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L'encadrement des hausses tarifaires en assurance maladie privée : a never ending story, R.D.C.-T.B.H., 2019/9, p. 1095-1102

ASSURANCES
Assurances terrestres - Assurances de personnes - Assurance hospitalisation - Compétence judiciaire - Prescription - Augmentation tarifaire illégale - Remboursement des surprimes indues
Aucune disposition légale ne prévoit l'obligation de prendre en considération, aux fins de fixer la valeur réelle du litige, d'éventuelles demandes similaires que pourraient ultérieurement former d'autres justiciables contre la même partie défenderesse.
Un particulier qui n'est pas une entreprise a, en vertu de l'article 573, alinéa 2, du Code judiciaire, la faculté, mais non l'obligation, de porter devant le tribunal de l'entreprise sa demande dirigée contre une entreprise.
La demande tendant à obtenir le remboursement de surprimes prétendument indues car illégales correspond, non pas à une action dérivant du contrat d'assurance, soumise au délai de prescription triennale fixé à l'article 88, § 1er, première phrase, de la loi sur les assurances, mais à une action en répétition de l'indu, gouvernée par la règle de la prescription décennale énoncée à l'article 2262bis, § 1er, du Code civil.
La circonstance qu'une juridiction ait considéré qu'il n'y avait plus lieu d'ordonner à l'assureur qu'il mette fin à une augmentation tarifaire jugée contraire à la loi n'affecte pas le constat, opéré par cette même juridiction, du caractère illégal de cette augmentation tarifaire. Un tel constat justifie le remboursement au preneur des surprimes indûment payées pendant la période d'application de cette augmentation illégale.
VERZEKERINGEN
Landverzekeringsovereenkomst - Personenverzekering - Hospitalisatieverzekering - Rechterlijke bevoegdheid - Verjaring - Onwettige tariefverhoging - Terugbetaling van onverschuldigde bijpremies
Geen enkele wettelijke bepaling vereist dat bij de vaststelling van de werkelijke waarde van het geschil rekening wordt gehouden met soortgelijke vorderingen die later door andere rechtzoekenden tegen dezelfde verweerder zouden kunnen worden ingesteld.
Een particulier die geen onderneming is, heeft op grond van artikel 573, tweede lid Gerechtelijk Wetboek het recht, maar niet de verplichting, om zijn vordering tegen een onderneming voor de ondernemingsrechtbank te brengen.
De vordering tot terugbetaling van onverschuldigde bijpremies (op grond van onwettigheid) betreft geen vordering voortvloeiend uit de verzekeringsovereenkomst, onderworpen aan de driejarige verjaringstermijn van artikel 88, § 1, eerste lid wet verzekeringen, maar betreft een vordering tot terugbetaling van een onverschuldigde betaling, die onderworpen is aan de tienjarige verjaringstermijn van artikel 2262bis, § 1 Burgerlijk Wetboek.
Het feit dat een rechtbank heeft geoordeeld dat er geen reden meer is om de verzekeraar te bevelen een met de wet strijdige tariefverhoging te stoppen, doet geen afbreuk aan de vaststelling van diezelfde rechtbank dat de tariefverhoging onwettig is. Deze vaststelling rechtvaardigt de terugbetaling aan de verzekeringnemer van de bijpremies die ten onrechte betaald werden tijdens de periode waarin deze onwettige tariefverhoging van toepassing was.
L'encadrement des hausses tarifaires en assurance maladie privée: a never ending story
J.-M. Binon [1]
Introduction

1.Le paysage juridique de l'assurance s'est enrichi, ces dernières années, de plusieurs législations visant à faciliter l'accès à des couvertures communément considérées comme répondant aux besoins assurantiels élémentaires. Les assurances du solde restant dû, garantie indispensable à l'obtention d'un crédit immobilier ou professionnel et, indirectement, à l'accès à la propriété immobilière ou à une activité professionnelle d'indépendant, font ainsi l'objet, aux articles 212 à 224 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances [2] (ci-après la « loi sur les assurances ») [3] (ex art. 138ter-1 à 138ter-13 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (ci-après la « LCAT »)), d'un ensemble de règles qui est devenu pleinement opérationnel en janvier 2015 et dont l'objectif principal est de rencontrer les difficultés éprouvées par les personnes présentant un risque de santé accru (malades chroniques, personnes atteintes d'un cancer ou en ayant souffert par le passé, personnes souffrant d'une maladie ou d'une affection particulière) pour accéder à une telle couverture à des conditions raisonnables.

Tout récemment, le législateur a consacré, à ce stade dans le domaine des assurances du solde restant dû liées à un crédit hypothécaire ou professionnel, un « droit à l'oubli » en faveur du candidat à une telle assurance, qui interdit en substance à l'assureur de prendre en compte une pathologie cancéreuse antérieure dont aurait souffert ce candidat pour déterminer l'état de santé actuel de celui-ci et, partant, pour justifier un refus d'assurance ou l'application d'une surprime ou d'une exclusion spécifique de garantie, si un délai de 10 ans s'est écoulé depuis la fin d'un traitement réussi de cette pathologie sans que ledit candidat ait été victime d'une rechute (art. 61/1 à 61/4 de la loi sur les assurances) [4], [5].

2.Le jugement annoté, qui constitue le dernier épisode en date d'une saga judiciaire émaillée d'une kyrielle de décisions ayant mobilisé plusieurs juridictions à l'échelle belge mais aussi européenne, a, quant à lui, pour toile de fond juridique le mécanisme d'encadrement des modifications contractuelles et tarifaires en assurance maladie privée, introduit par l'article 138bis-4 de la LCAT et aujourd'hui contenu à l'article 204 de la loi sur les assurances [6].

Cadre juridique général

3.Ce mécanisme, qui concerne exclusivement les contrats d'assurance maladie [7] non liés à une activité professionnelle [8], fait partie d'un ensemble de mesures visant, d'une manière générale, à circonscrire la sélection et la segmentation des risques en assurance maladie et, plus particulièrement, à rencontrer les difficultés éprouvées par les personnes à risque pour acquérir ou maintenir une couverture d'assurance maladie privée [9].

Son objectif a été, tout d'abord, de mettre un terme à certaines pratiques parfois qualifiées de « dumping commercial », consistant pour les assureurs à attirer la jeune clientèle par des tarifs de lancement attractifs et à compenser ultérieurement ces tarifs avantageux, techniquement intenables sur le long terme, par une politique de rattrapage matérialisée par des hausses brutales et parfois spectaculaires de primes aux conséquences potentiellement ravageuses pour les assurés plus âgés ou moins nantis [10].

Le mécanisme en cause a également été dépeint comme le complément indispensable des nouvelles règles en matière de durée obligatoire des contrats d'assurance maladie non liés à une activité professionnelle (art. 203 de la loi sur les assurances; ex art. 138bis-3 de la LCAT) [11], la protection conférée aux preneurs d'assurance par ces règles n'ayant en effet, dans l'esprit du législateur, de sens et d'intérêt que si elle va de pair avec une régulation stricte du droit de l'assureur de modifier les conditions (contractuelles ou tarifaires) du contrat pendant le déroulement de celui-ci [12].

D'un autre côté, l'on a aussi pu voir dans ce mécanisme d'encadrement, qui permet à l'assureur, certes à des conditions strictement définies, de « retoucher » au contrat en cours, une forme de contrepoids à l'interdiction pour ce dernier, en assurance maladie, de résilier ce contrat après la survenance d'un sinistre (art. 86, § 2, de la loi sur les assurances; ex art. 31, § 2, de la LCAT) [13].

4.Le principe de base de cet encadrement légal est la règle de l'intangibilité (ou de l'immutabilité) du contrat, en vertu de laquelle, une fois le contrat conclu, l'assureur ne peut normalement plus apporter de modifications aux bases techniques de la prime ou aux conditions de couverture (art. 204, § 1er, de la loi sur les assurances; ex art. 138bis-4, § 1er, de la LCAT). Ce principe admet toutefois un certain nombre d'exceptions, qui forment le cadre légal des modifications contractuelles ou tarifaires autorisées en cours de contrat.

5.La première exception correspond à la modification « consensuelle », fruit d'un « accord réciproque des parties » (art. 204, § 1er, al. 1er, de la loi sur les assurances; ex art. 138bis-4, § 1 er, al. 1er, de la LCAT). Cette modification ne peut toutefois intervenir qu'à la « demande exclusive de l'assuré principal » et « dans l'intérêt des assurés » (art. 204, § 1er, al. 2, de la loi sur les assurances; ex art. 138bis-4, § 1er, al. 2, de la LCAT). Elle vise, notamment, à permettre à l'« assuré principal » [14] de solliciter de l'assureur une réduction de la prime en raison d'une diminution du risque assuré survenue après la conclusion du contrat, ce qui pose la question de l'articulation de cette exception avec l'article 80 de la loi sur les assurances (ex art. 25 de la LCAT), qui exclut les assurances maladie du régime de la diminution du risque susceptible, lorsqu'elle est sensible et durable, de justifier une diminution de la prime à due concurrence. Cet apparent conflit de normes doit, à notre sens, être résolu par l'application de la règle selon laquelle la loi postérieure (en l'occurrence, celle introduite, en 2007, par l'ex art. 138bis-4, § 1er, de la LCAT) prime la loi antérieure (en l'occurrence, celle, remontant à 1992, de l'ex art. 25 de la LCAT).

6.La deuxième exception, introduite par une loi du 26 octobre 2015 [15], soit postérieurement aux faits à l'origine du jugement commenté, entend préserver la liberté de l'assureur de modifier les conditions contractuelles ou tarifaires en cours de contrat en raison de l'application d'une nouvelle réglementation, pour autant que cela se fasse « dans l'intérêt des assurés et moyennant l'accord du preneur d'assurance » (art. 204, § 1er, al. 2, de la loi sur les assurances).

7.La troisième exception, qui vise plus spécifiquement les assurances soins de santé, permet à l'assureur d'adapter, à la date de l'échéance annuelle de la prime, cette dernière, la franchise et/ou la prestation sur la base de l'indice des prix à la consommation (art. 204, § 2, de la loi sur les assurances; ex art. 138bis-4, § 2, de la LCAT) ou, « sur la base d'un ou plusieurs indices spécifiques, aux coûts des services couverts par les contrats privés d'assurance maladie si et dans la mesure où l'évolution de cet ou de ces indices dépasse celle de l'indice des prix à la consommation » (art. 204, § 3, al. 1er, de la loi sur les assurances; ex art. 138bis-4, § 3, al. 1er, de la LCAT). Le recours à ces indices spécifiques, communément dénommés « indices santé » ou « indices médicaux », est donc subordonné au fait que ceux-ci excèdent l'indice des prix à la consommation, en d'autres termes, que la hausse du coût des services de santé soit supérieure à celle des prix à la consommation [16].

Cette troisième exception n'en est pas véritablement une en ce sens qu'il s'agit d'un mécanisme d'adaptation de la prime, de la franchise ou de la prestation en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation ou des indices médicaux, et non d'une possibilité de modifier les bases techniques. A la différence d'une procédure de majoration tarifaire, l'application du mécanisme d'indexation convenu contractuellement conformément à la loi n'ouvre pas au preneur d'assurance le droit de résilier le contrat.

La méthode de construction des indices médicaux a été définie, sur la base de l'habilitation figurant à l'ancien article 138bis-4, § 3, de la LCAT et conformément à la méthodologie prévue à cette même disposition, par un arrêté royal du 1er février 2010 [17]. Celui-ci a prévu une nomenclature, ventilée, d'une part, en quatre types de garanties (la garantie « chambre particulière », la garantie « chambre double et commune », la garantie « soins ambulatoires » et la garantie « soins dentaires ») et, d'autre part, en cinq classes d'âge (0-19 ans; 20-34 ans; 35-49 ans; 50-64 ans; 65 ans et plus).

Les premiers indices médicaux ont été publiés au Moniteur belge, à une fréquence trimestrielle à partir de la fin février 2010, avant que l'arrêté royal du 1er février 2010 fasse l'objet de recours en annulation devant le Conseil d'Etat de la part, respectivement, de Test-Achats et d'Assuralia. Le recours de Test-Achats, essentiellement pris d'un manque de représentativité du critère de l'âge retenu pour la construction des indices médicaux, a été rejeté par des arrêts du 7 novembre 2012 (n° 221.285) et du 22 février 2013 (n° 222.601), tandis que le recours d'Assuralia a été accueilli par un arrêt du 29 décembre 2011 (n° 217.085) qui a annulé en grande partie l'arrêté royal du 1er février 2010 pour insuffisance de motivation, en raison du fait qu'aucun élément ne permettait de comprendre les motifs pour lesquels les autorités réglementaires s'étaient écartées de l'avis du Centre fédéral d'expertise des soins de santé recommandant de retenir parmi les critères de construction des indices médicaux, outre l'âge et le type de garantie, une troisième variable liée aux réserves de vieillissement [18].

Le Conseil d'Etat avait laissé aux autorités réglementaires un an pour corriger le vice formel dont était entachée la mouture initiale de cet arrêté royal, mais c'est finalement le 18 mars 2016 qu'un arrêté royal modifiant celui du 1er février 2010 [19] a été adopté pour tirer les conséquences de l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 2011.

La ventilation des indices médicaux en quatre types de garanties et en cinq classes d'âge est demeurée inchangée (art. 2) [20], mais l'évolution de ces indices tient dorénavant compte d'une revalorisation des réserves de vieillissement, qui se traduit concrètement par l'application d'un facteur spécifique de revalorisation d'1,5 (art. 6, § 4). La détermination et la publication, par le SPF Economie, du tableau global des indices médicaux se fait désormais à une fréquence annuelle (en juillet), et non plus trimestrielle (art. 6, § 2 et art. 7). L'indice de départ (100) correspond à celui déterminé sur la base des données afférentes à l'année 2015 (art. 8) [21].

8.La quatrième exception est d'ordre prudentiel et résulte de l'application combinée des articles 41 et 204, § 4, de la loi sur les assurances, ainsi que des articles 504 et 505 de la loi Solvabilité II [22]. Elle réside dans la possibilité pour la Banque nationale de Belgique (BNB), si elle constate ou si un assureur l'informe que l'application de l'un de ses tarifs donne lieu ou risque de donner lieu à des pertes, d'exiger, après consultation de la FSMA, que l'assureur concerné prenne des mesures visant à mettre ce tarif en équilibre, mesures qui peuvent comporter une adaptation des conditions de couverture (plafond d'intervention ou relèvement d'une franchise, p. ex.). L'article 303, § 3, de la loi Solvabilité II confie ce pouvoir à l'Office de contrôle des mutualités et des unions nationales de mutualités (OCM) en ce qui concerne les sociétés mutualistes d'assurance actives sur le marché de l'assurance maladie complémentaire [23].

Dans la loi du 2 mai 2019 portant dispositions diverses en matière d'économie [24], le législateur a entendu souligner expressément le caractère subsidiaire de cette exception prudentielle, en prévoyant que la BNB (ou l'OCM) peut d'abord imposer à l'assureur (ou à la société mutualiste d'assurance) de mettre effectivement en oeuvre les augmentations tarifaires permises en application de l'indice des prix à la consommation ou des indices médicaux avant d'exiger une mise en équilibre de ses tarifs si de telles augmentations ne devaient pas suffire pour résorber ses pertes ou écarter le risque de telles pertes (art. 504, § 2, de la loi Solvabilité II, introduit par l'art. 82 de cette loi du 2 mai 2019 [25]).

Ce faisant, le législateur a visiblement voulu donner suite aux considérations exposées par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 90/2011 du 31 mai 2011. Selon cette dernière, cette mesure de redressement tarifaire ne saurait être perçue, contrairement à certaines critiques émises à son encontre, comme une « mise sous tutelle tarifaire ». Elle constitue tout au plus une solution de dernier ressort, accessible à l'assureur uniquement au cas où le recours aux mécanismes légaux d'indexation ne suffirait pas pour lui permettre de maintenir ses tarifs à l'équilibre. Elle a donc vocation à ne s'appliquer que dans des situations spécifiques et particulières ou dans des circonstances exceptionnelles [26].

9.La cinquième exception correspond à la possibilité pour l'assureur d'adapter la prime, la période de carence et les conditions de couverture, de manière raisonnable et proportionnelle, aux modifications intervenues dans la profession de l'assuré (en ce qui concerne les assurances soins de santé, incapacité de travail, invalidité et dépendance), aux modifications intervenues dans les revenus de l'assuré (en ce qui concerne les assurances incapacité de travail et invalidité) ou à un changement de statut dans le système de sécurité sociale (en ce qui concerne les assurances soins de santé et incapacité de travail). Les modifications ou changements en cause doivent toutefois avoir une influence significative sur le risque et/ou sur le coût ou l'étendue des prestations garanties (art. 204, § 5, de la loi sur les assurances; ex art. 138bis-4, § 5, de la LCAT).

Il peut s'agir d'évolutions favorables ou défavorables à l'assuré en termes de degré d'exposition au risque ou de coût de la couverture, ce qui soulève, ici encore, la question de l'articulation de cette exception avec les dispositions des articles 80 et 81 de la loi sur les assurances (ex art. 25 et 26 de la LCAT), aux termes desquelles les règles relatives à la diminution ou à l'aggravation du risque en cours de contrat ne s'appliquent pas aux contrats d'assurance maladie. A cet égard, si une modification de la profession de l'assuré peut avoir une incidence sur le degré de risque de survenance de l'événement assuré dans une assurance maladie et pourrait ainsi relever du champ d'application de ces deux articles, il en va, en revanche, différemment d'une modification des revenus ou du statut social de l'assuré, dont l'impact se situe plutôt au niveau des conséquences financières de la survenance du risque assuré et, donc, de l'étendue de la couverture d'assurance. Quoi qu'il en soit, un éventuel conflit de normes devrait être résolu en faveur de l'application de la disposition la plus récente, à savoir l'article 204, § 5, de la loi sur les assurances.

L'on pointera toutefois l'absence totale d'indication, dans cette dernière disposition, quant aux conséquences à attacher à un manquement de l'assuré ou, du moins, du preneur d'assurance à son obligation de déclarer une aggravation du risque ou du coût de la couverture qui autoriserait l'assureur à procéder à une adaptation contractuelle ou tarifaire en vertu de ladite disposition. Dans le silence des textes, il appartiendra vraisemblablement à la jurisprudence de clarifier tôt ou tard cet aspect, en puisant au besoin dans les principes généraux du droit des assurances [27].

Rétroactes du litige

10.C'est ce jeu d'exceptions qui, à quelques nuances près, a constitué l'arrière-plan des faits à l'origine du jugement commenté.

En mai 2002, la demanderesse a souscrit, auprès de la compagnie d'assurance DKV Belgium (ci-après « DKV »), un contrat d'assurance soins de santé, couvrant plus spécifiquement les frais médicaux liés à une hospitalisation et demeurant à charge du patient après intervention de la sécurité sociale (le « ticket modérateur »). Ce contrat comportait une garantie « chambre particulière ».

A la fin de l'année 2009, DKV a annoncé à la demanderesse, comme à l'ensemble de ses assurés bénéficiant d'une telle garantie, qu'elle appliquerait, à compter de la date de l'échéance principale du contrat en 2010, une augmentation de prime de 7,84%. Craignant de voir son contrat résilié, la demanderesse a donné suite à l'avis de hausse de sa prime annuelle, reçu en mars 2010, en réglant celle-ci.

Au préalable, DKV avait adressé, en octobre 2009, à l'autorité de contrôle de l'époque, la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA), une demande d'autorisation fondée sur l'ancien article 21octies, § 2, de la loi de contrôle de 1975 (en substance, l'actuel art. 504, § 1er, de la loi Solvabilité II). Considérant, notamment, qu'il convenait d'attendre la fixation des indices médicaux visés à l'article 138bis-4, § 3, de la LCAT, l'autorité de contrôle refusa toutefois d'accéder à cette demande. Le recours en annulation introduit par DKV contre cette « décision » de refus fut jugé irrecevable par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 24 juin 2010 [28].

11.Entre-temps, Test-Achats a, en février 2010, introduit devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles une action visant à obtenir la cessation de l'augmentation tarifaire en cause. Par une ordonnance du 20 décembre 2010 [29], celui-ci a partiellement fait droit à cette action.

Après avoir noté que DKV n'entendait pas justifier cette augmentation par l'application de l'indice des prix à la consommation ou des indices médicaux, il a également exclu que ladite augmentation puisse se revendiquer de l'exception prudentielle, eu égard au refus de la CBFA d'accéder à la demande en ce sens de DKV. Ecartant la suggestion de DKV d'interroger à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après la « Cour de justice ») sur la conformité du mécanisme d'encadrement institué par l'ex article 138bis-4 de la LCAT au droit de l'Union européenne, plus précisément, au « principe de la liberté tarifaire » déduit par cette juridiction des directives européennes en matière d'assurance (non-vie) [30] ainsi qu'au principe de l'équilibre financier inhérent aux exigences posées par ces mêmes directives, il a jugé l'augmentation litigieuse illégale au regard de cet article et contraire à la législation sur les pratiques du commerce, et a condamné DKV, sous peine d'astreinte, à ramener la prime et à maintenir la franchise à leur niveau de 2009, ainsi qu'à restaurer la garantie « chambre individuelle » en faveur des assurés qui, suite à cette augmentation, avaient renoncé à cette garantie pour une garantie « chambre commune ».

12.Saisie d'un appel de DKV ainsi que d'un appel incident de Test-Achats contre cette ordonnance, la cour d'appel de Bruxelles a, par un arrêt interlocutoire du 10 novembre 2011 [31], décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice deux questions portant sur la conformité de l'ex article 138bis-4 de la LCAT, lu en combinaison avec l'ex article 21octies, § 2, de la loi de contrôle de 1975, aux dispositions des directives européennes en matière d'assurance non-vie [32] sous-tendant le principe de la liberté tarifaire en ce domaine, d'une part, et aux articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatifs à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, d'autre part. Elle a considéré, à cet égard, que le fait que, dans son arrêt n° 90/2011 du 31 mai 2011 [33], la Cour constitutionnelle ait conclu à l'absence d'incompatibilité de ce dispositif légal avec le principe et les libertés précités n'entamait pas sa compétence pour solliciter de la Cour de justice un contrôle de la conformité dudit dispositif au droit européen.

13.Dans un arrêt du 7 mars 2013 [34], abondamment commenté [35], la Cour de justice a considéré, d'une part, que le mécanisme légal en cause n'était pas contraire au principe de la liberté tarifaire découlant des directives européennes en matière d'assurance non-vie, au motif que ce mécanisme s'apparente tout au plus à un « cadre technique » qui se limite à encadrer l'évolution des tarifs, mais qui n'affecte pas la possibilité pour les assureurs de fixer librement les primes de base [36]. S'agissant, en particulier, de l'ex article 21octies, § 2, de la loi de contrôle de 1975, il fut allégué, au cours de la procédure devant la Cour de justice, que la mesure d'approbation préalable des hausses tarifaires par l'autorité de contrôle belge, prévue par cette disposition, était contraire aux directives précitées, lesquelles interdisent les mesures de contrôle tarifaire a priori, sauf dans l'hypothèse exceptionnelle, et étrangère au cas d'espèce, où de telles mesures se rattachent à un système général de contrôle des prix. Replaçant la mesure belge litigieuse dans son contexte général, la Cour de justice a toutefois estimé que celle-ci ne suffisait pas à remettre en cause la qualification de « cadre technique » du système global d'encadrement tarifaire en cause [37].

D'autre part, en ce qui concerne la compatibilité du mécanisme légal en cause avec la liberté d'établissement et la libre prestation des services, la Cour de justice a jugé que ce mécanisme est constitutif d'une restriction à ces deux libertés en ce qu'il est de nature à entraver l'accès au marché belge de l'assurance maladie privée en imposant aux assureurs étrangers désireux de pénétrer ce marché de repenser leur politique et leur stratégie commerciales, en particulier leur positionnement tarifaire au moment de la fixation initiale des primes, avec le risque que les augmentations tarifaires à venir soient insuffisantes pour couvrir les frais auxquels ils vont devoir faire face [38].

Quant à la justification de cette restriction, la Cour de justice a souligné que l'objectif poursuivi par ce mécanisme, à savoir, selon les indications ressortant de l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 31 mai 2011, empêcher que les assurés soient confrontés à des hausses importantes et inattendues de leur prime d'assurance en cours de contrat, en particulier à un âge plus avancé où le besoin de couverture des soins de santé est précisément le plus prégnant, relève de l'objectif de protection des consommateurs, lequel constitue une raison impérieuse d'intérêt général de nature à justifier une restriction aux libertés fondamentales [39].

S'agissant de la question, âprement débattue devant elle, du caractère proportionné dudit mécanisme au regard d'un tel objectif, elle a épinglé certains éléments plaidant, de prime abord, en faveur du respect de ce critère de proportionnalité (vulnérabilité particulière des assurés âgés à l'égard de hausses importantes de primes visant à refléter l'augmentation de la probabilité d'intervention de l'assureur; préservation de la liberté pour les assureurs de fixer leurs primes de base en tenant compte, au moment de cette fixation, de la hausse prévisible des coûts liés à la couverture d'assurance en fonction de l'évolution de l'âge de l'assuré), mais elle a laissé le soin à la cour d'appel de Bruxelles de vérifier qu'il n'existe pas de mesure moins contraignante qui permettrait d'atteindre, dans les mêmes conditions, l'objectif d'intérêt général poursuivi [40].

14.A la suite de cet arrêt préjudiciel, la cour d'appel de Bruxelles, dans un arrêt du 18 février 2016 [41], a, en ligne avec l'analyse opérée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 31 mai 2011 [42], conclu à l'absence d'une telle mesure, en soulignant, notamment, que, contrairement à la thèse défendue par DKV, l'existence d'une possibilité de contrôle a posteriori, par la BNB, de l'augmentation tarifaire pratiquée par un assureur ne constituait pas une alternative, mais une simple modalité de mise en oeuvre du mécanisme général d'encadrement légal en cause.

Elle a, en conséquence, jugé que l'augmentation tarifaire décidée par DKV à la fin de l'année 2009, dès lors qu'elle ne correspondait à aucune des exceptions admises par ce mécanisme d'encadrement, était illégale et, partant, constitutive d'une pratique commerciale déloyale interdite par la législation sur les pratiques du marché (actuellement, art. VI.95 CDE).

Toutefois, relevant que le tarif appliqué par DKV à partir de février 2012 et correspondant à une augmentation de 13,29% par rapport au tarif de 2009, avait été autorisé à la fin de l'année 2011 par la BNB [43], la cour d'appel de Bruxelles a estimé que l'augmentation tarifaire illégale de 2010 avait définitivement pris fin, si bien qu'il n'était plus possible de condamner DKV à mettre fin à ladite augmentation et de faire droit aux différentes mesures de cessation sollicitées par Test-Achats, d'autant qu'un risque de récidive du comportement litigieux apparaissait exclu.

Répétition de l'indu ne rime pas avec cessation

15.Le litige tranché par le jugement commenté se greffe sur ce feuilleton judiciaire entamé en 2010, mais son objet était différent. La demanderesse, assurée de DKV, entendait prendre appui sur le constat d'illégalité fait par la cour d'appel de Bruxelles pour obtenir, non pas la cessation de l'augmentation litigieuse, mais le remboursement des surprimes qu'elle avait versées durant les années 2010 et 2011 ainsi qu'en janvier et février 2012.

16.Le jugement commenté s'emploie d'abord à écarter différentes exceptions soulevées par DKV.

S'agissant, premièrement, de l'exception d'incompétence matérielle tirée de l'enjeu financier « réel » du litige, il relève que, si celui-ci constitue indéniablement une « affaire pilote » (financée par Test-Achats) [44], il demeure que la citation introductive d'instance porte sur un montant financier de 47 EUR, soit un montant nettement inférieur au plafond de 2.500 EUR qui limitait la compétence du juge de paix à l'entame de la procédure devant lui, et qu'aucune disposition légale ne prévoit l'obligation de prendre en considération, aux fins de fixer la valeur réelle du litige, d'éventuelles demandes similaires que pourraient ultérieurement former d'autres justiciables contre la même partie défenderesse [45].

S'agissant, deuxièmement, de l'exception tirée de la prétendue nature économique du litige, le jugement commenté souligne que la demanderesse, qui n'est pas une entreprise, a, en vertu de l'article 573, alinéa 2, du Code judiciaire, la faculté, mais non l'obligation, de porter devant le tribunal de l'entreprise (anciennement, le tribunal de commerce) sa demande dirigée contre une entreprise [46], de sorte que le choix opéré par la demanderesse de saisir la justice de paix eu égard au caractère modeste de l'enjeu financier en cause ne saurait être contesté [47].

S'agissant, troisièmement, de l'exception d'incompétence territoriale, le jugement commenté considère que le présent litige constitue une contestation « en matière de contrat d'assurance », au sens de l'article 628, 10°, du Code judiciaire, qui relève de la règle spéciale de compétence du juge du domicile du preneur d'assurance (et non de la règle générale de compétence du juge du domicile du défendeur), et ce, nonobstant le fait que la demanderesse entend en l'occurrence se prévaloir des règles de prescription gouvernant, non pas les actions dérivant du contrat d'assurance, mais les actions en répétition de l'indu [48].

S'agissant, quatrièmement, de l'exception tirée de la prescription, le jugement commenté énonce qu'une demande tendant à obtenir le remboursement de surprimes prétendument indues car illégales correspond, non pas à une action dérivant du contrat d'assurance, soumise au délai de prescription triennale fixé à l'article 88, § 1er, première phrase, de la loi sur les assurances, mais à une action en répétition de l'indu, gouvernée par la règle, de droit commun, de la prescription décennale énoncée à l'article 2262bis, § 1er, du Code civil [49].

17.Sur le fond, le jugement commenté entend tirer les enseignements de l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 18 février 2016, en faisant la part des choses entre la procédure en cessation qui a trouvé son épilogue devant cette juridiction et le présent litige.

Il souligne, à cet égard, qu'un ordre de cessation ne peut avoir d'effets que pour l'avenir, et non pour le passé, si bien que, en l'occurrence, la décision de la BNB d'autoriser, en février 2012, DKV à appliquer une augmentation tarifaire de plus de 13% par rapport aux tarifs de 2009, a logiquement conduit la cour d'appel de Bruxelles à constater qu'il n'y avait plus matière à cessation au moment de rendre son arrêt. Mais cette perte d'objet de l'action en cessation introduite par Test-Achats ne saurait, pour le juge de paix hutois, occulter le constat opéré par cette même juridiction, et invoqué par la demanderesse au soutien de ses prétentions, selon lequel l'augmentation tarifaire appliquée par DKV durant les années 2010 et 2011 ainsi que les premiers mois de l'année 2012 était illégale, car ne correspondant à aucune des situations dans lesquelles l'ex article 138bis-4 de la LCAT tolérait alors une telle augmentation.

A cet égard, le jugement commenté se garde de faire appel à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de 2016, l'identité d'objet et de parties nécessaire à la reconnaissance d'une telle autorité faisant, en effet, défaut entre la procédure en cessation clôturée par la cour d'appel de Bruxelles et la demande portée devant la justice de paix hutoise. Il relève plutôt l'absence de raisons de nature à justifier que le constat de l'illégalité de l'augmentation tarifaire décidée par DKV fin 2009, fait par la cour d'appel de Bruxelles au regard de l'ensemble des assurés de cette compagnie d'assurance, ne pourrait valoir pour la demanderesse [50].

Conclusion

18.Le jugement commenté porte sur une affaire pilote. Il n'est donc pas surprenant que DKV ait décidé de se pourvoir en cassation à son encontre.

Indépendamment de l'issue de ce prochain épisode judiciaire, ce jugement est symptomatique de l'effectivité du contrôle juridictionnel dont est passible le non-respect des dispositifs mis en place, ces dernières années, par le législateur belge pour encadrer la sélection et la segmentation des risques dans les assurances de personnes, et améliorer ainsi l'accessibilité à ces assurances par les personnes plus fragiles, que ce soit sur le plan de la santé ou d'un point de vue économique.

Plus largement, cette affaire, devenue emblématique au fil des rebondissements judiciaires qu'elle a connus, illustre la complémentarité de l'action du législateur, auquel il revient de poser les choix politiques et sociétaux pour répondre à certaines évolutions du marché, et celle de la justice, qui doit être garante de la correcte mise en oeuvre de ces choix.

[1] Référendaire à la Cour de justice de l'Union européenne, maître de conférences invité à l'U.C.L.
[2] M.B., 30 avril 2014.
[3] Cette législation a été complétée par différentes mesures d'exécution contenues, essentiellement, dans les arrêtés royaux du 10 avril 2014 réglementant certains contrats d'assurance visant à garantir le remboursement du capital d'un crédit hypothécaire (M.B., 10 juin 2014) et du 4 mars 2015 portant agrément de la Caisse de compensation visée à l'article 220 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances (M.B., 12 mars 2015). Plusieurs de ses dispositions ont, tout récemment, été précisées, conformément aux recommandations faites par la Commission des assurances dans son premier rapport d'évaluation de cette législation, daté du 29 mai 2018 (Doc. C/2018/1; www.fsma.be), par les art. 57 à 62 de la loi du 2 mai 2019 portant dispositions diverses en matière d'économie (M.B., 22 mai 2019).
[4] Le candidat à l'assurance demeure néanmoins tenu de déclarer cette éventuelle pathologie cancéreuse antérieure ainsi que les effets secondaires avérés de celle-ci (p. ex., dommages aux poumons, au coeur ou aux reins), mais, tandis que l'assureur pourra tenir compte de ces effets secondaires éventuels, il ne peut, en revanche, pas prendre en considération la survenance passée de la pathologie cancéreuse en tant que telle si celle-ci remonte à 10 ans au moins sans que la personne concernée ait souffert d'une récidive.
[5] Sur la base de l'habilitation contenue à l'art. 61/3 de la loi sur les assurances, un arrêté royal du 26 mai 2019 (M.B., 14 juin 2019) établit une « grille de référence » relative, d'une part, à certains types de cancer pour lesquels ce délai de 10 ans est réduit (parfois, en fonction d'un critère d'âge) et, d'autre part, à certaines pathologies chroniques ou graves (p. ex., SIDA, hépatite C, mucoviscidose, …) pour lesquelles sont fixés le plafond de la surprime applicable en liaison avec cette pathologie et/ou le délai d'accès (avec ou sans surprime) à une assurance du solde restant dû en dépit de ladite pathologie. Cette grille de référence s'inspire du modèle français de la convention AERAS (S'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé).
[6] Cet article fait partie d'un chapitre consacré aux contrats d'assurance maladie (privée) qui a été inséré dans cette loi par une loi du 20 juillet 2007 (dite « loi Verwilghen » (M.B., 10 août 2007)), laquelle a fait l'objet d'une loi de « réparation » (loi du 17 juin 2009, dite « loi Verwilghen bis » ou « loi Reynders » (M.B., 8 juillet 2009)). Cette dernière loi a essuyé deux recours en annulation introduits, respectivement, par l'association professionnelle des assureurs Assuralia et par l'association de consommateurs Test-Achats devant la Cour constitutionnelle, qui, dans un arrêt du 31 mai 2011 (arrêt n° 90/2011), a censuré deux dispositions transitoires pour violation des principes de non-discrimination et de sécurité juridique, et a rejeté les recours pour le surplus.
[7] Relèvent de la notion de « contrat d'assurance maladie », les assurances « soins de santé », les assurances « incapacité de travail », les assurances « invalidité » et les assurances « soins non obligatoires » (assurances dépendance), au sens défini à l'art. 201, § 1er, 1° à 4°, de la loi sur les assurances.
[8] On entend par là les assurances maladie privées qui ne relèvent pas de la notion de « contrat d'assurance maladie lié à l'activité professionnelle », laquelle couvre, aux termes de l'art. 201, § 2, de la loi sur les assurances, « tout contrat d'assurance maladie conclu par un ou plusieurs preneurs d'assurance au profit d'une ou plusieurs personnes liées professionnellement au(x) preneur(s) d'assurance au moment de l'affiliation », ce moment devant s'entendre comme « le moment auquel, pour la première fois, l'assuré principal est affilié à l'assurance maladie par le preneur d'assurance indépendamment de modification(s) subséquente(s) apportée(s) à ce contrat d'assurance ou du changement d'entreprise d'assurance (art. 78 de la loi du 29 juin 2016 portant dispositions diverses en matière d'économie (M.B., 8 juillet 2016)) (la catégorie des assurances maladie liées à une activité professionnelle couvre ainsi l'assurance collective souscrite par un employeur au profit de ses anciens travailleurs retraités, préalablement affiliés, en cours d'activité professionnelle, à une assurance collective souscrite par le même employeur). Les assurances maladie non liées à une activité professionnelle comprennent, notamment, l'assurance maladie souscrite par un preneur d'assurance à son propre profit ainsi qu'au profit des membres de sa famille, l'assurance maladie souscrite par un travailleur indépendant à titre personnel et à son propre profit (p. ex., assurance revenu garanti), ainsi que l'assurance « collective » souscrite par un preneur d'assurance au profit de personnes avec lesquelles il n'est pas professionnellement lié (assurance dite « affinity group », souscrite, p. ex., par une organisation de bénévoles ou un club sportif pour le compte et au profit de ses membres ou adhérents, par un établissement scolaire au profit des élèves fréquentant celui-ci ou par un organisme financier au profit de ses clients).
[9] Pour des présentations générales de ces mesures, voy. not. J.-C. Andre-Dumont, « Les 'assurances maladie' pratiquées par les assureurs privés en Belgique », R.G.A.R., 2010, n° 14.628 et L'assurance maladie privée, Collection Droit des assurances, Limal, Anthemis, 2012, 293 p.; J.-M. Binon, Droit des assurances de personnes (2e éd.), Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 849-1015; N. Schmitz, « Les modifications apportées à la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre en assurance maladie et en assurance du solde restant dû: trois pas en avant … », in B. Dubuisson et V. Callewaert (dirs.), La loi sur le contrat d'assurance terrestre. Bilan et perspectives après 20 années d'application, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 275-341; L. Schuermans et C. Van Schoubroeck, Grondslagen van het Belgische verzekeringsrecht (3e éd.), Anvers-Cambridge, Intersentia, 2015, pp. 643-649, nos 808-817; T. Vansweevelt et B. Weyts, Handboek Verzekeringsrecht, Anvers-Cambridge, Intersentia, 2016, pp. 901-917, nos 1433-1457; B. Weyts, « De wet Verwilghen m.b.t. private ziekteverzekeringsovereenkomsten: enkele stappen voorwaarts, enkele stappen achterwaarts », R.W., 2009-2010, pp. 1626-1634.
[10] Exposé des motifs de la loi du 17 juin 2009, Doc. parl., Ch. repr., 2008-2009, Doc. 52-1662/004; Doc. parl., Sénat, 2008-2009, Doc. 4-1235/3.
[11] En substance, ces règles prévoient que les contrats d'assurance « soins de santé », « invalidité » et « soins non obligatoires », visés à l'art. 201, § 1er, 1°, 3° et 4°, de la loi sur les assurances, sont, en principe, conclus à vie, tandis que les contrats d'assurance « incapacité de travail », visés à l'art. 201, § 1, 2°, de cette loi, valent, en principe, jusqu'à l'âge de 65 ans ou un âge antérieur correspondant à celui auquel l'assuré met complètement et définitivement fin à son activité professionnelle.
[12] Exposé des motifs de la loi du 20 juillet 2007, Doc. parl., Ch. repr., 2005-2006, Doc. 51-2689/001, p. 1.
[13] C. Devoet, « Les caractères de l'assurance maladie (privée) », in Liber amicorum Jean-Luc Fagnart, Bruxelles, Anthemis-Bruylant, 2008, p. 132.
[14] L'art. 201, § 3, de la loi sur les assurances définit l'assuré principal comme « la personne au profit de laquelle le contrat d'assurance maladie est conclu ».
[15] Loi du 26 octobre 2015 modifiant le Code de droit économique et portant diverses autres dispositions modificatives (1) (M.B., 30 octobre 2015), art. 87.
[16] Lors de l'adoption de la loi du 13 mars 2016 relative au statut et au contrôle des entreprises d'assurance ou de réassurance (loi dite « Solvabilité II » (M.B., 23 mars 2016; err. M.B., 8 avril 2016)), le législateur a laissé un délai de 2 ans aux assureurs pour adapter les contrats existants qui ne comportaient pas de clause conforme au nouveau mécanisme d'adaptation fondé sur les indices médicaux (art. 204, § 3, al. 7, de la loi sur les assurances, introduit par l'art. 728, 2°, de la loi Solvabilité II).
[17] Arrêté royal du 1er février 2010 déterminant les indices spécifiques visés à l'article 138bis-4, § 3, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (M.B., 8 février 2010). Voy., à ce sujet, J.-P. Legrand, « Indexation des contrats d'assurance santé non liés à l'activité professionnelle », For. ass., n° 101, février 2010, pp. 45-46.
[18] Pour un commentaire de cet arrêt du 29 décembre 2011, voy. J.-P. Coteur, « La législation sur l'assurance privée soins de santé rythmée par les décisions du pouvoir judiciaire », D.C.C.R., 2014, pp. 37-39; F. Eggermont, « Enkele beschouwingen inzake de toepassing van artikel 14ter RvS-wet », R.W., 2012-2013, pp. 254 et s.; M. Thirion, « Medische index moet worden aangepast », Bull. ass., 2012, pp. 238-240.
[19] Arrêté royal du 18 mars 2016 portant modification de l'arrêté royal du 1er février 2010 déterminant les indices spécifiques visés à l'article 138bis-4, § 3, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre (M.B., 25 mars 2016).
[20] A cette fin, les assureurs et les sociétés mutualistes pratiquant l'assurance maladie complémentaire doivent communiquer à leur autorité de contrôle respective (la Financial Services and Markets Authority (FSMA), pour les premiers, et l'Office de contrôle des mutualités et des unions nationales de mutualités (OCM), pour les secondes), ainsi qu'au SPF Economie, des tableaux anonymisés relatifs à la charge brute des sinistres et le nombre d'assurés par garantie et par classe d'âge (art. 4, § 1er). La FSMA doit, en concertation avec l'OCM, vérifier si les données reçues concernent au moins 3 entreprises d'assurance représentant 75% de l'encaissement du marché belge des contrats d'assurance soins de santé autres que ceux liés à l'activité professionnelle (art. 5).
[21] Les derniers indices ont été publiés au Moniteur belge du 1er juillet 2019.
[22] L'art. 504 de la loi Solvabilité II a repris, en substance, l'art. 21octies, § 2, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurance (M.B., 29 juillet 1975), en vigueur à l'époque des faits à l'origine du jugement commenté.
[23] Pour une application récente de cette exception prudentielle, voy. la décision de l'OCM, du 26 juillet 2018, imposant à la société mutualiste d'assurance Verzekeringen CM-Vlaanderen de mettre en équilibre son tarif pour les contrats relevant du produit « CM-MediKo Plan » (M.B., 17 décembre 2018).
[24] Voy. supra, note de bas de page n° 3.
[25] Le texte initial de l'art. 504 de la loi Solvabilité II est, pour sa part, devenu le § 1er de cet article.
[26] Pts. B.10.2. et 13.7.3. de l'arrêt.
[27] Voy., à cet égard, J.-C. Andre-Dumont, L'assurance maladie privée, o.c. , pp. 213-214; N. Schmitz, o.c., p. 316.
[28] Sur cet arrêt, voy. N. Schmitz, o.c., p. 317.
[29] A.C. 1.833/2010.
[30] Voy. C.J.U.E., 25 février 2003, C-59/01, Commission / Italie, pt. 28. Pour des commentaires de cet arrêt, voy. E. Goessens, Private verzekering en solidariteit, Anvers-Cambridge, Intersentia, 2018, pp. 275-277, n° 262; J. Palmero Zurdo, « La liberté tarifaire dans le domaine des assurances non-vie: l'arrêt de la Cour du 25 février 2003 dans l'affaire C-59/01, Commission / République italienne », Euredia, 2003/4, pp. 665-684.
[31] R.G. 2011/AR/615.
[32] Concrètement, l'art. 8, 3., de la première directive « assurance non-vie » du 24 juillet 1973 (directive n° 73/239) et les art. 29 et 39, 2. et 3., de la troisième directive « assurance non-vie » du 18 juin 1992 (directive n° 92/49). Ces dispositions figurent à présent, parfois de manière légèrement restructurée et/ou amendée, à l'art. 21, 1., 2. et 4., à l'art. 154 et à l'art. 181, 1. à 3., de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) (J.O., L. 335, p. 1).
[33] Pts. B.12.1.-12.4. de l'arrêt cité en note de bas de page n° 6.
[34] C.J.U.E., 7 mars 2013, C-577/11, DKV Belgium.
[35] Voy. not. J.-C. Andre-Dumont, « Tarifs en assurance: entre 'liberté conditionnelle' et 'bracelet électronique' pour les assureurs », For. ass., n° 139, décembre 2013, pp. 209-214; J.-M. Binon, « Du principe de la liberté tarifaire au droit à l'encadrement tarifaire? », R.D.C., 2013, pp. 521-526; J.-P. Coteur, o.c., pp. 36-37; J.-L. Fagnart, « L'assurance revisitée par la jurisprudence européenne », in C. Paris et V. Callewaert (dirs.), Actualités en droit des assurances, Collection Commission Université-Palais (C.U.P.), Bruxelles, Larcier, 2014, vol. 154, pp. 89-90; E. Goessens, « De tariefvrijheid van de private verzekeraar. Wat blijft er nog van over binnen de aanvullende ziekteverzekering? », R.W., 2014-2015, pp. 336-342 et Private verzekering en solidariteit, o.c., pp. 278-282, nos 265-268; F. Longfils, « La liberté tarifaire s'arrête là où commencent le contrôle prudentiel et la protection du consommateur d'assurances », Bull. ass., 2013, pp. 320-325; T. Vansweevelt et B. Weyts, o.c., p. 911, n° 1448; J. Wildemeersch, « Le principe de liberté tarifaire existe-t-il pour les compagnies d'assurances? Oui, mais … », R.L.B., 2014, pp. 59-63.
[36] Pts. 23, 25 et 26 de l'arrêt.
[37] Pt. 27 de l'arrêt.
[38] Pts. 34 à 37 de l'arrêt.
[39] Pts. 38 à 42 de l'arrêt.
[40] Pts. 43 à 49 de l'arrêt.
[41] Affaire 2011/AR/615. Voy. à ce sujet, J.-M. Binon, « Actualité en bref », R.D.C., 2016/5, p. 518.
[42] Plus particulièrement avec les pts. B.13.7.3. et B.18. de cet arrêt.
[43] En novembre 2015, Test-Achats a attaqué devant le Conseil d'Etat la décision de la BNB lui refusant l'accès à la décision motivée et au détail des données chiffrées ayant présidé aux décisions de cette autorité d'autoriser les sociétés DKV Belgium et AXA Belgium à augmenter leurs primes d'assurance hospitalisation. A l'appui de ce refus, la BNB avait invoqué l'obligation de secret professionnel à laquelle elle est tenue en vertu de l'art. 35 de la loi organique de cette institution du 22 février 1998 ainsi que de l'art. 64 de la directive Solvabilité II. Dans un arrêt du 16 novembre 2018 (n° 242.960), le Conseil d'Etat, s'appuyant, notamment, sur l'arrêt de la Cour de justice du 19 juin 2018 dans l'affaire C-15/16, Baumeister, a considéré que le secret professionnel visé par ces dispositions ne protège pas automatiquement toute information communiquée par les assureurs à la BNB et qu'il appartenait par conséquent à cette dernière d'identifier celles qui relèvent de cette protection (à savoir les informations qui n'ont pas un caractère public et dont la divulgation risquerait de porter atteinte aux intérêts de l'assureur qui les a fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de contrôle de l'activité des entreprises d'assurance). La décision attaquée reposant sur la prémisse inverse selon laquelle toute information transmise par un assureur à la BNB est couverte par le secret professionnel, le Conseil d'Etat l'a annulée. Pour un commentaire de cet arrêt du Conseil d'Etat, voy. B. Toussaint, R.D.C.-T.B.H. 2019/9, pp. 1082-1086.
[44] Pt. III.A.1. du jugement.
[45] Ibid.
[46] Voy. en ce sens, T. Vansweevelt et B. Weyts, o.c., p. 984, n° 1563.
[47] Pt. III.A.2. du jugement.
[48] Pt. III.A.3. du jugement.
[49] Voy. en ce sens, outre les références doctrinales citées par le jugement sous son point III.B., L. Schuermans et C. Van Schoubroeck, o.c., p. 884, n° 1146. Voy. égal., en ce sens, Cass., 9 octobre 2009, R.D.C., 2011, p. 116; R.W., 2010-2011, p. 1434.
[50] Pt. III.C. du jugement.