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Assurance « grands risques » : les limites à l'opposabilité de la clause attributive de juridiction à l'assuré non-souscripteur, R.D.C.-T.B.H., 2020/9, p. 1139-1143

DROIT JUDICIAIRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL
Compétence et exécution - Règlement (UE) n° 1215/2012 - Article 15, 5) et article 16, 5) - Assurance de « grands risques » - Clause attributive de juridiction conclue entre le preneur d'assurance et l'assureur - Opposabilité de cette clause à la personne assurée
L'article 15, 5) et l'article 16, 5), du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doivent être interprétés en ce sens que la clause attributive de juridiction prévue dans un contrat d'assurance couvrant un « grand risque », au sens de cette dernière disposition, conclu par le preneur d'assurance et l'assureur, ne peut être opposée à la personne assurée par ce contrat, qui n'est pas un professionnel du secteur des assurances, qui n'a pas consenti à cette clause et qui est domiciliée dans un Etat membre autre que celui du domicile du preneur d'assurance et de l'assureur.
EUROPEES EN INTERNATIONAAL GERECHTELIJK RECHT
Bevoegdheid en executie - Verordening (EU) nr. 1215/2012 - Artikel 15, 5) en artikel 16, 5) - Verzekering voor “grote risico's” - Tussen verzekeringnemer en verzekeraar overeengekomen forumkeuzebeding - Tegenwerpbaarheid van dat beding aan de verzekerde
Artikel 15, 5) en artikel 16, 5) van verordening (EU) nr. 1215/2012 van het Europees Parlement en de Raad van 12 december 2012 betreffende de rechterlijke bevoegdheid, de erkenning en de tenuitvoerlegging van beslissingen in burgerlijke en handelszaken moeten aldus worden uitgelegd dat het forumkeuzebeding in een tussen een verzekeringnemer en een verzekeraar gesloten verzekeringsovereenkomst die “grote risico's” in de zin van laatstgenoemde bepaling dekt, niet kan worden tegengeworpen aan een uit hoofde van deze overeenkomst verzekerde persoon die geen beroepsbeoefenaar in de verzekeringssector is, niet met dit beding heeft ingestemd en zijn woonplaats heeft in een andere lidstaat dan de verzekeringnemer en de verzekeraar.
Assurance « grands risques »: les limites à l'opposabilité de la clause attributive de juridiction à l'assuré non-souscripteur
Béatrice Toussaint [1]
I. Introduction

1.Le Règlement Bruxelles Ibis [2] prévoit des règles spécifiques afin de protéger les intérêts de la partie faible au contrat d'assurance, à savoir l'assuré, le bénéficiaire ou le souscripteur, au moyen de règles de compétence plus favorables à leurs intérêts que ne le sont les règles générales. Ces règles permettent de déroger à la compétence de principe des juridictions de l'Etat membre où se situe le domicile du défendeur.

Ainsi, en cas d'action intentée par le preneur d'assurance, l'assuré ou le bénéficiaire, l'article 11, 1., sous b), dudit règlement prévoit que l'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre sur le territoire duquel le demandeur a son domicile. Lorsque le contrat est une assurance de responsabilité ou une assurance portant sur des immeubles, l'article 12 du même règlement permet d'attraire l'assureur devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit tandis que l'article 13 prévoit la possibilité d'appeler l'assureur devant la juridiction saisie de l'action de la victime contre l'assuré.

2.La question de l'opposabilité d'une clause attributive de juridiction dans le domaine des contrats d'assurance a déjà fait l'objet d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne selon laquelle une victime disposant d'une action directe contre l'assureur de l'auteur du dommage qu'elle a subi n'est pas liée par une clause de juridiction conclue entre cet assureur et cet auteur. [3]

La Cour de justice a également décidé qu'une telle clause n'est pas opposable à l'assuré bénéficiaire qui n'a pas expressément souscrit à ladite clause et a son domicile dans un Etat contractant autre que celui du preneur d'assurance et de l'assureur. [4]

3.La particularité de l'arrêt du 27 février 2020 réside dans le fait qu'il concerne la même problématique mais dans le cadre d'un contrat d'assurance couvrant un « grand risque » au sens de la directive solvabilité II. [5]

La notion de « grands risques » ne vise pas uniquement les risques affectant les groupes de sociétés mais également certains risques auxquels peuvent être exposées des PME (assurance transport, assurance crédit, ...) ou même des particuliers (assurance d'un bateau de plaisance). [6]

Dans le cas d'espèce toutefois, l'arrêt concernait une police grands risques souscrite par une société mère pour l'ensemble des sociétés du groupe.

Après un rappel des faits (II.) et du raisonnement suivi par l'arrêt du 27 février 2020 (III.), seront examinées ses conséquences pour la rédaction des polices d'assurance « grands risques » et les litiges y relatifs (IV.).

II. Faits et question préjudicielle

4.Les articles 15, 5) et 16, 5), du Règlement Bruxelles Ibis permettent aux parties de déroger [7] à ses dispositions protectrices par une clause de juridiction prévue dans un contrat d'assurance couvrant un grand risque au sens de la directive solvabilité II.

La question préjudicielle soumise à la Cour de justice portait sur l'opposabilité d'une telle clause à un assuré qui n'était pas le preneur d'assurance.

5.Le preneur d'assurance (Grifs AG) et l'assureur, tous deux établis en Lettonie, avaient conclu un contrat d'assurance de responsabilité civile qui couvrait également la responsabilité d'une filiale lituanienne (Grifs) dont la totalité des parts était détenue par le preneur d'assurance. Les conditions générales du contrat prévoyaient l'application de la loi lettone et la compétence des juridictions lettones.

A la suite d'un vol dans une bijouterie dont la filiale lituanienne était chargée d'assurer la surveillance, celle-ci avait été condamnée à la réparation du dommage subi du fait de ce vol. A l'issue de cette procédure en réparation, la filiale lituanienne avait introduit une procédure dirigée contre l'assureur pour obtenir le paiement de l'indemnité d'assurance sur le fondement du contrat d'assurance. Le juge lituanien s'était déclaré incompétent au profit du juge letton, au regard de la clause de juridiction prévue par le contrat d'assurance et soulevée par l'assureur.

6.Au terme de plusieurs étapes judiciaires, la Cour suprême de Lituanie a décidé de surseoir à statuer et a posé la question préjudicielle suivante à la Cour de justice: « Convient-il d'interpréter l'article 15, 5) et l'article 16, 5), du règlement [n° 1215/2012] en ce sens que, s'agissant d'une assurance couvrant un 'grand risque', la clause attributive de [juridiction] figurant dans le contrat d'assurance conclu entre le preneur d'assurance et l'assureur peut être opposée à l'assuré couvert par ce contrat, qui n'a pas expressément souscrit à ladite clause et qui est domicilié dans un [Etat membre autre que celui du domicile du] preneur d'assurance et [de] l'assureur? »

III. Le raisonnement de la Cour de justice

7.La C.J.U.E. va procéder en trois étapes après avoir rappelé le cadre juridique pertinent. [8] Dans un premier temps, elle procède à une analyse littérale des dispositions et souligne la différence de libellé entre le point 5) de l'article 15 du règlement n° 1215/2012 qui vise de manière générale les conventions qui concernent le contrat d'assurances couvrant un « grand risque » et les points 3) et 4) du même article 15 [9] qui eux visent les parties au contrat d'assurance. Par un rappel de l'historique (dispositions spéciales souhaitées par le Royaume-Uni pour les grands risques [10]), elle explique que cette différence ne permet pas de considérer que la clause attributive de juridiction insérée, sur le fondement de l'article 15, 5), du Règlement Bruxelles Ibis, dans un contrat d'assurance couvrant un grand risque peut être invoquée par toute personne voulant exercer ses droits en vertu du contrat d'assurance, également à l'encontre du tiers assuré. L'article 15, 5), ne permet donc pas de rendre la clause de juridiction d'un contrat d'assurance de grands risques opposable à des tiers.

Dans un second temps, la Cour de justice met en évidence l'objectif de protection des assurés poursuivi par les dispositions de la Section 3 du Chapitre II du règlement n° 1215/2012 et souligne que la liste des personnes pouvant attraire l'assureur devant une juridiction ne fait pas de distinction en fonction du type de risques assurés et que cette protection conférée aux assurés « serait inefficace si, s'agissant de contrats d'assurance relatifs aux 'grands risques', la juridiction compétente était déterminée sur la base d'une clause attributive de juridiction à laquelle l'assuré n'a pas souscrit » (point 35).

Dans un troisième temps, la Cour de justice rappelle la jurisprudence de l'arrêt Société financière et industrielle du Peloux: « Dans le cas où un contrat d'assurance est conclu au profit d'un tiers, une clause attributive de juridiction insérée dans celui-ci, à laquelle il n'a pas souscrit, ne lui est opposable, en cas de litige né dudit contrat, que si elle ne porte pas atteinte à l'objectif de protection de la personne économiquement la plus faible (arrêt du 12 mai 2005, C112/03, Société financière et industrielle du Peloux, EU:C:2005:280, pt. 38) » (pt. 36).

8.La question est dès lors de savoir si cet objectif de protection de la personne économiquement la plus faible vaut de la même manière dans le domaine des contrats d'assurance couvrant un grand risque.

Pour ces contrats, le preneur d'assurance et l'assureur, au vu de leur puissance économique, sont sur un pied d'égalité et une protection supplémentaire de la partie plus faible ne se justifie pas. Ils sont habilités à choisir la juridiction compétente, y compris en dérogeant aux règles de compétence protectrices énoncées à la Section 3 du Chapitre II du règlement n° 1215/2012.

Toutefois, selon la Cour de justice, il ne peut être déduit de manière automatique du fait que le contrat relève de la catégorie des contrats d'assurance couvrant un grand risque que la puissance économique de l'assuré est identique ou similaire à celle de l'assureur et du preneur d'assurance.

9.Comment dès lors apprécier la puissance « économique » qui permettrait d'étendre au tiers assuré la dérogation aux règles générales de compétence dans les contrats d'assurance couvrant un grand risque?

D'un côté, la Cour de justice estime qu'une appréciation au cas par cas de la question de savoir si une personne peut être considérée comme une « partie plus faible » ferait naître un risque d'insécurité juridique et irait à l'encontre de l'objectif de prévisibilité des règles de compétence recherché par le règlement n° 1215/2012. [11] De même, la qualification d'un contrat en contrat d'assurance couvrant un grand risque nécessiterait une vérification approfondie de plusieurs critères dont l'application n'est pas toujours systématique, ce qui serait à nouveau contraire à l'objectif de prévisibilité des règles de compétence.

D'un autre côté, elle rappelle que les règles de compétence spéciales du règlement n° 1215/2012 ne peuvent pas être étendues à des personnes pour lesquelles cette protection ne se justifie pas. [12]

Ainsi, un « professionnel du secteur de l'assurance ne peut être présumé se trouver en position de faiblesse par rapport à l'autre partie » (pt. 45). A cet égard, la Cour de justice a considéré que ne pouvait se prévaloir des règles de compétences spéciales du règlement n° 1215/2012 une personne dont l'activité professionnelle consiste à recouvrer des créances d'indemnisation auprès des assureurs après une cession de ces créances pour assigner l'assureur en responsabilité civile, qui a son siège dans un Etat membre autre que l'Etat membre du domicile de la personne lésée, devant une juridiction de ce dernier Etat membre. [13]

10.Elle en déduit que la clause attributive de juridiction ne peut être opposée au tiers assuré, Grifs, qui n'est pas un professionnel du secteur des assurances et qui n'a pas consenti à cette clause:

« Il y a lieu de répondre à la question posée que l'article 15, 5) et l'article 16, 5), du règlement n° 1215/2012 doivent être interprétés en ce sens que la clause attributive de juridiction prévue dans un contrat d'assurance couvrant un 'grand risque', au sens de cette dernière disposition, conclu par le preneur d'assurance et l'assureur, ne peut être opposée à la personne assurée par ce contrat, qui n'est pas un professionnel du secteur des assurances, qui n'a pas consenti à cette clause et qui est domicilié dans un Etat membre autre que celui du domicile du preneur d'assurance et de l'assureur. »

IV. Implications de l'arrêt du 27 février 2020

11.L'arrêt du 27 février 2020 réduit la portée du régime dérogatoire prévu pour les grands risques quant au choix de la juridiction compétente. Même si cet arrêt s'inscrit dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de justice, très réticente à étendre aux tiers les clauses attributives de juridiction, trois éléments méritent d'être mentionnés.

12.Tout d'abord, l'arrêt écarte, au motif de la sécurité juridique, une appréciation au cas par cas de la question de savoir si une personne peut être considérée comme la partie « la plus faible économiquement ».

Ce rejet est quelque peu surprenant dans la mesure où, même en cas de grands risques, les juridictions nationales procèdent à la recherche de la partie la plus faible. Ainsi, la Cour de cassation française a-t-elle considéré que c'est à bon droit qu'une cour d'appel avait rejeté l'exception d'incompétence au motif que, si une police souscrite entre une société luxembourgeoise et un assureur anglais couvrait un grand risque, la clause de juridiction stipulée conformément à l'article 13, 5), du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 [14] n'était toutefois « pas opposable à l'assuré bénéficiaire de ce contrat (un fournisseur de la société luxembourgeoise) qui n'y avait pas expressément souscrit, avait son domicile dans un autre état contractant et était protégé par la convention comme partie économiquement la plus faible ». [15]

13.Ensuite, la référence au « professionnel de l'assurance » étonne au premier abord puisque ce critère n'est pas celui retenu par le règlement qui vise la protection de la « partie faible ». [16] Ce critère est néanmoins utilisé dans le cadre de litiges entre professionnels du secteur des assurances dont aucun d'entre eux ne peut être présumé se trouver en position de faiblesse par rapport à l'autre. [17] Ici, ce critère permet de justifier la nécessité d'une protection de l'assuré puisqu'il n'a pas la qualité de professionnel de l'assurance dont l'assureur, quant à lui, dispose par définition. En pratique, cette notion de « professionnel de l'assurance » remplace le critère de la partie la plus faible. Un professionnel de l'assurance, par exemple un intermédiaire d'assurances, pourrait cependant, dans les faits, être la partie la plus faible au contrat d'assurance tandis que la filiale dépendant d'un grand groupe industriel ou agroalimentaire et dont la couverture d'assurance serait négociée au niveau de la société faitière par une équipe spécialisée en assurance, se verrait qualifiée de partie faible. [18] La substitution d'un critère prévu par un considérant du règlement et appliqué en jurisprudence par un nouveau critère, au motif de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence risque de susciter débats et une nouvelle incertitude juridique.

14.Enfin, par son arrêt du 27 février 2020, la Cour de justice réitère [19] sa position quant à la nécessité du consentement à la clause de juridiction par l'assuré non-souscripteur, même dans le cadre d'une assurance relative à un « grand risque », pour que l'assureur puisse s'en prévaloir. Au regard du droit belge, l'assuré non-souscripteur serait considéré comme bénéficiant d'une assurance pour compte. [20] Ce schéma de l'assurance pour compte et ses conséquences ne sont pas retenus dans l'analyse de la Cour de justice. Relevons également que dans le contexte du contentieux du droit de la concurrence, les deux sociétés, dont l'une est une filiale à 100% de l'autre, pourraient être considérées comme une entité économique unique de sorte que la question du consentement par la filiale perdrait son caractère déterminant [21] mais la Cour de justice n'a pas entendu raisonner par analogie et nuancer sa jurisprudence quant à l'inopposabilité aux « tiers » d'une clause attributive de juridiction.

15.Le bénéfice du choix de la juridiction compétente pour les grands risques est donc neutralisé pour des polices « master » ou « umbrella » [22] chaque fois que la filiale est établie dans un autre Etat membre que le preneur d'assurance et n'a pas expressément marqué son accord sur la clause attributive de juridiction.

Cette inopposabilité des clauses de juridiction à l'assuré a le mérite de garantir la concordance entre le for compétent pour trancher le litige de responsabilité et le litige relatif à la couverture d'assurance de cette responsabilité. Elle est néanmoins de nature à engendrer un manque de prévisibilité pour les entreprises d'assurances qui, malgré l'existence d'une clause désignant les juridictions d'un Etat membre, pourraient être attraites devant les juridictions d'un autre Etat membre.

Enfin, dans un cas présentant les mêmes particularités que celui soumis à la Cour de justice [23], la juridiction saisie dans l'Etat membre où est établi l'assuré (la filiale) devrait appliquer la législation d'un autre Etat membre puisque le preneur d'assurance (la société mère) et l'assureur auront retenu la législation de l'Etat membre où ils sont tous deux établis et que ce choix du droit applicable ne pourrait être remis en question par l'assuré. En effet, en application de l'article 7, 2., alinéa 1er, du règlement Rome I [24], les contrats d'assurance couvrant des grands risques sont régis, sous quelques réserves [25] - qui ne trouveraient pas à s'appliquer dans le cas soumis à la Cour de justice - par la loi choisie par les parties.

[1] Avocat.
[2] Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Pour un commentaire des dispositions de ce règlement spécifiques à la matière de l'assurance: J. Toro et A. Viggria,« L'impact du Règlement 'Bruxelles Ibis' sur le droit international privé de l'assurance », Bull. ass., 2015, p. 395; L. Schuermans et C. Van Schoubroeck, Grondslagen van het Belgisch verzekeringsrecht, 3e éd. Anvers, Intersentia, 2015, pp. 915 à 922; L. Vogel, « Section 2 - Contenu », in Traité de droit économique, tome 4, Droit européen des affaires, Bruylant, 2017, pp. 717 à 720; F. van Overbeeke, « Brussel I(bis)-Verordening inzake niet uitsluitende bevoegdheidsgronden en zwakke partijen - Stand van zaken sinds 2002 tot nu », in Handboek Europees burgerlijk procesrecht, Intersentia, 2015, p. 49.
[3] C.J.C.E., 13 décembre 2007, C-463/06, FBTO Schadeverzekeringen NV / Jack Odenbreit, ECLI:EU:C:2007:792; C.J.U.E., 13 juillet 2017, C-368/16, Assens Havn / Navigators Management (UK) Limited, ECLI:EU:C:2017:546; C.J.U.E., 20 juillet 2017, C-340/16, Landeskrankenanstalten-Betriebsgesellschaft - KABEG / Mutuelles du Mans assurances - MMA IARD SA, ECLI:EU:C:2017:576. Pour une application en droit belge: Cass., 15 septembre 2016, C.15.0280.F, RDC-TBH, 2017, p. 115
[4] C.J.C.E., 12 mai 2005, C-112/03, Société financière et industrielle du Peloux, ECLI:EU:C:2005:280.
[5] Directive n° 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice. L'art. 13, 27., de la directive solvabilité II prévoit plusieurs critères pour définir les « grands risques »:

a) les risques classés sous les branches 4, 5, 6, 7, 11 et 12 de l'annexe I, partie A;

b) les risques classés sous les branches 14 et 15 de l'annexe I, partie A, lorsque le preneur exerce à titre professionnel une activité industrielle, commerciale ou libérale et que les risques sont relatifs à cette activité;

c) les risques classés sous les branches 3, 8, 9, 10, 13 et 16 de l'annexe I, partie A, pour autant que le preneur dépasse les limites chiffrées d'au moins deux des critères suivants:

i) un total de bilan de 6.200.000 EUR;

ii) un montant net du chiffre d'affaires, au sens de la quatrième directive n° 78/660/CEE du Conseil du 25 juillet 1978 fondée sur l'art. 54, 3., g), du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (30), de 12.800.000 EUR;

iii) un nombre de 250 employés en moyenne au cours de l'exercice.

Si le preneur fait partie d'un ensemble d'entreprises pour lequel des comptes consolidés sont établis conformément à la directive n° 83/349/CEE, les critères énoncés à l'alinéa 1er, c), sont appliqués sur la base des comptes consolidés. Les Etats membres ont la faculté d'ajouter à la catégorie visée à l'alinéa, c), les risques assurés par des associations professionnelles, des coentreprises ou des associations momentanées. Voy. pour la transposition en droit belge: art. 233 de la loi du 13 mars 2016 relative au statut et au contrôle des entreprises d'assurance ou de réassurance, art. 5, 39°, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances et art. 1, 7°, de l'arrêté royal du 22 février 1991 modifiant la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d'assurances.
[6] La notion de « grands risques » vise notamment tout dommage subi par les véhicules ferroviaires, aériens, maritimes et fluviaux ou par les marchandises transportées, les risques de crédit et de caution (s'ils sont liés à une activité industrielle, commerciale ou libérale) ou encore les dommages aux véhicules terrestres (autres que ferroviaires), l'incendie et autres dommages aux biens, la responsabilité civile véhicules terrestres automoteurs, la responsabilité civile générale et les pertes financières diverses (lorsque le preneur d'assurance, individuellement ou sur une base consolidée dans le cas d'un groupe de sociétés, atteint deux de certains seuils déterminés relatifs au bilan, au chiffre d'affaires ou au nombre d'employés).
[7] La clause attributive de juridiction admise par dérogation doit impérativement revêtir les conditions de forme énoncées à l'art. 25 relatif à la prorogation conventionnelle en général (C.J.C.E., 14 juillet 1983, C-201/82, Gerling Konzern Speziale Kreditversicherungs-AG et autres / Amministrazione del Tesoro dello Stato, ECLI:EU:C:1983:217).
[8] Les art. 4, 1., 5, 1., 10, 11, 1., b), 12, 15, 3) à 5), 16, 25, 1., 63, 1., du règlement UE n° 1215/2012. L'art. 13, 27., de la directive n° 2009/138.
[9] Art. 15 du règlement UE n° 1215/2012:

« Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions:

(...)

3) qui, passées entre un preneur d'assurance et un assureur ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même Etat membre, ont pour effet, alors même que le fait dommageable se produirait à l'étranger, d'attribuer compétence aux juridictions de cet Etat membre sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions;

4) conclues par un preneur d'assurance n'ayant pas son domicile dans un Etat membre, sauf s'il s'agit d'une assurance obligatoire ou qui porte sur un immeuble situé dans un Etat membre; ou

5) qui concernent un contrat d'assurance en tant que celui-ci couvre un ou plusieurs des risques énumérés à l'article 16. »
[10] Rapport du professeur Dr. P. Schlosser sur la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du Royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord à la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, point 140.
[11] Considérant (15) du règlement n° 1215/2012:

« (15) Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s'articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l'autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S'agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence. »
[12] C.J.C.E., 13 juillet 2000, C-412/98, Group Josi Reinsurance Company SA / Universal General Insurance Company (UGIC), ECLI:EU:C:2000:399.
[13] C.J.U.E., 31 janvier 2018, C-106/17, Pawel Hofsoe / LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster AG, ECLI:EU:C:2018:50, pt. 42.
[14] Actuel art. 15, 5), du règlement n° 1215/2012.
[15] Cass. fr. (ch. civ.), 4 avril 2019, 18-11.021, www.legifrance.gouv.fr.
[16] Considérant 18 du règlement n° 1215/2012: « (18) S'agissant des contrats d'assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales ».
[17] C.J.C.E., 26 mai 2005, C77/04, GIE Réunion européenne e.a., EU:C:2005:327, pt. 20; C.J.U.E., 17 septembre 2009, C347/08, Vorarlberger Gebietskrankenkasse, EU:C:2009:561, pt. 42; C.J.U.E., 21 janvier 2016, C521/14, SOVAG, EU:C:2016:41, pts. 30 et 31; C.J.U.E., 31 janvier 2018, C-106/17, Pawel Hofsoe / LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster AG, ECLI:EU:C:2018:50, pt. 42.
[18] D. Meheut, note sous C.J.U.E., 27 février 2000, C-803/18, AAS « Balta » / UAB « Grifs AG », EU:C:2020:123, L'essentiel droit des assurances, 2020, n° 4, p. 7.
[19] C.J.C.E., 12 mai 2005, C-112/03, Société financière et industrielle du Peloux, EU:C:2005:280.
[20] Pour rappel, le schéma de l'assurance pour compte est celui selon lequel une personne (dans le cas d'espèce, la filiale) est tiers au contrat d'assurance tout en étant assuré. Dans ce schéma, l'assuré doit, pour revendiquer le bénéfice des termes du contrat, se plier à l'ensemble de ses clauses. Il se voit opposer les exceptions tirées du rapport entre le preneur et l'assureur dont les clauses attributives de juridiction (voy. en droit belge, l'art. 92, al. 2, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances; Cass., 23 mai 2016, C.15.0440.F, ECLI:BE:CASS:2016:ARR.20160523.3; Liège, 12 juin 2017, 2016/RG/225, ECLI:BE:CALIE:2017:ARR.20170612.2; B. Toussaint et S. Mortier, « Assurance pour compte: illustrations, problématiques et pistes de réflexion », R.D.C., 2015, p. 956; N. Schmitz, « De l'incidence du régime matrimonial sur la qualité d'assuré pour compte en assurance incendie. A propos de ce que l'arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2016 ne dit pas », J.L.M.B., 2016, p. 1987.
[21] L. Idot, commentaire sous C.J.U.E., 27 février 2000, C-803/18, AAS « Balta » / UAB « Grifs AG », EU:C:2020:123, Europe - Actualité du droit de l'Union européenne, n° 4, avril 2020, n° 133.
[22] Schématiquement, la police « umbrella », souscrite par la société mère, permet de compléter les assurances locales souscrites par les filiales et intervient en complément, en différence de conditions (en cas de risque exclu ou non couvert par la police locale) et/ou en excédent de limites en cas d'insuffisance des assurances locales.

La police master est généralement un programme coordonné souscrit par la société mère pour toutes les entités ou lieux d'activités du groupe; la couverture se veut uniforme (mêmes conditions, exclusions, ...) avec, le cas échéant, des adaptations en fonction des exigences locales.
[23] Un contrat d'assurance grand risque conclu par un assureur et un preneur d'assurance établis dans le même Etat membre et dont les clauses de juridiction et de droit applicable renvoient au droit de cet Etat membre, avec la caractéristique que ce contrat d'assurance bénéficie à un assuré établi dans un autre Etat membre et à qui la clause attributive de juridiction n'est pas opposable.
[24] Règlement n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I). Voy. C. Van Schoubroeck, « The New European conflict-of-law rules from an Insurance perspective », European Journal of Consumer Law-EJCL, 2009, pp. 758 à 760; M. Traest, « De verzekeringsovereenkomst in het internationaal privaatrecht », in T. Vansweevelt en B. Weyts (eds.), Handboek verzekeringen, Antwerpen, Intersentia, 2016, p. 1043; B. Dubuisson, « La loi applicable aux contrats d'assurance internationaux, d'après le Règlement Rome I », Bull. ass., 2015, pp. 141 et 142; B. Dubuisson, « Rome I et le contrat international d'assurance. Encore une occasion manquée? », in C. Van Schoubroeck, W. Devroe, K. Geens en J. Stuyck (eds.), Liber Amicorum Herman Cousy. Over grenzen, Antwerpen, Intersentia, 2011, p. 98.
[25] Les réserves organisées par le Règlement Rome I sont les suivantes: (i) lorsque tous les autres éléments de la situation (hormis la clause de choix) sont localisés dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne peut pas porter atteinte à l'application des dispositions impératives de ce pays (art. 3, 3.), (ii) les dispositions du règlement ne peuvent pas porter atteinte aux lois de police du for (art. 9, 2.) et un Etat membre peut disposer que le contrat d'assurance est régi par la loi de l'Etat membre qui impose l'obligation de souscrire une assurance (art. 7, 4., b)). A noter qu'à défaut de choix par les parties de la loi applicable, le contrat d'assurance est régi par la loi du pays où l'assureur a sa résidence habituelle. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays, la loi de cet autre pays s'applique (art. 7, 2., al. 2).