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Droit commercial général

Absence d’intérêt légitime (art. 17 C. Jud.) – deux arrêts récents de la Cour de cassation

Deux arrêts récents de la Cour de cassation traitent de la  condition de l’intérêt légitime pour agir en justice (art. 17 C. Jud.).

Dans les deux cas un immeuble (repectivement une véranda et un chalet) érigé en contravention avec la règlementation urbanistique avait été endommagé ou détruit. Dans les deux cas la demande d’indemnisation avait été rejetée pour absence d’intérêt légitime, mais les motifs laissent entrevoir une éventuelle divergence entre les deux arrêts.

Selon l’arrêt du 30 novembre 2020 de la troisième chambre, francophone (C.20.0008.F), « l’intérêt n’est pas légitime lorsque l’action tend au maintien d’une situation contraire à l’ordre public ou à l’obtention d’un avantage illicite. Le fait que la victime d’un trouble anormal de voisinage demande, non la réparation en nature de l’atteinte causée au bien érigé en contravention avec la réglementation urbanistique, mais une compensation pécuniaire, ne rend pas son intérêt légitime. » Cet arrêt semble considérer assez catégoriquement qu’il n’y pas d’intérêt légitime possible quand le dommage invoqué est celui à un immeuble érigé sans permis. Certes, la cour d‘appel de Bruxelles avait relevé  « que le demandeur avait précisé que les dommages et intérêts sollicités devront servir à reconstruire la véranda endommagée », mais il ne semble pas évident (même si ceci est sujet à discussion) que la Cour de cassation ait retenu cette destination annoncée des fonds comme un motif nécessaire pour conclure à l’absence d’intérêt légitime.

L’arrêt du 11 décembre 2020 de la première chambre, néerlandophone (C.20.0155.N) semble plus nuancé. Cet arrêt confirme également un arrêt ayant rejeté une demande pécunière pour absence d’intérêt légitime. En l’occurrence le chalet détruit par un incendie avait été érigé sans permis. L’absence d’intérêt légitime avait été retenu par la Cour d’appel de Gand en raison des circonstances bien particulières: l’indemnisation payée par l’assureur avait effectivement servi à reconstruire le chalet. La cour d’appel en avait déduit que le montant réclamé (par l’assureur, subrogé dans les droits) servait donc à maintenir la situation illicite, ce qui justifiait le rejet de la demande à défaut d’intérêt légitime : « Op grond van deze redenen vermocht de appelrechter wettig te oordelen dat de vordering van de verzekerde van de eiseres ten aanzien van de verweersters en in wiens rechten de eiseres is gesubrogeerd, er, weliswaar onrechtstreeks, enkel toe strekte het herstel, via de gevorderde schadevergoeding, te verkrijgen en de onwettige toestand te bestendigen, zodat er in de gegeven omstandigheden geen sprake is van de krenking van een rechtmatig belang van de verzekerde van de eiseres, en bijgevolg de vordering van de eiseres, als gesubrogeerde in de rechten van haar verzekerde, onontvankelijk is.”

La Cour d’appel de Gand La Cour avait relevé dans ses motifs que si la demande n’avait eu que pour objet l’atteinte au patrimoine du demandeur (sans reconstruction donc) l’intérêt aurait été légitime, ce que la première chambre de la Cour de cassation approuve, tandis que l’arrêt de la troisième chambre du 20 novembre 2020 semble à première vue rejeter plus catégoriquement l’intérêt légitime, quelle que soit la destination (prévue) des montants dont le paiement est demandé.

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