absence d'un principe général d'égalité des actionnaires en droit communautaire … et en droit belge ! (à propos de l'arrêt « Audiolux » de la Cour de Justice du 15 octobre 2009) », RPS, 2010, p. 47.
                  [165] Le projet initial disposait que les statuts peuvent prévoir la convocation de l'assemblée générale par voie de presse au moins 15 jours avant l'assemblée. Il était également prévu qu'en cas d'assemblée générale de carence, ce délai de 15 jours peut être réduit à 10 jours avant la seconde assemblée » (art. 5:83, § 2, CSA dans sa version initiale). Ce mode de convocation était justifié par le fait que la SRL n'est plus nécessairement une société « fermée » et qu'elle pouvait, selon le projet initial, émettre des actions dématérialisées, Un amendement déposé en Commission de la Chambre a supprimé ce mode de convocation de l'assemblée au motif qu'« il semble approprié, dans une SRL où toutes les actions sont toujours obligatoirement sous la forme nominative, de proposer comme seule règle de base, comme c'est le cas aujourd'hui, de toujours convoquer ces actionnaires en personne à l'assemblée générale » (Amendement n° 21, Doc. parl., Ch., n° 54-3119/004, p. 37). C'est cependant perdre de vue que les SRL cotées peuvent émettre des actions dématérialisées et que, dans toutes les SRL, les titres autres que des actions (y compris donc les obligations convertibles et les droits de souscription) peuvent être dématérialisés (supra, n° 11).
                  [166] Comme on l'a relevé ci-dessus (supra, n° 7), les statuts d'une SRL mentionnent « le cas échéant, la description précise du ou des buts qu'elle poursuit en plus du but de distribuer ou de procurer à ses associés un avantage patrimonial direct ou indirect » (art. 2:8, § 2, CSA). La modification des buts d'une société est soumise aux mêmes conditions de quorum et de majorité que la modification de l'objet « [p]uisque l'objet est subordonné aux buts de la société, il est légitime qu'une modification de ses buts, lorsque ceux-ci sont inscrits dans les statuts, soit soumise à des conditions de quorum et de majorité semblables à la modification de l'objet afin d'offrir une protection similaire aux actionnaires » (justification de l'amendement n° 349 à l'origine de la modification de l'art. 5:101 CSA: Doc. parl., Ch., n° 54-3119/10, p. 21).
                  [167] Le principe de la « neutralité » des absentions était largement admis pour les décisions des assemblées générales ordinaires. En revanche, pour les assemblées générales extraordinaires, il était généralement admis que l'exigence d'une majorité « positive » de 3/4 des voix impliquait que les absentions équivalaient à des votes négatifs (D. Willermain, « Le fonctionnement des organes et la représentation des sociétés. Questions spéciales », in Droit des affaires et des sociétés. Actualités et nouveaux enjeux, p. 134, n° 10). Les votes nuls ne sont pas non plus pris en compte.
                  [168] Exposé des motifs, o.c., p. 191.
                  [169] Sur ce régime, voy. dans la littérature récente: A.-P. Andre-Dumont, « L'exclusion d'associés dans les sociétés coopératives », in Les conflits au sein des sociétés commerciales ou à forme commerciale, Ed. du Jeune Barreau de Bruxelles, 2004, p. 201; O. Caprasse et R. Aydogdu, Les conflits entre actionnaires. Prévention et résolution, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 66 et s.; T. Loffet et M. Bernaerts, « Les associés de la société coopérative »,  in La société coopérative: nouvelles évolutions, Bruxelles, Larcier, CJB, 2018, p. 77.
                  [170] Exposé des motifs, o.c., p. 186.
                  [171] L'exposé des motifs confirme que toutes les classes d'actions ne doivent pas être traitées de manière identique (o.c., p. 187).
                  [172] Amendement n° 249, Doc. parl., Ch., n° 54-3119/8, p. 106. L'amendement est justifié par la nécessité « de garantir la stabilité de la société pendant la phase de démarrage ».
                  [173] O.c., p. 187.
                  [174] Cette valeur est calculée en divisant l'actif net tel que défini par l'art. 5:142, al. 3, CSA, par le nombre d'actions émises (en tenant compte, le cas échéant, de l'existence de différentes classes d'actions, puisqu'une classe peut représenter une partie proportionnelle plus importante de cet actif net) (exposé des motifs, p. 187).
                  [175] Amendement n° 251, Doc. parl., Ch., n° 54-3119/8, p. 108.
                  [176] Le Conseil d'Etat s'est interrogé sur la pertinence de cette intervention notariale (qui n'est pas prévue pour les SC) en observant qu'elle « va à, l'encontre de l'objectif de simplification promu par les auteurs de l'avant-projet » (Premier Avis, p. 80). Pour le Conseil d'Etat, il est à craindre, surtout dans les petites sociétés, que « le procédé de l'acquisition d'actions propres soit préféré dans tous les cas où les actionnaires s'entendent. L'utilisation de ce procédé permet en effet d'aboutir à un résultat économique équivalent, tout en évitant la formalité de l'acte authentique ». La formalité (annuelle) de l'acte authentique a néanmoins été maintenue au motif que « la SRL deviendra la forme 'standard', tandis que l'utilisation de la SC diminuera en raison de ses caractéristiques spécifiques. Il a dès lors été jugé opportun de maintenir la mention du nombre exact des actions d'une SRL dans ses statuts, bien que, dans un souci de ne pas imposer de trop lourdes formalités, il suffira de procéder à cette mise à jour annuellement. Le registre d'actions reflète à chaque moment la situation correcte » (exposé des motifs, p. 188).