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CJUE, 12 novembre 2020, C-427/19 – La notion de « décision d’ouverture d’une procédure de liquidation » d’une entreprise d’assurance en droit de l’Union européenne

En l’absence d’harmonisation des législations nationales concernant les mesures d’assainissement et les procédures de liquidation des entreprises d’assurance, l’article 273 de la directive « Solvabilité II » du 25 novembre 2009 prévoit que seules les autorités de l’État membre d’origine de l’entreprise d’assurance peuvent prendre une décision concernant l’ouverture d’une procédure de liquidation à l’égard de cette entreprise, y compris pour ses succursales établies dans d’autres États membres. Conformément au principe de reconnaissance mutuelle, cette décision doit être reconnue, sans aucune autre formalité, dans toute l’Union et y produit ses effets dès qu’elle en produit dans l’État membre d’origine. L’article 274 de cette directive ajoute qu’une telle décision, la procédure de liquidation qui s’ensuit ainsi que leurs effets sont régis par le droit applicable dans cet État membre.

Une affaire opposant une compagnie d’assurance automobile bulgare, subrogée dans les droits de l’un de ses assurés dont le véhicule avait été endommagé lors d’un accident de la circulation, à la compagnie d’assurance chypriote couvrant la responsabilité civile de l’auteur de cet accident, a conduit la Cour à interpréter pour la première fois ces dispositions dans l’arrêt du 12 novembre 2020, Bulstrad Vienna Insurance Group (affaire C-427/19).

Informée, en cours de procédure, du fait que les autorités administratives chypriotes avaient décidé de retirer l’agrément à cette seconde compagnie et de désigner un liquidateur provisoire, la juridiction bulgare saisie du recours subrogatoire a voulu savoir si une telle décision s’apparente à une décision d’ouverture de la procédure de liquidation, impliquant que la compagnie d’assurance bulgare doive se plier aux modalités prévues par le droit chypriote et déclarer sa créance auprès du liquidateur provisoire chypriote.

La Cour a jugé qu’une décision ne peut être qualifiée de « décision d’ouverture d’une procédure de liquidation » que si la procédure en cause satisfait à deux conditions cumulatives. D’une part, celle-ci doit avoir pour objet la réalisation des actifs de l’entreprise d’assurance concernée et la répartition de leur produit entre, selon le cas, les créanciers, les actionnaires et les associés de celle-ci, et, d’autre part, elle doit impliquer nécessairement l’intervention d’autorités administratives ou judiciaires compétentes pour adopter des mesures d’assainissement ou mener une telle procédure de liquidation. Par conséquent, pour que la décision de retrait d’agrément prise par les autorités chypriotes puisse être assimilée à une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation, il faut, notamment, que ce retrait d’agrément ait pour effet d’ouvrir automatiquement la procédure de liquidation permettant une telle réalisation d’actifs ou un tel désintéressement des créanciers, sans qu’une décision formelle doive être adoptée à cette fin par une autorité distincte.

La Cour a encore précisé que, si la décision de retrait d’agrément et de désignation d’un liquidateur provisoire, prise par les autorités chypriotes, devait relever de la qualification de « décision d’ouverture d’une procédure de liquidation », les procédures juridictionnelles en cours dans d’autres États membres à l’égard de l’entreprise d’assurance concernée devraient, conformément au principe de reconnaissance mutuelle, être suspendues, si tel est ce que prévoit la législation chypriote applicable.

Jean-Marc Binon

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