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Cour de cassation (1re ch.), 27/09/2018, C.17.0669.F, R.D.C.-T.B.H., 2019/5, p. 674-675

Cour de cassation 27 septembre 2018

OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES
Conditions de validité des conventions - Absence d'accès à la profession - Conséquences pour le contrat d'entreprise - Nullité
Est nul le contrat relatif à l'exécution de travaux relevant des activités professionnelles visées à l'arrêté royal du 29 janvier 2007 relatif à la capacité professionnelle pour l'exercice des activités indépendantes dans les métiers de la construction et de l'électrotechnique, ainsi que de l'entreprise générale, conclu par un entrepreneur qui ne prouve pas qu'à la date de la conclusion du contrat, il disposait des compétences requises par l'exercice desdites activités professionnelles.
VERBINTENISSEN UIT OVEREENKOMST
Geldigheidsvereisten overeenkomst - Afwezigheid van toegang tot het beroep - Gevolgen voor aannemingsovereenkomst - Nietigheid
De overeenkomst is nietig wanneer ze betrekking heeft op de uitvoering van werken die onder de beroepsactiviteiten vallen waarop het koninklijk besluit van 29 januari 2007 betreffende de beroepsbekwaamheid voor de uitoefening van zelfstandige activiteiten van het bouwvak en van de elektrotechniek, alsook van de algemene aannemingen van toepassing is en wanneer ze gesloten wordt door een aannemer die niet aantoont dat hij, op de datum waarop de overeenkomst werd gesloten, over de voor de uitoefening van die activiteiten vereiste beroepsbekwaamheden beschikte.

J.-M. V.D.P. en I.D.Q. / Cube Interiors BVBA

Zet.: Ch. Storck (président de section), M. Delange, M. Lemal, M.-C. Ernotte et A. Jacquemin (conseillers)
M.P.: Th. Werquin (avocat général)
Pl.: Mes P.A. Foriers, A.F. Belle
Affaire: C.17.0669.F
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 avril 2017 par la cour d'appel de Bruxelles sous le numéro 2016/AR/1922 du rôle général.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.

III. La décision de la Cour
Sur le moyen
Quant à la première branche

L'article 6 du Code civil dispose que l'on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs.

La licéité d'une convention doit être appréciée au moment de sa conclusion.

Aux termes de l'article 5, § 1er, de la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l'entreprise indépendante, toute P.M.E., personne physique ou personne morale, qui exerce une activité professionnelle pour laquelle la compétence professionnelle est fixée, doit prouver qu'elle dispose de cette compétence professionnelle.

En vertu de l'article 1er de l'arrêté royal du 29 janvier 2007 relatif à la capacité professionnelle pour l'exercice des activités indépendantes dans les métiers de la construction et de l'électrotechnique, ainsi que de l'entreprise générale, cet arrêté est applicable aux activités professionnelles, exercées en tant qu'indépendant à titre principal ou à titre complémentaire pour compte de tiers, entre autres de la menuiserie et de la vitrerie, de la finition, notamment des travaux de peinture, de tapisserie et de placement au sol des couvertures souples, et de l'entreprise générale.

Suivant l'article 3 de cet arrêté, toute personne désireuse d'exercer une des activités professionnelles visées à l'article 1er doit prouver disposer de la compétence professionnelle fixée par ledit arrêté.

L'article 31 du même arrêté dispose qu'exerce les activités de l'entreprise générale, celui qui construit, rénove, fait construire ou rénover un bâtiment, en exécution d'un contrat d'entreprise de travaux jusqu'à l'achèvement, et fait appel pour cela à plusieurs sous-traitants, et l'article 32 détermine les compétences professionnelles exigées pour l'exercice de telles activités.

La conclusion d'un contrat ayant pour objet les activités visées à l'arrêté royal du 29 janvier 2007 relève de l'exercice de ces activités.

Il s'ensuit qu'est nul le contrat relatif à l'exécution de travaux relevant des activités professionnelles précitées conclu par un entrepreneur qui ne prouve pas que, à la date de la conclusion du contrat, il disposait des compétences professionnelles requises pour leur exercice.

L'arrêt constate que le devis du 24 juillet 2014 concernant les travaux litigieux a été « accepté par les [demandeurs] le 25 juillet 2014 », que les travaux « comprenaient: la démolition et le démontage des anciens châssis, de la cuisine existante et des sanitaires, des carrelages dans la cuisine et les salles de bain, le percement d'un mur », « de la maçonnerie », « la fourniture et la pose de nouveaux revêtements de sols (planchers ou carrelages) dans toutes les pièces », « l'enduisage et la mise en couleur des murs et plafonds », « du plafonnage », « de la menuiserie intérieure », « la menuiserie extérieure », « la fourniture et la pose d'une cuisine équipée, de deux W.C. et de deux salles de bain neuves », « des travaux d'électricité » et « la fourniture et la pose de mobiliers » et que le devis « mentionne expressément que les travaux seront réalisés par un sous-traitant ».

Il constate également que la défenderesse, qui « a été constituée en 2008 », « dispose de l'accès à la profession d'entrepreneur général et de l'accès à la profession pour les activités de finition depuis le 6 octobre 2014, soit après la conclusion du contrat d'entreprise litigieux », et que les travaux ont débuté en février 2015.

Il considère qu'« à propos de la compétence d'entrepreneur général, il faut rappeler que le devis du 24 juillet 2014 accepté par les [demandeurs] mentionne que le chantier sera réalisé par un sous-traitant de [la défenderesse] ».

L'arrêt, qui considère que « le contrat d'entreprise, dans la mesure où il a pour objet des travaux à réaliser en sous-traitance et des travaux de finition, n'a pas été conclu en violation de l'ordre public » aux motifs que « c'est au moment de l'édification de l'ouvrage qu'il importe que l'entrepreneur soit titulaire de l'accès à la profession légalement requis » et que la défenderesse a obtenu « la reconnaissance de ses compétences professionnelles dans le domaine de l'entreprise générale et des travaux de finition » « bien avant l'exécution des travaux », viole les dispositions légales visées au moyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel;

(…)