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Crise sanitaire, droit financier et politique monétaire, R.D.C.-T.B.H., 2020/10, p. 1318-1327

Crise sanitaire, droit financier et politique monétaire

Xavier Dieux

TABLE DES MATIERES

I. Une crise non financière

II. Implications de la crise sur la régulation bancaire

III. Gouvernance et supervision des marchés financiers

IV. Politique monétaire

V. Programmes d'achat d'actifs et « guerre » des juges

VI. Le rôle prépondérant des banques centrales

VII. Sur la (vraie) nature de la monnaie et ses conséquences

RESUME
Les conséquences de la crise sanitaire sur le système financier ne s'identifient pas à une crise financière proprement dite, à la différence de la crise de 2008. Ceci n'est pas une crise financière. Ce sont d'ailleurs des instruments de protection mis au point dans le prolongement de la crise financière de 2008, inhérents depuis lors au système de régulation et de supervision financière, qui ont fourni aux autorités de surveillance les moyens de leur lutte contre les conséquences financières de la crise sanitaire. Mais c'est surtout la politique monétaire de la Banque centrale européenne qui retient particulièrement l'attention, dans le prolongement de la « guerre des juges », déclenchée en mai 2020 par l'insoumission de la Cour constitutionnelle de la RFA à une décision de la Cour de justice. Dans quelle mesure et à quelles conditions une politique monétaire non conventionnelle est-elle juridiquement possible, politiquement légitime et économiquement souhaitable? Telle restera l'une des questions fondamentales sur laquelle les conséquences financières de la crise sanitaire auront, au-delà du contexte circonstanciel que celle-ci détermine, ramené utilement l'attention.
SAMENVATTING
In tegenstelling tot de crisis van 2008 kunnen de gevolgen van de sanitaire crisis op ons financieel systeem niet gelijkgesteld worden met een daadwerkelijke financiële crisis. Dit is geen financiële crisis. Het zijn trouwens beschermende instrumenten die ontwikkeld werden naar aanleiding van de financiële crisis van 2008, en die sindsdien inherent zijn aan het systeem van financiële regulering en financieel toezicht, die aan de toezichthoudende overheden de middelen hebben verschaft ter bestrijding van de financiële gevolgen van de sanitaire crisis. Maar het is vooral het monetair beleid van de Europese Centrale Bank die de aandacht weerhoudt, in het verlengde van de “oorlog der rechters”, die in mei 2020 werd veroorzaakt door de ongehoorzaamheid van het Grondwettelijk Hof van de BRD aan een beslissing van het Hof van Justitie. In hoeverre en onder welke voorwaarden is een niet-conventioneel monetair beleid juridisch mogelijk, economisch wenselijk en politiek legitiem? Los van de context en de omstandigheden van de sanitaire crisis, zal dit één van de fundamentele vragen blijven waarop de financiële gevolgen van de huidige crisis de aandacht zullen gevestigd hebben.
I. Une crise non financière

Selon le professeur M. Dewatripont, « le meilleur plan de relance est de limiter la circulation du virus ». [1] Qu'il faille en effet s'attaquer, comme à une priorité essentielle, à la racine de la crise sanitaire constitue assurément une évidence. Mais parce qu'ainsi formulé au nom d'un certain bon sens par l'un des plus éminents spécialistes de théorie monétaire, le rappel résonne avec d'autant plus de force. Quelque nécessaires qu'elles soient, les mesures que, sous le bénéfice de l'urgence, les gouvernements, d'une part, et, d'autre part, les autorités en charge de la supervision et de la régulation financière, ainsi que de la politique monétaire, ont adoptées, restent, il est vrai, des mesures exceptionnelles opposées aux effets, sans en éliminer la cause, d'une réalité relevant d'un autre ordre.

C'est en effet une autre évidence encore que celle qui, dans le prolongement de cette exorde, consistera à observer que la crise dont on essaie ainsi d'atténuer les conséquences économiques, par des instruments de droit financier et d'autres de « politique » monétaire [2], n'est pas une crise financière à proprement parler, c'est-à-dire une crise du type de celles qui se sont multipliées au cours de l'histoire [3], à l'instar des plus récents exemples offerts par la crise dite des « subprimes » en 2008 et celle des dettes « souveraines » qui y a fait suite. Toute proportion gardée, et avec la retenue qu'appelle une certaine décence, cette crise-ci rappelle plutôt, de par sa nature et son origine exogènes, une situation économique de temps de guerre - phénomène dont cette partie du monde s'imaginait, non sans arrogance, à l'abri. [4]

Que, du point de vue juridique, des moratoires fassent partie des moyens mobilisés pour la contenir le confirme surabondamment [5] - une autre particularité remarquable de la situation présente résultant tout à la fois de ce qu'elle aura, en Europe, fourni une occasion d'éprouver, autrement que sous la forme préfabriquée d'un « stress test », les nouveaux mécanismes intégrés de régulation et de supervision financière mis en place en 2013 et 2014 [6], et de ce qu'il ne pourra pas être cette fois redit, à la lumière d'une expérience plusieurs fois répétée dans l'histoire, que tout système de régulation et de supervision financière n'évolue jamais qu'à retardement, faute de disposer de la capacité d'anticipation que sa fonction préventive requerrait. [7]

Si l'on met de côté les habituelles complaintes omettant que, singulièrement dans les matières ici considérées, aucune réalisation ne peut prétendre à une perfection spontanée, l'arsenal des mesures adoptées à l'échelle européenne et nationale - dont nous donnerons un aperçu inspiré d'excellents travaux d'inventaire déjà accomplis pas d'autres [8] - a démontré, à qui l'apprécie avec la prudence que tout observateur extérieur devrait s'imposer, l'aptitude du système européen à des répliques rapides et adaptées, en dépit de la complexité de son architecture. [9] Une comparaison avec les réactions que la crise sanitaire a suscitées dans d'autres parties, comparables, du monde le confirme, même si on a parfois cru pouvoir observer une implication de l'architecture financière internationale peut-être moins intense que durant la crise financière de 2008. [10]

II. Implications de la crise sur la régulation bancaire

Le financement bancaire de l'activité économique constituant toujours un pilier essentiel du fonctionnement du système, en dépit des progrès considérables du financement « désintermédié » des entreprises par les marchés financiers [11], une première série de mesures relevant de la régulation et de la supervision financière, aura consisté à utiliser certaines possibilités offertes par la réglementation prudentielle en vigueur, aux fins d'un allègement momentané et mesuré de certaines contraintes macro- et microprudentielles [12], à l'initiative de la Banque centrale européenne, de l'Autorité bancaire européenne, ainsi que des banques centrales parties au système européen des banques centrales et au système européen de supervision financière, dans le cadre de l'union bancaire et du mécanisme de supervision unique. [13]

Chacun sait qu'au nombre des structures élémentaires de la régulation prudentielle, la notion de coefficient de fonds propres, initialement conçue sous la forme du « ratio Cook », joue un rôle central au sein du cadre conceptuel harmonisé de la réglementation prudentielle, en Europe en particulier, et a fait l'objet de raffinements multiples, au fil des réformes allant de Bâle I à Bâle III, en partie mise en oeuvre à ce jour, parallèlement à l'élaboration en cours d'un Bâle IV. Dans le prolongement de la crise financière de 2008, dont l'une des particularités aura consisté à mettre au jour les dangers de la « procyclicité » inhérente au système financier [14], Bâle III a ainsi ajouté aux contraintes primordiales intéressant les fonds propres une exigence additionnelle énoncée en terme de « coussins contracycliques ».

L'idée fondamentale, déclinée selon les modalités techniques dont la complexité et la sophistication font partie des caractères usuels de cette branche de la réglementation prudentielle, est de disposer d'un instrument permettant, en phase ascendante, de freiner une tendance « procyclique » enclenchée par une croissance forte du crédit, de manière à disposer d'une marge de manoeuvre permettant, en phase descendante, de contrer, à concurrence du coussin de fonds propres additionnels qui pourra être libéré, une tendance au resserrement du crédit, sans porter atteinte aux fonds propres de base. [15] La crise sanitaire aura permis d'expérimenter le système et d'en éprouver l'efficacité. [16]

Cette mesure en soutient d'autres tendant à permettre au secteur de renforcer sa capacité de crédit, par le jeu d'un relâchement des contraintes qui portaient, avant la crise sanitaire, sur le maintien d'un niveau de fonds propres correspondant, au-delà des fonds propres de base, aux recommandations du « Pillar 2 Guidance », aux (autres) coussins de conservation de capital, ainsi qu'au coussin ou ratio de couverture en liquidités. La réplique à la crise comporte aussi un assouplissement des critères applicables, cette fois, à la composition des fonds propres susceptibles d'être retenus pour les besoins du niveau à atteindre, selon des distinctions, devenues traditionnelles elles aussi, entre des fonds propres couverts par des engagements de « Tier 1 » (dont les actions représentent le prototype) et d'autres, dans un ordre de subordination décroissant (« Tier 2 » et « Tier 3 »).

Le même principe de flexibilité mesurée anime des mesures complémentaires de type microprudentiel tels qu'une recommandation de pragmatisme, adapté aux difficultés de la situation, dans les inspections individuelles et dans l'appréciation du respect des obligations de « reporting » périodique, un report à 2021 d'une « stress-test » général, ainsi qu'un traitement prudentiel et comptable des défauts adapté aux moratoires généraux ou sectoriels dictés par la crise [17], en complément de l'assouplissement, au niveau macroprudentiel, de la couverture du risque de marché. Un nouveau règlement (n° 2020/873), adopté par le Parlement européen le 24 juin 2020, apporte dans le même esprit diverses modifications temporaires au règlement de base (n° 575/2013) du 26 juin 2013.

III. Gouvernance et supervision des marchés financiers

Conformément aux possibilités offertes par une réglementation prudentielle dont l'application postule aussi l'activation de « contrepoids », l'utilisation du « coussin contracyclique » et les aménagements énumérés ci-dessus s'accompagnent de mécanismes compensatoires, tels que la recommandation d'un « gel » des dividendes, adressée aux institutions bénéficiaires de l'allègement considéré [18], confirmant, d'un point de vue plus fondamental, le statut propre de l'actionnaire dont les droits, au sens du droit des sociétés, sont ainsi neutralisés sur la base de considérations prudentielles relevant de l'intérêt général. Ce conflit, en quelque sorte, entre les mécanismes du droit des sociétés intéressant les distributions et le droit financier, n'est pas l'élément le moins intéressant du système lorsqu'on l'envisage dans son ensemble.

Les mécanismes originaux de résolution des défaillances bancaires en ont antérieurement offert une autre illustration, d'ailleurs plus exacerbée, puisqu'ils peuvent se traduire par une véritable expropriation des actionnaires, légitimée par un « état de nécessité » ainsi pris en considération par le droit positif. [19] La réglementation prudentielle conduit de la sorte, dans ce secteur, à une « hyper-subordination » des droits patrimoniaux attachés aux actions, en contrepartie de la prime de sécurité qui est supposée s'attacher à cette même réglementation et qui s'ajoute tout à la fois à la prime positive de risque que l'anticipation d'un dividende et d'une plus-value boursière peuvent représenter et à la prime, en quelque sorte négative, résultant de la liquidité des titres cotés, même en période de crise.

On en vient ainsi aux marchés financiers au sens étroit, dans un contexte caractérisé par la réaffirmation, au sein des institutions européennes, d'une volonté ferme de « réaliser enfin l'union des marchés de capitaux », que la crise sanitaire, et le traitement de ses impacts sur ces marchés, ne devrait pas entraver. [20] Hormis les restrictions momentanées du « short selling », destinées à enrayer un effet à la baisse, de type « procyclique », sur les marchés considérés [21], le traitement de la crise s'est traduit, ici aussi, par des mesures destinées à assurer une certaine flexibilité dans l'application et le contrôle du respect de contraintes opérationnelles, s'agissant, notamment, de l'enregistrement obligatoire des conversations téléphoniques par les intermédiaires financiers, du respect des délais en matière de « reporting » financier périodique par les émetteurs, sans préjudice d'une stricte application des règles concernant l'information occasionnelle, et d'une adaptation des délais de mise en oeuvre, par les internalisateurs systématiques, du nouveau régime des « pas de cotation » (« tick-size regime »). [22]

Par ailleurs, comme souligné récemment par le professeur M. Wyckaert, la crise sanitaire offre une opportunité inattendue d'application du nouveau règlement européen (n° 2019/452) établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union. [23] Même si, comme c'est malheureusement trop fréquent, ce texte est mal rédigé, il paraît en effet permis de considérer que les impératifs de santé publique, dont relèvent le traitement de la pandémie comme telle et la mise au point de vaccins, constituent, au titre de l'article 4, 1, a) et c), des « facteurs susceptibles d'être pris en considération » pour les besoins d'un filtrage. [24] L'énumération de ces facteurs est d'ailleurs purement illustrative (préambule, § 12) et le règlement ne porte pas préjudice à une éventuelle application de l'article 65, 1, b), du TFUE auquel le nouveau règlement ne déroge pas. [25]

IV. Politique monétaire

Les mesures de politique monétaire adoptées par la Banque centrale européenne sont, comme les mesures adoptées par celle-ci et par les autres instances compétentes en matière de supervision prudentielle (supra, II.), inspirées par un objectif général de contribution du système au soutien du financement de l'économie par le crédit bancaire, dans les limites de la mission assignée à l'institution par le TFUE (art. 127) et par les statuts du système européen des banques centrales (art. 2): contenir un niveau d'inflation proche et n'excédant pas 2% [26] et, sans préjudice de ce premier objectif, apporter un soutien aux politiques économiques générales au sein de l'Union, en vue de contribuer à la réalisation de ses objectifs tels que définis à l'article 3 du traité sur l'Union européenne (TUE).

La direction des taux d'intérêts pratiqués par le système bancaire constitue l'un des instruments essentiels de la politique monétaire, dans la double mesure où il influence, par le canal de transmission de celle-ci, l'offre et la demande de crédit et, par conséquent, le volume de la monnaie en circulation. [27] Le Conseil des gouverneurs a ainsi annoncé le maintien à 0,00% et à 0,25% des taux d'intérêts applicables respectivement aux principales opérations de refinancement, pratiquées selon le système de l'open market et aux facilités marginales de prêt, activées quant à elles dans un cadre OTC, c'est-à-dire sous le couvert d'une relation bilatérale entre la banque centrale et l'institution demanderesse de liquidités monétaires. Dans un esprit semblable - stimuler le crédit à l'économie réelle - le taux négatif de - 0,50% applicable aux facilités marginales de dépôt a été maintenu.

D'autre part, les opérations de crédit réalisées par l'Eurosystème avec le système bancaire doivent être couvertes par des garanties évaluées selon des critères précis d'éligibilité fixés par la Banque centrale européenne en fonction de la nature de l'actif considéré. Par exemple, l'actif devra représenter une valeur nominale minimale et une décote (« haircut ») pourra être appliquée aux actifs négociables. [28] Pour contrecarrer les « graves risques baissiers sur les perspectives d'inflation pertinentes », engendrés par la crise sanitaire et un ralentissement de l'économie réelle, à l'enraiement duquel le crédit bancaire peut contribuer, la Banque centrale européenne a également décidé d'alléger ces critères et d'accroître sa tolérance au risque « afin de favoriser l'accès des contreparties à la liquidité et, ainsi de soutenir également la fourniture de crédit à l'économie ». [29] Une neutralisation relative des conséquences d'une baisse de notation sur l'éligibilité, ratione materiae ou personae, d'un actif offert en garantie ou de l'emprunteur lui-même, est aussi organisée. [30]

Une autre variété de mesures porte sur des opérations de refinancement ciblé et à plus long terme, dont le programme avait été lancé en 2014 et revu en 2016 et en 2019: TLTRO III selon la terminologie en vigueur. [31] Egalement pratiqué selon la technique de l'open market, ce programme avait été conçu au soutien « de l'activité de prêt bancaire au secteur privé non financier (sociétés non financières et ménages à l'exception des prêts au logement) ». Il ajoute aux opérations générales de refinancement une possibilité spécifique de refinancement de prêts « éligibles », à concurrence d'une certaine proportion de ces derniers et selon des conditions particulières de taux et de maturité. La mesure anti-pandémie a ici consisté à réduire le taux d'intérêt applicable, à relever de 30 à 50% la proportion de l'encours refinançable, à alléger les conditions de performance requises et à offrir une option de remboursement anticipé, à mi-parcours, par rapport à la durée de deux ans normalement applicable. [32]

V. Programmes d'achat d'actifs et « guerre » des juges

Mais c'est la réponse que la Banque centrale européenne a aussi entendu apporter aux conséquences économiques de la crise sanitaire, selon la technique du rachat d'actifs sur les marchés financiers (autre variété d'opérations également réalisées en open market dans l'acception générique du terme [33]), qui retient le plus l'attention. Cette technique, appliquée aux instruments de la dette publique, fait en effet l'objet d'une divergence de vues fondamentale entre la Cour constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne et la Cour de justice, à laquelle il a été récemment fait écho dans les colonnes de la présente revue. [34]

La Banque centrale européenne a ainsi mis en place « un programme temporaire d'achat d'urgence face à la pandémie », conçu comme un programme distinct des quatre programmes existants, dans la mesure où il ajoute un montant de 750 milliards d'EUR à ces derniers, sur lesquels il se greffe (art. 1er), moyennant quelques adaptations techniques (art. 2 à 5) [35], ces quatre programmes portant respectivement sur des « titres de créance négociables » du « secteur public », au sens de la décision n° 2020/188 [36], des « obligations d'entreprises et d'autres titres de créances négociables » au sens de la décision n° 2016/948 [37], des « obligations sécurisées » au sens de la décision n° 2020/187 [38], ainsi que des « titres adossés à des actifs éligibles » au sens de la décision n° 2015/5. [39] Le considérant n° 8 de la décision n° 2020/440 (précitée) précise que « le PEPP respecte entièrement les obligations incombant aux banques centrales de l'Eurosystème en vertu des traités, notamment l'interdiction du financement monétaire, et n'entrave pas le fonctionnement de l'Eurosystème selon le principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre » - faisant écho, sous la forme d'une sorte d'auto-défense préventive, à la controverse évoquée ci-dessus.

Par arrêt du 5 mai 2020, la Cour constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne, statuant à propos du « programme d'achats d'actifs du secteur public sur les marchés secondaires » mise en place en 2015 par la Banque centrale européenne [40], a en effet considéré que ce programme avait été insuffisamment examiné par la Cour de justice qui en avait été saisie par la voie de questions préjudicielles, sous l'angle du principe de proportionnalité en particulier (art. 5, 1 et 4, TUE). La Haute Juridiction allemande en libère en conséquence la Bundesbank, créant de la sorte un conflit institutionnel inédit et il se comprend qu'en présence de celui-ci, la Cour de justice ait estimé devoir exceptionnellement réagir par un communiqué de presse, rappelant la primauté de ses décisions pour l'appréciation de la conformité au droit de l'Union des actes de toute institution relevant de celle-ci. [41]

Par arrêt du 11 décembre 2018, elle avait en effet validé le programme d'achats d'actifs considéré, au regard des différents critères sous le rapport desquels sa compatibilité avec les limites des compétences de l'Eurosystème pour la conduite de sa politique monétaire était questionnée: interdiction pour l'Eurosystème de se substituer aux Etats membres pour ce qui concerne la détermination de leur politique économique (art. 119 et 127 TFUE) et interdiction pour l'Eurosystème de financer la dette publique des Etats membres, notamment par l'acquisition, au premier marché, d'instruments représentatifs de cette dette publique (art. 123) - outre la question plus générale de la proportionnalité des moyens mis en oeuvre par la Banque centrale européenne pour la réalisation de ses objectifs de politique monétaire.

En bref, et référence plus particulièrement faite à deux arrêts antérieurs de la Cour de justice [42], la position de cette dernière est que, l'Eurosystème disposant, sous l'égide de la Banque centrale européenne, d'une compétence pleine et exclusive en ce qui concerne la définition et la mise en oeuvre de la politique monétaire de l'Union (art. 127, 2., TFUE), il faut mais il suffit que l'objectif poursuivi à travers un instrument de politique monétaire relève effectivement de cette dernière et qu'au terme d'une appréciation marginale, il n'apparaisse pas que l'instrument mis en oeuvre est manifestement disproportionné au regard de l'objectif recherché. La circonstance que cet instrument aura des effets prévisibles qui seraient susceptibles d'être recherchés par d'autres moyens relevant, ceux-là, de la politique économique, n'implique pas une disqualification de l'instrument considéré, d'autant moins que le traité n'établit pas un cloisonnement absolument étanche entre politique monétaire et politique économique, l'Eurosystème devant aussi apporter « son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union » (art. 127, 1, TFUE).

La Cour écarte toute idée de disproportion, en conclusion d'une analyse, in concreto, de la décision en question et de ses effets. Elle écarte d'autre part le soupçon d'une possible équivalence entre un programme d'achats sur les marchés secondaires et un programme d'achats au marché primaire, comme tel interdit par l'article 127, 1, dès lors que le programme est appelé à se réaliser selon un processus qui ne s'assimile pas à une option d'achat - eu égard notamment à la combinaison des critères d'éligibilité, aux limitations en volume des achats possibles, à la nature des informations rendues publiquement disponibles et au pouvoir unilatéral d'aménagement du programme, l'ensemble ne permettant pas à l'acquéreur au marché primaire d'anticiper la possibilité d'une rétrocession à l'Eurosystème, avec un degré de certitude et de prévisibilité suffisant pour justifier une assimilation de l'acquéreur au marché primaire à un simple intermédiaire. La proportionnalité entre l'effet de politique monétaire et l'effet indirect de politique économique n'est pas, en revanche, analysée - ce qui constituera l'un des motifs développés par la Cour constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne, au soutien de son « insoumission ». [43]

Le « programme temporaire d'achat d'urgence face à la pandémie » décidé par l'Eurosystème aurait pu, et pourrait encore, faire l'objet d'un questionnement semblable, dans toute la mesure où il porte aussi sur des instruments de dette souveraine. Mais il est permis d'anticiper que, saisie de pareil recours, la Cour de justice ne se départirait pas de la position antérieurement adoptée par elle - d'autant plus que, même si, en dehors de l'article 122 du TFUE, la circonstance exceptionnelle que la crise sanitaire représente ne constituerait pas comme telle un motif exprès de justification, il s'agirait d'un élément susceptible d'être pris additionnellement en considération au titre du contrôle de proportionnalité. [44] Comme d'autres l'ont observé avant nous, il reste néanmoins qu'à un certain moment de la construction européenne, la distinction entre politique économique (en ce compris la politique fiscale) et politique monétaire, sur laquelle repose les compétences de l'Eurosytème, et les argumentaires auxquels pareille distinction peut prêter, peuvent paraître inutilement entravants. [45]

VI. Le rôle prépondérant des banques centrales

Plus généralement, les moments de crise fournissent l'occasion d'une remise en cause ou d'une réappréciation de la pertinence des systèmes en place. La crise, intrinsèquement financière, de 2008 avait attiré l'attention sur l'importance de la stabilité financière, à côté de la stabilité des prix sur laquelle le TFUE et le traité sur l'Union européenne sont focalisés. De profondes réformes du système de régulation et de supervision financières en ont résulté, aux termes desquelles, pour n'en prendre ici qu'une vue d'ensemble, les préoccupations macro-prudentielles sont passées à l'avant-plan, déterminant l'octroi d'une place prépondérante aux banques centrales, puis à la Banque centrale européenne, dans le cadre de l'union bancaire et du mécanisme de supervision unique.

La crise sanitaire (re)met quant à elle à l'avant-plan la question de la solidarité financière au sein de l'Union européenne, encore conçue dans des termes juridiquement restrictifs (art. 122 et 125 TFUE), même si, à ce propos aussi, la Cour de justice a fait preuve d'une ouverture balancée, dans les réponses apportées par elle aux questions dont elle fut saisie lors de la mise en place du mécanisme européen de stabilité. [46] L'état actuel du cadre juridique n'a d'ailleurs pas empêché les institutions européennes de prendre d'importantes initiatives, dans le contexte de la crise sanitaire, créant, de fait et politiquement, un « environnement » de solidarité. [47] Significatif, celui-ci l'est non seulement par l'importance et par la diversité des initiatives prises, dont les mesures adoptées par la Banque centrale européenne dans le domaine de la régulation et de la supervision financières, ainsi que de la politique monétaire, ne forment ensemble qu'une partie. Il l'est aussi par la volonté politique qu'il semble traduire et par l'effet de levier qu'il pourrait éventuellement déclencher dans une Union resserrée par le Brexit. [48]

Dans ce contexte, le rôle des banques centrales et, indirectement leur statut, fait aussi l'objet d'une attention renouvelée. Comme indiqué ci-dessus, les instruments non conventionnels de politique monétaire utilisés par la Banque centrale européenne ont permis à la Cour de justice de clarifier la portée des limites, mais aussi des inévitables points de contact et chevauchements possibles entre politique monétaire et politique économique (en ce compris la politique fiscale). Dans le prolongement de cette clarification, une doctrine autorisée a montré de manière convaincante que si des préoccupations politiques de type écologique relèvent naturellement, dans leurs dimensions économiques et fiscales, de la politique économique, elles ne sont pas nécessairement étrangères à la politique monétaire dans la mesure de l'impact possible des risques écologiques sur l'objectif principal de stabilité des prix, outre le soutien que l'usage des instruments de politique monétaire doivent apporter aux politiques économique de l'Union (art. 127). [49]

Il ne devrait donc pas être interdit à l'Eurosystème de conduire une politique monétaire sélective, « verte » ou « jaune » dans la terminologie de l'époque, intégrant ainsi, parmi les déterminants de sa politique monétaire, des risques anti-inflationnistes de type politique, écologique ou social. La crise financière de 2008 a ouvert la voie à l'inclusion possible de paramètres relevant de la stabilité financière dans la conduite de la politique monétaire, dès lors qu'une stabilisation des prix peut en dépendre. S'il en était besoin, la crise sanitaire confirme quant à elle, qu'eu égard au risque anti-inflationniste qu'elle comporte en rapport avec un assèchement du crédit, la conduite d'une politique monétaire efficiente peut plus généralement justifier la prise en considération de tout facteur, quelle qu'en soit la nature, susceptible d'avoir un impact sur la stabilité des prix, sans qu'il s'impose de limiter la prévision à un horizon de temps court. Les dispositions intéressant la politique monétaire de l'Union ne consacrent pas non plus pareille limitation, qui n'est pas davantage inhérente à la nature de toute politique monétaire.

D'une manière un peu provocatrice, il a été suggéré que l'indépendance statutaire de la Banque centrale européenne, héritée du système allemand, lui permettrait peut-être de répondre plus aisément à ces préoccupations, par les canaux de la politique monétaire, qu'une institution politique exposée à la censure démocratique. [50] En réalité, l'indépendance des banques centrales se présente, à l'instar de celle d'autres autorités ou pouvoirs institutionnels [51], comme un aspect du principe de représentation, typique de la démocratie représentative. [52] Sauf si une source de droit supérieure l'interdit, ce principe n'exclut pas la subdélégation, la dilution du contrôle démocratique susceptible d'en résulter pouvant être compensée par des mécanismes consultatifs. [53] Le principe d'attribution, exprimé par l'article 5 (TUE), le confirme en d'autres mots et la Banque centrale européenne est comptée parmi les « institutions de l'Union » (art. 13), de même qu'en vertu de l'article 282 du TFUE, les banques centrales nationales constituant avec celle-ci le système européen des banques centrales, au sein duquel l'eurosystème est investi de la conduite de la politique monétaire de l'Union.

Parce qu'historiquement, certaines banques centrales ont d'abord été des banques comme les autres, c'est-à-dire des entités privées, avant de conquérir leur place centrale, au terme d'un processus d'assistance et de domination financières finalement endossé par le Prince [54], le statut (organique) des banques centrales modernes reste disparate [55] - certaines continuant exceptionnellement à revêtir la « forme » de société anonyme, cotée le cas échéant. [56] Mais les missions d'intérêt général et institutionnel qu'elles ont accumulées au fil de l'histoire, au point d'éclipser les autres, ont emporté leur transformation, ratione materiae et ratione causae, en de véritables institutions de droit public - ce dont le système européen des banques centrales, en quelque sorte, prend acte. Leur nature, en d'autres termes, ne commande pas non plus une interprétation restrictive des attributions de l'eurosystème, toutes les fois que l'exercice de sa fonction de politique monétaire le placerait, en quelque sorte, en concurrence avec les Etats membres, au motif que ceux-ci ont retenu une position de quasi-monopole en matière de politique économique, sans préjudice de la coordination prévue par les articles 119 et s. du TFUE.

VII. Sur la (vraie) nature de la monnaie et ses conséquences

Dans un ordre d'idées voisin, des interrogations que la crise sanitaire et ses conséquences économiques ont ravivées - dettes souveraines perpétuelles, revenu universel ou « monnaie hélicoptère » [57] - fournissent aussi l'occasion d'une « revisitation » du phénomène monétaire. On peut en effet s'interroger sur la vraie nature d'un système où monnaie et signes monétaires - billets ou inscriptions en compte, pour se limiter ici à l'agrégat de base [58] - se confondent; où les signes monétaires ne sont plus convertibles qu'en d'autres signes monétaires de même nature sans aucun droit à la délivrance d'un actif sous-jacent; où leur masse ne dépend plus que de la création monétaire par le système bancaire (monnaie de banque) [59] et, ultimement, de la création monétaire par la banque centrale (monnaie de banque centrale) [60]; où leur valeur ne dépend plus que de l'usage qu'il est permis d'en faire comme instrument d'échange universel, sous réserve d'une valeur comparable avec les signes monétaires du reste du monde, la convertibilité ne pouvant plus s'entendre que dans cette seule acception. [61]

Un tel système peut paraître tourner à vide et le vide étant, conceptuellement, infini, permettre sans limite la création et la distribution de rien. Théorique ou académique - avancera-t-on peut-être pour la discréditer - l'observation n'est pas si originale, à vrai dire; elle possède des antécédents autorisés dans l'histoire des doctrines monétaires. [62] Fondée sur une analyse des structures élémentaires du système tel qu'il fonctionne aujourd'hui, elle est d'autre part accompagnée, sur un plan plus technique susceptible de lui donner un supplément de crédit, d'une remise en cause, au regard des standards IFRS en particulier, de la structure du bilan des banques centrales: historiquement conçue sur le modèle classique d'un système d'enregistrement d'actifs et de passifs (envers autrui), celle-ci peut en effet paraître artificielle dans un système où la banque centrale, elle-même créatrice des signes absorbant ses (prétendues) créances et dettes, n'a plus de créances et de dettes qu'envers elle-même, sans risque, par conséquent, ni d'insolvabilité ni d'illiquidité. [63]

On ne prétendra pas résoudre en quelques lignes une controverse d'une telle ampleur. Au moins peut-on rappeler, pour tempérer la métaphore du rien évoquée plus haut, que, toute référence à un étalon spécifique ayant disparu de la définition de la monnaie, les signes par lesquels elle se manifeste en tant qu'instruments d'échange universel, représentent comme tels une quote-part dans la masse des biens et services auxquels ces instruments donnent à tout moment accès, le cas échéant après conversion dans une autre devise, sans omettre, dans une perspective de going concern, les potentialités de croissance ou de décroissance de cette masse, reflétée notamment dans les cours sur le marché des changes, sur lesquels les banques centrales peuvent aussi intervenir. [64] C'est à elles, en définitive, qu'il appartient plus généralement, par tous les moyens de la politique monétaire - conventionnelle ou non - de préserver la valeur de la monnaie de l'émission de laquelle elles ont le pouvoir et la charge, sur la base de l'ensemble des informations pertinentes qui leur sont disponibles et c'est aussi à la lumière de ce principe général que doivent s'apprécier les propositions de dettes souveraines perpétuelles, de revenu universel ou de « monnaie hélicoptère » évoqués ci-dessus.

Que le sort à réserver à de telles propositions dépende ainsi d'une autorité indépendante place la monnaie, en tant que bien commun (« Social Equity » suivant une expression plus spécifique [65]), à l'abri des pressions politiques, lesquelles, appréciées du point de vue de leurs effets monétaires possibles, sont d'ailleurs susceptibles d'être prises en compte par toute banque centrale dans les limites de son mandat. [66] Il n'en va pas différemment au sein de la zone Euro, ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice (précitée) l'a établi, le mandat de l'eurosystème et la règle des 2% fournissant en outre, dans ce cadre, un critère d'appréciation objectif et non circonstanciel. [67] Comme le rappelait récemment la présidente de la Banque centrale européenne, à ce critère s'ajoute l'interdiction - de type véritablement juridique celle-là - explicitement faite à cette institution d'user des pouvoirs qui lui sont délégués en vue d'un financement monétaire des Etats (art. 123 TFUE). [68]

Au moins pareille interdiction condamne-t-elle péremptoirement l'idée - trop vite promue par des auteurs de manifestes - d'une annulation, en quelque sorte « notionnelle », des dettes souveraines, sous le couvert d'un « moratoire perpétuel », sollicité de cette autorité monétaire en particulier, laquelle retient le monopole de la décision. Plus fondamentalement, la totale dématérialisation de la monnaie [69] ne saurait davantage fournir le prétexte à une autre forme d'annulation indirecte, par un jeu de « quantitative easing » débridé [70], qui aurait pour inévitable conséquence de ruiner la confiance, de mettre hors-jeu les « bénéficiaires » de pareille mesure et de dévaloriser, de fait, la monnaie considérée, l'euro en l'occurrence, au-delà du seul impact quantitatif inhérent à pareille mesure. [71]

Est-il en revanche permis de suggérer que le phénomène monétaire, ainsi repensé à la lumière d'une analyse libérée de trop de « sagesse conventionnelle » [72], pourrait en revanche justifier une reconsidération plus ouverte du système de garantie des dépôts, l'obligation faite à tous d'utiliser le système bancaire comme intermédiaire de paiement étant susceptible de légitimer l'engagement d'une réflexion en vue d'une couverture à 100%, ou qui, à tout le moins, s'en approche autrement que le système actuel? [73] Ceci est une autre histoire, à prendre au sérieux.

[1] Interview accordé au journal La Libre (Belgique), septembre 2020.
[2] Nous mettons politique entre guillemets car la politique monétaire constitue une illustration remarquable de gouvernance par la régulation, qui se caractérise par l'anticipation légitime d'une réponse de la part du destinataire auquel un signal est adressé dans un cadre ou un contexte donné dont les acteurs sont présumés partager les critères d'analyse et de comportement, une sorte de « soft law » avant la lettre, en quelque sorte (comp. , notre étude, « Réflexions sur l'autorégulation en droit des sociétés », in Droit, morale et marché, 2013, pp. 31 et s.).
[3] L. Belze et Ph. Spieser, Une histoire de la finance. Le temps, les calculs et les promesses, 2007, pp. 236, 243, 263, 294, 335, 347 et 491 et s.
[4] Lettre de M. Draghi, ancien président de la BCE au Financial Times du 25 mars 2020.
[5] De Page, Traité de droit civil belge, t. II, Les obligations, par P. Van Ommeslaghe, vol. 3, n° 1208.
[6] J.-P. Servais, « Les nouvelles structures de la régulation et de la supervision financières en Europe et en Belgique », in Evolutions récentes en droit financier, 2015, pp. 7 et s.
[7] Notre étude, « La nouvelle alliance: présentation des nouvelles structures de supervision du secteur financier », in Droit, morale et marché, 2013, p. 509.
[8] Voy. not. Chr.V. Gortsos, « The response of the European Central Bank to the current pandemic crisis: monetary policy and prudential banking supervision decisions », ECFLR, 2020, pp. 231 et s.
[9] Sur l'architecture financière internationale (IFA) et les standards financiers internationaux (IFS), voy. M. Giovanoli, « The international financial architecture and its réform after the global crisis », in International monetary and financial law, 2010, pp. 3 et s.
[10] Quant à l'observation mentionnée ci-dessus au texte, comp. Chr. Gortsos, o.c., ECFLR, 2020, p. 231, spéc. p. 233 et N. Moloney et P.-H. Conac, « EU financial market governance and the Covid-19 crisis: ESMA's nimble, responsive and speedy respons in coordinating national authorities through soft-law instruments », ECFLR, 2020, p. 363, spéc. p. 366. Revoy. aussi la communication du Financial Stability Board du 15 avril 2020, COVID-19 pandemic, Financial stability implications and policy mesaures taken.
[11] Le constat en a été récemment répété, avec le souhait de faire évoluer les choses dans un autre sens par la mise en place d'un marché des capitaux unifié: « High Level forum on the Capital Markets Union, A new vision for Europe's capital market, June 2020 », cité par N. Moloney et P.-H. Conac, o.c., ECFLR, 2020, p. 363, spéc. p. 364.
[12] Sur la distinction entre ces deux variétés de contrôle et de supervision: notre étude (précitée), « La nouvelle alliance: présentation des nouvelles structures de supervision du secteur financier », in Droit, morale et marché, 2013, p. 509, spéc. nos 5 et s., ainsi que les études rassemblées sous la direction de Fr. Martucci in L'Union bancaire, 2016.
[13] Revoy. J-P. Servais, « Les nouvelles structures de la régulation et de la supervision financières en Europe et en Belgique », in Evolutions récentes en droit financier, 2015, p. 7, spéc. pp. 16 et s.
[14] A. Verboomen et M. De Bel, Bâle II et le risque de crédit. Les règles actuelles et leur évolution sous Bâle II, 2011; P. Peters, « Les fonds propres des établissements de crédit », in 20 ans de loi bancaire, 2013, p. 55.
[15] Banque nationale de Belgique, Rapport macroprudentiel 2020, Section C, Continuité de l'intermédiation financière.
[16] Chr. V. Gortsos, o.c., ECFLR, 2020, p. 231, spéc. pp. 253 et s.
[17] Circ. de la BNB du 22 décembre 2020, en complément des Orientations de l'Autorité bancaire européenne concernant les moratoires législatifs et non législatifs sur les remboursements de prêts appliqués en raison de la pandémie (version consolidée du 2 décembre 2020).
[18] Recommandation de la BCE du 27 mars 2020, J.O.U.E., 30 mars 2020, C. 1021, p. 1; BNB, Rapport macroprudentiel 2020, pp. 26 et s.; Communiqué de la BCE du 15 décembre 2020: « La BCE demande aux banques de ne pas distribuer de dividendes ou de les limiter, jusqu'en septembre 2021. » Recommandation du Comité européen du risque systémique du 15 décembre 2020 sur les restrictions aux distributions pendant la pandémie (ESRB/2020/15).
[19] Sur ces mécanismes, revoy. J.-P. Servais, « Les nouvelles structures de la régulation et de la supervision financières en Europe et en Belgique », in Evolutions récentes en droit financier, 2015, p. 7, spéc. pp. 22 et s.
[20] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions: « Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises. Un nouveau plan d'action », 24 septembre 2020.
[21] Voy., p. ex., pour les sociétés admises à la négociation sur Eurinext Brussels et Euronext Growth, les résolutions de la FSMA publiées les 19 mars 2020, 15 avril 2020 et 18 mai 2020, ainsi que les opinions de l'ESMA auxquelles il y est fait référence. Sur le « short selling » plus généralement: G. Siciliano et M. Ventoruzzo, « Banning Cassandra from the market? An empirical analysis of short-selling bans during the COVID-19 crisis », ECFLR, 2020, p. 386.
[22] N. Moloney et P.-H. Conac, « EU financial market governance and the COVID-19 crisis: ESMA's nimble, responsive and speedy respons in coordinating national authorities through soft-law instruments », ECFLR, 2020, p. 363, spéc. pp. 368 à 377.
[23] M. Wyckaert, « Takeover bids in Europe in times if a world-wide pandemic threat: a delicate balance between the fundamental freedoms and the protection of Europe's and the member states' assets », ECFLR, 2020, p. 353, spéc. p. 359.
[24] Voy., en ce sens, la Communication de la Commission Orientations à l'intention des Etats membres concernant les investissements directs étrangers et la libre circulation des capitaux provenant de pays tiers ainsi que la protection des actifs stratégiques européens, dans la perspective de l'application du règlement (UE) n° 2019/452 (règlement sur le filtrage des IDE) 2020/C 99 I/01.
[25] Même si, à la différence de l'art. 52, 1., concernant les dérogations possibles au principe de la liberté d'établissement, l'art. 65, 1., b), ne vise pas expressément les impératifs de santé publique, il ne paraît pas douteux que la santé publique, à tout le moins dans un contexte de pandémie paralysant l'économie, puisse être considérée comme relevant de l'ordre public au sens du droit de l'Union - sauf à considérer, au prix d'une interprétation purement littérale - que l'art. 52, 1., implique que la santé publique ne peut être prise en considération, au titre d'une dérogation apportée par le traité à une autre de ses dispositions, que si elle y est expressément visée. Le caractère dérogatoire de la disposition en question ne justifie certainement pas à lui seul une telle interprétation restrictive.
[26] The monetary policy of the ECB (2011), p. 9. C.J.C.E., 11 décembre 2018, C-493/17, n° 56.
[27] Sur les différents concepts, instruments et opérations de politique monétaire dont il sera question infra: Fr. Mishkin, Chr. Bordes, P.-C. Hautcoeur et D. Lacoue-Labarthe, Monnaie, banques et marchés financiers, 8e éd., pp. 493 et s., ainsi que les deux publications de la BCE, disponibles sur son site: « The monetary policy of the ECB », 2011, pp. 93 et s. et « The implementation of monetary policy in the Euro area », 2011.
[28] Orientation 2015/510 de la Banque centrale européenne, J.O.U.E., 2015, L. 91/3, art. 2, § 25, 31 et 97, art. 58 et s., spéc. 93; Orientation 2016/65 de la Banque centrale européenne, J.O.U.E., 2016, L. 14/30.
[29] Déc. n° 2020/506, J.O.U.E., 2020, L. 109/1; Orientation 2020/634, J.O.U.E., 2020, L. 148/10; Orientation 2020/515, J.O.U.E., 2020, L. 110/26.
[30] Orientation 2020/634, J.O.U.E., 2020, L. 148/10; Orientation 2020/515, J.O.U.E., 2020, L. 110/26.
[31] Déc. n° 2014/34, J.O.U.E., 2014, L. 258/11; Déc. n° 2016/10, J.O.U.E., 2016, L. 132/17; Déc. n° 2019/21, J.O.U.E., 2019, L. 204/100; Déc. n° 2019/1311, J.O.U.E., 219, L. 238/2.
[32] Déc. n° 2020/407, J.O.U.E., 2020, L. 80/23; Déc. n° 2020/614, J.O.U.E., 2020, L. 141/28. Adde la nouvelle série de sept « opérations de refinancement à plus long terme d'urgence face à la pandémie », décidée le 30 avril 2020 par la BCE et étendue à 4 nouvelles opérations le 10 décembre 2020 (voir les communiqués de presse sur le site de la BCE).
[33] Nous renvoyons ici à l'ouvrage de J.-K. Galbraith, L'argent (Gallimard, Folio, 1994 pour l'édition française), dans lequel l'auteur démystifie, avec une efficacité remarquable, les mécanismes prétendument mystérieux de la création monétaire et de la politique monétaire (voy. plus particulièrement pp. 67 et s. pour ce qui concerne les opérations d'open market).
[34] U. Lettanie, « Het Duitse Grondewettelijk Hof versus de Europese Centrale Bank: een gemiste kans », R.D.C., 2020, p. 553.
[35] Déc. n° 2020/440, 24 mars 2020, J.O.U.E., 2020, L. 91/1.
[36] J.O.U.E., 2020, L. 39/12. Ce programme est expressément limité aux marchés secondaires, de manière à respecter l'interdiction faite à la Banque centrale européenne et aux banques centrales nationales d'acquérir directement des instruments de la dette publique (art. 123 TFUE).
[37] J.O.U.E., 2016, L. 157/28. Ce programme vise les entreprises privées et les entreprises publiques, pour autant qu'elles répondent aux critères d'éligibilité; mais, s'agissant de ces dernières, il est expréssément limité aux marchés secondaires (art. 1er). Le champ des actifs éligibles a été élargi par une autre décision de crise également adoptée le 24 mars 2020 (Déc. n° 2020/41, J.O.U.E., 2020, L. 91/5).
[38] J.O.U.E., 2020, L. 39/1: programme décidé le 3 février 2020 indépendamment de la crise sanitaire qui n'avait pas encore été déclarée.
[39] J.O.U.E., 2015, L. 1/4.
[40] Déc. n° 2015/774, J.O.U.E., 2015, L. 121/20, aménagée par Déc. n° 2017/100, J.O.U.E., 2017, L. 16/51.
[41] Communiqué de presse du 8 mai 2020.
[42] Arrêt Gauweiler du 16 juin 2015 dans l'affaire C-62/14; arrêt Pringle du 27 novembre 2012 dans l'affaire C-370/12.
[43] Voy., en particulier, les points 127 et s. de la décision allemande.
[44] Dans son propre communiqué de presse accompagnant son arrêt du 8 mai 2020, la Cour constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne a elle-même précisé que sa décision ne s'applique au programme d'achats d'actifs justifié par la pandémie.
[45] R.-M. Lastra et K. Alexander, « The ECB Mandate: Perspectives on sustainability and solidarity », Monetary Dialogue Paper, June 2020, European Parliament, Section 4.3. Faut-il ajouter qu'une émission de monnaie centrale, génératrice d'inflation, peut comme telle produire un effet de type taxatoire, expliquant que l'on a pu, à son propos, parler de « taxe inflationniste »: Mankiw et Taylor, Principes de l'économie (dans l'édition française de 2010), p. 800.
[46] Arrêt Pringle du 27 novembre 2012 dans l'affaire C-370/12, points 129 et s.
[47] Mobilisation du mécanisme européen de stabilité: voy. R.-M. Lastra et K. Alexander, o.c., Section 4.3 et la note 34. Communication from the Commission to the European Parliament, the European Council, the Council, the European Central Bank, the European Investment Bank and the Eurogroup - Coordinated economic response to the COVID-19 Outbreak - COM/2020/112). Règlement (UE) n° 2020/672 du Conseil du 19 mai 2020 portant création d'un instrument européen de soutien temporaire à l'atténuation des risques de chômage en situation d'urgence (SURE) engendrée par la propagation de la COVID-19. Règlement européen du Parlement et du Conseil modifiant les règlements (UE) n° 1301/2013, (UE) n° 1303/2013 et (UE) n° 508/2014 en ce qui concerne des mesures spécifiques visant à mobiliser des investissements dans les systèmes de soins de santé des Etats membres et dans d'autres secteurs de leur économie en réaction à la propagation du COVID-19. Communication de la Commission - Encadrement temporaire des mesures d'aide d'Etat visant à soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19, 2020/C 91 I/01. Mobilisation de la clause générale de sauvegarde du pacte de stabilité et de croissance. Création d'un fonds de garanties paneuropéen par la Banque européenne d'investissement (BEI).
[48] Comp. R.-M. Lastra et K. Alexander, o.c.
[49] R.-M. Lastra et K. Alexander, o.c.
[50] A. Ferrari et V. Nispi Landi, « Whatever it takes to save the planet? Central banks and unconventional green policy », ECB, Working Paper Series, December 2020, n° 2500, Section 1: « If governments are not in a good position to raise taxes, independent institutions such as central banks may be better placed to face climate change challenge. »
[51] Voy., en Belgique, le statut traditionnel des autorités de supervision financière en tant qu'autorités administratives indépendantes: P. Van Ommeslaghe, « Exposé introductif », in Les autorités de contrôle des marchés financiers, des assurances et de la concurrence. Bilan et perspectives, 2002, pp. 1 et s.
[52] Comp., à propos du principe de la représentation en droit public belge, la mercuriale du procureur général Velu, J.T., 1996, pp. 625 et s.
[53] Le site de la Banque nationale de Belgique comportait ainsi une invitation faite au public à un échange de vues en ligne sur la politique monétaire de l'Eurosystème, le 22 janvier 2021.
[54] J.-K. Galbraith, L'argent (Gallimard, Folio, 1994 pour l'édition française), pp. 51 et s., ainsi que l'ouvrage classique de N. Olzak, Histoire des banques centrales, 1998.
[55] P. Spolaore, « Ownership an governance of central banks: insights from the Italian experience », ECFLR, 2020, pp. 619 et s. Tel est le cas de la Banque nationale de Belgique, de la Banque de Grèce et de la Banque d'Italie. Le « statut légal spécifique » de la Banque nationale de Belgique, impliquant que celle-ci ne constitue pas une société de droit privé, a fait l'objet de discussion et a été confirmé par plusieurs décisons: C.A., n° 160/2003. Bruxelles, 30 septembre 2010 (deux arrêts): voir communiqué de la Banque du 5 octobre 2010.
[56] Revoy. not.: C.A., n° 160/2003, p. 14, considérant B.4.3.
[57] A. Minc, « Pour une dette publique à perpétuité! », Les Echos, 16 avril 2020. Proposition de résolution relative au lancement d'un débat public sur la création d'un mécanisme universl appelé socle citoyen, Assemblée nationale française, 23 octobre 2020. S. Jourdan, « 'Helicopter Money' as a response to the COVID-19 recesion in the Eurozone », in Positive Money, mars 2020.
[58] Mishkin, Borde, Hautcoeur et Lacoue -Labarthe, Monnaie, banque et marchés financiers, 2007, pp. 77 et s.
[59] Sur le mécanisme de la création de monnaie par les banques (hors la Banque centrale), on relira J.-K. Galbraith, o.c., pp. 37 et s., ainsi que l'ouvrage classique de Ch. Rist, Histoire des doctrines relatives au crédit et à la monnaie, reéd. 2002, outre Mishkin, Borde, Hautcoeur et Lacoue-Labarthe, o.c., pp. 65 et s. et pp. 247 et s.
[60] Mishkin, Borde, Hautcoeur et Lacoue-Labarthe, o.c., pp. 559 et s.
[61] R. Triffin, L'or et la crise du dollar, 1962, pp. 23 et s.
[62] Ch. Rist, Histoire des doctrines relatives au crédit et à la monnaie, o.c., p. 135 et la référence aux thèses de Ricardo.
[63] Voy. une stimulante réanalyse d'ensemble de la question par M. Kumhof, J. Allen, W. Bateman, R.-M. Lastra, S. Gleeson, S. Omarova, « Central Bank Money: liability, asst opr equity of the Nation? », Research Paper, Cornell Law School, 5 August 2020.
[64] Revoy. notre étude, « La nouvelle alliance: présentation des nouvelles structures de supervision du secteur financier », o.c., spéc. n° 5, pp. 520 et s. et la note 35.
[65] M. Kumhof, J. Allen, W. Bateman, R.-M. Lastra, S. Gleeson, S. Omarova, o.c., spéc. nos 5.4. et 7.
[66] Pour une présentation de la discussion classique concernant l'indépendance des banques centrales, on consultera not.: A. Orlean, « Les croyances monétaires et le pouvoir des banques centrales », in Les banques centrales sont-elles légitimes?, 2008, p. 17.
[67] Comp. la contribution apportée au débat par H. de Vauplane, « Transformer la dette publique en rente perpétuelle: une mauvaise idée », Alternatives économiques, 22 juin 2020. « Peut-on annuler les dettes souveraines de la zone euro? Juridiquement: non », Alternatives économiques, 10 mai 2020.
[68] Déclaration au Journal du Dimanche du 2 février 2021.
[69] Sur ce phénomène, décrit supra, voy. encore Br. Colmant, « Du Code de Hammourabi à Google Earth », in De l'or des templiers aux cryptomonnaies, 2018, pp. 17 et s.
[70] A propos dudit « QE » comme amplification de la technique de l'Open Market visée plus haut (note 33), voy. U. Bindseil, Monetary policy operations and the financial system, 2014, pp. 221 et s.- Chr.V. Gortsos, European Central Banking Law, 2020, p. 424. H. Siekmann, « Deposit banking and the use of monetary instruments », in Money in the western legal tradition, 2016, p. 489, spéc. pp. 520 et 521
[71] Déclarations du ministre français des Finances au Figaro du 22 janvier 2021.
[72] Sur cette notion, à laquelle il est fait allusion dans l'étude précitée de M. Kumhof et al., voy. J.-K. Galbraith, L'ère de l'opulence (1961 pour l'édition française), spéc. pp. 14 et s.
[73] Directive n° 2014/49 du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts (J.O.U.E., 2014, L. 173/49).