Actualités

Droit de la concurrence et secteurs régulés

Arrêt Hoffmann-La Roche de la Cour de Justice

La diffusion d’informations trompeuses aux fins de différencier artificiellement des médicaments constitue une restriction de concurrence par objet.

L’autorité nationale de concurrence italienne a imposé deux amendes dépassant les 90 millions d’euros à Roche et à Novartis au motif qu’elles avaient conclu une entente contraire à l’article 101 TFUE visant la différenciation artificielle des médicaments Avastin et Lucentis.

L’Avastin, commercialisé par Roche, a reçu une autorisation de mise sur le marché (« AMM ») pour le traitement de certaines pathologies tumorales. Le Lucentis, commercialisé par Novartis, s’est vu accorder une telle autorisation pour le traitement de pathologies oculaires. Toutefois, certains médecins ont prescrit l’Avastin pour le traitement de pathologies oculaires en raison de son prix inférieur. Selon la décision de l’autorité nationale italienne, Roche et Novartis ont diffusé des avis basés sur une lecture « alarmiste » des données disponibles afin de susciter des inquiétudes quant à la sécurité d’une telle utilisation ophtalmique. De telles informations auraient également été communiquées à l’Agence européenne des médicaments.

Saisie de plusieurs questions préjudicielles, la Cour de Justice a précisé que le marché pertinent peut rassembler, outre les médicaments autorisés pour le traitement de certaines pathologies, un médicament dont l’AMM ne couvre pas ces traitements, mais qui est utilisé à cette fin. Afin de déterminer l’existence d’un rapport de substituabilité, l’autorité de concurrence doit tenir compte de l’(éventuelle) analyse de conformité du médicament aux dispositions régissant sa fabrication ou sa commercialisation par les autorités ou juridictions compétentes et évaluer les effets de cette analyse sur la structure de la demande et de l’offre. Une telle analyse n’incombe toutefois pas à l’autorité de concurrence.

La Cour de Justice a en outre jugé que les pratiques en cause constituaient une restriction de concurrence par objet. La Cour rappelle qu’il y a, aux fins d’une telle qualification, lieu de tenir compte des dispositions de l’entente, des objectifs visés, et de son contexte économique et juridique. Le contexte comprend la nature des biens ou services affectés, les conditions réelles du fonctionnement du marché en cause et sa structure. En l’espèce, la Cour souligne que la diffusion d’informations dans le cadre de la pharmacovigilence incombe au seul titulaire de l’AMM. Le fait que ce dernier se soit concerté avec un concurrent dans ce cadre est dès lors susceptible de constituer un indice que la communication poursuivait des objectifs étrangers à la pharmacovigilence. En outre, la Cour a considéré que les informations diffusées doivent être qualifiées de trompeuses si elles ne répondent pas aux critères d’exhaustivité et d’exactitude prévus dans le Règlement n°658/2007 concernant les sanctions financières applicables en cas d’infraction à certaines obligations fixées dans le cadre des AMM. Selon la Cour, compte tenu des caractéristiques du l’Avastin, il est prévisible que la diffusion de telles informations incite des médecins à renoncer à prescrire ce médicament, entrainant ainsi la diminution escomptée de la demande pour ce type d’utilisation.

Voyez également la décision de l’autorité de la concurrence française du 20 décembre 2017 sanctionnant Janssen-Cilag pour avoir empêché/limité le développement d’un générique.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *