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Déchéance pour sinistre intentionnel, la Cour de cassation complète sa jurisprudence

 

Par son arrêt du 3 novembre 2022, la Cour de cassation complète sa jurisprudence relative à l’article 62, alinéa 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances selon lequel, « nonobstant toute convention contraire, l’assureur ne peut être tenu de fournir sa garantie à l’égard de quiconque a causé intentionnellement le sinistre » (1).

Dans le dossier soumis à la Cour d’appel de liège, l’assuré avait lancé une pierre en direction d’un groupe dont il était séparé par une distance de l‘ordre de 20 à 22,5 mètres, et blessé une personne au visage (perte d’un œil). Le juge pénal avait dit la prévention de coups et blessures volontaires non établie et retenu la qualification de coups et blessures par défaut de prévoyance et de précaution.

L’assureur RC vie privée invoquait la faute intentionnelle pour refuser sa couverture.

L’arrêt de la Cour d’appel du 11 janvier 2011 décide que « la volonté d’attenter à l’intégrité physique d’autrui a été exclue par le jugement du tribunal correctionnel du Luxembourg et ne peut par conséquent fonder la faute intentionnelle invoquée par [l’assureur] ».  La Cour d’appel retient toutefois que « s’il ne tend pas à blesser la personne qui en est la cible, un lancer de pierre avec une force telle qu’elle la heurte à hauteur d’homme à plus de 20 mètres est incontestablement un acte d’intimidation, volonté qui doit en l’espèce être retenue dans le chef [de l’assuré] au vu des circonstances de la cause. Les conséquences dommageables de pareil acte d’intimidation étant de nature à fonder la responsabilité civile de son auteur sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, il faut constater en l’espèce la volonté [de l’assuré] de causer un dommage couvert par la garantie RC Vie Privée consentie par [l’assureur]. La circonstance que le dommage réellement causé excède le dommage voulu est sans incidence sur la faute intentionnelle ainsi commise par [l’assuré], laquelle fonde le refus d’intervention de [l’assureur] ».

L’assuré reproche à l’arrêt attaqué de retenir une intention [de l’assuré] de causer un autre dommage que celui pour lequel l’intervention de l’assureur était sollicitée, en l’occurrence « un acte d’intimidation » et de décider ainsi que l’assureur n’est pas tenu de couvrir un dommage (la perte de d’un œil par la victime) qui pourtant n’a pas été causé intentionnellement, les faits ayant été qualifiés de coups et blessures involontaires par le juge pénal.

La violation de l’article 62, alinéa 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances est retenue par la Cour de cassation qui casse l’arrêt de la Cour d’appel. L’arrêt de la Cour de cassation précise le dommage résultant de l’acte d’intimidation (frayeur des membres du groupe) et rappelle l’exigence d’un lien entre ce dommage et celui dont se prévaut la victime : « en considérant que [l’assuré] a voulu le dommage résultant de son acte d’intimidation, à savoir effrayer les membres du groupe dont faisait partie la victime, qu’il a ainsi commis une faute intentionnelle et que les conséquences de celle-ci s’étendent à un dommage qui n’est pas en lien nécessaire avec cette frayeur, soit la perte d’un œil par la victime, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision de déclarer fondé le refus d’intervention de [l’assureur] ».

Pour la Cour de cassation, la faute intentionnelle, qui suppose la volonté de causer un dommage résultant de la réalisation d’un risque couvert par le contrat d’assurance, autorise l’assureur à refuser sa garantie, non seulement pour ce dommage, mais aussi pour les dommages qui lui sont unis par un lien nécessaire ; elle ne permet en revanche pas à l’assureur de refuser sa garantie lorsque le dommage résultant de la réalisation d’un risque couvert est distinct de celui que l’assuré a eu la volonté de causer.

(1) Cass. 23 février 2017, R.D.C.-T.B.H., 2018, p. 180-181; C. VAN SCHOUBROECK, « Over opzettelijk veroorzaakte schadegevallen en verzekering, R.D.C.-T.B.H., 2005/8, p. 819 ; B. DUBUISSON, « La faute intentionnelle en droit des assurances – L’éclairage du droit pénal », R.G.A.R., 2010, p. 14586.

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