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Droit de la concurrence et secteurs régulés

Systèmes de réparation sélective : l’arrêt CEAHR du Tribunal de l’UE

Le Tribunal a rejeté le recours en annulation de la décision de la Commission rejetant la plainte de la Confédération européenne des associations d’horlogers-réparateurs (CEAHR) relative aux systèmes de réparation sélective instaurés par plusieurs fabricants de montres suisses. En vertu de ces systèmes, seuls les réparateurs agrées ont accès aux pièces de rechange, ainsi qu’aux outils et aux informations spécifiques à la marque.

La CEAHR dénonçait que le refus des fabricants de montres suisses de fournir des pièces de rechange aux réparateurs indépendants était constitutif d’un abus de position dominante et faisait l’objet d’un accord ou d’une pratique concertée entre les fabricants.

La plainte de la CEAHR avait été rejetée par la Commission en juillet 2008, du fait de l’absence d’un intérêt de l’Union suffisant. Cette décision avait toutefois été annulée par le Tribunal, à la suite de quoi la Commission avait ouvert une procédure contre les fabricants de montres suisses. En juillet 2014, la Commission a adopté une nouvelle décision rejetant la plainte de la CEAHR, en raison du caractère disproportionné des ressources qu’une enquête plus détaillée nécessiterait au regard de la faible probabilité d’établir l’existence d’une infraction aux articles 101 et 102 TFUE. C’est cette dernière décision qui fait l’objet du recours de la CEAHR.

Le Tribunal a confirmé que les conditions permettant de déterminer la conformité d’un système de distribution sélective à l’article 101 TFUE peuvent également être utilisées pour évaluer si un système de réparation sélective (qui relève du service d’après-vente) produit des effets préjudiciables à la concurrence. Les critères « Metro » relatifs aux systèmes de distribution sélective peuvent donc être appliqués par analogie. Pour rappel, en vertu de ces critères, l’organisation d’un réseau de distribution sélective ne relève pas de l’interdiction de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, pour autant que (i) le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, (ii) que les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un tel réseau et, enfin, (iii) que les critères définis n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire. En ce qui concerne la deuxième condition, le Tribunal rappelle que l’objectif de préserver l’image de prestige ne saurait constituer un objectif légitime pour restreindre la concurrence et ne peut dès lors pas justifier qu’une clause contractuelle poursuivant un tel objectif ne relève pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêt Pierre Fabre). Toutefois, selon le Tribunal, l’objectif de la préservation de la qualité et du bon usage des montres peut suffire afin de justifier la mise en place des systèmes de réparation sélective.

Le Tribunal a en outre jugé que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il était peu probable que le refus de fournir les pièces de rechange puisse être constitutif d’un abus de position dominante. Le Tribunal a notamment rappelé que pour être constitutif d’un abus au sens de l’article 102 TFUE, le refus de fournir des produits ou services doit (i) être de nature à éliminer toute concurrence sur le marché de la part du demandeur de ces produits ou services, (ii) ne pas pouvoir être objectivement justifié et (iii) les produits et services doivent eux mêmes être indispensables à l’exercice de l’activité du demandeur (arrêt Bronner). En ce qui concerne la première condition, le Tribunal a notamment jugé que la nécessité de préserver une concurrence non-faussée n’implique pas la nécessité de protéger l’existence des réparateurs indépendants en tant que tels.

Selon le Tribunal, c’est également à bon droit que la Commission a estimé qu’il était peu probable que les refus de fournir les pièces de rechange soient le résultat d’une entente ou d’une pratique concertée, et qu’il s’agissait plutôt du résultat d’une suite de décisions commerciales indépendantes adaptées au cours d’une longue période.

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