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Droit international privé

Le Royaume-Uni conservera-t-il un accès à l’espace judiciaire européen après le Brexit ?

Dans la mesure où des pans entiers du droit international privé sont désormais harmonisés au niveau européen, le Brexit entrainera des changements profonds pour cette matière dans les rapports entre le Royaume-Uni et le reste des Etats membres, dont la Belgique.

Alors que l’Union européenne et le Royaume-Uni discutent toujours de la première phase de leurs négociations de divorce, il apparaît opportun de faire le point sur la position actuelle des deux parties quant au futur de leurs relations en matière de coopération judiciaire internationale.

Le 28 juin 2017, la Commission européenne a publié un premier « position paper » décrivant les principes essentiels qu’elle entend voir appliquer au domaine de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale. Elle se limite à indiquer que l’accord de retrait à conclure avec le Royaume-Uni devra assurer que les dispositions de droit européen applicables à la date effective du Brexit (en particulier le Règlement Bruxelles Ibis) continueront à s’appliquer aux clauses d’élection de for et de droit applicable conclues, aux procédures débutées et aux jugements rendus avant cette date. La Commission est par contre restée muette sur un éventuel accord spécifique concernant les relations futures de l’Union et du Royaume-Uni en la matière.

Deux mois plus tard, le Royaume-Uni a, à son tour, publié un document de travail (« Providing a cross-border civil judicial cooperation framework. A future parnership paper ») bien plus détaillé et précis, dans lequel il appelle de ses vœux le maintien d’une « coopération judiciaire en matière civile et commerciale étroite, qui reflèterait de manière proche les principes du cadre juridique européen existant ». Un tel accord avait ainsi été conclu en 2005 entre l’UE et le Danemark, afin d’étendre les dispositions du règlement Bruxelles I à cet Etat. Cependant, le Danemark était alors un Etat membre de l’UE (qui avait fait « opt-out » du droit international privé européen). Il semble douteux que l’UE accepte un tel accord avec un Etat tiers. D’un point de vue politique d’abord, la Commission a rappelé que le Royaume-Uni devrait subir les conséquences de son choix de quitter l’Union (« Brexit means Brexit »), et ne pourrait espérer conserver un accès au marché intérieur européen dans les mêmes conditions après l’avoir quitté. Une position similaire est probable concernant la possibilité pour le Royaume-Uni de rester partie à l’espace judiciaire européen. Il en est d’autant plus ainsi eu égard au refus répété du Royaume-Uni de se soumettre à la juridiction de la Cour de justice en la matière (ce qu’avait accepté le Danemark).

En l’absence d’accord spécifique entre les deux parties, le Royaume-Uni devra être considéré comme un Etat tiers au regard des différents instruments de droit international privé européens. Les questions de droit international privé le concernant relèveront donc en grande partie du droit national de chaque Etat membre. Certains instruments internationaux seront toutefois potentiellement applicables, en particulier la Convention de La Haye de 2005 sur les accords d’élection de for, bien qu’elle ait un champ d’application matériel et temporel limité. Il est envisageable que la Conférence de La Haye de droit international privé aboutisse à l’adoption d’une nouvelle convention bien plus ambitieuse sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers, en particulier si ce projet se voyait soutenu par un Royaume-Uni et une Union européenne désireux d’organiser leur coopération judicaire future sur la base de ce nouvel instrument. La Commission spéciale chargée de la rédaction de cette convention a ainsi abouti à un premier projet le mois passé.

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