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Droit de la concurrence et secteurs régulés

La Cour de justice précise les règles de compétence applicables en cas d’abus de position dominante

Dans un arrêt du 24 novembre 2020, Wikingerhof (C-59/19), la Cour considère que, bien que des pratiques abusives aient été mises en œuvre dans le cadre d’une relation contractuelle, la règle de compétence spéciale en matière délictuelle ou quasi-délictuelle prévue par le Règlement Bruxelles I bis (Règlement n° 1215/2012) reste applicable, permettant ainsi d’introduire une action en réparation pour le dommage causé par de telles pratiques devant les juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit.

L’affaire concernait l’hôtel allemand Wikingerhof qui avait conclu en 2009 un contrat avec Booking.com BV, une société de droit néerlandais ayant son siège aux Pays-Bas. En 2015, Wikingerhof a contesté l’inclusion dans le contrat en cause d’une nouvelle version des conditions générales, considérant que Booking.com abusait de sa position dominante, et a par la suite introduit une action devant les juridictions allemandes afin de faire cesser les pratiques déloyales et contraires au droit de la concurrence imposées par Booking.com. Dans ce cadre, la question de la compétence des juridictions allemandes s’est posée.

En vertu du Règlement Bruxelles I bis, une action peut être introduite devant les juridictions du lieu où le défendeur a son siège. Par ailleurs, des règles de compétence spéciales prévoient qu’une action peut également être introduite, notamment, devant les juridictions du lieu d’exécution de l’obligation contractuelle (Article 7, point 1, sous a)) ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable en matière délictuelle ou quasi délictuelle (article 7, point 2).

Dans son arrêt, la Cour explique qu’une action relève de la matière contractuelle si l’interprétation du contrat qui lie le défendeur au demandeur apparaît indispensable pour établir le caractère licite ou, au contraire, illicite du comportement reproché. En revanche, lorsque le demandeur invoque les règles de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle, à savoir la violation d’une obligation imposée par la loi, et qu’il n’apparait pas indispensable d’examiner le contenu du contrat conclu avec le défendeur pour apprécier le caractère licite ou illicite du comportement reproché, la cause de l’action relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle.

Dans la présente affaire, la Cour souligne que l’action introduite par Wikingerhof est basée sur l’interdiction générale de commettre un abus de position dominante et estime que, pour déterminer le caractère licite ou illicite des pratiques reprochées au regard du droit de la concurrence allemand, il n’est pas indispensable d’interpréter le contrat liant les parties au principal. Par conséquent, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, l’action de Wikingerhof relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l’article 7, point 2, du Règlement Bruxelles I bis.

Cet arrêt conduira probablement à améliorer l’accès à la justice pour les victimes de pratiques abusives. Elles pourront en effet introduire une action contre de telles pratiques devant les juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit, lequel inclut le lieu de la matérialisation du dommage ainsi que le lieu de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage.

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